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Agricultures urbaines et économie circulaire

Reconnecter villes et campagnes : vers des symbioses agricoles et agri-urbaines ? Une exploration sur le plateau de Saclay

Caroline Petit, Florent Levavasseur et Yoann Verger

Résumés

Depuis les années 1970 commencent à émerger de nouvelles conceptions pour re-créer des synergies entre ville et agriculture, la dernière en date promouvant le développement d'une économie circulaire. Cet article porte sur les flux transitant au sein des systèmes agri-alimentaires, en considérant les biens alimentaires, les flux amont de la production agricole liés à l’agro-fourniture, mais aussi les flux avals correspondant à la gestion des déchets. Une démarche couplée en écologie territoriale et en agronomie des territoires a été mise en oeuvre dans un territoire agri-urbain de la région Île-de-France, le plateau de Saclay, pour étudier les symbioses agricoles et agri-urbaines, expliciter les logiques qui sous-tendent les flux de matière et explorer les marges de manoeuvre qui permettraient d’internaliser davantage le métabolisme agri-alimentaire. Les résultats montrent que les flux internes et les boucles de recyclage relèvent majoritairement d’exploitations agricoles de type diversifié : polyculture-élevage, agri-composteur, agriculture biologique, et que le système dans son ensemble reste marqué par un fonctionnement linéaire et externalisé. Différentes voies sont envisagées pour mettre en place davantage de symbioses agricoles et agri-urbaines, nécessitant toutes à différents niveaux des changements technologiques, organisationnels et culturels. L’évaluation de la durabilité de ces flux locaux doit nécessairement intégrer des aspects quantitatifs, dont nous proposons ici une approche méthodologique, mais aussi qualitatifs pour considérer la nature des matières en circulation et l’éventuelle contamination des boucles de recyclage.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 À l’instar de Rastoin et al. (2006), nous considérons ici un système agri-alimentaire comme un syst (...)

1Les territoires périurbains présentent une diversité de systèmes de production, plus ou moins connectés entre eux et diversement insérés dans les réseaux locaux. En réponse à des enjeux majeurs comme la sécurité alimentaire, le bouclage des cycles biogéochimiques et le changement climatique, émergent des incitations institutionnelles à l’économie circulaire, à la relocalisation de l’approvisionnement alimentaire et au recyclage des matières organiques. Se pose alors la question de la façon dont s’inventent des synergies entre les villes et leurs agricultures de proximité après plus d’un siècle de déconnexion croissante (Oosterveer et Sonnenfeld, 2012). Si le sujet des rapports entre ville et agriculture périurbaine a fait l’objet de nombreux travaux, au travers du cadre conceptuel de la multifonctionnalité notamment (Zasada, 2011), il reste néanmoins peu abordé du point de vue de la matérialité de cette relation, autrement dit du point de vue des flux de matières et d’énergie qui caractérisent le métabolisme territorial (Barles, 2014). Cet article s’intéresse ainsi aux flux transitant au sein des systèmes agri-alimentaires1 dans les espaces périurbains.

2Les territoires urbains et ruraux sont depuis toujours étroitement liés, aussi bien sur le plan alimentaire que sur celui du recyclage de matières organiques. Il n’est pas inutile de rappeler ici que même dans des temps anciens, les grandes villes n’étaient pas autosuffisantes sur le plan alimentaire, même si elles produisaient certaines denrées en leur sein. Elles pouvaient dépendre de territoires lointains pour leur approvisionnement, comme aime à le rappeler C. Steel (2013). Jusqu’à une période récente, la plupart des grandes villes faisaient venir leur subsistance de bassins de production agricole relativement proches, à l’instar de Paris qui jusqu’au milieu du XXe siècle, s’approvisionnait pour l’essentiel dans un rayon d’environ 200 km (Billen et al., 2012). Dans les sociétés pré-industrielles, les fruits et légumes avaient une place limitée au sein des régimes alimentaires. Ils étaient produits à proximité des bourgs et villes et faisaient l’objet de généreux amendements et fumures pour être commercialisés sur certains marchés urbains fréquentés par une clientèle aisée (Steel, op cité). Avec la révolution industrielle de la fin du XIXe siècle, une déconnexion spatiale entre les lieux de production agricole et les centres de consommation alimentaire des villes s’opère, sous-tendue par la croissance démographique, l’amélioration des infrastructures et la baisse des coûts de transport, la modification des pratiques alimentaires et la spécialisation économique des territoires (Gaigné et al., 2011).

3Concernant le recyclage des matières organiques, depuis le Néolithique déjà, les déchets domestiques étaient réemployés pour fertiliser les terres proches des habitations (Mazoyer et Roudart, 1997). Dès le milieu du XVIIIe siècle, des matières organiques urbaines étaient récupérées pour une utilisation agricole d’entretien de la fertilité des sols (excréta humains et animaux, résidus alimentaires, mais aussi boues de rues, vidanges de fosses d’aisance, et tout rebut organique) (Barles, 2012). Dans le même temps, au cours du XIXe siècle, des engrais minéraux commencent à être employés en agriculture (nitrates du Chili, guano du Pérou, matériaux phosphatés puis superphosphates usinés, potasses extraites des mines), pratiques de fertilisation qui vont progressivement s’imposer face au recyclage des produits urbains à partir de 1870. Au XXe siècle se généralise l’utilisation des engrais minéraux, plus particulièrement après la Seconde Guerre mondiale.

4En résumé, les révolutions agricoles et industrielles ont généré une double distanciation des liens ville-agriculture en termes d’approvisionnement alimentaire et de pratiques de recyclage de matières organiques pour la fertilisation des cultures. À partir, des années 1970 commencent à émerger des questionnements sociétaux sur la sécurité alimentaire et la gestion des ressources naturelles. Aussi bien dans le domaine de l’alimentation que des déchets, de nouvelles conceptions vont s’imposer, surtout au cours des années 90, favorisant l’approvisionnement alimentaire local (Bonnefoy et Brand, 2014) et la valorisation agricole des déchets organiques pour limiter leur mise en décharge et incinération.

  • 2 En signant le pacte de Milan, ces villes s’engagent à mettre en place des formes de gouvernance des (...)

5L’argument de la sécurité alimentaire est avancé dès les années 1970 pour explorer la question de la relocalisation alimentaire, qui sera ensuite examinée à l’aune des trois piliers du développement durable et de l’émergence des enjeux globaux. La période récente marque l’implication croissante des collectivités dans des formes de gouvernance alimentaire. Depuis 2015, 159 villes dans le monde ont signé le Pacte de politique alimentaire urbaine de Milan2. En France, la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt de 2014 prévoit l’élaboration de plans alimentaires territoriaux qui doivent permettre de rapprocher production et consommation locales.

  • 3 Par exemple, la Directive 2008/98/CE relative aux déchets, en France la loi n°2009-967 qui fait sui (...)

6Concernant les matières organiques, il est important de rappeler que le retour au sol et la valorisation agronomique sont encadrés par plusieurs règlements. L’acronyme MAFOR regroupe l’ensemble des matières fertilisantes d’origine résiduaires. Elles peuvent être distinguées selon leur origine, agricole, urbaine, issue du traitement des eaux ou industrielle, mais également par le traitement qu’elles ont subi (Figure 1). En France, les MAFOR d’origine agricole et plus particulièrement des élevages, représentent la majeure partie des ressources disponibles (94 % en quantité en 2011, Houot et al., 2014). La valorisation agricole des MAFOR est encouragée par différentes politiques3 afin qu'elle devienne la voie principale de gestion des déchets organiques, après la prévention de la production de ces déchets et leur réemploi.

Figure 1. Principales MAFOR et voies de traitement.

Figure 1. Principales MAFOR et voies de traitement.

Source : adapté de Houot et al. (2014).

7Une rétrospective des relations ville-agriculture au prisme des flux de matières, alimentaires et déchets, montre ainsi des phases se succédant dans le temps, qui se différencient par la façon dont les sociétés gèrent les ressources au sein des systèmes agri-alimentaires, en particulier au niveau des ressources alimentaires et matières fertilisantes des cultures. Ce dernier sujet peut être envisagé sous l’angle de l’économie circulaire.

  • 4 L’ADEME définit sept composantes de l’économie circulaire : l’approvisionnement durable, l’écoconce (...)

8L’économie circulaire, nouveau terme pour envisager l’ancienne question des ressources, recouvre une diversité de thèmes ayant en commun la sobriété des ressources et l’établissement de boucles de recyclage4. Pour le propos de l’article, nous abordons deux composantes de l’économie circulaire : l’approvisionnement durable et le recyclage des déchets.

9L’économie circulaire renvoie à l’idée d’une gestion plus sobre, autonome et internalisée des ressources. Le terme « économie circulaire » apparaîtrait pour la première fois dans les écrits de deux économistes de l'environnement (Pearce et Turner, 1989). L'idée d’un système économique inspiré d’un écosystème parfait, qui ne vivrait que de ses déchets, en recyclant tout, sans rien prélever de son environnement que de l'énergie solaire et sans rien rejeter, est reprise dans le courant de l'écologie industrielle (Frosch et Gallopoulos, 1989, Erkman, 1997). L'économie circulaire désigne ainsi une idée somme toute assez ancienne, qui affirme qu’il est possible de s'affranchir des contraintes en termes de ressources environnementales limitées. Le terme est popularisé en France par l’historien et géographe Jean-Claude Lévy (2009) et il est notamment repris lors des discussions liées au Grenelle 2 de l'environnement. Au niveau de l'Union européenne, il existe un plan d'action pour une économie circulaire (EC 2015) et le terme est repris dans la politique européenne de gestion des déchets (EEA 2015), ainsi que par des industriels, groupes de réflexions et lobbys. Le fait que ce terme soit défendu par les industriels souligne une des acceptions de l'économie circulaire : une manière de préserver la croissance économique par la réutilisation des déchets via le recyclage et le réemploi. Cette vision est à rapprocher du courant dominant en écologie industrielle (Allenby 1999), de la notion de capitalisme vert ou naturel (Hawken et al., 1999), de la notion de croissance verte défendue par le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), voire de la notion de bioéconomie défendue par la Commission européenne, même si ce terme se rapporte plus spécifiquement à une gestion de la matière organique, qui évite le recours aux intrants fossiles (EU Commission, 2012).

10Une autre acception du terme d’économie circulaire prône une vision plus radicale, qui viserait non seulement au recyclage et au réemploi, mais également à la sobriété en termes de consommation énergétique et matérielle. C'est une ligne défendue par exemple par Dominique Bourg (Arnsperger et Bourg, 2016, Fanx et al. 2006), et par certains courants en écologie industrielle (Ehrenfeld 2004), et qui se rapproche des courants de la décroissance (Georgescu-Roegen 2006) et de l'économie stationnaire (Jackson, 2009). La particularité de cette ligne de pensée est de remettre en cause le premier pilier du mythe de l'économie circulaire « totale » : qu'il serait possible, si on ne considère pas l'énergie solaire, de s'affranchir totalement de prélever de la matière et de l'énergie dans l'environnement pour faire tourner l'économie. Cette possibilité théorique est invalidée par des arguments entropiques, qui portent sur les nécessaires déperditions d'énergie et de propriétés de la matière qu'occasionnent les opérations de recyclage. On ne pourra jamais tout recycler à 100 %, il faudra donc toujours opérer un prélèvement dans l'environnement pour alimenter l’activité économique : l'idée est alors de le minimiser, et donc de promouvoir une sobriété énergétique et matérielle de l'économie. Le second pilier au cœur de l’économie circulaire soutient que par le réemploi et le recyclage, il serait possible de ne rien rejeter dans l’environnement. Ce second pilier fera l’objet d’une mise en perspective au regard de nos résultats.

Problématique et cas d’étude

  • 5 Si le terme de métabolisme est largement employé en chimie, et ce, dès les années 1860, il peut dés (...)

11La quantification des flux relatifs à l’alimentation ou aux matières organiques fertilisantes d’origine résiduaire reste un enjeu scientifique. Pour traiter ces questions complexes, l’écologie territoriale, s’intéressant au métabolisme5 des territoires et à la gouvernance des flux de matières et d’énergie, nous semble une option théorique et méthodologique pertinente. Les relations ville-agriculture peuvent être lues comme des formes de symbiose, mot qui signifie étymologiquement « vivre ensemble ». Une symbiose désigne l’association entre deux organismes appartenant à des espèces différentes. Cette notion est essentiellement employée dans les sciences biologiques qui distinguent classiquement les relations mutualistes, où les deux organismes retirent un intérêt à l’interaction, et les relations parasitaires, où l’un des deux organismes retire un avantage aux dépens de l’autre. Par analogie, nous extrapolons ce raisonnement aux relations ville-agriculture pour introduire les termes de symbioses agricoles et agri-urbaine. Les symbioses agricoles au sens où nous l’entendons ici correspondent aux relations entre exploitations agricoles, prenant par exemple la forme de couplage entre culture et élevage (Martin et al., 2016).

12Cette notion de symbiose nous semble appropriée pour désigner les relations existant entre les diverses formes d’agriculture et les urbains, en termes d’approvisionnement alimentaire et de flux de matières organiques, pour discuter des déterminants qui sous-tendent ces flux et des parties prenantes qui dégagent un intérêt à leur établissement. Ainsi, si la disponibilité des MAFOR est potentiellement importante dans les aires urbaines, les agriculteurs ne sont pas toujours enclins à les utiliser. Au-delà de la question de l’acceptabilité sociale, il s’agit aussi de comprendre les déterminants de l’usage de ces matières et ainsi pourquoi certains flux se mettent en place dans les territoires et pas d’autres.

13Une démarche couplée en agronomie des territoires et en écologie territoriale a été initiée en 2015 sur le plateau de Saclay, territoire agri-urbain francilien soumis à une forte pression d’aménagement. La démarche est principalement axée sur la compréhension de l’agro-écosystème du territoire. Les résultats de ces premiers travaux montrent que le système agri-alimentaire du plateau de Saclay est largement ouvert, externalisé et linéarisé, avec cependant des boucles internes de flux de matières, correspondant à des initiatives de relocalisation alimentaire et de recyclage de matières organiques. À l’occasion de ces travaux, une typologie d’exploitations agricoles a été élaborée pour évaluer l’efficience des différents types au regard des flux d’azote qu’ils mettent en jeu. Nous approfondissons ici la compréhension des flux de matières entre types d’exploitations (ressources alimentaires et déchets) pour (i) expliciter les logiques des agriculteurs qui sous-tendent ces flux, (ii) identifier les matières disponibles sur le territoire et (iii) évaluer les marges de manœuvre qui permettraient de ré-internaliser davantage le métabolisme.

Contexte local et méthodologie

  • 6 Selon les données Evolumos 1982-2012 de l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Île-de (...)

14La problématique globale de notre recherche a pris forme et a été appliquée dans le contexte d’un territoire agri-urbain de la Région Île-de-France, le plateau de Saclay. Ce territoire agri-urbain en mutation combine différents enjeux liés au périurbain, notamment l’aménagement et le développement économique (insertion depuis 2006 dans l’opération d’intérêt national Massy - Palaiseau - Saclay - Versailles - Saint-Quentin-en-Yvelines), le devenir de son agriculture (la pression urbaine entraîne une diminution des terres agricoles6) ou encore la gestion des ressources naturelles et la gouvernance territoriale (deux départements - Yvelines et Essonne - et 3 collectivités d’agglomérations se partagent le territoire) (Brédif, 2009 ; Subra, 2009 ; Zentelin, 2015). Le plateau est également le futur site d’implantation de l’université Paris-Saclay. En parallèle de ces projets d’aménagement, une Zone de protection naturelle agricole et forestière (ZPNAF) a été décrétée et inscrite dans la loi du Grand Paris du 3 juin 2010. Dans ce cadre, sur le plateau de Saclay, environ 2400 hectares de terres sont sanctuarisés en faveur de l’activité agricole, et un programme d’action qui précise les aménagements possibles et les orientations de gestion de cette zone a été élaboré au cours de l’année 2017.

  • 7 Le LabEx BASC (Biodiversité, Agroécosystèmes, Société, Climat) a notamment soutenu entre 2013 et 20 (...)
  • 8 Le programme de recherche français Pour et Sur le Développement Régional (PSDR) soutient depuis 201 (...)

15Ce territoire fait l’objet d’un suivi depuis 2013, amorcé dans le cadre de certains projets soutenus par le Laboratoire d’Excellence BASC7 et le programme PSDR8. Dans ce cadre ont pu être menées différentes analyses sur les dynamiques et l’évolution des systèmes agri-alimentaires. Des enquêtes approfondies ont été réalisées depuis 2014 auprès de l’ensemble des exploitations agricoles du territoire et des acteurs impliqués dans le système agri-alimentaire. Sous le terme « agriculteurs » ont été regroupés tous les professionnels qui s’inscrivent dans le champ agricole, au sein de structures aux statuts variés (exploitations agricoles, professionnelles ou non, entreprises d’insertion, organismes de recherche, etc.) et produisant tous types de productions confondus (grandes cultures, horticulture dont maraîchage, productions spécialisées). En tout, ce sont une trentaine d’entretiens formels qui ont été conduits, sous la forme d’entretiens semi-directifs et de retours d’enquête ainsi que des échanges dans le cadre de réunions des projets de recherche pré-cités. En adoptant une posture d’agronome des territoires et en étudiant de manière globale le fonctionnement des exploitations et activités agricoles, nous avons cherché à comprendre les pratiques des agriculteurs en les replaçant dans leur contexte territorial, leurs réseaux sociaux et culturels (Papy, 2001 ; Rizzo et al., 2013). L’analyse de ces entretiens a débouché sur l’élaboration d’une typologie d’exploitations agricoles (figure 2) puis en associant des méthodes relevant de l’écologie territoriale, sur l’analyse globale du système agri-alimentaire, au prisme des flux d’azote, qui a permis d’évaluer localement le degré de connexion entre production agricole et consommation alimentaire (Tedesco et al., 2017). Ces premiers résultats montrent que le niveau de connexion s’avère relativement faible entre production et consommation locales. La consommation alimentaire de la population locale provient à 2 % de la production agricole locale, les 98 % restant sont importés (en termes d’azote). Ce flux entre production agricole locale et consommation alimentaire concerne essentiellement les productions légumières, fruitières et animales qui sont valorisées localement respectivement à hauteur de 100 et 65 %. La connexion est plus faible pour les produits céréaliers et les oléoprotéagineux mais un potentiel important existe puisque ces productions pourraient couvrir les besoins locaux de consommation – humaine et alimentation des cheptels – respectivement à hauteur de 119 et 170 %, sous réserve de disposer d’infrastructures de transformation et de distribution, voire de modifier les modes de production. L’analyse a également permis de mesurer la contribution de chaque type d’exploitations à l’alimentation locale, contribution principalement assurée par des exploitations de grandes cultures ayant opéré une forme de diversification (type B)

Figure 2. Trois types d’exploitations agricoles présentes sur un territoire d’environ 150 km2.

Figure 2. Trois types d’exploitations agricoles présentes sur un territoire d’environ 150 km2.

16Le groupe A, couvrant 63 % des surfaces agricoles du territoire, correspond à des exploitations céréalières conventionnelles, orientées vers des filières de commercialisation longues. Ce groupe comprend des instituts de recherche agronomiques présents sur le plateau. Le groupe B, couvrant environ 34 % des surfaces agricoles du territoire, correspond à des exploitations plus ou moins engagées dans une diversification, que ce soit sur le type de production ou la filière de valorisation. On y retrouve par exemple une exploitation de polyculture-élevage dont la majorité de la production laitière est commercialisée localement, ainsi qu’une exploitation biologique qui produit du blé bio transformé localement en pain. Dans ce groupe B figure également un agri-composteur qui produit du compost à partir des déchets verts des collectivités voisines. Enfin, le groupe C, couvrant environ 3 % des surfaces agricoles du territoire, correspond à des petites exploitations spécialisées : maraîchage biologique d’insertion, élevage avicole, ou centres équestres.

17Par ailleurs, depuis 2013, des cadres d’échanges entre les acteurs locaux et les chercheurs ont été mis en place et facilités par l’association Terre et Cité, présente localement et oeuvrant à la préservation et la valorisation des espaces ouverts et agricoles du plateau de Saclay. Dans ce cadre ont pu être organisés en mai 2016 les ateliers d’écologie territoriale de Saclay, événement qui a réuni une trentaine de chercheurs de domaines complémentaires (agronomie, sciences du sol, hydrologie, science du climat, géographie, urbanisme, science de la durabilité, etc.) pour travailler sur le métabolisme territorial, avec une attention portée sur les flux de matières principalement liés à l’hydro-agro-écosystème (Petit et al., 2019) . Ainsi, ont été analysés les flux de marchandises, d’azote, de carbone, de phosphore et d’eau des 18 communes considérées comme formant une entité territoriale cohérente du plateau et de ses vallées (Verger et al., 2018).

Le choix d’exprimer les flux en termes d’azote

18L’azote, en tant qu’élément chimique entrant dans la composition des protéines, est présent dans de nombreux composés organiques et inorganiques. Exprimer les flux au sein du système agri-alimentaire en termes d’azote présente l’avantage de pouvoir considérer les flux liés aux fertilisants agricoles, aux productions agricoles, aux consommations alimentaires, aux déchets associés et aux pertes environnementales. Nous reprenons ici les principes de l’approche GRAFS (Generic Representation of Agro-Food Systems) définis dans Billen et al. (2014). Le système considéré ici est composé de trois compartiments (population locale ; exploitations agricoles représentées selon les trois types prédéfinis ; espaces verts). Les flux d’azote, entrants, sortants et internes au système sont calculés pour chaque matière et les taux de conversion présentés dans le tableau 1.

Tableau 1.Teneur en azote et en carbone (%) dans les flux alimentaires et flux de déchets.

Teneur en azote (% de la masse)

Références

Blé (matière sèche)

1.7

Sauvant, Pérez et Tran 2004

Maïs (matière sèche)

1.3

Sauvant, Pérez et Tran 2004

Colza (matière sèche)

3.1

Sauvant, Pérez et Tran 2004

Orge (matière sèche)

1.6

Sauvant, Pérez et Tran 2004

Féverole (matière sèche)

4.2

Sauvant, Pérez et Tran 2004

Triticale (matière sèche)

1.5

Sauvant, Pérez et Tran 2004

Luzerne (matière sèche)

3.3

Sauvant, Pérez et Tran 2004

Betterave (matière sèche)

1.3

Sauvant, Pérez et Tran 2004

Prairie (matière sèche)

2.7

Sauvant, Pérez et Tran 2004 (80 % herbe, 10 % luzerne, 10 % trèfle)

Légumes (matière humide)

0.58

Ciqual, 2013

Fruits (matière humide)

0.11

Ciqual, 2013

Lait (matière humide)

0.53

Courtet-Leymarios (2010)

Viande de boeuf (matière humide)

3.9

Ciqual, 2013

Viande de poulet (matière humide)

4.6

Ciqual, 2013

Oeufs (matière humide)

2.0

Ciqual, 2013

Bio-déchets (matière humide)

0.57

Moyenne pondérée à partir des produits alimentaires consommés par la population humaine du territoire. Valeur compatible avec les données de Beck-Friis, 2001.

Déchets verts (matière sèche)

2.5

Sauvant, Pérez et Tran 2004 (90 % herbe, 5 % luzerne, 5 % fèverole)

Bois (matière humide)

0.36

Ranger et Bonneau (1984)

Compost de déchets verts (matière humide)

0.8

Chabalier et al., 2006

Fumier de cheval

(matière humide)

0.42

Martin-Rosset et al. 2013

Fumier bovin

(matière humide)

1.0

Peyraud et al. 2012

Fientes de volaille (matière humide)

3.9

Gac et al 2007

Urine et excréments humains (matière humide)

0.91

Valeur calculée par les auteurs, compatible avec les données de Rose et al., 2015

Résultats

19Les résultats portent d’une part sur l’analyse de la circulation des flux d’azote au sein du système agri-alimentaire, vue à travers les trois types d’exploitations agricoles présentes sur le plateau de Saclay. Dans un second temps, nous détaillerons les résultats en nous penchant sur les logiques des agriculteurs sous-tendant ces flux.

Analyse quantitative des flux au regard des trois types d’exploitations agricoles

20L’analyse quantitative des flux permet de donner des ordres de grandeur de la contribution des trois types d’exploitations agricoles au métabolisme territorial, sur l’établissement de boucles de recyclage et sur le niveau de connexion avec la population locale (Figure 3). On constate tout d’abord l’absence de connexion directe des exploitations du groupe A avec la population locale en termes d’alimentation humaine. Les productions exportées des exploitations du groupe A représentent un important flux d’azote sortant du territoire. Le maintien de la fertilité sur ces exploitations est assuré par un recours aux engrais minéraux importés, représentant un important flux d’azote entrant sur le territoire. Les flux d’azote sont donc majoritairement linéaires. Une faible connexion au territoire s’opère tout de même pour quelques exploitations qui s’approvisionnent en composts et/ou fumiers en provenance des exploitations du groupe B. Ces flux de matières coexistent souvent avec des relations fonctionnelles entre fermes (partage de matériel, fermes à façon).

21L’approvisionnement alimentaire direct de la population locale relève quasiment exclusivement des exploitations du groupe B (21 tN/an contre 1 tN/an pour les exploitations du groupe C) et concerne principalement les productions de fruits et légumes, les produits laitiers et dans une moindre mesure des produits céréaliers (Tedesco et al., 2017).

Figure 3. Circulation des flux entre les différents types d’exploitations agricoles et la population locale du plateau de Saclay en 2015. L’unité de mesure est l’azote (N) et l’estimation de chaque flux est mentionnée en tN/an.

Figure 3. Circulation des flux entre les différents types d’exploitations agricoles et la population locale du plateau de Saclay en 2015. L’unité de mesure est l’azote (N) et l’estimation de chaque flux est mentionnée en tN/an.

EA: exploitations agricoles

  • 9 Le local est ici compris de manière non restrictive par rapport au territoire du plateau de Saclay, (...)

22Au sein des exploitations du groupe B, les diversifications permettent un début de bouclage du cycle de l’azote sur le territoire (Figure 4). Ainsi en est-il de la production laitière de l’exploitation de polyculture-élevage dont la majorité est commercialisée localement9, de la production de blé bio transformé localement en pain, mais aussi de la luzerne trouvant un débouché pour l’alimentation des bêtes de l’exploitation de polyculture élevage ou encore du triticale et des féveroles de l’exploitation bio qui approvisionne l’élevage de volaille bio (groupe C). Dans ce groupe B se retrouve également un agri-composteur qui produit du compost à partir des déchets verts des collectivités voisines, compost valorisé sur les exploitations des groupes B et A. Néanmoins, les grandes cultures restent majoritaires en surfaces et le mode de production dominant dans ces exploitations reste similaire au groupe A, avec des flux d’azote associés principalement linéaires.

23Les exploitations du groupe C participent au bouclage du cycle de l’azote via leurs productions orientées vers des filières alimentaires ou de loisirs locales, mais également via l’utilisation d’effluents d’élevage locaux (fumier bovin de groupe B, fumiers équins utilisés en maraîchage). Cependant, du fait de leur petite taille, l’impact de ces exploitations sur les flux globaux du territoire est faible.

24Les déchets verts et la production de compost représentent un important flux d’azote sur le territoire (114 t N/an dans le compost produit). Le bouclage des cycles ne se fait pas tout à fait à l’échelle du territoire, étant donné que la majorité des déchets verts proviennent de collectivités extérieures au territoire et qu’une partie du compost est exportée (61 t N/an).

25Parallèlement aux flux associés aux exploitations agricoles, des flux importants d’azote sont associés aux ménages. Ces flux sont majoritairement linéaires, du fait de l’approvisionnement alimentaire principalement externe au territoire, mais également de l’absence de recyclage local des déchets produits par ces ménages (eaux usées, biodéchets). Le plateau de Saclay est en effet intégré dans le vaste territoire de collecte du Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (SIAAP) et les eaux usées domestiques sont intégralement exportées. Les boues d’épuration produites ne sont pas épandues sur le territoire. Les biodéchets quant à eux ne sont pas collectés sélectivement et sont éliminés dans des incinérateurs extérieurs au territoire.

Figure 4. Circulation des flux entre les exploitations agricoles du groupe B. L’unité de mesure est l’azote (N) et l’estimation de chaque flux est mentionnée en tN/an.

Figure 4. Circulation des flux entre les exploitations agricoles du groupe B. L’unité de mesure est l’azote (N) et l’estimation de chaque flux est mentionnée en tN/an.

Crédit photos : C. Petit, Ferme de Viltain, Les Barbes vertes, M. Debiesse.

Analyse qualitative des flux transitant au sein du système et logiques techniques des agriculteurs

26En termes d’approvisionnement alimentaire, si les liens entre les agriculteurs et les consommateurs locaux relèvent quasiment exclusivement des exploitations agricoles du groupe B, l’histoire des exploitations permet de montrer comment ces liens ont évolué au cours du temps. Avant la seconde moitié du XXe siècle, la plupart des fermes, malgré leur nature principalement céréalière, étaient de type polyculture voire polyculture-élevage et elles commercialisaient localement leurs productions. La modernisation agricole combinée à l’expansion urbaine, l’augmentation du prix du logement, de la main-d’œuvre agricole et plus largement la transformation du métier d’agriculteur vont entraîner l’arrêt de ces pratiques de vente directe. À notre connaissance, une seule ferme va maintenir dans la durée ce lien, en faisant évoluer ses modes de ventes, passant de l’approvisionnement en tournées à des formes plus novatrices, notamment une cueillette à la ferme, et ce, dès les années 1980. À cette même période, les autres fermes, dans un contexte d’expansion urbaine, s’engagent plutôt sur la voie de la spécialisation agricole, de l’arrêt des cultures de diversification ou de l’élevage, et de la diminution de la main-d'œuvre agricole salariée. Les initiatives de (re)développement de formes de circuits courts par certaines fermes du groupe B datent des années 2000, en lien étroit avec des mobilisations citoyennes de défense et de valorisation de l’agriculture face aux grands projets d’aménagement voulus par l’État. Ces transformations concernent le redéploiement de l’activité de maraîchage, la transition vers l’agriculture biologique couplée à l’activité de panification et l’établissement de nouveaux modes de contractualisation avec les consommateurs. Même si les exploitations n’ont pas de difficultés particulières à trouver leur clientèle, cette reconnexion entre producteurs et consommateurs implique continuellement une adaptation réciproque aux attentes et réalités des deux parties. Les fermes du groupe C à vocation alimentaire font quant à elle leur apparition au début des années 2010.

27La présence d’une station de compostage adossée à une exploitation agricole est une caractéristique importante du territoire. L’agriculteur a commencé cette activité de diversification au début des années 1990 et l’a depuis développée et professionnalisée, notamment en prenant part au réseau des agriculteurs composteurs de France qui s’est structuré à cette même période. Au moment de nos enquêtes, environ les trois quarts du compost produit sur la station trouvaient un débouché auprès des agriculteurs, du territoire ou non, le reste étant utilisé par des paysagistes. Pour les agriculteurs, le compost est un amendement intéressant, généralement apporté à l’automne avant une culture de printemps (maïs, féverole) ou avant le semis du blé. Son effet fertilisant azoté direct est très faible (Gutser et al., 2005), la complémentation azotée minérale restant donc indispensable en système conventionnel. Il permet par contre de relever la matière organique du sol, généralement basse dans les systèmes céréaliers, ce qui à terme augmente la minéralisation et donc la fourniture en azote du sol. Son effet amendant permet également de limiter la battance de sols limoneux particulièrement sensibles à ce phénomène. Enfin, il apporte également plusieurs nutriments majeurs ou secondaires (P, K, Mg….) et entretient le pH du sol (apport de CaO). Son intérêt est encore plus marqué en agriculture biologique (AB) où les intrants chimiques sont interdits : une exploitation convertie en AB s’en procure déjà, tandis qu’une nouvelle exploitation en conversion depuis 2017 devrait également s’en procurer.

28Malgré les intérêts du compost de déchets verts, plusieurs inconvénients fragilisent cette filière. La production de compost en milieu péri-urbain engendre des plaintes vis-à-vis des odeurs de la compostière. Par ailleurs, l’intérêt amendant se faisant sentir à long terme, tous les agriculteurs ne sont pas prêts à investir dans cette pratique, les chantiers d’épandage étant lourds et le contexte agricole incertain (prix, foncier…). Le mode de faire-valoir indirect, ainsi que des transmissions intergénérationnelles non assurées sont souvent corrélés à des pratiques plus limitées d’entretien de la matière organique des sols sur le long terme (Joncoux, 2013). Enfin, la présence d’indésirables peut nuire à l’image du compost, même si ceux-ci sont contrôlés dans le cadre de la normalisation du compost.

29Les échanges paille – fumier de chevaux sont peu développés sur le territoire, ce qui amènent à des flux d’azote essentiellement linéaires : la paille est importée, tandis que la quasi-totalité du fumier produit est exportée hors du territoire. Le fumier de cheval, pailleux et hétérogène, est en effet peu apprécié par les agriculteurs céréaliers : il est difficile à épandre, peut contenir certains indésirables (ficelles…) et provoquer des « faims d’azote ». Par ailleurs, les capacités de stockage au niveau des centres équestres étant limitées alors que les périodes d’épandage sont restreintes dans l’année, la logistique est difficile. Concernant l’approvisionnement en paille des centres équestres principalement extérieur au territoire, un des déterminants pourrait être d’ordre logistique. Une pension de chevaux nous a en effet détaillé les difficultés de manutention liées aux ballots de paille produits dans les fermes céréalières voisines, de trop grandes tailles pour être manipulés aisément.

30Le recyclage des biodéchets est très peu développé sur le territoire. À l’heure actuelle, aucune collecte sélective des biodéchets chez les particuliers n’est en place, ces déchets sont incinérés. Un exemple de recyclage local à petite échelle est cependant en place : une exploitation du groupe B approvisionne une cantine en direct, et récupère, après étuvage, les biodéchets de la cantine. Ces biodéchets sont mélangés à d’autres MAFOR avant d’être épandus (fumier bovin, équin ou compost de déchets verts). La pratique, bien qu’intéressante du point de vue de l’économie circulaire, représente un flux très faible (probablement inférieur à 1 t N/an). Cette pratique, qui est le fait d’un arrangement pragmatique entre acteurs, est également fragile d’un point de vue réglementaire.

31Les liens entre céréaliculture biologique et élevage sont un autre exemple de bouclage du cycle de l’azote sur le territoire. En effet, l’alimentation du bétail de l’élevage bovin sert de débouché pour la luzerne produite sur l’exploitation céréalière bio, représentant un flux de 12 t N/an. La présence de ce débouché assure la pérennité de cette production, qui offre de nombreux avantages en agriculture biologique (étouffement des adventices et fourniture d’azote notamment), et qui serait sinon plus difficile à introduire dans les rotations en raison de l’absence d’usine de déshydratation de luzerne à proximité (Petit et Aubry, 2014). L’exploitation biologique récupère également une partie des effluents de l’élevage (lisier, fumier), assurant ainsi le recyclage de 7 t N/an et le maintien de la fertilité des sols de l’exploitation. Du point de vue de l’exploitation d’élevage, ces échanges permettent de libérer des terres pour d’autres productions (luzerne moins avantageuse en système conventionnel) et de limiter les excédents en effluents.

32Enfin, un bouclage assez classique en système laitier s'opère sur l’exploitation d’élevage. Les effluents (fumier, lisier) sont épandus sur les terres de l’exploitation, tandis qu’une partie des cultures produites (maïs ensilage) fait partie de la ration du troupeau, assurant ainsi un recyclage de l’azote interne à l’exploitation. Du fait de la taille importante de l’élevage, il s’agit de la plus importante boucle du territoire avec 69 t N/an.

Discussion

33Dans notre analyse, nous nous sommes focalisés sur le métabolisme agri-alimentaire d’un territoire agri-urbain en mutation, le plateau de Saclay. Les flux d’azote considérés concernent les matières alimentaires, mais aussi l’agro-fourniture, nécessaire au processus de production agricole, et les effluents agricoles et déchets urbains. Une interprétation de nos résultats peut être l’existence encore trop limitée, au sein du métabolisme actuel, de relations matérielles entre ville et agriculture et entre différents types d’exploitations agricoles. Si l’on considère que la relocalisation et l’établissement de boucles de recyclage sont des objectifs en soi, quelles sont les marges de manœuvre et les questions que cela engendre ?

Des symbioses agricoles à renouveler

34En termes de rapport ville-agriculture, l’accent est souvent mis sur les pratiques de filières courtes et l’approvisionnement alimentaire des populations. Des synergies existent toutefois entre différents types d’agriculture et prennent la forme de symbioses agricoles, mais restent encore peu visibles et quantifiées alors qu’elles contribuent également à ré-internaliser le métabolisme territorial. Ces symbioses relèvent des formes de couplage traditionnel entre culture et élevage qui restent aujourd’hui assez rares dans les territoires marqués par une relative spécialisation agricole. Dans notre contexte d’étude, il s’agit d’une spécialisation en productions végétales, particulièrement en grandes cultures, conjointement à une diminution des élevages. Le plateau de Saclay fait quelque peu exception dans la mesure où une grande exploitation laitière s’est maintenue, permettant un bouclage de l’azote et des échanges avec d’autres exploitations, en faveur notamment du développement de l’agriculture biologique, comme ont pu le montrer Nowak et al. (2013). Cette situation ne trouvera pas nécessairement d’équivalent dans d’autres territoires agri-urbains. On retrouvera malgré tout de grandes tendances en termes de contribution globale par grands types de produits, comme une étude au niveau régional sur les filières courtes a pu le montrer (IAU, 2015).

35Toutefois, en dehors des formes d’échanges entre cette ferme d’élevage et les exploitations proches, il ressort de nos entretiens que les symbioses qu’il paraitrait évident de mettre en place, par exemple entre les centres équestres et les exploitations de grandes cultures ou pour valoriser certaines cultures du territoire en alimentation animale, ne sont dans la pratique pas faciles à mettre en œuvre. Dans ce domaine, il est probablement nécessaire de développer localement des infrastructures spécifiques de transformation et de valorisation des productions et des matières. Certains agriculteurs se disent toutefois favorables au choix de privilégier les relations entre fermes plutôt que la simple commercialisation avec les opérateurs des filières. Nos résultats montrent comment la relocalisation des productions animales peut être tout à fait complémentaire d’actions de relocalisation pour la consommation humaine (p. ex. luzerne biologique produite sur une ferme de grandes cultures vendue à un élevage de bovin). Au-delà des freins organisationnels identifiés concernant le redéploiement de l’élevage (logistique, présence d’abattoirs, de services vétérinaires, etc.), le bilan environnemental d’une telle relocalisation de l’élevage dans notre contexte resterait tout de même à étudier, celui-ci n’étant pas forcément positif (Willeghems et al., 2016). Enfin, une perspective serait de renforcer les liens avec des exploitations de territoires proches dans la mesure des possibilités logistiques.

Symbioses agri-urbaines, vers davantage de synergie ville-agriculture ?

36Les initiatives de rapprochement des agriculteurs et des consommateurs se sont multipliées depuis le début des années 2000 sur le plateau de Saclay. Un couplage plus conséquent entre production agricole et consommation alimentaire à l’échelle locale pourrait être envisagé en jouant sur différents leviers, par exemple la poursuite de la diversification des exploitations du groupe B, la bifurcation des exploitations du groupe A vers des pratiques de commercialisation en circuits courts, l’installation d’autres exploitations agricoles spécialisées du groupe C, la création d’outils de transformation agro-alimentaire permettant de mutualiser les moyens (meunerie, légumerie, etc.). Toutes ces options nécessitent un engagement fort des collectivités locales envers les porteurs de projets et une sensibilisation des citoyens.

  • 10 Dans des procédés de méthanisation, il faut associer aux effluents d’élevage des co-produits qui so (...)

37La gestion des déchets contribue également à ces symbioses agri-urbaines. Le principal bouclage à l’heure actuelle se fait via le recyclage des déchets verts urbains en agriculture, du fait de l’existence d’une station de compostage locale. Malgré l’importance du flux d’azote que représentent les composts de déchets verts pour les exploitations du groupe B (54 t N /an en 2015, à comparer aux 182 t N /an des engrais synthétiques), ils ne permettent pas de réduire significativement les apports d’engrais synthétiques en agriculture conventionnelle ou de fientes en agriculture biologique. En effet, ces composts sont des MAFOR amendantes à l’effet fertilisant direct très faible (Gutser et al., 2005). Pour améliorer l’autonomie du territoire, des MAFOR davantage fertilisantes seraient nécessaires. Une des premières voies possibles seraient la mise en place d’un méthaniseur. La valeur fertilisante des digestats est en effet supérieure à celle des composts (Gutser et al., op cité). La méthanisation des effluents d’élevage de l’exploitation de type B pourrait ainsi améliorer la valeur fertilisante des MAFOR produites. Un projet de méthanisation existe sur le plateau de Saclay, mais de nombreuses questions se posent sur l’approvisionnement en déchets du méthaniseur. Dans le cadre d’une co-méthanisation des effluents d’élevage et de déchets urbains ou agro-industriels (biodéchets par exemple10), l’agriculteur peut perdre le contrôle sur l’approvisionnement, rendant plus incertain le fonctionnement du méthaniseur qui représente un investissement conséquent. La méthanisation peut également être vue comme concurrente d’autres usages des MAFOR, en accaparant des ressources auparavant utilisées par d’autres exploitations (fumiers de chevaux utilisés en maraîchage par exemple). Se pose également la question de l’usage du digestat en agriculture biologique, actuellement non autorisé si toutes les matières entrantes ne sont pas d’origine biologique. Le recyclage des sous-produits de l’assainissement des eaux usées pourrait être un moyen d’améliorer l’autonomie en fertilisants des exploitations, mais l’épandage de boues de STEP produites dans des stations situées en dehors du territoire est cependant mal perçu et non pratiqué sur le territoire. Une alternative innovante consisterait à recycler directement l’urine séparée à la source dans les habitations et immeubles de bureau. La séparation à la source de l’urine présente de nombreux avantages : préservation du caractère relativement stérile de l’urine sans mélange avec le reste des eaux usées, très bonne valeur fertilisante de l’urine, récupération des nutriments qui sont autrement majoritairement perdus dans les stations d’épuration, etc. (Esculier et al., 2018) Esculier et al. montrent par ailleurs qu’à l’échelle de l’Île-de-France, plus de 100 % des besoins en azote des exploitations pourraient être couverts par le recyclage des urines des Franciliens. La mise en place de cette nouvelle filière de MAFOR, aujourd’hui en discussion sur le plateau, implique des changements technologiques majeurs dans les modes de traitement des eaux usées dans la conception des bâtiments et une évolution des raisonnements des agriculteurs vis-à-vis de la fertilisation des cultures. Dans notre territoire d’étude, alors que les entretiens avec les agriculteurs révèlent plutôt une méfiance générale sur les matières organiques d’origine urbaine, le positionnement de certains évolue sur ces sujets, comme en témoigne un intérêt récent pour des essais de fertilisation à base d’urine, s’inscrivant dans une logique substitutive aux engrais azotés de synthèse.

38Plus généralement, l’utilisation par les agriculteurs de MAFOR, qu’elles soient d’origine agricole ou urbaine, doit intégrer différentes contraintes liées à la disponibilité en équipements spécifiques (notamment en matériels d'épandage), aux aspects réglementaires (tenant compte des zones vulnérables, de la proximité aux habitations, des seuils en contaminants dans les sols, etc.), à la compatibilité avec les systèmes de culture mis en œuvre et les calendriers de travaux agricoles, à l’existence de spécificités relatives à l'épandage de MAFOR dans les cahiers des charges techniques des opérateurs d'aval, ou encore aux conflits de voisinage relatifs notamment aux nuisances olfactives (Aubry et al., 2016). Par ailleurs, les difficultés de circulation en territoire périurbain soumis à de fortes contraintes d’aménagement peuvent constituer un frein croissant à l’établissement de ces symbioses agricoles et agri-urbaines, au même titre que la prise en compte du problème du transfert de contaminants dans les boucles de recyclage. Afin de faciliter la mise en œuvre de ces symbioses, notamment du point de vue du recyclage des déchets, des cadres conceptuels permettant de considérer l’ensemble des acteurs impliqués, leurs perceptions et les conséquences possibles sur l’environnement sont donc nécessaires, comme par exemple celui proposé par Dumoulin et al. (2016).

Prise en compte des contaminants dans les boucles de recyclage

39Malgré l’intérêt du recyclage des MAFOR dans le métabolisme territorial pour contribuer au bouclage des cycles biogéochimiques, la question de leur innocuité reste centrale, même si en partie encadrée par la réglementation. En contexte post-industriel, les éléments chimiques circulent au sein de matières dont la nature et la composition sont hétérogènes. Celles-ci ne sont pas seulement organiques et elles peuvent contenir des substances toxiques pour l'environnement et l'homme. En plus des préoccupations déjà anciennes sur l’accumulation de métaux dans les sols, puis celles concernant les contaminants organiques (PCB, résidus d’hydrocarbures), s’ajoutent maintenant des questions concernant les polluants émergents (phtalates, produits pharmaceutiques) ou la dissémination de gènes d’antibiorésistance dans l’environnement (Chee-Sanford et al., 2009). Ces contaminants potentiels concernent plus particulièrement certaines matières en circulation, comme par exemple les fumiers de chevaux (l’antibiothérapie étant répandue au sein des centres équestres) ou l’urine humaine (contenant des produits pharmaceutiques). Ces contaminants peuvent être présents plus largement dans des effluents d’élevage (antibiotiques) et des engrais minéraux (métaux lourds).

40Ces aspects réinterrogent le second pilier de l’économie circulaire, qui implique qu’il serait possible, via les boucles de recyclage, de ne rien rejeter dans l’environnement. Dans la littérature, cette remise en cause émerge et reste encore à construire. Dans le champ de l'écologie industrielle, quelques voix se font entendre sur le problème de la contamination des flux (Baxter et al., 2017) et du nécessaire rejet des déchets dangereux de la boucle. Dans un tout autre domaine, Augustsson et al. (2017) montrent par exemple que l'arsenic utilisé avant 2003 pour protéger les bois de construction en Suède pollue toujours les flux de recyclage du bois. Si les critiques se font encore rares, c’est aussi car le champ de l'écologie industrielle s'est attaché à construire l'argumentaire scientifique permettant de promouvoir des boucles de recyclage et de réemploi. Cet objectif n’est donc pas toujours compatible avec la considération des éventuels problèmes de qualité de la matière récupérée.

Un métabolisme territorial en constante évolution

41La situation décrite dans cet article correspond au métabolisme tel qu’il a été appréhendé en 2015 suite aux différentes investigations de terrain. Ce métabolisme est cependant en constante évolution. Une exploitation céréalière conventionnelle du groupe A s’est par exemple convertie en agriculture biologique en 2017. Cette conversion modifie les flux sur le territoire : arrêt des apports d’intrants synthétiques, apport de composts de déchets verts de l’exploitation de groupe B, apports de fientes de volailles importées et production de luzerne exportée chez un éleveur voisin du territoire. La première exploitation céréalière en agriculture biologique poursuit quant à elle sa conversion, la partie des terres qui ne l’était pas encore étant entrée en conversion à partir de 2017. Cette poursuite de la conversion s’accompagne également d’un import de fientes de volailles supplémentaire pour assurer la fertilité en début de conversion. Concernant la production de compost de déchets verts et l’utilisation de ce compost, le rapport entre les ventes aux paysagistes et la part destinée à l’épandage agricole subit des variations inter-annuelles. Certaines exploitations, du territoire ou non, ont en effet arrêté ou débuté les apports de compost.

42Au sein des exploitations du groupe C, des changements ont eu lieu depuis 2015, notamment la fermeture d’un site de maraîchage biologique d’insertion, qui interrogent sur la pérennité de ces initiatives. En effet, si les débouchés commerciaux de ce type de structures sont globalement assurés, notamment via l’adhésion de consommateurs à des offres de paniers de fruits et légumes, les aspects financiers et fonciers se révèlent plus fragiles. En parallèle de cet arrêt d’activité, une autre structure a vu le jour au sein du groupe C, prenant la forme d’un lotissement maraîcher, soutenu par une collectivité locale.

43Plus globalement, l’évolution du métabolisme doit tenir compte de l’avancée du projet d’aménagement ; en effet, l’installation du campus Paris-Saclay engendre des expropriations chez certaines fermes qui perdent ainsi des surfaces agricoles. Celles-ci ne peuvent ainsi plus être considérées dans le système étudié. Enfin, les évolutions classiques en agriculture (départ en retraite, reprise, agrandissement) modifient la structure des fermes impliquées. L’analyse du métabolisme à un temps t fournit donc une image du territoire, mais une analyse diachronique semble nécessaire pour prendre en compte l’évolution de ce métabolisme dans le temps.

Conclusion

44Les territoires urbains et ruraux entretiennent depuis toujours des relations étroites, aussi bien sur le plan alimentaire que sur celui du recyclage des matières organiques. Ces relations ville-agriculture peuvent être lues comme des formes de symbiose, notion ici volontairement détournée pour traiter des intérêts mutuels et/ou des désavantages qu’impliquent ces interactions. Dans un territoire agri-urbain francilien à enjeux d’aménagement, le plateau de Saclay, nous avons mis en œuvre une démarche couplée d’écologie territoriale et d’agronomie des territoires pour analyser la circulation des flux de matières, exprimés en azote, au sein d’un système composé de différents types d’exploitations agricoles, de la population locale et des espaces verts, pourvoyeurs de déchets verts. Ces deux approches ont montré leur intérêt pour traiter des matières qui circulent entre ville et agriculture et pour appréhender les flux transitant au sein des systèmes agri-alimentaires, en considérant les biens alimentaires, les flux amont à la production agricole liés à l’agro-fourniture mais aussi les flux avals correspondant à la gestion des déchets.

45Nos résultats montrent que le système est marqué par une relative déconnexion entre ville et agriculture, même si des liens sont établis en termes d’approvisionnement alimentaire, relevant majoritairement d’exploitations de grandes cultures diversifiées. De manière dissociée, les exploitations agricoles d’une part et la population locale d’autre part mettent en jeu d’importants flux d’azote entrants et sortants. Le début de bouclage du cycle de l’azote mis en évidence sur le territoire relève principalement des exploitations diversifiées au sein desquelles coexistent un éleveur laitier et un agri-composteur. Les exploitations de grandes cultures non diversifiées sont caractérisées par des flux linéaires et peu de contribution au métabolisme agri-alimentaire local. Les fermes spécialisées montrent un fonctionnement plus internalisé, mais du fait des surfaces limitées qu’elles occupent, leur contribution au métabolisme territorial reste négligeable.

46La relocalisation alimentaire et l’internalisation de l’usage des ressources sont des voies à explorer pour relever d’importants défis environnementaux et sociétaux. Dans ce cadre, le renforcement et le développement de symbioses agricoles et agri-urbaines peuvent être justifiés. Celles-ci peuvent concerner la poursuite de la diversification des exploitations pour approvisionner localement population et/ou animaux d’élevage, la mise en place de filières de recyclage locale fournissant des matières pouvant intégrer les schémas des agriculteurs pour la fertilisation des cultures. Il nous semble toutefois que renouveler ces relations ville-agriculture dans un contexte post-industriel implique de considérer étroitement la nature des matières en circulation. Notre recherche interroge les fondements de l’économie circulaire, qui considère encore trop timidement la question des contaminants dans les boucles de recyclage. En matière de symbioses agricoles et agri-urbaines, des perspectives de recherche se dessinent pour élaborer des scénarios de métabolismes territoriaux intégrant de nouvelles matières en circulation. Une quantification des flux associés à de tels scénarios reste à réaliser afin d’analyser les éventuels transferts de contaminants, les risques associés, la pertinence de ces boucles de recyclage et ainsi, mieux évaluer leur durabilité.

Remerciements

47Ce travail a bénéficié d'une aide de l’État gérée par l'Agence Nationale de la Recherche au titre du programme Investissements d’Avenir (LabEx BASC ; ANR-11-LABX-0034).

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Notes

1 À l’instar de Rastoin et al. (2006), nous considérons ici un système agri-alimentaire comme un système d’acteurs participant à la création de flux dédiés à l’approvisionnement alimentaire de consommateurs, système au sein duquel sont considérés les flux de biens et de services alimentaires, les flux amont à la production agricole liés à l’agro-fourniture mais aussi les flux avals correspondant à la gestion des déchets.

2 En signant le pacte de Milan, ces villes s’engagent à mettre en place des formes de gouvernance des systèmes alimentaires dans une approche intégrée et de mettre en partage les expériences engagées en termes de modalités de gouvernance, de liens rural-urbain, d’équité dans les systèmes alimentaires, de prévention du gaspillage alimentaire, etc.

3 Par exemple, la Directive 2008/98/CE relative aux déchets, en France la loi n°2009-967 qui fait suite au Grenelle de l’environnement et visant à augmenter le taux de recyclage des matières organiques, le Plan Energie Méthanisation Autonomie Azote ou bien encore la loi n°2010-788 rendant notamment obligatoire le tri des biodéchets et leur collecte séparée en vue d’une valorisation pour tous les gros producteurs. Les textes réglementaires encadrent l’utilisation des MAFOR en termes de traitements, respects de seuils en valeur agronomique ou contaminants, conditions d’épandage ou de stockage.

4 L’ADEME définit sept composantes de l’économie circulaire : l’approvisionnement durable, l’écoconception, l’écologie industrielle et territoriale, l’économie de la fonctionnalité, la consommation responsable, l’allongement de la durée d’usage et le recyclage et la valorisation des déchets.

5 Si le terme de métabolisme est largement employé en chimie, et ce, dès les années 1860, il peut désigner par analogie le fonctionnement des sociétés humaines et la manière dont elles utilisent les ressources, les transforment et les consomment. Le métabolisme territorial est ainsi « l’expression matérielle des relations entre l’homme et la biosphère, c’est-à-dire l’ensemble des flux d’énergie et de matière qui sont mis en jeu par le fonctionnement d’une société inscrite dans un territoire » (Barles, 2014).

6 Selon les données Evolumos 1982-2012 de l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Île-de-France, environ 1400 hectares de terres agricoles ont été perdus depuis 1982.

7 Le LabEx BASC (Biodiversité, Agroécosystèmes, Société, Climat) a notamment soutenu entre 2013 et 2016 le projet-phare 4 portant sur les agro-écosystèmes périurbains.

8 Le programme de recherche français Pour et Sur le Développement Régional (PSDR) soutient depuis 2016 le projet PROLEG sur l’intensification écologique des systèmes de culture par le recours aux MAFOR et aux légumineuses.

9 Le local est ici compris de manière non restrictive par rapport au territoire du plateau de Saclay, la ferme en question ayant des circuits de distribution en direct qui intéressent des consommateurs du plateau, mais aussi plus largement des environs et départements voisins.

10 Dans des procédés de méthanisation, il faut associer aux effluents d’élevage des co-produits qui soient méthanogènes, parmi lesquels des résidus de culture, des sous-produits agro-industriels, des sous-produits de collectivités, etc.

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Table des illustrations

Titre Figure 1. Principales MAFOR et voies de traitement.
Légende Source : adapté de Houot et al. (2014).
URL http://journals.openedition.org/vertigo/docannexe/image/21809/img-1.png
Fichier image/png, 40k
Titre Figure 2. Trois types d’exploitations agricoles présentes sur un territoire d’environ 150 km2.
URL http://journals.openedition.org/vertigo/docannexe/image/21809/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 1,4M
Titre Figure 3. Circulation des flux entre les différents types d’exploitations agricoles et la population locale du plateau de Saclay en 2015. L’unité de mesure est l’azote (N) et l’estimation de chaque flux est mentionnée en tN/an.
Légende EA: exploitations agricoles
URL http://journals.openedition.org/vertigo/docannexe/image/21809/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 184k
Titre Figure 4. Circulation des flux entre les exploitations agricoles du groupe B. L’unité de mesure est l’azote (N) et l’estimation de chaque flux est mentionnée en tN/an.
Légende Crédit photos : C. Petit, Ferme de Viltain, Les Barbes vertes, M. Debiesse.
URL http://journals.openedition.org/vertigo/docannexe/image/21809/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 90k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Caroline Petit, Florent Levavasseur et Yoann Verger, « Reconnecter villes et campagnes : vers des symbioses agricoles et agri-urbaines ? Une exploration sur le plateau de Saclay »VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [En ligne], Hors-série 31 | septembre 2018, mis en ligne le 05 septembre 2018, consulté le 16 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/vertigo/21809 ; DOI : https://doi.org/10.4000/vertigo.21809

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Auteurs

Caroline Petit

UMR SADAPT, INRA, AgroParisTech, Université Paris-Saclay

Articles du même auteur

Florent Levavasseur

UMR ECOSYS, INRA, AgroParisTech, Université Paris-Saclay, 78850 Thiverval-Grignon, France

Yoann Verger

REEDS - Centre international de Recherches en Economie écologique, Eco-innovation et ingénierie du Développement Soutenable, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines -UVSQ : 55 avenue de Paris - 78035 Versailles cedex, France, courriel : yoann.verger@uvsq.fr

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