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Plus encore que le titre, très global, c’est le sous-titre qui, d’emblée, donne la visée et la mesure de l’ouvrage. L’auteur, d’ailleurs, souligne ce fait dans la préface qui retrace en quelque sorte le cheminement de l’ouvrage : partant de la notion de l’interprétation, ancrée dans son contexte historique, en passant par la « traductologie[1] », et les fondements théoriques de l’interprétation au versant plus pratique du community interpreting avec ses multiples facettes jusqu’aux perspectives de cette science sans oublier pour autant les possibilités de recherche dans le domaine. Enfin, les recherches empiriques de l’auteur témoignent bien combien il s’est investi en la matière.

Voici quelle est la structure de cet ouvrage : la table des matières se compose de sept chapitres, d’un résumé en anglais pour chaque chapitre, d’une bibliographie et d’une annexe qui reproduit les questionnaires utilisés pour la recherche empirique. Les chapitres semblent suivre une certaine chronologie de l’évolution de l’interprétation sans pour autant l’indiquer expressément. L’importance accordée aux différents chapitres d’après leur taille est à peu près identique. Ce qui frappe d’emblée le lecteur de cet ouvrage, qui se veut également didactique, c’est qu’un index onomastique et thématique fait défaut.

En plus de couvrir les principaux aspects du champ de connaissances, qui est l’interprétation, les composantes de ce champ sont présentées de manière méthodique, dans un souci didactique, voire vulgarisateur. Nous trouvons les thèmes subdivisés en sous-thèmes et sous-sous-thèmes qui s’intègrent dans un ensemble cohérent. L’aspect « historique » de l’interprétation avec l’évolution de la notion d’« interprétation » au fil des siècles est brièvement esquissé et l’auteur, germanophone, ne pouvait guère – dans ce contexte – se limiter au seul champ de l’interprétation sans passer par la traduction. Car la notion allemande de Translation forgée par Otto Kade (1963)[2] comprend bien la transmission orale et écrite d’un récit ou texte d’une langue dans une autre.

En ce qui concerne l’histoire de l’interprétation, dans la bibliographie, pourtant bien fournie, le lecteur cherche en vain quelques ouvrages-clés qui ne devraient pas manquer dans ce contexte, d’autant plus que les données bibliographiques et leur analyse prennent une place importante au chapitre 2. Les titres qui nous manquent sont notamment : Les traducteurs dans l’histoire (Delisle 1996), The Origins of Simultaneous Translation. The Nuremberg Trial (Gaiba 1998), Interpreters as Diplomats (Roland 1999). Même si, comme l’auteur nous apprend dans sa préface, une année et demie s’est écoulée entre la finition du manuscrit et l’impression, ce laps de temps aurait pu servir à une mise à jour des données en la matière.

L’inévitable juxtaposition de traduction et d’interprétation se trouve non seulement dans le chapitre notionnel mais est également bien illustré par l’auteur au chapitre 2 et plus précisément sous l’intitulé : « The State of Two Arts » (p. 79). Un titre qui parle pour soi. L’auteur s’efforce dans ce même chapitre de présenter schématiquement le large spectre de l’interprétation. Nous pensons notamment aux illustrations 15 et 16 (p. 121 et 124), qui offrent au lecteur une vue d’ensemble de toute la complexité du domaine. Fait qui peut en quelque sorte aussi expliquer pourquoi le statut de l’interprète, comme d’ailleurs celui du traducteur, laisse encore bien à désirer, sujet que Pöchhacker n’a pas manqué d’examiner (p. 63-65).

Ce qui peut notamment servir à des fins didactiques est certes le chapitre 3 qui traite des fondements théoriques de l’interprétation et mène aux recherches empiriques du chapitre 4. Cette étude empirique examine le besoin de communication avec des patients hospitalisés non germanophones. Les questions de départ qui étaient posées peuvent se résumer ainsi : langues des patients, difficultés de communication, aspects pratiques et organisationnels, mais également éthiques – dès qu’il s’agit d’implication de personnel non qualifié pour l’interprétation. Dans l’étude en question, une attention toute particulière a été attribuée à la problématique que présente l’emploi de personnes accompagnatrices ou du personnel hospitalier en tant qu’interprètes. Le résultat auquel il fallait s’attendre, mais qui a été ainsi étayé par des données fiables, était qu’il y a un besoin énorme d’interprétation en milieu hospitalier, mais que les différents hôpitaux n’ont quasiment rien prévu pour remédier à ce besoin. La situation à laquelle se trouvent confrontés personnel médical et patients est dans bien des cas la suivante : l’interprétation est trop souvent encore effectuée par des personnes non qualifiées avec toute la problématique que cela implique.

Le chapitre 5 offre des exemples concrets de l’interprétation en milieu hospitalier exercée par exemple par une femme de ménage. La problématique, notamment en matière de terminologie spécialisée, ressort nettement. L’auteur montre aussi de façon très claire comment on pourrait remédier à ces lacunes, par des étoffements ou une économie du langage.

Le chapitre 6 offre une vue d’ensemble, bien documentée, des attentes qu’on peut et doit avoir par rapport aux personnes fonctionnant comme interprètes, de la formation particulière que les interprètes devraient pouvoir suivre afin de répondre au mieux à cette tâche d’interprète en milieux hospitalier.

Le chapitre 7 résume l’ouvrage et indique des directions de recherches dans ce domaine. Les questionnaires développés par l’auteur pour ces études se trouvent dans l’annexe et peuvent servir de modèle pour d’autres recherches empiriques. L’auteur souligne une fois de plus l’importance d’études empiriques afin de nourrir en quelque sorte cette « science » encore jeune, même si nous avons affaire à un métier qui compte parmi les plus vieux du monde.

À notre avis, cet ouvrage a une grande valeur didactique et devrait intéresser tout interprète présent ou futur, qu’il oeuvre dans l’enseignement ou dans la pratique.