Le traitement des recueils factices en bibliothèque

DOI : 10.35562/pfl.303

Résumés

Après avoir tenté une définition bibliothéconomique des recueils factices, l’article s’attache à expliciter les difficultés du catalogage de ces recueils. En effet, les changements successifs des normes au fil du temps, les contraintes liées au catalogage partagé, les négligences parfois et surtout le manque d’information sur l’histoire de la constitution de ces documents rendent les descriptions bibliographiques peu satisfaisantes voire incomplètes. En effet, il est presque impossible de décrire ces livres hétérogènes d’une façon qui réponde à la fois aux exigences des chercheurs, par définition évolutives et diverses, mais aussi aux exigences de gestion par les bibliothèques.

This paper tries to give a definition of miscellanies and to explicit the rules for cataloguing this sort of books in order to help users (professors, students) to search and find them more easily. In fact, miscellanies are particularly hard to describe: the cataloguing rules are changing, each miscellany can be different, we generally don’t know a lot about the history of the book: the bibliographic records are hard to make to satisfy the readers and to help the libraries to deal with such books.

Plan

Texte

« Recueil factice », formule surprenante pour qui ne travaille pas en bibliothèque, voire en bibliothèque patrimoniale… Tout catalogueur y a été un jour confronté, tout responsable de fonds patrimoniaux a dû démêler quelque problème les concernant et bien des lecteurs travaillant sur une œuvre ancienne se sont vus apporter un recueil en contenant plusieurs.

Les recueils dits « factices » sont en effet nombreux dans les collections1. Il s’en trouve de toutes les époques, de tous les formats, sur toutes les thématiques, sur tous les supports (papier, parchemin…) ; ils peuvent contenir des textes, des tracts, des estampes ou des dessins, être reliés ou brochés, voire mis en boîtes, et rassembler un nombre de pièces très divers de deux à… quatre-vingt-trois pièces par exemple pour le recueil factice le plus important de l’UCLy.

S’ils sont nombreux, ils sont pourtant bien difficilement dénombrables : peu de bibliothèques pourraient afficher clairement le nombre de ceux qu’elles conservent ou estimer leur pourcentage dans les collections, ceci pour différentes raisons que nous allons essayer d’exposer ici.

Au-delà des questions intellectuelles liées à l’objet – qui a fait le recueil factice ? à quel moment ? dans quel but ? – se posent pour le bibliothécaire des questions concrètes et plus terre à terre sur le signalement et la cotation de ces livres un peu particuliers : comment cataloguer, classer et coter ces ouvrages pour que chercheurs et lecteurs trouvent aisément ce qu’ils recherchent ? Comment rendre visible la présence d’une œuvre dans ce type de recueils ? Comment rendre compte de la matérialité des recueils factices ?

Des recueils presque indécelables

Matériellement, le recueil factice ne se distingue pas des ouvrages qui l’entourent. La plupart du temps, il ne peut se repérer au premier regard : rien ne permet en effet de savoir, lorsqu’un livre est posé sur un rayonnage, qu’à l’intérieur de la reliure, se trouve en fait non pas une œuvre, mais deux, trois œuvres, voire plus. Le fait qu’il n’y ait pas de titre sur la reliure, ou que ne figure qu’un titre très général (Œuvres, Traités, Théâtre, Cours, Oraisons…) n’est pas en lui-même un indice puisque beaucoup de reliures anciennes n’ont pas de pièce de titre au dos ou arborent un seul titre sur celui-ci.

Fig. 1a, 1b, 1c. Quelques recueils factices du XVIe au XIXe siècles de la BDL et de la BU de l’UCLy.

Fig. 1a, 1b, 1c. Quelques recueils factices du XVIe au XIXe siècles de la BDL et de la BU de l’UCLy.

À première vue, rien ne permet de les distinguer de monographies…

Source/Crédit : BDL (photos C. Giordanengo) et BU de l’UCLy (photo en bas à droite, I. Vouilloux)

Peuvent faire exception les recueils factices de brochures de différents formats reliées ensemble : les tranches de ces ouvrages sont alors très inégales, ce qui peut se constater de visu. À la BDL, un recueil factice de discours de distribution des prix présente alternativement des tranches rouges et blanches correspondant à chacun des fascicules, mais ce type de disposition reste exceptionnel. Un autre recueil factice d’écrits grammaticaux se signale par une mention sur la tranche Enchiridion christianæ militis Erasmi et alia nonulla (Manuel du chevalier chrétien d’Érasme et autres œuvres), mais cela reste rare.

Fig. 2a.

Fig. 2a.

Des tranches très inégales peuvent servir d’indice pour repérer un recueil factice.

Source/Crédit : BDL. Photo C. Giordanengo

Fig. 2b.

Fig. 2b.

Recueil factice composé de neuf pièces dont les tranches sont alternativement rouges et blanches.

Source/Crédit : BDL. Photo C. Giordanengo

Fig. 2c.

Fig. 2c.

Recueil dont le titre figure sur la tranche, vestige d’un système de rangement révolu.

Source/Crédit : BDL. Photo C. Giordanengo

Dans certaines bibliothèques, à des types de reliures correspondent des types de corpus de recueils factices : c’est le cas, par exemple, des recueils d’œuvres d’enseignants du xixe siècle classés par auteur conservés à l’UCLy. Parfois, on sait que tel don, rangé à part, est une collection de recueils factices mais c’est la connaissance du fonds qui permet de les identifier et non la forme matérielle des ouvrages conservés.

Fig. 3. Recueils factices d’œuvres d’enseignants du XIXe siècle.

Fig. 3. Recueils factices d’œuvres d’enseignants du XIXe siècle.

Source/Crédit : BU de l’UCLy. Photo I. Vouilloux

Qu’est-ce qu’un recueil factice ? À la recherche d’une définition…

La formule de « recueil factice » appartient au jargon bibliothéconomique et non au langage courant. Ce n’est d’ailleurs peut-être pas le terme le mieux choisi puisque loin d’être « factice », le recueil que l’on tient en main est bien réel. Nos voisins espagnols, catalans ou italiens emploient un terme similaire (volumen facticio, volum factici, volume fattizio ou raccolta fattizia2). Les Allemands emploient en revanche le terme Sammelband, qui évite le recours à cet adjectif3, et les Britanniques celui de miscellany.

L’adjectif « factice » vise à distinguer le « recueil factice » du « recueil d’éditeur », constitué d’œuvres rassemblées par l’éditeur et vendu ensuite comme tel. C’est donc un terme qui s’applique au monde de l’imprimé : l’opposition recueil factice/recueil d’éditeur n’a pas lieu d’être dans le monde du manuscrit4.

Le Trésor de la langue française, à l’article « factice », sens « A1 BIBLIOGR- recueil factice », le définit comme « un recueil composé de pièces diverses traitant généralement du même sujet et présentées sous la même reliure5 ».

Plus spécialisé, le Dictionnaire encyclopédique du livre en donne la définition suivante, à l’article « recueil » : « 2. Bibliothéconomie. Ensemble de documents variés mais présentant au moins un point commun (origine, sujet, etc.) que leurs caractéristiques (quantité, diversité des formats, nature des supports matériels, etc.) conduisent à constituer en une unité bibliographique unique pour la commodité du catalogage, de la cotation, de la consultation et de la conservation […] Angl : miscellany, collection6 ». D’une part le terme de « factice » n’est pas explicitement employé, d’autre part cette définition insiste davantage sur le rôle des bibliothèques dans la constitution des recueils factices que sur celui des possesseurs privés, qui sont pourtant à l’origine de nombreux recueils factices.

Les principales définitions qui sont à la disposition des bibliothécaires français sont donc des définitions opérationnelles issues des recommandations et guides de catalogage : la définition des Recommandations de catalogage des monographies anciennes7, parue en 2016, et celle du Guide méthodologique du SUDOC. Catalogage des recueils factices8, rédigée en 2010 et régulièrement mise à jour. Ce sont des définitions très ouvertes établies dans un but pratique : le catalogage. Voici ce que l’on peut y lire :

  • Catalogage des monographies anciennes. Recommandation : « Un recueil factice est la réunion d’un certain nombre de pièces ou ouvrages à l’initiative du possesseur. Ceux-ci sont parfois répertoriés dans une table des matières manuscrite voire introduits par un titre manuscrit qui ont été ajoutés par le possesseur. »
  • Guide méthodologique du SUDOC. Catalogage des recueils factices : « Un recueil factice est un assemblage de documents (sous une même reliure, liasse ou emboîtage) effectué par un possesseur ancien ou par le possesseur actuel de ces documents. Un recueil factice est un exemplaire unique : par nature, il ne peut pas exister deux recueils factices entièrement identiques. »

Nous n’avons pas trouvé, malgré nos recherches, d’étude globale théorique sur le phénomène du recueil factice en soi, alors que dans la littérature professionnelle et de recherche, le terme est régulièrement présent. Chez nos voisins étrangers, la situation semble être similaire.

Les complexités du catalogage partagé : l’exemple du SUDOC

Une des tâches fondamentales d’un bibliothécaire est de signaler les ouvrages dans un catalogue afin que le lecteur puisse les demander pour en faire usage et les étudier. Les contraintes de catalogage varient selon que l’on travaille avec un outil collectif ou pour un catalogue local.

Nous prendrons l’exemple du SUDOC (Système Universitaire de DOCumentation) créé au début des années 2000, catalogue de l’ensemble des établissements universitaires français.

La première bibliothèque qui catalogue un ouvrage crée une notice bibliographique9 ; ensuite, les bibliothèques qui ont la même œuvre et souhaitent la signaler se rattachent à cette notice, c’est-à-dire qu’elles reprennent la notice bibliographique créée par la première bibliothèque et ajoutent les données d’exemplaires propres à leur bibliothèque (une reliure particulière, un ex-libris, des notes manuscrites etc.) et ce dans une notice d’exemplaire. La réutilisation de la notice bibliographique fait gagner un temps précieux et évite que chacune des bibliothèques catalogue ex nihilo, le temps gagné favorisant l’amélioration et l’enrichissement des notices. C’est un système performant pour des livres contemporains, identiques, achetés par plusieurs bibliothèques, auquel il a fallu intégrer les spécificités du catalogage des livres anciens puisque de nombreuses bibliothèques universitaires, et non des moindres, conservent des fonds anciens10.

Le choix du collectif

Les recueils factices étant par nature uniques, le SUDOC recommande de ne pas créer de notice globale décrivant un recueil factice (car aucune autre bibliothèque française ne pourrait se rattacher à cette notice) mais de rédiger autant de notices bibliographiques qu’il y a d’œuvres dans le recueil factice. Ainsi c’est la notion d’œuvre, la description d’une œuvre qui priment.

Ce sera donc seulement dans les données d’exemplaires qu’apparaîtra la description matérielle permettant de repérer que, dans telle bibliothèque, telle œuvre fait partie d’un recueil factice.

Fig. 4a. Notice bibliographique de l’œuvre.

Fig. 4a. Notice bibliographique de l’œuvre.

Fig. 4b. Idem.

Fig. 4b. Idem.

L’appartenance de la pièce à un recueil factice est stipulée dans les données de l’exemplaire, dans une zone de notes qui accueille également d’autres renseignements : reliure, présence d’un ex-libris, etc.

Source : http://www.sudoc.fr/24371243X

Cette procédure favorise la réutilisation collective des notices bibliographiques, autrement dit le catalogage partagé ; elle ne favorise pas en revanche un affichage du recueil factice mettant en évidence chacune des pièces qui le compose, ce qui peut être bien gênant lorsque ce sont les recueils factices eux-mêmes qui font l’objet d’une recherche.

Une exception tolérée

Une exception est cependant admise par le SUDOC, libellée dans des termes assez larges :

Il est admis qu’un recueil factice peut faire l’objet d’une notice bibliographique s’il présente, par exemple, un intérêt archivistique ou muséographique, ou lorsqu’il résulte d’un travail intellectuel de compilation.

Selon la façon dont on l’interprète, cette remarque pourrait s’appliquer à bon nombre de recueils factices, qui n’ont jamais été confectionnés au hasard, notamment par des possesseurs privés.

Dans ces cas-là, est créée une notice bibliographique propre au recueil factice avec des liens pointant vers chacune des notices décrivant chaque pièce du recueil.

Fig. 5. Notice globale d’un recueil factice de controverse religieuse.

Fig. 5. Notice globale d’un recueil factice de controverse religieuse.

Source : http://www.sudoc.fr/244323801

Une notice décrivant un recueil factice offre au chercheur une bonne vision globale du contenu du recueil factice, de l’ensemble de ses pièces et du volume matériel qui existe bel et bien dans la bibliothèque ; en revanche, l’abondance d’éléments dans la notice – présence de nombreux titres censés être transcrits intégralement – rend celle-ci un peu difficile à lire.

D’un point de vue catalographique et collectif, la notice de recueil factice est orpheline et unique puisqu’aucune autre bibliothèque ne peut la réutiliser ; elle est souvent également assez pauvre en renseignements bibliographiques globaux puisque la plupart du temps, on ne sait pas qui a fait le recueil factice, ni dans quelles circonstances il a été réalisé.

Une navigation malaisée

Malgré l’existence d’une notice de recueil factice, la navigation n’est pas aisée entre les œuvres qui composent le recueil. Quand il examine la notice d’une des œuvres, le lecteur n’est pas renvoyé automatiquement vers la notice bibliographique de ce même recueil factice et il ne peut naviguer aisément vers les autres œuvres contenues dans le recueil factice. Il faut donc que le catalogueur trouve des astuces pour signaler l’existence de la notice globale ; il peut noter dans les données d’exemplaires de chaque œuvre le titre de la notice globale à laquelle est rattachée la pièce : par exemple, « première pièce d’un recueil factice ayant pour titre Recueil factice-Controverse religieuse. 15 pièces 1620-1625 ». Il doit alors créer un titre forgé suffisamment explicite et précis pour que le lecteur puisse retrouver facilement le recueil factice en question.

Fig. 6a. La notice bibliographique de l’œuvre Ruses et finesses des huguenots.

Fig. 6a. La notice bibliographique de l’œuvre Ruses et finesses des huguenots.

Source : http://www.sudocfr/238280705

Fig. 6b. Idem.

Fig. 6b. Idem.

Dans la note sur l’exemplaire, on voit que l’œuvre est contenue dans un recueil factice qui a fait l’objet d’une notice globale ; le lecteur pourra retrouver celle-ci grâce au titre forgé, qu’il doit alors copier-coller dans la barre de recherche du SUDOC.

Fig. 6c. Idem.

Fig. 6c. Idem.

Le lecteur aura alors accès à la notice qui décrit le recueil factice dans son ensemble et disposera de la liste de toutes les pièces formant le recueil. De plus, la notice comprend des liens qui permettent la navigation de la notice du recueil vers chaque notice d’œuvre.

Source : http://www.sudoc.fr/241321409

Des notices de toutes époques

Le SUDOC, comme tout catalogue, a été constitué sur de très nombreuses années et reprend des notices créées bien antérieurement à sa création en 2001, par exemple des notices rétroconverties à partir des anciens fichiers papier des bibliothèques. Les procédures nouvelles, dont celles qui touchent au catalogage des recueils factices, ne peuvent être appliquées rétrospectivement faute de temps11. Ainsi des recueils factices catalogués anciennement peuvent être décrits dans le SUDOC dans des notices qui ne répondent plus aux normes actuelles de signalement : ils sont alors bien difficiles à repérer.

Quelques lacunes ou imprécisions fréquentes

Il serait vain d’attendre la perfection d’un catalogue de cette ampleur enrichi depuis des décennies12 ; les remarques que nous faisons visent seulement à expliciter les difficultés que les lecteurs peuvent être amenés à rencontrer dans leurs recherches sur les recueils factices. Aux choix catalographiques dictés par le catalogage partagé13 – qui ne sont pas toujours connus du lecteur – s’ajoute l’ensemble des erreurs, imprécisions ou lacunes susceptibles d’affecter le catalogage des recueils factices et de fausser la pertinence de leur signalement :

  • Le cas le plus fréquent est l’oubli d’une partie des pièces : le recueil factice, nous l’avons dit, ne se voit pas ; le catalogueur distrait – ou pressé ! – a ouvert le livre, a trouvé la première page de titre, n’a pas feuilleté l’ensemble de l’œuvre et n’a pas vu qu’il s’agissait d’un recueil factice ; seule la première œuvre du recueil factice est alors cataloguée. Parfois, c’est une pièce de quelques pages au milieu du recueil qui n’a pas été vue. Tant que le livre n’est pas rouvert et feuilleté intégralement, il est impossible de déceler et corriger une telle erreur. Ces omissions sont assez fréquentes dans les anciennes notices issues des rétroconversions.
  • Dans certains cas, le catalogage d’une seule pièce d’un recueil correspond sans doute à un choix délibéré : n’a été cataloguée que la pièce jugée intéressante ou correspondant aux thématiques de l’établissement qui le détient.
  • Le fait que l’ouvrage soit un recueil factice a parfois été noté lors du catalogage dans la notice bibliographique – par exemple lorsque l’établissement n’était pas encore dans un contexte de catalogage partagé –, ce qui est aujourd’hui considéré comme une anomalie. Les bibliothèques suivantes se rattachent parfois à cette notice lorsqu’elles ont l’œuvre (mais pas dans un recueil factice). Ou au contraire, elles n’osent pas se rattacher à la notice bibliographique en raison de l’erreur première et elles créent une nouvelle notice bibliographique : ce scrupule justifié contribue à la multiplication des notices doublons, compromettant parfois la clarté du catalogue.

Fig. 7a. Notice de Histoire d’un grand capitaine par un ancien ingénieur qui fut son jeune camarade.

Fig. 7a. Notice de Histoire d’un grand capitaine par un ancien ingénieur qui fut son jeune camarade.

Deux mentions de recueil factice « relié avec d’autres fascicules » et « titre uniforme : [recueil factice 1885] », sont insérées dans la notice bibliographique.

Source : http://www.sudoc.fr/008138338

Fig. 7b. Idem.

Fig. 7b. Idem.

Nos deux bibliothèques se sont localisées sous cette notice mais en réalité, les deux recueils factices dont il est question ne sont pas les mêmes… Impossible dans les deux cas de savoir quelles sont les autres pièces de ces recueils factices.

Fig. 7c. Idem.

Fig. 7c. Idem.

Fig. 7d. Idem.

Fig. 7d. Idem.

La bibliothèque de Grenoble, conservant l’œuvre mais pas dans un recueil factice et ne souhaitant pas se rattacher à une notice erronée, a créé sa propre notice. Dans un cas comme celui-ci, la démarche la plus juste aurait consisté à n’avoir qu’une seule notice bibliographique, avec trois bibliothèques rattachées, dont deux auraient signalé dans les données d’exemplaires qu’elles possédaient l’œuvre dans un recueil factice.

Source : http://www.sudoc.fr/119449560

  • Chaque bibliothèque doit respecter les recommandations du SUDOC mais peut être plus ou moins précise dans ses exigences de descriptions : par exemple, a-t-on donné comme consigne aux catalogueurs de marquer « appartient à un recueil factice » ou « énième pièce d’un recueil factice qui en comprend X » ou encore « énième pièce d’un recueil factice d’oraisons funèbres qui en comprend X » ? Ces choix d’établissements fournissent au lecteur des renseignements plus ou moins exploitables ; s’ils signalent l’existence d’un recueil factice, ils ne permettent pourtant pas toujours de le reconstituer. Lorsqu’il n’existe pas de notice globale du recueil factice, la mention « relié avec » ou « contient » peut aider le lecteur à visualiser le contenu du recueil. Une cote est parfois mentionnée, mais si le catalogue public ne permet pas de recherche par la cote, le lecteur ne peut retrouver l’intégralité des œuvres contenues dans le recueil factice : il lui faudra alors s’adresser au bibliothécaire pour retrouver le recueil.

Fig. 8. Idem.

Fig. 8. Idem.

La mention de cote ne peut être directement utile au lecteur car dans le catalogue public la recherche par cote n’est pas possible.

Source : http://www.sudoc.fr/008138338

  • Lorsque le catalogueur a vu et signalé le recueil factice mais uniquement par les mentions « relié avec » ou « contient », comme cela se faisait fréquemment autrefois, sans employer explicitement le terme « recueil factice », l’ouvrage ne sera apparent dans aucune des recherches effectuées avec le terme « recueil factice ».

Fig. 9.

Fig. 9.

Seule la mention « relié avec d’autres ouvrages » signale qu’il s’agit d’une pièce appartenant à un recueil factice (dont on ne peut connaître les autres œuvres). Le terme « recueil factice » n’apparaît nulle part, ni dans la notice bibliographique, ni dans les données d’exemplaires.

Source : http://www.sudoc.fr/130678694

Trouver les recueils factices dans le SUDOC

Dans le SUDOC, le chercheur peut donc repérer des recueils factices par la recherche « Mots du titre » : c’est le cas notamment de tous les recueils factices auxquels a été attribué un titre forgé comprenant le terme « recueil factice ».

Fig. 10.

Fig. 10.

Des résultats de recherche dans le SUDOC avec les termes « Recueil factice controverse religieuse ».

Il peut également en repérer par la recherche « Note de livre ancien » ou par l’entrée « Provenance, reliure, conservation » qui affiche les données d’exemplaires.

Le chercheur n’a pas toutefois la possibilité de faire apparaître, lors de ses recherches dans le catalogue, toutes les notices de recueils factices et uniquement elles. Il doit savoir également qu’une partie des recueils factices lui échappe faute d’un catalogage complet ou conforme aux consignes actuelles.

Chaque fois que le catalogueur n’a pas jugé nécessaire de créer une notice propre au recueil factice, le lecteur perd également les éventuels renseignements de bibliographie matérielle propre au recueil factice lui-même ; c’est bien souvent la présence de reliures remarquables, d’ex-libris, de notes manuscrites abondantes qui entraîne la création d’une notice bibliographique propre ; les recueils factices plus banals d’un point de vue matériel (reliure jugée ordinaire etc.) ne sont pas toujours décrits en tant que tels et sont donc peu visibles au SUDOC alors qu’ils peuvent avoir un intérêt intellectuel notable.

La notice qui décrit une œuvre d’un recueil factice ne comporte que les particularités d’exemplaires propres à cette œuvre et non celles du recueil global : or ces particularités d’exemplaires prennent parfois sens dans le cadre d’un recueil factice.

Comment coter pour être sûr de retrouver l’œuvre ?

D’un point de vue plus matériel, se pose pour les bibliothécaires le problème de la cotation des recueils factices, problème qui n’est pas toujours résolu de la même façon selon les institutions et les époques. L’important, en effet, est de retrouver facilement ces ouvrages en magasin afin de pouvoir les communiquer au lecteur14. Mais les choix de cotation, s’ils permettent de repérer l’ouvrage, ne permettent pas forcément de signaler d’emblée qu’il s’agit d’un recueil factice.

La bataille des tirets et des slashs ?

À la BDL, par exemple, la cote numérique est propre à l’ouvrage physique et ensuite il y a autant de numéros que d’œuvres dans l’ouvrage : par exemple 1R 42453-3 désigne la 3e pièce d’un recueil factice ; le collègue qui cherche l’ouvrage doit chercher la cote racine 1R 42453. Ce système étant utilisé également pour les ouvrages en plusieurs volumes, la cote à elle seule ne permet pas de distinguer un ouvrage en plusieurs volumes d’un recueil factice.

Une astuce aurait pu consister à utiliser des tirets et des barres obliques (/) pour distinguer les volumes multiples des factices (1R 42453-1 aurait désigné le premier volume d’un livre en plusieurs volumes et 2RA 5874/1 la première pièce d’un recueil factice) mais les systèmes informatisés des bibliothèques gèrent souvent mal les barres obliques dès lors qu’il s’agit de faire des extractions et des tris (opérations fréquentes en bibliothèque) : il nous est donc demandé de ne pas les utiliser. On pourrait opter pour un système avec des lettres (1R 42453-1 se distinguant de 2RA 5874-A), ou chercher encore une autre astuce, mais jusqu’à présent, la demande spécifique de pouvoir isoler les recueils factices en tant que tels – y compris par la cote – n’avait pas été perçue15.

De la même façon à l’UCLy, la tendance est à la suppression des séparateurs (barres obliques, tirets) qui marquent chaque pièce dans un recueil (450/3 pour la 3e pièce du document 450) sur demande des informaticiens. Or, la présence de ces séparateurs peut parfois être un indice précieux pour les chercheurs car elle leur permet de déceler l’éventuelle appartenance d’une pièce à un recueil factice en cas de notice défectueuse. Il y a tiraillement entre les exigences des informaticiens et les exigences du chercheur, dont ce dernier ne sort pas toujours vainqueur !

D’autres manières de coter ont existé antérieurement, pas toujours convaincantes : à la BDL, chaque œuvre du recueil factice avait une cote propre, non reportée au dos du livre car les étiquettes étaient trop petites16. Par exemple la cote 24357 désigne la 8e pièce d’un recueil factice, comprise dans le volume physique coté 24350 : 24350 correspond à la première pièce (seule cote reportée au dos de l’ouvrage), 24351 à la 2e, 24352 à la 3e etc. Ce système, toujours en vigueur pour les fonds qui n’ont pu être retouchés, est une source d’erreurs fréquentes : si l’on n’est pas familier des recueils factices et de leurs pièges, on peut penser que l’ouvrage coté 24357 est manquant… Cette façon de coter ne permet ni au bibliothécaire ni au chercheur de repérer un recueil factice.

De façon générale, les cotations de bibliothèques ne permettent pas systématiquement de distinguer les recueils factices de l’établissement des autres ouvrages, ce qui est sans doute dommage dans le cadre d’une recherche qui porte sur le phénomène du recueil factice lui-même.

Comment séparer chaque pièce ?

Il pourrait être pratique que chaque œuvre qui compose un recueil factice soit signalée physiquement dans l’ouvrage par un signet, avec la cote éventuellement indiquée au crayon sur le signet : cela permettrait de repérer rapidement les débuts et fins de chaque œuvre, tant pour le bibliothécaire – qui pourrait rapidement, grâce aux signets multiples, voir en magasin qu’il s’agit d’un recueil factice –, que pour le lecteur – qui pourrait rapidement retrouver la pièce qui l’intéresse. Mais ce système n’est pas généralisé car l’accumulation de signets gonfle l’épaisseur des volumes et exerce des tiraillements néfastes à long terme pour la reliure ; certaines bibliothèques pallient ce problème en utilisant du papier Japon pour minimiser l’épaisseur des signets. Cette pratique n’étant pas systématique, il est à espérer qu’un bon catalogage et un peu de patience de la part du lecteur compensent cette absence de signets !

Fig. 11.

Fig. 11.

Les œuvres contenues dans ce recueil factice sont matériellement signalées par des signets, insérés à chaque page de titre.

Source/Crédit : BU de l’UCLy. Photo I. Vouilloux

En dehors de cette question de la multiplication des signets, les recueils factices ne posent pas de problèmes de conservation particuliers. Au contraire, c’est bien souvent le regroupement de multiples pièces en un seul document qui a favorisé leur conservation jusqu’à nos jours. C’est le cas notamment des documents anciens composés de quelques feuillets (pamphlets, lettres, poèmes, ephemera, placards…) qui, compte tenu de leur faible épaisseur, de l’absence de reliure et de la médiocrité du papier sur lequel ils ont été imprimés, auraient sans doute disparu s’ils n’avaient été placés en recueils.

Les recueils factices, objets d’une attention accrue en tant que sujets d’étude, sont parfois encore assez peu visibles dans les catalogues de bibliothèques français, compte tenu de l’histoire du catalogage : passage d’un catalogue local vers un catalogage partagé, succession de règles différentes selon les périodes, difficultés propres à ce type de livres. Il est à espérer que des recherches plus nombreuses sur cet objet amèneront chercheurs et bibliothécaires à des dialogues fructueux autour de ces ouvrages.

Notes

1 Nous avons pris de préférence des exemples issus des bibliothèques dans lesquelles nous travaillons : la Bibliothèque de l’université catholique de Lyon (BU de l’UCLy) et la Bibliothèque Diderot de Lyon (BDL). Mais les recueils factices existent bien entendu dans toutes les bibliothèques, comme dans les services d’archives ou dans les collections privées.

2 Nous remercions Anna Gudayol y Torelló, de la Bibliothèque nationale de Catalogne, pour ces données linguistiques.

3 C’est d’ailleurs le terme choisi pour désigner le projet de recherche sur les recueils factices, Sammelband 15-16, [en ligne], https://histoirelivre.hypotheses.org/5480.

4 Nous laisserons de côté la question des recueils de manuscrits, qui posent d’autres problèmes, et nous limiterons notre étude au monde de l’imprimé.

5 Trésor de la langue française, t. VIII, p. 573.

6 Daniel Péchoin, « Recueil », Dictionnaire encyclopédique du livre, Paris, Editions du Cercle de la Librairie, 2002-2011, vol. 3, p. 470.

7 Recommandations de Catalogage des monographies anciennes : description bibliographique et données d’exemplaire, BnF, 2016, [en ligne], consulté le 8 juin 2020.

8 Guide méthodologique du SUDOC – Catalogage des recueils factices, Abes, 2020, [en ligne], consulté le 8 juin 2020.

9 Nous présentons ici de façon simplifiée un processus techniquement assez complexe. Les catalogueurs travaillent d’abord dans une interface professionnelle de saisie (WiniBW) ; c’est cette saisie normée et codée qui permet ensuite au lecteur de voir s’afficher, dans la version publique, les notices « en clair » telles qu’il en a l’habitude.

10 Cette préoccupation est apparue dès la mise en place du SUDOC : en témoigne le mémoire d’étude pour le diplôme de conservateur des bibliothèques d’Emmanuelle Minault-Richomme, Cataloguer les livres anciens, rares et précieux dans le contexte du déploiement du SUDOC et de la révision de la norme Z44-074, Enssib, 2002, [en ligne], consulté le 8 juin 2020.

11 On reprend le catalogage d’un ouvrage après une consultation, par exemple lorsque l’on s’aperçoit que la notice est vraiment trop pauvre ou trop incomplète : dans ce cas, on modifie celle-ci selon les consignes les plus récentes.

12 À ce jour, le SUDOC compte près de 14 millions de notices et 2 300 personnes contribuent à son enrichissement.

13 Un groupe de travail spécialement consacré aux recueils factices a été créé en 2009 et des mises à jour ont lieu régulièrement.

14 Le rangement en magasin n’étant plus thématique, la question du classement par thème ou discipline de ces recueils, lorsqu’ils contiennent des pièces hétéroclites, ne se pose plus. C’était pourtant un souci fréquemment évoqué par les bibliothécaires du xixe siècle, qui a parfois conduit au démantèlement de certains de ces recueils afin de pouvoir ranger chacune des œuvres qui le composaient dans la bonne thématique.

15 Tous les établissements n’ont pas ces mêmes exigences : à la Bibliothèque nationale de Catalogne, les cotes des recueils factices contiennent des barres obliques, ce qui permet de savoir qu’une cote avec barre oblique est forcément un recueil factice.

16 Cette façon de coter était très courante et ne se trouve pas qu’à la BDL !

Illustrations

  • Fig. 1a, 1b, 1c. Quelques recueils factices du XVIe au XIXe siècles de la BDL et de la BU de l’UCLy.

    Fig. 1a, 1b, 1c. Quelques recueils factices du XVIe au XIXe siècles de la BDL et de la BU de l’UCLy.

    À première vue, rien ne permet de les distinguer de monographies…

    Source/Crédit : BDL (photos C. Giordanengo) et BU de l’UCLy (photo en bas à droite, I. Vouilloux)

  • Fig. 2a.

    Fig. 2a.

    Des tranches très inégales peuvent servir d’indice pour repérer un recueil factice.

    Source/Crédit : BDL. Photo C. Giordanengo

  • Fig. 2b.

    Fig. 2b.

    Recueil factice composé de neuf pièces dont les tranches sont alternativement rouges et blanches.

    Source/Crédit : BDL. Photo C. Giordanengo

  • Fig. 2c.

    Fig. 2c.

    Recueil dont le titre figure sur la tranche, vestige d’un système de rangement révolu.

    Source/Crédit : BDL. Photo C. Giordanengo

  • Fig. 3. Recueils factices d’œuvres d’enseignants du XIXe siècle.

    Fig. 3. Recueils factices d’œuvres d’enseignants du XIXe siècle.

    Source/Crédit : BU de l’UCLy. Photo I. Vouilloux

  • Fig. 4a. Notice bibliographique de l’œuvre.

    Fig. 4a. Notice bibliographique de l’œuvre.

  • Fig. 4b. Idem.

    Fig. 4b. Idem.

    L’appartenance de la pièce à un recueil factice est stipulée dans les données de l’exemplaire, dans une zone de notes qui accueille également d’autres renseignements : reliure, présence d’un ex-libris, etc.

  • Fig. 5. Notice globale d’un recueil factice de controverse religieuse.

    Fig. 5. Notice globale d’un recueil factice de controverse religieuse.

  • Fig. 6a. La notice bibliographique de l’œuvre Ruses et finesses des huguenots.

    Fig. 6a. La notice bibliographique de l’œuvre Ruses et finesses des huguenots.

  • Fig. 6b. Idem.

    Fig. 6b. Idem.

    Dans la note sur l’exemplaire, on voit que l’œuvre est contenue dans un recueil factice qui a fait l’objet d’une notice globale ; le lecteur pourra retrouver celle-ci grâce au titre forgé, qu’il doit alors copier-coller dans la barre de recherche du SUDOC.

  • Fig. 6c. Idem.

    Fig. 6c. Idem.

    Le lecteur aura alors accès à la notice qui décrit le recueil factice dans son ensemble et disposera de la liste de toutes les pièces formant le recueil. De plus, la notice comprend des liens qui permettent la navigation de la notice du recueil vers chaque notice d’œuvre.

  • Fig. 7a. Notice de Histoire d’un grand capitaine par un ancien ingénieur qui fut son jeune camarade.

    Fig. 7a. Notice de Histoire d’un grand capitaine par un ancien ingénieur qui fut son jeune camarade.

    Deux mentions de recueil factice « relié avec d’autres fascicules » et « titre uniforme : [recueil factice 1885] », sont insérées dans la notice bibliographique.

  • Fig. 7b. Idem.

    Fig. 7b. Idem.

    Nos deux bibliothèques se sont localisées sous cette notice mais en réalité, les deux recueils factices dont il est question ne sont pas les mêmes… Impossible dans les deux cas de savoir quelles sont les autres pièces de ces recueils factices.

  • Fig. 7c. Idem.
  • Fig. 7d. Idem.

    Fig. 7d. Idem.

    La bibliothèque de Grenoble, conservant l’œuvre mais pas dans un recueil factice et ne souhaitant pas se rattacher à une notice erronée, a créé sa propre notice. Dans un cas comme celui-ci, la démarche la plus juste aurait consisté à n’avoir qu’une seule notice bibliographique, avec trois bibliothèques rattachées, dont deux auraient signalé dans les données d’exemplaires qu’elles possédaient l’œuvre dans un recueil factice.

  • Fig. 8. Idem.

    Fig. 8. Idem.

    La mention de cote ne peut être directement utile au lecteur car dans le catalogue public la recherche par cote n’est pas possible.

  • Fig. 9.

    Fig. 9.

    Seule la mention « relié avec d’autres ouvrages » signale qu’il s’agit d’une pièce appartenant à un recueil factice (dont on ne peut connaître les autres œuvres). Le terme « recueil factice » n’apparaît nulle part, ni dans la notice bibliographique, ni dans les données d’exemplaires.

  • Fig. 10.

    Fig. 10.

    Des résultats de recherche dans le SUDOC avec les termes « Recueil factice controverse religieuse ».

  • Fig. 11.

    Fig. 11.

    Les œuvres contenues dans ce recueil factice sont matériellement signalées par des signets, insérés à chaque page de titre.

    Source/Crédit : BU de l’UCLy. Photo I. Vouilloux

Citer cet article

Référence électronique

Claire Giordanengo et Isabelle Vouilloux, « Le traitement des recueils factices en bibliothèque », Pratiques et formes littéraires [En ligne], 18 | 2021, mis en ligne le 24 mars 2022, consulté le 27 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/pratiques-et-formes-litteraires/index.php?id=303

Auteurs

Claire Giordanengo

ENS de Lyon – Bibliothèque Diderot de Lyon

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Isabelle Vouilloux

Université catholique de Lyon – Bibliothèque universitaire Henry de Lubac

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