Subir ou s’adapter ? Les étudiants et enseignants stagiaires à l’épreuve du changement et de l’incertitude

DOI : 10.35562/diversite.1860

Abstracts

Il est difficile de savoir si la crise du Covid-19 aura des effets durables sur l’organisation des études et de la formation initiale des étudiants futurs enseignants. Il semble néanmoins essentiel de partir de leurs pratiques et représentations pendant le confinement en essayant de documenter et comprendre les changements en cours. Comment parvenir, dans un contexte de restriction des libertés d’action, à surmonter l’incertitude, voire à s’adapter au changement ? S’ils ont largement été en position de subir une situation non préparée et non anticipée, les étudiants et stagiaires ont dû également déployer des stratégies pour essayer de surmonter les effets directs ou indirects de la crise. L’usage des outils et ressources numériques dans le cadre de l’enseignement à distance a pu constituer un supplétif, voire un levier de changement dans les pratiques, mais n’a pas permis de relever les défis de la continuité pédagogique.

It is difficult to know whether the Covid-19 crisis will have lasting effects on the organization of studies and the pre-service teacher education. It nevertheless seems essential to study their practices and representations during the lockdown and to understand the changes underway. In a context of action freedom restriction, how can they overcome uncertainty, or even adapt to change? While they had to endure an unprepared and unanticipated situation, students also had to deploy strategies to try to overcome the direct or indirect effects of the crisis. The use of digital tools and resources in the context of remote education may have been an auxiliary, even a lever for change in practices, but did not make it possible to meet the challenges of educational continuity.

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Text

La formation initiale des étudiants et stagiaires se destinant au métier de l’enseignement a connu depuis plusieurs années de profonds changements qui ont affecté tant l’organisation des concours et de la formation professionnelle que leurs conditions d’entrée dans le métier (Perez-Roux, 2006 ; Barrère, 2017). À ces changements structurels se sont ajoutés les effets de la crise sanitaire et du confinement qui ont pu accroître leur sentiment d’incertitude et leur angoisse face à l’avenir (Ria, Mauguen, 2020). Différentes études soulignent l’impact de la crise du Covid-19 sur la santé physique et mentale des étudiants (Son et al., 2020 ; Black et al., 2020), sur leurs conditions de vie, de logement et d’alimentation (Barthou et al., 2021) ainsi que sur leur rapport aux études et à leur formation professionnelle en lien avec les outils numériques qui ont été fortement mobilisés pendant cette période (Guevara Espinar, Lévy, 2021 ; Lefer-Sauvage et al., 2020).

Pour l’heure, il est bien difficile de savoir si cette crise sanitaire, avec ses vagues successives de confinement-déconfinement, aura des effets durables sur l’organisation du « métier » étudiant. On peut néanmoins distinguer deux types de positionnement au sein des praticiens et des chercheurs dans le champ de l’éducation et de la formation. Le premier a tendance à considérer la crise pandémique comme un fait social total de par ses conséquences économiques, sanitaires et psychologiques, faisant de l’événement un moment de rupture majeure entre un « avant » et un « après ». Il en découle l’idée de bouleversement rapide, de transformation radicale et d’impossibilité de revenir à la situation antérieure, ce qui renverrait à un changement brutal avec des effets de seuil pouvant conduire à des ruptures. Un autre positionnement – qui a émergé dans un second temps sans faire pour autant consensus – conduit à considérer la crise sanitaire comme un simple révélateur, une sorte de précipité ou de fixateur qui aurait permis de mettre à jour des transformations déjà perceptibles dans les pratiques et les représentations. Ce qui renverrait davantage à une continuité ou à un changement lent et progressif. Sans vouloir trancher entre les deux, il nous semble essentiel de partir de l’expérience étudiante en essayant de documenter et de comprendre les changements en cours sans présager du futur, en essayant plutôt de dégager les ambivalences d’une période d’incertitudes durables face au métier d’enseignant et aux modalités de formation qui y conduisent.

Dans cet article, nous proposons d’aborder la question sous le prisme d’une double mise à l’épreuve des étudiants et des stagiaires : épreuve de la crise avec ses multiples répercussions qui les a amenés dans la plupart des cas à subir la situation, mais aussi épreuve du changement qu’ils ont essayé de mettre en œuvre en essayant de s’adapter. S’ils ont largement été en position de subir une situation non préparée et non anticipée, les étudiants et stagiaires ont dû également déployer des stratégies pour essayer de surmonter les effets directs ou indirects de la crise. Le terme anglo-saxon de coping, issu à l’origine de la psychologie comportementale, désigne la façon de s’ajuster aux situations difficiles (Lazarus, Folkman, 1984). Il s’agit d’étudier les facteurs de stress et d’anxiété et d’envisager plus largement la manière dont les individus réagissent en fonction de leurs motivations, de leur personnalité, de leurs ressources personnelles, mais aussi de leur contexte social ainsi que de leur environnement de travail (Doron et al., 2013). Comment parvenir, dans un contexte de restriction des libertés d’action et d’empêchement majeur, à surmonter l’incertitude, voire à s’adapter au changement ? C’est ce que nous avons voulu mesurer à travers un questionnaire d’enquête « S’adapter en milieu confiné » diffusé auprès des étudiants lors de la première vague de confinement (avril-mai 2020). Nous présentons d’abord la méthodologie et les principaux enseignements de ce questionnaire d’enquête, puis nous nous intéressons plus spécifiquement aux effets de contexte qui ont pu jouer à différents niveaux individuels ou collectifs avant de nous intéresser aux stratégies d’adaptation en lien avec l’usage des outils numériques.

Appréhender l’impact de la crise Covid-19 sur le vécu des étudiants et la formation des futurs enseignants

Contexte et problématique

La passation du questionnaire d’enquête s’inscrit dans le cadre d’un projet de recherche portant sur les gestes et postures professionnels des enseignants en formation initiale et continue. Le projet HY-CONTEXT « Enseigner en contexte hybride : quelle évolution des pratiques et quelles compétences nouvelles pour l’enseignant du XXIe siècle ? » est porté par le laboratoire ICARE de l’université de La Réunion, avec le soutien de la direction du numérique pour l’éducation (DNE, ministère de l’Éducation nationale). La crise sanitaire qu’a connue la France à partir du printemps 2020 a conduit les enseignants à s’adapter à de nouvelles modalités mêlant présentiel et distanciel selon différents degrés d’hybridation entre les deux. Ces formes « hybrides » d’enseignement-apprentissage étaient déjà en partie visibles avant la pandémie de Covid-19. À la faveur de la crise sanitaire, les étudiants et stagiaires futurs enseignants ont dû cependant trouver des solutions pour s’adapter et faire face à un contexte totalement inédit. Il convient de noter que ce contexte anxiogène a perduré au-delà du premier confinement dans la mesure où les étudiants n’ont pas pu revenir à des cours en présentiel ou seulement en petits groupes à faibles effectifs et en respectant une distance métrique ainsi que le port du masque obligatoire. On peut donc considérer que l’expérience du premier confinement a constitué une matrice pour beaucoup d’entre eux amenés à vivre un emboîtement d’épreuves à l’issue incertaine, un contexte qui perdure d’une certaine manière encore aujourd’hui après deux ans de crise sanitaire. Dans le sens commun, la notion d’épreuve est ramenée à un événement douloureux, difficile à surmonter. Mais elle peut s’avérer formatrice et participer à l’acquisition de compétences en termes d’adaptabilité. Elle peut être vue positivement comme un secours, un viatique en tant qu’elle est à relever et non pas à fuir (Thémines, Le Guern, 2020). Une multiplication d’épreuves enchâssées les unes dans les autres oblige cependant à faire preuve d’une grande faculté d’adaptation qui n’est pas à la portée de tous les étudiants.

Le questionnaire s’adressait à des étudiants et des stagiaires en formation initiale aux métiers de l’enseignement. L’objectif était d’une part d’appréhender le vécu et les représentations des étudiants (futurs enseignants) en période de confinement et d’autre part d’analyser l’impact de ce dernier sur leurs études et leur formation. Le questionnaire a été diffusé sur Internet au moment du confinement initial lié à l’arrivée de l’épidémie de Covid-19. La période de collecte a commencé à partir du 7 avril et s’est étendue jusqu’au 11 mai 2020 (fin officielle du confinement pour la France métropolitaine et ultramarine, sauf pour Mayotte). La diffusion de l’enquête par questionnaire a été assurée à l’échelle locale et nationale : par des réseaux nationaux (notamment le réseau des INSPE) et par des réseaux sociaux d’enseignants et d’étudiants (relais par des listes de diffusion et par le site du Café pédagogique). Le questionnaire comportait 26 questions réparties en 5 parties (vécu du confinement, rapports au temps, usages du numérique, bouleversements pour la formation et perception du changement). La plupart des questions reposaient sur des choix multiples afin de mieux saisir les nuances de positionnement et permettaient de recueillir des réponses personnelles dans un champ « autre ». Les étudiants et stagiaires avaient en outre la possibilité de déposer à la fin leurs commentaires et leurs remarques. Le questionnaire d’enquête ne demandait pas plus de 10-15 minutes pour être complété. Les réponses étaient entièrement anonymes pour préserver la confidentialité. Le questionnaire a obtenu 1 330 réponses : 618 réponses (46,5 %) pour la métropole, 443 réponses (33,3 %) pour La Réunion, 105 réponses (7,9 %) pour Mayotte, ce qui permet de conduire une approche comparative par territoire. Au niveau universitaire, la répartition par diplôme est de 16,3 % en licence, 37,5 % en master 1 et 39,3 % en master 2. Les répondants sont à 63,6 % des étudiants et 24,7 % des stagiaires. 63,6 % d’entre eux ont moins de 25 ans, 18,4 % entre 25-30 ans et 18 % plus de 30 ans. La population étudiée est relativement représentative de la population des étudiants inscrits en filière MEEF (métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation) et dans les autres filières en 2020. La répartition des étudiants dans les filières marque une surreprésentation des niveaux master, ce qui est congruent à la modalité de diffusion du questionnaire au niveau national via les INSPE. Les étudiants de licence ayant répondu sont également ceux qui se destinent à la préparation des concours de recrutement d’enseignants.

Principaux enseignements du questionnaire

Un rapport d’enquête publié en juin 2020 a permis de dégager les points saillants et les tendances générales (Wallian et al., 2020). Nous ne reprenons ici qu’une partie des analyses, celles concernant les facteurs personnels et/ou environnementaux contribuant au sentiment d’incertitude ainsi que les changements en cours du point de vue de la formation en lien avec les technologies numériques.

Les étudiants ont d’abord dû apprendre à faire le deuil d’une époque, en termes de pratiques et de sociabilité juvéniles : 60,6 % regrettent de ne plus pouvoir rencontrer les autres, 42,3 % de ne plus pouvoir circuler librement, 29,6 % de ne plus pouvoir aller en cours, 27,4 % de ne plus pouvoir pratiquer de sport, 23,5 % de ne plus pouvoir faire la fête, 15,8 % de ne plus pouvoir se consacrer aux études (ce dernier facteur d’empêchement étant à relativiser en raison du sentiment de liberté relative procuré au début par le fait de pouvoir rester chez soi). C’est surtout un nouveau rapport au temps qui semble s’instaurer : un « temps entre parenthèses ou en suspens » pour 47,1 % des répondants ; 40,2 % d’entre eux disent supporter le confinement, sachant que « ce ne sera pas éternel » ; 37,9 % apprécient de pouvoir rester chez eux ; 38,7 % apprécient de pouvoir voir de la famille ou des amis ; 43,5 % en profitent pour regarder des films ; 19,3 % pour jouer à des jeux vidéo. Le fait de pouvoir travailler à distance ne rend supportable le confinement que pour 30,7 % des répondants.

Les réponses témoignent de trajectoires d’études perturbées à un moment décisif de l’année universitaire. 38,1 % des étudiants regrettent de ne plus avoir cours, 31,4 % de ne plus être en contact avec les professeurs, 25,6 % de ne plus voir leurs pairs. 44,5 % des répondants s’avouent inquiets pour la suite et 46 % ne pas savoir ce qui va se passer pour leurs études. 26,4 % craignent que les concours soient reportés. Le fait de ne pas connaître la durée exacte du confinement inquiète 43,9 % des répondants. Près de 50 % craignent de manquer de ressources financières (une précarité économique qui pouvait exister antérieurement). 44,5 % manquent de concentration et ont tendance à disperser leur attention. L’anxiété provient aussi de l’environnement jugé peu rassurant : 39,6 % trouvent insupportable de ne pas être tenus informés correctement avec des informations fiables. C’est bien un sentiment d’incertitude qui prévaut chez les étudiants et stagiaires. Ce qui n’empêche pas certains d’entre eux de considérer le confinement comme une « belle expérience ». Cela nous amène à nous interroger sur les effets de contexte à différents niveaux.

Des effets de contexte assez prégnants qui renforcent les inégalités et débouchent sur un sentiment d’empêchement

Des inégalités liées aux conditions de confinement et aux territoires

Plusieurs étudiants déplorent la « mauvaise gestion du confinement », une « mesure nécessaire, mais mal organisée », « source de beaucoup d’inégalités ». Les situations vécues varient considérablement selon les territoires, en particulier entre la métropole et l’outre-mer. Du fait de la suppression des cours en présentiel à l’université, certains étudiants ont cherché à rentrer à La Réunion ou à Mayotte avant la fermeture des aéroports pour raison sanitaire. D’autres ont été obligés de rester en métropole, éloignés de leur famille et de leurs amis, dans des logements souvent exigus et en l’absence de services de restauration universitaire. Si l’on compare les ressentis, les étudiants de Mayotte ayant répondu à l’enquête sont 34,3 % à se déclarer « perturbés » ou « angoissés », ceux de La Réunion 28,2 % (contre 24,3 % en métropole). Le niveau global d’inquiétude atteint 63,8 % à Mayotte, 55,5 % à La Réunion (contre 50,2 % en métropole). Ces écarts doivent être mis au regard des conditions de confinement qui n’ont pas été les mêmes, la densité d’occupants par logement étant en moyenne plus forte dans les territoires d’outre-mer. Les étudiants interrogés déclarent être 39 % à Mayotte à vivre dans un logement de 4 personnes ou plus, 22,8 % à La Réunion (contre 20,9 % en métropole). D’autres facteurs sont entrés en ligne de jeu, tel que l’accompagnement pédagogique. C’est la métropole (48,2 %) suivie de Mayotte (40 %) et La Réunion (36,8 %) qui regrette le plus les cours. Le contact avec les enseignants est particulièrement revendiqué à Mayotte comme condition de déroulement de la scolarité. Les étudiants réunionnais sont les plus inquiets pour la suite (52,7 %), alors que les métropolitains veulent savoir comment les études seront réaménagées (54,2 %).

Un environnement de travail qui surdétermine « l’empêchement »

Quel que soit le territoire, les conditions matérielles de vie et de travail surdéterminent l’empêchement. Ce peut être aussi bien le bruit et le mouvement alentour sur le lieu de vie devenu lieu de travail ou encore l’inégale disponibilité du matériel informatique. S’y ajoutent les attentes contradictoires du plan de continuité pédagogique, très difficile à suivre du fait des changements incessants dans le protocole sanitaire (« surmené et abandonné face à la discontinuité pédagogique »). Beaucoup pensent que c’est d’abord à l’université de s’adapter (« j’ai pensé que l’université allait s’adapter »), ce qui a pu être le cas selon l’avis de certains étudiants (« nos études ont été adaptées à la situation avec de la visioconférence et du travail à distance »). D’autres pensent au contraire que « les outils officiels sont très mauvais et pas adaptés, ni maîtrisés par l’INSPE ». Le confinement et la fermeture des établissements scolaires ont eu une incidence majeure sur les mémoires professionnels dont la réalisation est très liée aux stages. Ce sentiment d’empêchement a été ressenti par 16,8 % des étudiants et stagiaires avec l’impression d’une charge de travail plus lourde (24,7 %) et surtout un sentiment global de ralentissement (42,3 %), à la fois dans la sphère privée et professionnelle.

Des tentatives pour « faire face » à la crise et au confinement : vers des stratégies d’adaptation au changement ?

Différentes stratégies pour continuer à travailler

Les formes d’adaptation (coping) face à la crise ont été très variées. Elles ont pu aller du simple évitement à des stratégies plus élaborées d’adaptation au changement. À la question « Quelles stratégies avez-vous déployées pour continuer à étudier ? », les étudiants ont répondu qu’ils lisaient pour compléter les cours (28,7 %), qu’ils écrivaient pour les travaux à rendre (43,4 %), faisaient des fiches de lecture et de révision (27 %), qu’ils reprenaient les cours pour les approfondir (22 %), qu’ils regardaient des vidéos ou écoutaient des podcasts (25,4 %) et utilisaient des ressources en ligne (43,3 %). S’agissant des contacts pour travailler à distance, ils ont très peu mobilisé les services universitaires (7 %) préférant solliciter leurs enseignants (36,7 %) et surtout les autres étudiants (60 %). L’accès distant aux outils et ressources numériques s’est avéré déterminant. À la fracture d’accès s’est ajoutée une fracture d’usage plus importante encore (Fenoglio, 2021). L’outil utilisé quotidiennement pour échanger reste la messagerie électronique (67,7 %) et le téléphone portable (40,3 %) ainsi que les SMS (30 %). Ils sont 48,1 % à avoir utilisé régulièrement (au moins une fois par semaine) des plateformes de formation, 29,3 % des visio-conférences, 18 % à avoir fait l’expérience de la « classe virtuelle » avec leurs enseignants formateurs ou avec leurs élèves (quelques-uns seulement ayant déjà une expérience de l’enseignement à distance avant la crise). Ceux qui ont pu bénéficier d’un réseau aidant disent mieux s’en sortir. Ils sont 56 % à avoir sollicité leurs amis proches et 41,4 % à avoir utilisé leurs contacts sur les réseaux sociaux. Une toute petite minorité d’entre eux a réussi à constituer des groupes de travail entre pairs.

Des formes de continuité bricolées à travers l’expérience de « l’enseignement à distance »

Au-delà de la nouveauté, les étudiants déclarent ne pas être vraiment convaincus par l’enseignement à distance d’urgence qui a pu être mis en place. 52,6 % estiment que « cela ne remplace pas les cours en présentiel ». 46,5 % pensent que cela a permis d’« assurer au moins la continuité pédagogique ». Parmi ceux qui ne sont pas convaincus (25,7 %), c’est la fatigue et la surcharge cognitive ainsi que le temps passé devant l’écran d’ordinateur qui sont mis en avant. D’autres facteurs interviennent tels que la charge de travail et la nouvelle gestion du temps. 21,4 % estiment que « le suivi mis en place n’est pas suffisant » quand 25,3 % pensent au contraire que « les attentes sont trop lourdes ou trop contradictoires ». Ils sont néanmoins 29,6 % à avoir le « sentiment de pouvoir s’en sortir », cette vision optimiste étant reliée davantage à un environnement porteur qu’à des aptitudes personnelles.

Pour conclure…

L’enquête que nous avons pu conduire auprès des étudiants et stagiaires lors du premier confinement (avril-mai 2020) témoigne de fortes ambivalences dans l’appréhension de la crise. Au-delà des variations interindividuelles, elle montre que les stratégies de réseaux ont été essentielles pour amortir les effets du confinement et de la crise sanitaire. Les stratégies d’adaptation (coping) pour faire face au confinement rejoignent en grande partie ce que d’autres études ont pu montrer en particulier en termes de recours élevé aux réseaux sociaux ainsi que de forte dépendance aux technologies numériques (Guevara Espinar, Lévy, 2021 ; Barthou et al., 2021). La maîtrise des outils numériques s’est avérée une des conditions sine qua non pour suppléer à l’absence de cours en présentiel.

Les modalités d’enseignement ont oscillé entre un présentiel empêché et un distanciel dégradé, ce dernier ayant été le plus souvent réduit à un « enseignement à distance en situation d’urgence » (Hodjes et al., 2021). Même si l’enseignement à distance a été vécu comme un supplétif, celui-ci a conduit à réinterroger les formes scolaire et universitaire. La crise sanitaire a permis de faire un pas de côté, de mettre à distance certaines des contraintes habituelles de l’enseignement traditionnel : une « mise à distance » subie, parfois aussi agie par les étudiants et stagiaires obligés bon gré mal gré de s’adapter. Au-delà de cette expérience inédite, il conviendrait de dépasser l’opposition entre enseignement présentiel et distanciel et de mettre en place de véritables formes d’enseignement hybride permettant de mieux équilibrer les deux (Genevois, Wallian, 2022). Stabiliser le cadre d’action et l’environnement numérique des étudiants et des enseignants s’avère en effet une des attentes majeures aujourd’hui.

Bibliography

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References

Electronic reference

Sylvain Genevois, Nathalie Wallian and Gaëlle Lefer-Sauvage, « Subir ou s’adapter ? Les étudiants et enseignants stagiaires à l’épreuve du changement et de l’incertitude », Diversité [Online], 200 | 2022, Online since 01 octobre 2022, connection on 01 mai 2024. URL : https://publications-prairial.fr/diversite/index.php?id=1860

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Sylvain Genevois

Laboratoire ICARE (EA 7389).

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Nathalie Wallian

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