Le double apport d’une sociohistoire de la diversité étudiante pour étudier les inégalités contemporaines : connecter les représentations, saisir les droits effectifs

DOI : 10.35562/diversite.3981

Abstracts

Pendant de l’élargissement progressif du projet démocratique à l’ensemble des individus, la problématisation de l’accès à l’université en termes d’inégalité est propre à l’époque contemporaine. Pour autant, elle constitue le prolongement d’une problématisation relative à la diversité du corps estudiantin dont l’étude contribue à redéfinir les contours d’une analyse des inégalités : la qualification et la régulation de la diversité étudiante constituent un enjeu récurrent des universités. L’analyse de ce continuum, sur lequel revient la première partie, saisit le rôle de l’université comme creuset d’une représentation de la diversité sociale et l’abondement d’une structure sociale multidimensionnelle (partie 2). Du traitement politique de cette multidimensionalité découlent des processus macrosociaux à l’origine d’inégalités d’accès que la perspective historique permet de dévoiler (partie 3).

During the progressive enlargement of the democratic project to all individuals, the problematization of access to the University in terms of inequality is specific to the contemporary era. However, it is an extension of a problematization of the diversity of the student body, the study of which helps to redefine the contours of an analysis of inequalities: the qualification and regulation of student diversity is a recurrent issue in universities. The analysis of this continuum, to which the first part returns, shows the role of the university as a crucible for the representation of social diversity and the replenishment of a multi-dimensional social structure (part 2). From the political treatment of this multidimensionality, macro-social processes arise that are at the origin of inequalities of access that the historical perspective allows to unveil (part 3).

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Depuis les années 1970, la mesure, l’analyse et l’interprétation des inégalités d’accès à l’enseignement supérieur ont fait l’objet de multiples recherches, qui soulignent à la fois la récurrence et la persistance des inégalités, la variabilité géographique et temporelle de leur ampleur, et la multiplicité des processus qui les forment. Cette problématisation constitue le pendant de l’élargissement progressif du projet démocratique à l’ensemble des individus, indépendamment de leurs caractéristiques sociales. Elle est donc propre à l’époque contemporaine. Pour autant, elle prolonge une problématisation de l’accès endogène à l’existence des universités dont l’étude contribue à redéfinir les contours d’une analyse des inégalités aujourd’hui : la qualification et la régulation de la diversité étudiante comme enjeu récurrent des universités. L’analyse de ce continuum, sur lequel revient la première partie, saisit le rôle de l’université comme creuset d’une représentation de la diversité sociale et l’abondement d’une structure sociale multidimensionnelle (partie 2). Du traitement politique de cette multidimensionalité découle des processus macrosociaux à l’origine d’inégalités d’accès que la perspective historique permet de dévoiler (partie 3).

Qualifier et réguler la diversité : une constante de l’université

La capacité à rendre compte administrativement de son existence sociale apparaît comme une constante de la régulation de l’accès à l’université, qu’elle s’incarne par la production de registres ecclésiaux ou, pour l’époque contemporaine, de documents d’identité. Les appartenances sociales corrélées à cette existence administrative dont les candidats aux études doivent rendre compte renvoient historiquement à plusieurs dimensions.

Dès les premiers siècles d’existence des universités européennes, la dimension socio-économique fait l’objet d’une circonscription que traduit la différenciation des coûts et des subsides accessibles, à l’instar des collèges visant à accueillir des étudiants d’origine modeste dont les études sont financées par des gouvernants désireux de former de futurs membres de leur administration, ou encore via la différenciation des frais de scolarité. Au Moyen Âge déjà, ces derniers sont utilisés pour orienter la composition du corps étudiant. Le recteur dispose en effet d’une certaine liberté pour exempter partiellement ou totalement quelques étudiants. Cette dispense de droits concerne généralement deux groupes sociaux spécifiques : les étudiants issus des catégories sociales pauvres qui bénéficient du privilegium paupertatis du droit canon et les étudiants issus des groupes sociaux supérieurs (dignitaires de la noblesse et du clergé) qui contribuent à accroître le prestige de l’université (Schwinges, 1992). Dès la fin du Moyen Âge, dans nombre d’établissements, le contrôle des ressources se renforce pour des étudiants demandant des exemptions ou réductions des frais d’étude. Ils doivent alors « fournir la preuve de leur insolvabilité ou produire une attestation de pauvreté émanant de l’autorité du lieu de son domicile » (Paquet, 1978, p. 335). Les ressources socio-économiques apparaissent ainsi comme un critère d’identification important.

Cette dimension n’est pas la seule dimension constitutive des politiques de circonscription de la diversité étudiante à traverser l’histoire des universités. L’identification ethnique est également récurrente. Qu’il s’agisse, au Moyen Âge, d’accueillir des étudiants originaires de différents territoires du politique pour pouvoir se prévaloir de la qualification de Studium Generale – le premier nom donné à ce qui sera ensuite appelé université –, des tentatives de restriction des mobilités étudiantes sortantes, qui apparaissent dès le XIIIe siècle (en 1224 déjà l’empereur Frédéric II défend aux étudiants de Naples d’étudier ailleurs que dans l’université nouvellement créée) et se multiplient au fil des siècles, ou de l’injonction contemporaine à accueillir des étudiants étrangers – sur le registre des mobilités entrantes temporaires ou de la libre circulation des étudiants comme dans l’Union européenne (Istasse, 2011) –, les enjeux politiques liés à l’origine géographique des étudiants et aux territoires de formation apparaissent constitutifs des universités. De même de la religion, de la langue, ou des traits physiques comme supports d’une appartenance à une communauté supposée. Cela se décline par exemple à travers l’exigence de profession de foi des étudiants attendue à l’inscription ou au moment de l’obtention du diplôme (Julia, Revel, 1986) ; des décrets limitant ou interdisant l’accès à l’université pour les étudiants de certaines confessions ; des processus de catégorisation ethnique de la population (« esclaves », vassaux libres…) dans les empires coloniaux européens soutenant l’exclusion de certains groupes sociaux de la possibilité d’étudier à l’université, ou, pour l’époque contemporaine, des processus de discrimination positive visant à soutenir l’accès de certains groupes ethniques.

L’intégrité corporelle encore, requise dans les premiers temps d’existence de ces institutions, traduite désormais en identification des besoins particuliers afin de développer des politiques d’accessibilité permettant aux élèves en situation de handicap d’étudier.

Le sexe encore et toujours, de l’exclusion des femmes (Goastellec, 2019) aux politiques de discrimination positive soutenant l’accès des hommes, mais également à la reconnaissance de la diversité des appartenances de genre dont rendent compte en ce début de XXIe siècle un nombre croissant de politiques d’égalité des universités occidentales.

Rappeler ces différents registres de caractérisation des appartenances sociales qui traversent l’histoire des universités et leur corollaire, l’identification de ceux qui sont appelés ou exclus des études universitaires par l’entremise de lois, de dispositifs formels et d’adaptations locales, permet d’historiciser l’enjeu que constitue la diversité sociale estudiantine pour les universités comme pour leurs autorités. Quelle que soit la période considérée, qualifier cette diversité, chercher à la réduire ou à l’augmenter, mais, dans tous les cas, la spécifier apparaît constitutif à la fois de la gouvernance par les autorités publiques et de la gouvernance interne visant la construction de l’identité de chaque établissement (Goastellec, 2020). En quoi ce travail d’historicisation peut-il être utile pour appréhender les enjeux contemporains relatifs à la gestion de la diversité ?

Construction de l’altérité, représentation de la diversité, déploiement dans une structure sociale multidimensionnelle

Une sociohistoire de la qualification de la diversité au prisme des politiques d’accès soutient l’hypothèse de l’ancrage dans le temps long d’une représentation de la diversité sociale et de sa distribution idéale dans une structure sociale que contribue à abonder l’université. Il s’agit alors de saisir les motifs d’un état de fait : les représentations contemporaines et les politiques de gestion de la diversité découlent de cette histoire des catégorisations mobilisées pour réguler l’accès et traduisent un projet d’ordonnancement social. Les politiques de discrimination positive développées au fil du XXe siècle, comme la thématisation actuelle en termes d’inclusion ou de discriminations structurelles dans l’accès à l’université, font contrepoint à l’exclusion sociale, sexuée et ethnique constitutive de l’histoire des universités. Le temps long saisit ainsi les processus par lesquels les représentations contemporaines de la diversité se sont constituées et les projets de vivre ensemble que les usages de ces catégories traduisent.

Depuis sa création, l’université contribue à la gamme des identifications à disposition de même qu’à leur hiérarchisation. En particulier parce que la tension entre prestige social et ouverture sociale traverse l’histoire des systèmes d’enseignement supérieur et de leurs institutions, comme en rend compte l’existence de normes et d’outils de contrôle des appartenances sociales, y compris celles relatives au financement des étudiants. Ces normes et outils illustrent le rôle dévolu aux institutions d’enseignement supérieur, qui à la fois reflètent l’organisation sociale et participent, dès le Moyen Âge, à sa structuration. « Sans réellement le vouloir, les écoles ont formé la nouvelle strate académique et changé la structure d’ensemble de la société, en l’enrichissant et en la complexifiant » (Classen, 1983, p. 25, cité par Rüegg, 1992, p. 11).

Dès lors, l’un des enjeux fondamental et universel de l’accès à l’université est celui de la structure sociale, qu’il s’agisse d’en circonscrire tout ou partie des élites, de la reproduire ou de la transformer. S’observe ici l’un des effets majeurs de la construction de l’accès aux universités et à ses diplômes comme instrument de gouvernement par les pouvoirs institués. Comme instrument, l’accès porte la transition d’une partie de la structure sociale existante vers la structure sociale à venir. Il permet que certains groupes sociaux, dotés en capitaux économiques ou dévoués à l’administration d’un territoire, peuplent des professions requérant des diplômes, dont les contours sont définis par les gouvernants en réponse aux demandes des corporations. Cela n’est pas propre aux universités présentes en Europe. La même dynamique se retrouve par exemple dans les empires coloniaux européens, dans lesquels l’accès est utilisé pour construire la relation entre structure sociale coloniale et structure sociale locale (Goastellec, Bancel, 2020). Avec deux conséquences : une nouvelle lecture de la diversité sociale élargissant la gamme des qualifications de l’ethnicité, y compris à compter du XVIIIsiècle, avec les conséquences de l’esclavage sur la catégorisation des citoyens, les universités interdisant leur accès aux esclaves, mais restant ouvertes aux vassaux libres comme les Indiens. Et une nouvelle structuration sociale : une des finalités implicitement visées par la régulation de l’accès est alors celle de la hiérarchisation des groupes sociaux. D’une part, l’université est tenue de faire respecter une certaine homologie entre position d’origine et position occupée à l’issue des études. D’autre part, elle doit contribuer à l’articulation de deux structures sociales : l’émanation locale de la structure sociale de la société coloniale ; et la structure sociale de la/des société(s) colonisée(s). La régulation de l’accès à l’université apparaît ainsi comme instrument d’ordonnancement des sociétés, fondée sur une hiérarchisation arbitraire des groupes sociaux.

L’organisation de l’accès exprime un projet de société : au-delà du référentiel sectoriel qu’il porte, il manifeste « la représentation que se fait une société de son rapport au monde à un moment donné » (Muller, 2010, p. 557), ce qu’elle considère comme un ordre juste. D’une contrée et d’une période à l’autre, la déclinaison de ces catégories, les espaces sociaux qu’elles identifient, varient avec la structure sociale, toujours pluridimensionnelle, mais aussi avec les « mobilisations sociales et politiques ainsi que des circonstances historiques spécifiques » (Desrosières, 1989, p. 233) qui rendent visible tel ou tel groupe social. Critères d’accès et procédures d’admission permettent ainsi d’appréhender l’université comme un lieu de négociation des projets de société, dont les coordonnées sociales varient avec les sociétés et les époques, mettant en lumière différentes définitions de l’égalité et différents régimes d’inégalités, ou encore différents référentiels d’action publique (Muller, 2010).

Zone de contact entre des sociétés distantes, que ce soit par la circulation des étudiants aux différentes époques ou le déploiement géopolitique des établissements au fil des appropriations territoriales, l’université contribue à produire une représentation de l’altérité, du désirable et de l’indésirable, et donc une représentation de la diversité qui, pour être déclinée spécifiquement dans les différents territoires du politique, n’en repose pas moins sur une réflexion partagée sur les catégories d’identification pertinentes et la circulation de référentiels.

L’histoire de l’usage de ces appartenances dans l’accès à l’université témoigne de la transformation du référentiel en parallèle d’une articulation plus extensive des enseignements supérieurs et des structures sociales que soutient la massification de l’accès aux études : initialement utilisées pour exclure, elles deviennent plus inclusives en même temps que le périmètre de la citoyenneté sociale et politique s’élargit, et sont finalement mobilisées au cours du XXe siècle pour favoriser l’accès de groupes sociaux sous-représentés dans l’enseignement supérieur avec, en ligne de mire, une représentation à l’université équivalente à celle de ces groupes dans la structure sociale.

Ainsi de la diffusion de politiques de discriminations positives visant par exemple, à compter des années 1950, à soutenir l’accès des ouvriers aux formations universitaires et, plus largement, de certains groupes sociaux ou ethniques. Ces politiques se retrouvent un demi-siècle plus tard à l’agenda européen avec le concept de dimension sociale de l’enseignement supérieur, débouchant sur l’encouragement des hautes écoles par la Commission européenne à élaborer des politiques globales pour les personnes marginalisées dans l’accès, y compris des programmes d’accès réservés et des places d’étude (CCE, 2006). Le Conseil de l’Europe recommande ainsi aux États membres de « considérer leurs besoins en termes de juridiction pour interdire les discriminations dans l’enseignement supérieur sur la base du genre, de l’orientation sexuelle, de l’origine ethnique, de la religion, de la politique ou d’autres opinions, et du handicap » (Conseil de l’Europe, 1999, p. 22). Ces objectifs s’incarnent également dans la création récente d’un ranking (classement) annuel visant à apprécier l’inclusivité des enseignements supérieurs. Ce classement – U-Multirank – cherche à mesurer l’accès des groupes sous-représentés dans l’enseignement supérieur (Kaiser, Veidemane, 2023).

De même du référentiel d’inclusion colorant les politiques éducatives du début du XXIe siècle et diffusant aux enseignements supérieurs (Silvilotti, 2020 ; Martin et al., 2022), ou de celui d’EDI (Équité, diversité, inclusion) qui le prolonge. La charte canadienne, résumant les principes d’une politique d’EDI, rappelle l’importance de « prendre en compte l’intersection des identités » et de « repérer et d’aplanir les obstacles systémiques » (Gouvernement du Canada, 2019). Cette question du systémique apparaît comme la dernière problématisation en date des inégalités d’accès. Émergeant dans l’agenda scientifique comme politique, elle sert l’identification de discriminations émanant de principes collectifs, normes, habitudes, qui gouvernent la société : « en s’attachant à la dimension matérielle des inégalités de traitement, elle (la problématique des discriminations) montre des mécanismes – directs et indirects, individuels et systémiques – qui produisent tout à la fois des inégalités articulées (socio-ethno-genrées par exemple) et des effets politico-symboliques (altérisation, minorisation) » (Blassel et al., 2022).

La perspective sociohistorique relative au traitement de la diversité par les politiques d’accès à l’université comme son incarnation contemporaine dans les problématisations successives des inégalités offre des pistes pour saisir certains processus invisibles constitutifs des inégalités d’accès à l’enseignement supérieur et, partant, repenser les politiques visant l’égalité.

Visibiliser les régimes de droits dans lesquels s’encastre l’aspirant aux études

Comme le formule Arendt (2006, p. 290) : « L’égalité, à la différence de tout ce qui est impliqué dans l’existence pure et simple, n’est pas quelque chose qui nous est donné, mais l’aboutissement de l’organisation humaine dans la mesure où elle est organisée par le principe de justice. […] Notre vie politique repose sur la présomption que nous sommes capables d’engendrer l’égalité en nous organisant, parce que l’homme peut agir dans un monde commun, qu’il peut changer et construire ce monde de concert avec ses égaux et seulement avec ses égaux ». Aborder le traitement contemporain des inégalités d’accès à l’université au prisme d’une sociohistoire de la diversité étudiante appelée par les politiques d’accès au fil des siècles offre la possibilité d’interroger un impensé de l’organisation des politiques sur la production de l’égalité visée.

L’histoire de l’accès rappelle que les différentes dimensions constitutives de la qualification de la diversité sociale et de l’identification du corps estudiantin appelé par l’université ne fonctionnent pas en vase clos. Elles s’entrecroisent pour produire un espace des possibles spécifique : ainsi du baptême et de l’identification sociale, des ressources socio-économiques et de l’origine géographique, de l’origine sociale et du genre, etc. Dès la fin du XIIe siècle, apparaître sur la liste des étudiants envoyée au pape permet aux ecclésiastiques étudiants de continuer à jouir des bénéfices de leur activité ecclésiale. Au fil des siècles comme aujourd’hui, le droit de s’inscrire et le coût de l’inscription varient selon la religion, l’origine sociale ou géographique, et la disponibilité des supports financiers offerts aux étudiants modestes dépend de l’origine sociale, ethnique comme géographique. Les processus sociaux à l’origine des possibilités d’études apparaissent à la fois cumulatifs et intersectionnels. Si cela est largement documenté, en revanche, le traitement politique des droits associés à chacune de ces appartenances, et déclinés dans des secteurs de la vie sociale traités séparément apparaît comme un angle mort de l’analyse. L’objectivation des intersections de ces politiques et de leurs effets offre des pistes de réponse à la question des discriminations systémiques – entendues comme la conséquence de politiques et pratiques s’enracinant dans l’histoire et influençant les inégalités par la création de disparités entre les groupes sociaux et les individus selon leurs appartenances sociales – dans l’accès aux études.

L’argument développé ici a trait à la valeur heuristique d’une analyse de l’effet de l’intersection de politiques publiques relatives aux différents domaines de la vie sociale sur la mise en œuvre du projet démocratique contemporain de représentations de la diversité sociale à l’université. En amont des politiques visant directement la concrétisation de cette diversité à l’université, celles relatives au traitement spécifique des différentes appartenances sociales – d’une part parce qu’elles conduisent à différencier les droits et les ressources accessibles à chacun·e, d’autre part parce qu’elles interfèrent entre elles sans que cela soit objectivé – affectent également les destins scolaires des individus.

Selon les pays et les époques, ces politiques se déclinent en instruments et, pour les individus, en droits et en ressources, qui s’entremêlent variablement. Selon que l’aide sociale reçue est ou non compatible avec le statut d’étudiant. Que l’origine géographique ouvre des droits sociaux et éducatifs variables. Que le titre de séjour permet l’inscription à l’université. Que le régime de genre en vigueur soutient tel ou tel type de modèles familial, etc.

La dimension intersectionnelle des appartenances sociales soutient l’hypothèse que les inégalités d’accès se construisent aussi au croisement invisible des politiques sociales, de genre, migratoires, et éducatives. Autrement dit, l’intersection des politiques sectorielles produit des espaces d’opportunité variables pour accéder à l’UNI (Détourbe, Goastellec, 2018).

Ces espaces d’opportunité variables pourraient être objectivés à travers l’articulation de deux approches : une analyse croisée systématique de la façon dont les régimes de droit sectoriels en vigueur intersectent variablement selon les citoyennetés sociales, politiques et juridiques des individus (Goastellec, 2021) ; et une étude de la façon dont ces intersections sont vécues par les acteurs via les appropriations et agencements inférés par ce croisement invisible des droits et opérés au fil de la carrière scolaire.

In fine, analyser la diversité étudiante au fil d’une sociohistoire des politiques d’accès apparaît triplement utile à l’analyse contemporaine des inégalités d’accès. Elle invite à penser les structures sociales contemporaines des sociétés européennes comme la conséquence d’un processus historique de hiérarchisation multidimensionnelle des individus auxquelles les politiques d’accès à l’université ont largement contribué. Elle saisit l’effet de l’intersection des droits politiques, juridiques et sociaux sur la possibilité et la probabilité d’accéder aux études supérieures en invitant à considérer conjointement les régulations établies par les politiques scolaires, sociales et migratoires et familiales. Ce faisant, elle interroge l’effet du cadre structurel sur les inégalités d’accès, et, partant, soutient l’identification des processus sous-jacents à ces discriminations. Un programme à développer pour compléter encore l’analyse multidimensionnelle des inégalités.

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Electronic reference

Gaële Goastellec, « Le double apport d’une sociohistoire de la diversité étudiante pour étudier les inégalités contemporaines : connecter les représentations, saisir les droits effectifs », Diversité [Online], 202 volume 2 | 2023, Online since 20 mai 2023, connection on 27 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/diversite/index.php?id=3981

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Gaële Goastellec

OSPS, LACCUS, Université de Lausanne.

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