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1. Introduction

La région d’Agadir est une région agricole qui se caractérise par un climat aride, des ressources en eau très limitées et des sols pauvres en éléments nutritifs. De ce fait, l’utilisation des eaux usées épurées (EUE) en agriculture peut contribuer à la préservation des ressources en eau de la région.

La superficie totale des espaces verts est estimée à 878 ha avec un besoin en eau d’irrigation à satisfaire de 8 millions de m3•an-1. Les terrains de golf occupent à eux seuls 268 ha de la superficie totale des espaces verts d’Agadir (30,5 %), avec une consommation d’eau estimée à 3,2 millions de m3•an-1. Les EUE de la STEP de M’zar peuvent entièrement combler ce besoin. Cette étude s’intéresse à leur utilisation pour l’irrigation des golfs. Elle présente les résultats des analyses ioniques des lixiviats de parcelles de gazon irriguées par les EUE et de parcelles irriguées par les eaux de la nappe phréatique et discute des interactions entre le sol et les deux types d’eaux d’irrigation.

2. Matériels et méthodes

Les essais in situ sont réalisés sur le site de la STEP de M’zar du Grand Agadir où deux zones de terrain ont été aménagées pour l’utilisation des EUE et d’eaux de puits pour l’irrigation (Figure 1 (a) et (b). Pour atteindre cet objectif, trois variétés de gazon de golf (Penccross (V1), Ray-grass anglais (V2) et un mélange composé de 60 % de Ray-grass anglais et de 40 % du fétuque rouge (V3)) sont utilisées sur trois parcelles de terrain (P1, P2, P3). Chaque parcelle a une dimension de 25 m2 et contient une couche de 20 cm de sol composé de 75 % de terre végétale et de 25 % de sable (Tableau 1), ainsi qu’un lysimètre (sol reconstitué) sur ses deux coins opposés (répétition). À des fins de comparaison, les mêmes essais sont reproduits dans les mêmes conditions en utilisant les eaux de la nappe. Les lysimètres ont un volume de 1 m3 et reproduisent les conditions du sol et de la variété de gazon semée dans la parcelle concernée. Ils sont étanches pour permettre la récupération du lixiviat après l’irrigation (Figure 1 (c) et (d)).

Figure 1

Schéma explicatif décrivant la disposition des parcelles et des lysimètres avec les variétés de gazon affectées à chaque parcelle, les répétitions et les dimensions des différentes caractéristiques : (a) Parcelles irriguées avec l’eau de puits et (b) Parcelles irriguées avec les eaux épurées.

Diagram describing the layout of plots and lysimeters with grass varieties in each plot, replicates and dimensions of different characteristics: a) Plots irrigated with groundwater and b) Plots irrigated with treated wastewater.

Schéma explicatif décrivant la disposition des parcelles et des lysimètres avec les variétés de gazon affectées à chaque parcelle, les répétitions et les dimensions des différentes caractéristiques : (a) Parcelles irriguées avec l’eau de puits et (b) Parcelles irriguées avec les eaux épurées.

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Tableau 1

Résultats des analyses de la terre végétale et du sable.

Results of analysis of topsoil and sand.

Résultats des analyses de la terre végétale et du sable.

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2.1 Protocole d’irrigation des parcelles et de leur suivi

Chaque parcelle de 25 m2 a été irriguée trois fois par jour et a reçu au total 90 litres d’eau par jour. Le suivi a débuté le 11 juin 2007 par un semis manuel de graines. Les prélèvements des lixiviats ont été effectués tous les six jours à partir du premier jour de germination (cinq jours après le semis). Ce suivi a duré 60 jours au total résultant en 10 campagnes d’échantillonnage. Pour chaque campagne, 16  échantillons du lixiviat ont été récoltés pour être analysés. Les principaux paramètres physico-chimiques des eaux (pH et conductivité électrique (EC)) ont été déterminés in situ. Les constituants ioniques (Na+, Cl-, Ca++, Mg++, SO4-- et HCO3-) sont analysés au laboratoire suivant les méthodes décrites dans la norme marocaine NM08.5.070-2001.

3. Résultats et discussion

Les résultats permettent de suivre l’évolution du pH, de la conductivité électrique (EC), du sodium, du chlorure, du calcium, du magnésium, et du ratio d’adsorption du sodium (SAR) (Figure 2). Les teneurs en sulfates et en bicarbonates sont aussi indiquées (Tableau 2).

Figure 2

Évolution du sodium, calcium, magnésium, chlorure et SAR dans les lixiviats des trois variétés de gazon : V1 (a), V2 (b), V3 (c) irrigués avec les eaux épurées et V1 (a’), V2 (b’), V3 (c’) avec les eaux de puits.

Evolution of sodium, calcium, magnesium, chloride and SAR (sodium adsorption ratio) in the leachates of the three grass varieties: V1 (a), V2 (b), V3 (c) irrigated with treated wastewater and V1 (a'), V2 (b'), V3 (c') irrigated with groundwater.

Évolution du sodium, calcium, magnésium, chlorure et SAR dans les lixiviats des trois variétés de gazon : V1 (a), V2 (b), V3 (c) irrigués avec les eaux épurées et V1 (a’), V2 (b’), V3 (c’) avec les eaux de puits.

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Tableau 2

Résultats du bilan ionique des EUE et des eaux de la nappe (puits) utilisées pour l’irrigation.

Results of the ion balance calculations for the treated wastewater (EUE) and for the groundwater used for irrigation.

Résultats du bilan ionique des EUE et des eaux de la nappe (puits) utilisées pour l’irrigation.

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Les valeurs du pH sont voisines de la neutralité. Le pH présente une constance dans le temps quels que soient les types de gazon et d’eau d’irrigation. Dans les lixiviats résultant de l’irrigation avec des eaux de puits, la conductivité électrique augmente de 27 % par rapport à celle résultant de l’irrigation avec les EUE, ce qui est dû à la lixiviation des sels solubles du sol (voir Tableau 1). Cependant, les concentrations en Cl- et en Na+ ne varient pas, tandis que celles en Ca++ et en Mg++ baissent (58 % et 46 %) respectivement. D’après Cheniniet al. (2002), les sulfates et les bicarbonates ne présentent aucun changement par rapport à la nature de l’eau d’irrigation.

Lorsque les EUE sont utilisées comme eau d’irrigation, la situation est radicalement différente. Un fort enrichissement en ions Na+ et Cl- est observé avec une diminution de la teneur en calcium. Ces variations nous amènent à suggérer qu’il s’agit d’un échange ionique avec les agrégats du sol entre les ions Na+, Ca++ et Mg++, ce qui est en accord avec les résultats de PEDRERO et ALARCON (2009).

Dans le cas présent, l’échange ionique peut être suivi uniquement à partir d'une très forte conductivité électrique car celle-ci est fortement corrélée à la concentration en chlorure de sodium. De même, la concentration des sulfates dépasse celle des EUE de 60 %, ce qui confirme l’augmentation des sels solubles dans les lixiviats. Cependant, les concentrations des bicarbonates baissent de 25 % en raison de leur combinaison avec les ions Ca++ ou Mg++ pour former un précipité de carbonate de calcium ou de magnésium dans le sol. Ceci cause l’augmentation de la teneur en Na+ et du Sodium Adsorption Ratio (SAR) d’après AYERS et WESTCOT (1988).

Conclusion

Le suivi de la qualité de lixiviats des parcelles de gazon irriguées par les EUE nous a permis de conclure que celles-ci présentent des risques de salinisation des sols et de la nappe. Ce résultat est accentué dans les textures lourdes (limoneuses ou argileuses) qui sont moins perméables, mal aérées et favorisent l’échange ionique. De ce fait, des précautions doivent être prises d’abord dans la gestion des doses d’irrigation afin d’éviter l’accumulation des sels dans la rhizosphère et, ensuite, dans le contrôle de leur transfert dans les eaux de la nappe.

Les concentrations des ions sulfates et bicarbonates rapportées pour les EUE ne créent aucun risque pour la nappe. Par contre, des précipités de carbonates de calcium ou de magnésium peuvent être prévus, ce qui provoquera une augmentation de la salinité comme l'a démontré les travaux de Jalali (2008).

En général, la réutilisation des EUE pour l’irrigation du gazon des golfs reste une bonne alternative pour la réduction des usages abusifs des engrais et, par la suite, la contamination de la nappe par les fertilisants.