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La fin de « l’or blanc » en montagne ?

Évolutions de l’économie laitière dans les territoires du Sud-Isère
Sophie Madelrieux, Maud Hirczak, Agnès Bergeret et Françoise Alavoine-Mornas
Traduction(s) :
The end of "white gold" in the mountains? [en]

Résumés

Avec la fin des quotas laitiers les producteurs de montagne se retrouvent en concurrence directe avec l’ensemble des producteurs laitiers. Ceci renforce la nécessité pour les zones de montagne de se démarquer des zones de plaine, et éviter ainsi la concurrence frontale sur les productions de masse. Or certains territoires de montagne, engagés dans cette production de masse sont inquiets, c’est le cas du Sud-Isère. Désireux d’engager une réflexion sur le devenir de la production laitière dans ce territoire de montagne, différents acteurs se sont réunis pour interroger les futurs possibles dans le cadre d’un projet de recherche-action. Les interactions entre géographie de la production et géographie de la transformation, notamment les formes d’ancrage des filières aux territoires, et leurs évolutions au cours du temps ont été interrogées. À partir : i) d’un cadre d’analyse croisant les travaux sur l’ancrage territorial et sur les processus de changement ; ii) d’un dispositif combinant recherches historiques, données statistiques, enquêtes de terrain et un certain nombre de rencontres dans le Sud-Isère, notamment autour d’un partage de connaissances lors d’un atelier « frise historique », nous analysons les formes successives d’ancrage et de distanciation entre filières laitières et territoires dans le Sud-Isère. Nous discutons ce qu’elles pourraient être à l’avenir, notamment par la confrontation aux dynamiques d’autres bassins laitiers.

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Texte intégral

Introduction : quels devenirs de la production de lait non différenciée en montagne ?

1De nombreux travaux convergent sur le constat d’un avenir incertain de la production laitière dans certaines zones de montagne, suite à la fin des quotas laitiers et à une mise en concurrence généralisée des producteurs (Dervillé et al., 2012). Les relations entre production laitière et territoires évoluent avec d’importantes restructurations (Roguet et al., 2015) et les écarts se creusent entre bassins de production, notamment entre plaine et montagne (Ricard, 2014), hormis pour les zones bénéficiant de productions à forte valeur ajoutée comme certaines Appellations d’Origine Protégée (AOP). Ce travail présente la double originalité de se focaliser sur les bassins laitiers de montagne produisant du lait « non différencié », peu étudiés contrairement à ceux valorisant en AOP, et sur le Sud-Isère en particulier, territoire ayant fait le choix d’une production laitière non différenciée alors que les bassins laitiers voisins valorisent la qualité et l’origine (Savoie, Vercors, Chartreuse). Il est ainsi soumis à une forte dépendance à des groupes internationaux (collecte par Lactalis, Danone, Sodiaal), la diminution du nombre d’exploitations et du volume de lait faisant craindre un arrêt de la collecte à terme.

  • 1 Ce travail s’inscrit dans le programme Pour et Sur le Développement Régional, bénéficiant d’un fina (...)

2C’est dans ce contexte d’incertitude que des acteurs du Sud-Isère se sont réunis pour engager une réflexion sur le devenir de la production laitière dans leur territoire, dans le cadre d’un projet de recherche-action1. Nous nous interrogeons dans cet article sur les futurs possibles de ce territoire laitier. Nous faisons l’hypothèse que c’est l’articulation renouvelée entre géographie de la production et géographie de la transformation (Ricard, 2014) et plus généralement les formes d’ancrage des filières au territoire (Forney et Häberli, 2016), et leurs évolutions au cours du temps (Napoleone et al., 2015), qui expliquent les blocages et les leviers actuels face à la crise. Pour montrer cela, nous proposons une analyse historique fine des formes successives d’ancrage et de distanciation entre filières laitières et territoires. Nous discutons de ce qu’elles pourraient être à l’avenir, notamment par la confrontation aux dynamiques d’autres bassins laitiers.

Cadre d’analyse des formes d’interaction entre filières et territoires

L’ancrage territorial

3Une part importante des travaux sur les interactions entre filières et territoires analysent les systèmes agroalimentaires localisés (Muchnik et al., 2008), les filières sous indication géographique (Paus et Reviron, 2010) et s’intéressent aux recompositions à l’œuvre à partir des notions de « quality, territory and embeddedness » (Ilbery et al., 2005). Le concept « d’ancrage » est largement mobilisé dans cette littérature (Deverre et Lamine, 2010), et trois conceptions sont généralement utilisées : l’ancrage social, spatial ou géographique, et écologique (Baritaux et al., 2016). Pour les filières standard, peu de travaux abordent la structure organisationnelle de ces filières comme verrou ou levier pour assurer une (re)-territorialisation des productions (Fares et al., 2012), alors que Sonnino (2007) montre que les spécificités territoriales peuvent être « appropriés » par des acteurs opérant au niveau global pour maximiser leur profit en accédant à des marchés de niche. Cela nécessite d’évaluer finement la nature de cet « ancrage », notamment le rôle joué par la « qualité », la « localisation », et la distribution du pouvoir entre les acteurs de ces systèmes (Murdoch et al., 2000).

4Sonnino (2007) souligne que ces travaux ne prennent pas suffisamment en compte le processus par lequel un système s’ancre territorialement, aboutissant à des classifications souvent simplistes opposant systèmes localisés (i.e. alternatifs et ancrés) et globalisés (i.e. conventionnel et dés-ancrés). Or l’ancrage n’est pas une caractéristique inhérente et fixe. Les acteurs doivent constamment redéfinir et négocier ses formes pour donner à leur produit une identité historique et territoriale pouvant être défendue, impliquant une tension dialectique entre forces d'ancrage et de distanciation. L'ancrage devient alors un processus social, temporel et spatial (Sonnino, 2007). Nous nous inscrivons dans cette tension dialectique, et proposons d’en examiner trois aspects :

51) la géographie de la production et le lien à l’usage des ressources locales (orientation de production, races, système alimentaire des vaches, intrants) ;

62) la géographie de la transformation (localisation des opérateurs par rapport au territoire considéré : unités de transformation et centre de décision, rayon d’approvisionnement et de distribution, relations de concurrence/synergie entre opérateurs) ;

73) les interactions entre filières et territoires à travers : la capacité des acteurs à spécifier les ressources, c’est-à-dire les différencier en leur conférant des « qualités » ; les rapports de pouvoir et la capacité des acteurs locaux à s'auto-organiser et à être autonomes.

Les processus de changement

8Pour Sonnino (2007), l’adoption d’une approche dynamique complique la notion d’ancrage en mettant en évidence sa nature multidimensionnelle et ses tensions inhérentes, d’où l’approche diachronique et processuelle retenue. Notre analyse s’appuie sur la conceptualisation de Pettigrew (1990) des processus de changement, pour qui la causalité n’est ni linéaire ni singulière, la compréhension des changements étant forcément holistique et multiforme. Il met l’accent sur la prise en compte de niveaux d'analyse interconnectés et des temporalités entre les changements passés, présents et futurs. Mendez et al. (2010) proposent une analyse avec quatre concepts clé : ingrédients (du système analysé et du contexte), moteurs, séquences et bifurcations. Dans notre cas, les ingrédients du système sont ceux déclinés plus haut : géographie de la production, de la transformation, interactions filières/territoire). Le contexte peut relever à la fois du local et du global. À l’instar de Moustier et al. (2010), nous portons une attention particulière aux rôles des acteurs et modèles de production. L’analyse vise alors à cerner les mécanismes génératifs du mouvement des ingrédients du système et de leurs assemblages, ainsi que les séquences (segment temporel au sein duquel les ingrédients sont ordonnés d’une manière singulière) et bifurcations (recomposition intense de la configuration des ingrédients qui débouche sur un changement d’orientation).

Méthodologie et terrain

Dispositif

9Nous nous sommes appuyés sur une méthodologie mixte, croisant recherches historiques, données statistiques, enquêtes de terrain et rencontres dans le territoire. Six rencontres avec des producteurs et des conseillers agricoles ont eu lieu entre 2015 et 2017 pour échanger sur les filières laitières, mettre en place la démarche de travail, et discuter des avancées au fur et à mesure. De là un atelier « frise » a été pensé comme un temps fort collectif, empruntant des méthodes et postures de la modélisation d’accompagnement et outil de facilitation du dialogue (Bergeret et al., 2015). L’objectif était de construire collectivement une frise synthétique des dynamiques passées et présentes et un récit partagé, mettant en lumière des éléments de transformation des filières laitières du territoire, en rassemblant les connaissances des participants (7 agriculteurs, 2 techniciens, 3 chercheurs). Des recherches bibliographiques complémentaires ont été réalisées afin d’approfondir, nuancer et enrichir la représentation. Une analyse des Recensements de l’Agriculture de 1979 à 2010 a été conduite, et d’autres données chiffrées ont été récupérées dans le corpus. Enfin 11 entretiens complémentaires ont été réalisés en 2017-2018 auprès de : laiteries ou anciens gérants (G1 à G3) ; éleveurs (E1 et E2) ; élus et responsables professionnels (R1 à R3) ; anciens conseillers agricoles du secteur (C1 et C2) ; Directeur du musée de la Matheysine et rédacteur en chef de la revue Mémoire d’Obiou (D1).

Présentation du Sud-Isère

10Le Sud-Isère est une zone de moyenne montagne située entre la métropole grenobloise au nord, le Vercors à l’ouest, l’Oisans à l’est, et les Hautes-Alpes au sud sur la route de la Méditerranée. Ce territoire composé de 73 communes est scindé par le Drac en deux entités : le Trièves et la Matheysine, constituant en 2018 deux intercommunalités regroupant 6 cantons : Mens, Clelles, Monestier (Trièves), La Mure, Valbonnais, Corps (Matheysine). Avec plus de 10 % des emplois, l’activité agricole pèse encore dans l’économie de ce territoire, et valorise 20 % des surfaces. En 2010, 420 exploitations étaient recensées, dont 87 % tournées vers la polyculture-élevage ou l’élevage (ovin, caprin, bovin lait ou viande).

Résultats : histoire de l’économie laitière du Sud-Isère

11Nous remontons cette histoire à l’arrivée des premières laiteries, point de bifurcation d’un territoire d’autoconsommation (avec vente des surplus) vers une économie de marché et l’instauration de filières laitières structurées, soit 1878.

De la fin XIXe aux années 1955 : naissance des filières laitières et rapide industrialisation

  • 2 « Grande route » de Grenoble à Gap ; voie ferrée : de Grenoble à la Méditerranée (1878), de Saint-G (...)
  • 3 L’histoire de la Matheysine est marquée par la présence de mines d’anthracite qui ont été exploitée (...)

12Arbos (1922) distingue cinq régions agricoles : Matheysine, Beaumont, Valbonnais, Trièves et vallée de la Gresse. Du fait de la position de transition entre Alpes du Nord et Sud et des voies de communication2, il note une précocité économique et une variété des formes d’exploitation, dotant le Sud-Isère dès le XVIIIe d’une « agriculture prospère » et exportatrice. Dans le Trièves, l’élevage concerne ovins et jeunes bovins pour le travail et la boucherie. Les exploitations laitières y sont rares contrairement à la Matheysine (5 045 vaches sur les cantons de Corps et la Mure, contre 719 sur ceux de Mens et Clelles en 1913). La double activité est fortement présente en Matheysine avec les « paysans-mineurs »3 (Martinon, 1974).

Géographie de la production

13Avec l’arrivée des laiteries, la transformation du lait à la ferme diminue, la vente de lait devient le salaire. Les exploitations sont nombreuses et produisent peu : 90 % des exploitants ont 2 à 6 vaches, 10 % (des fermiers ou métayers) entre 10 et 20 (Ministère de l’agriculture, 1937). Le cheptel progresse en quantité mais aussi en qualité grâce à l’amélioration des races portée par les syndicats (races « locales » venues d’ailleurs : Tarine, Abondance, puis la Simmental est introduite, Arbos, 1922). Pour nourrir les animaux, les céréales laissent place au développement et à l’amélioration des prairies artificielles et naturelles (leurs rendements doublent entre 1929 et 1962, Veyret-Verner, 1962) grâce à l'apparition des engrais chimiques avec l'arrivée du rail.

Géographie de la transformation

  • 4 Elle favorise les bovins laitiers, par rapport aux petits ruminants, qui dégraderaient moins les co (...)

14D’une part, on assiste à un mouvement de diffusion des « fruitières » et laiteries villageoises, avec un ancrage local, du fait des efforts de l’administration forestière4 qui soutient l’installation de la fruitière de Gresse en Vercors en 1878 (Duclos, 1986), et d’initiatives privées à proximité des voies ferrées (laiteries de Cholonge et Villard St Christophe en 1878) permettant d’alimenter les bassins de consommation de Grenoble et La Mure où prospèrent les Houillères. Ce mouvement gagne les Alpes depuis la Suisse (Ricard, 2015). Arbos (1922) recense en 1914 sept laiteries côté Matheysine, puis dans les années 1930 quatre laiteries sont créées dans le Trièves dont la Laiterie du Mont Aiguille (LMA). Pour Galvin et Benoist (2011) : « cette micro-industrie joue un rôle non négligeable dans l’économie locale de ce début de siècle mais peine quelque peu à satisfaire la demande » (p. 121).

15D’autre part des industries laitières, notamment « de luxe » (des condenseries) vont s’implanter, payer le lait à un prix intéressant et transformer en quelques années la production de certaines régions (Ministère de l’Agriculture, 1937). Le Beaumont est collecté par la laiterie Briançonnaise quelques années avant la guerre (Arbos, 1922), puis par Nestlé qui s’installe à Gap en 1929 (Moustier et al., 2010). Le Trièves, est collecté par l’entreprise Seinturier (05) dès 1926. Très tôt, on assiste donc à l’implantation sur le territoire d’opérateurs extérieurs, avec des unités de transformation hors ou sur le territoire mais avec les centres de décision ailleurs. C’est le cas de la laiterie de la Mure qui va passer de mains en mains entre son installation en 1918 par une société du Nord, jusqu’à Nestlé (Galvin et Benoist, 2011). Ces rachats et expansions d’entreprises dépassent le seul cadre villageois. On peut citer également la laiterie Mestrallet installée en 1936 à Pierre-Châtel, succursale de celle de Villard-de-Lans. Ainsi, dans l’entre-deux guerres, des capitaux extérieurs arrivent déjà sur le territoire et participent de la rapide industrialisation des filières laitières, avec des marchés nationaux voire internationaux (marché méditerranéen pour Seinturier et colonies en plus pour Nestlé).

Interactions entre filières et territoires

La différenciation des produits

  • 5 Il disparaîtra en 1995 avec le dernier producteur fermier (Busson, 1995).

16Les produits sont divers, couvrant toute une gamme de produits frais et de fromages. On peut noter l’absence de produits « spécifiques », les fromages sont majoritairement issus de recettes venues d’ailleurs, si ce n’est le Bleu de Lavaldens, seul fromage local, de fabrication fermière5, qui doit sa réputation à un affinage dans des grottes. Par contre des produits sont développés, des marques sont déposées et certains produits, à la qualité reconnue, sont vendus jusqu’au-delà des frontières. Nous pouvons citer : le Col Vert, marque déposée en 1934 pour un fromage bleu par Mestrallet ; le beurre de Cholonge réputé auprès des pâtissiers grenoblois, exporté jusqu’en Angleterre (Berthier, 1939) ; le lait condensé Berna à la Mure, article de luxe ; le carré du Trièves, fromage artisanal mis au point en 1954 à la LMA. Cette valorisation se retrouve à travers les étiquettes ou emballages, mais n’est pas aux mains des producteurs.

Les organisations collectives

  • 6 Au sortir de la 1ère guerre mondiale, le lait fait défaut, les producteurs se plaignent de prix tro (...)

17Suite à la crise laitière de 19296, les syndicats de producteurs de lait se multiplient surtout en Matheysine (Ministère de l’Agriculture, 1937), et s’organisent pour défendre leurs intérêts face aux laiteries privées. Cela prend deux formes : la création d’unions laitières – UL – et de coopérative en gestion directe. Les UL visent à représenter les producteurs, à aller négocier les prix et établir des contrats avec les laiteries (ex. UL muroise créée en 1930). Elles ont alors un vrai pouvoir de négociation. Mais cela ne suffit pas pour certains. En 1946, la laiterie de la Mure ne joue plus qu’un rôle secondaire pour le groupe Nestlé jusqu’à la fermeture du site en 1955, réduite à un centre de ramassage qui collecte tout de même 16000L/jour (quand 95 % des laiteries françaises traient moins de 15 000L/jour, Galvin et Benoist, 2011), Fréjus Michon crée alors la coopérative laitière muroise qui collecte le lait et le revend à une autre coopérative de la région grenobloise, Dauphilait (annexe 1), avant de s’y intégrer en 1960

Des années 1955 aux années 1995 : la révolution productiviste, l’or blanc coule à flot

Géographie de la production

  • 7 Par ex. dans le Trièves, on passe de 1346 en 1955 à 540 en 1976. Des exploitations modernisées côto (...)
  • 8 Pour « rattraper le retard » ont été mis en place en 1952 en France des zones témoins (officielleme (...)
  • 9 La première annonce de fermeture de la mine a lieu en 1968. L’activité va alors décliner jusqu’à la (...)

18Comme ailleurs en France la « modernisation » des exploitations (intensification fourragère, races plus productives, complémentation des animaux, mécanisation) s’accompagne d’une forte diminution du nombre d’exploitations7. Cette « révolution productiviste » (favorisée côté Trièves par la zone témoin8), entraîne une surproduction de lait au niveau national et l’instauration des quotas laitiers en 1984, conduisant à une autre vague de restructuration. 43 % des exploitations du Sud-Isère disparaissent entre 1979 et 1988 (tableau 1). Par le jeu de l’agrandissement des exploitations restantes, le volume de lait reste constant. La spécialisation laitière s’accroît, phénomène renforcé par la disparition de la double activité agriculture-mine en Matheysine9.

Tableau 1 : évolution du nombre d’exploitation ayant des vaches laitières et du nombre de vaches laitières d’après les recensements agricoles entre 1979 et 2010

Exploitations

Effectif

1979

1988

2000

2010

1979

1988

2000

2010

La Mure

174

84

46

27

2 233

1 713

1 372

987

Valbonnais

71

38

16

8

523

336

221

122

Corps

91

51

18

13

921

608

408

334

Monestier

85

54

32

13

892

849

731

381

Mens

129

82

47

28

1 574

1 507

1 288

1084

Clelles

52

35

22

15

757

740

668

486

Sud-Isère

602

344

181

104

6 900

5 753

4 688

3 394

Sources : données cantonales, Agreste

Géographie de la transformation

19Sur cette période, les laiteries villageoises ferment les unes après les autres, victimes de la concurrence, de leurs difficultés à suivre les normes (en particulier sanitaires) et à investir. La fruitière de Gresse ferme ses portes en 1970, la dernière, celle de Cholonge, en 1995. Cela s’accompagne de la perte des savoir-faire familiaux et des fromages. A la fin de la période, seule subsistera côté Trièves la LMA encore en activité aujourd’hui. Les opérateurs industriels récupèrent les producteurs. On distingue deux tendances dans les années 70, les producteurs qui rejoignent : la grande coopérative Dauphilait devenue Orlac (annexe 2) emmenés par Fréjus Michon ; les entreprises privées de taille régionale : Mestrallet (7000L/jour ramassé en 1976), Seinturier (5000L/jour d’après Beaup, 1977).

20Deux groupes nationaux entrent alors en jeu : Besnier (aujourd’hui Lactalis) et Danone. Besnier achète en 1989 la Laiterie des Alpes (ex-Seinturier à Gap) ainsi que Fromalp (société du gendre de Mestrallet qui avait repris l’affaire). Il ferme la fromagerie de Pierre-Châtel. En concurrence pour le rachat de la laiterie des Alpes, Danone a alors démarché des producteurs, et arrive également en 1989 dans le Trièves. À la fin de cette période Orlac est le plus présent et collecte la moitié du litrage, quand Lactalis et Danone se partagent le reste.

Interactions entre filières et territoires

21La concurrence entre Danone et Besnier amène les producteurs à se regrouper dans une UL (environ 60 éleveurs) pour faire poids dans la négociation. Besnier a finalement obtenu un tiers du litrage et la moitié des producteurs. Mais cet effet « concurrence » en faveur des producteurs ne va pas durer, comme dit E1 : « On a eu vraiment un plus à ce moment-là, on a fait monter les enchères. Tout ça s’est effiloché ensuite ». Côté Matheysine, les producteurs ont été mis devant le fait accompli de la vente de la laiterie Mestrallet à Besnier. Ceux qui n’étaient pas encore structurés en UL créent l’UL de la Pierre Percée en 1989, qui négocie un seul contrat pour tout le monde et qu’1 % du prix soit reversé à la trésorerie de l’UL. Besnier a alors « courtisé » les producteurs, la conclusion est la même : « C’était vraiment des bonnes années. […] Ah oui, à l’époque, sur 2 francs le litre on a bien dû gagner 20 centimes. Je pense même être en dessous. Mais ça n’a pas trop duré » (E2).

22Ainsi, à la fin de cette période, la quasi-totalité du lait collecté dans le Sud-Isère quitte le territoire pour être transformé en produits génériques, sans mise en avant de sa provenance, par les trois plus grands groupes laitiers nationaux. Des inquiétudes se font jour, quant à la soumission de la région à des impératifs extérieurs (Guibourdenche, 1986).

Des années 1995 à aujourd’hui : mainmise de groupes industriels nationaux et recherches d’alternatives localement

Géographie de la production

23Les volumes qui s’étaient maintenus autour de la référence laitière du Sud-Isère à 22 millions de litres (ML), vont baisser à partir de la crise du lait de 2009. Ce ne sont plus seulement les petites exploitations qui arrêtent mais aussi des grosses (certaines à 1 ML). En 2016, 48 exploitations ne livrent plus que 18 ML. Certains poursuivent leur agrandissement et passent au robot de traite, d’autres se diversifient pour essayer de mieux valoriser le lait et échapper à la mainmise des industriels, amenant à un éclatement des modèles de production.

  • 10 Entreprise de l'économie sociale et solidaire, Biolait a été créé en 1994 à l’initiative de 6 produ (...)

24Différents travaux de la Chambre d’Agriculture à partir des années 95 interrogent les perspectives d’évolution (Busson, 1995 ; Hermier, 1999) : transformation à la ferme ou unité locale ; production de lait bio ; reconnaissance d’un lait de « montagne » ; etc. Un sondage des producteurs montre que pour 45 % l’avenir passe par les laiteries selon le modèle en vigueur et qu’ils apprécient la sécurité offerte par ces opérateurs industriels, alors que l’engagement dans d’autres démarches leur paraît risqué. Les premières conversions à l’agriculture biologique ont lieu dans les années 2000, sans collecte spécifique. Après une première tentative avortée en 2010, faute de volumes suffisants, une collecte Biolait10 est mise en place en 2016 (sur Sud-Isère et Hautes-Alpes), soit une vingtaine d’exploitations pour 3,5 ML prévus d’ici 2019. D’après l’Agence Bio, on est passé de 9 exploitations et 155 vaches en bio en 2010 à 14 exploitations et 630 vaches en 2017, même si aujourd’hui d’après nos enquêtes un seuil semble atteint.

Géographie de la transformation

  • 11 La LMA a été dirigée par le gendre du fondateur, M. Cian, jusqu’en 2003, date à laquelle il vend, n (...)

25Dans les initiatives de meilleure valorisation, des producteurs cherchent à mettre en place ou récupérer des outils de transformation. Nous pouvons citer la tentative de la coopérative de Valbonnais, à l’initiative de Charles Galvin (éleveur de Valbonnais, engagé dans différentes instances pour défendre l’agriculture de montagne), de produire un yaourt fermenté à propriétés thérapeutiques, le « K-philus » (mis au point par Mme Klein-Lecat dans le nord de la France), pour valoriser l’ensemble du lait du canton. Cette démarche ne dure que deux années (1997-1999) faute de débouchés suffisants. Autre tentative, celles de producteurs pour reprendre la LMA11 en 2012, qui n’a pas abouti.

  • 12 Entreprise agro-alimentaire créée en 1952 à Aubagne (13), spécialisée dans les yaourts et desserts (...)

26Des évolutions sont aussi à l’œuvre du côté des grands groupes. La majeure partie du lait collecté dans le Sud-Isère part approvisionner les sites de Lactalis et Sodiaal (ex Orlac) à Gap, et de-là le sud de la France. Les deux opérateurs ont mis en place un accord de collecte pour qu’il n’y ait qu’un ramasseur. En 2011, le centre Lactalis de Gap ferme, et en 2015, Sodiaal vend son usine à La Fermière12, un client historique (FranceAgriMer, 2018).

27Ces accords entre « grands » ne laissent pas toujours la place à de nouveaux arrivants qui viendraient modifier les positions, comme Biolait. Sodiaal a en effet décidé de finalement mettre en place une tournée bio pour garder ses producteurs.

Interactions entre filières et territoires

28Le poids de la collecte du Sud-Isère est de plus en plus faible pour les opérateurs aval, et se retrouve noyée et mêlée à la collecte d’autres territoires. En 1999, Hermier notait que la collecte Lactalis de 7ML représentait un tiers de la collecte totale du site de Gap, alors qu’en 2016 on tombe à 4,8ML sur 24ML à Gap pour La Fermière, ou 200ML à Rodez (où Lactalis concentre son lait de montagne), ou 400 ML s’il part sur le site Sodiaal à Vienne.

29Face à cela, les UL se regroupent mais n’ont aucun pouvoir face aux groupes industriels de plus en plus puissants : « on a fait des organisations de producteurs -OP-, mais en fait une OP au sein d’une laiterie n’a qu’un client donc aucun pouvoir de décision » (E1). Pour un des enquêtés, la bascule s’est faite au décès de M. Besnier à la fin des années 90 : « il est décédé brutalement. Après, une nouvelle politique s’est mise en place quand c’est devenu Lactalis. Ils ont tout fait pour casser les contrats collectifs, et avoir une mainmise totale sur les exploitants, individuellement » (E2). Le rachat du site de Gap par la Fermière, vers laquelle la production conventionnelle est dirigée, a poussé les producteurs à s’interroger : « il y a un client, il y a la demande, Sodiaal vend à un bon prix, donc les producteurs veulent avoir leur part du gâteau, mais dans des structures comme cela, ce n’est pas si simple que ça » (E1). Les producteurs du Sud-Isère ont rencontré leurs homologues des Hautes-Alpes pour voir ce qu’il serait possible de faire ensemble, mais « Sodiaal ne lâche rien ».

Discussion : les confrontations à l’histoire

30L’approche adoptée permet de mieux comprendre la situation actuelle à partir des évolutions passées, à la fois par la confrontation à sa propre histoire et à d’autres. Elle permet d’identifier les verrouillages ou leviers possibles en cernant les changements d’échelles et les mécanismes ayant mené à ces formes de distanciation entre filières et territoires.

Confrontation à sa propre histoire

Changement d’échelles et processus de distanciation

31Pour qu’une filière se maintienne, elle doit s’appuyer sur une production minimale de matière première, un réseau d’acteurs couvrant la chaîne de valeur, avec des outils de transformation rentables. En l’absence de ces derniers, le territoire se replie sur un simple « bassin de production » par nature plus fragile (Moustier et al., 2010), ce qui est désormais le cas du Sud-Isère. Si au départ les géographes distinguaient cinq régions, on arrive dès la deuxième période à deux régions (Trièves et Matheysine). Aujourd’hui le Sud-Isère est associé aux Hautes-Alpes dans un bassin de collecte, le dernier avant le midi méditerranéen. Alors que l’histoire montre que Trièves et Matheysine ont eu des dynamiques disjointes, les opérateurs aval des filières pensent désormais Sud-Isère et Hautes-Alpes de façon conjointe. La maille pertinente ne semble plus être le Sud-Isère et s’en s’éloigne. Le processus de distanciation s’est opéré dans le temps, on l’a vu, avec un éloignement progressif des centres de décision et une dépendance croissante à des impératifs extérieurs (unités de transformation gérées d’ailleurs ou qui quittent le territoire ; accords de collecte et de vente de lait entre opérateurs ; utilisation du lait par des transformateurs qui ne le collectent pas et sans liens directs avec les producteurs ; poids supérieur des intérêts industriels par rapport à la coopération ; absence de valorisation territoriale du lait ; dispersion et perte de pouvoir des OP du fait de contrats individuels).

Poids des hommes et dynamiques territoriales

  • 13 Selon un des anciens conseillers agricoles (C2) : « dans le Trièves : l’agriculture était incontour (...)
  • 14 Fréjus Michon (éleveur de la Matheysine) va occuper tout au long de sa vie un grand nombre de respo (...)
  • 15 Pour R3 : «  il était difficile de ne pas être dans la coop, tu étais un paria. Tu étais le mec qui (...)

32La présence de la mine en Matheysine est souvent évoquée par les enquêtés pour expliquer l’absence de dynamique territoriale autour de la production laitière, et la difficulté à faire travailler ensemble Trièves et Matheysine13. L’absence de traditions d’élevage laitier et fromagères, a amené le Sud-Isère à s’engager d’autant plus vite dans les filières laitières génériques. Les laiteries de villages, tenues par des privés n’ont pas été reliées à une démarche d’appropriation des produits, par d’autres acteurs du territoire, autour d’une identité. Et la coopérative Orlac a vite pris de l’ampleur sous l’impulsion de Fréjus Michon14. Cette figure locale a poussé à la gestion directe des coopératives, mais également orienté le développement agricole sur une « production de masse », les producteurs s’identifiant davantage à leur opérateur qu’à leur « terroir ». Le territoire a été fortement imprégné de ce modèle agricole, calqué sur celui de la plaine15.

  • 16 Il a été président de la Fédération Départementale des Syndicats d'Exploitants Agricoles et au bure (...)

33D’autres acteurs se sont impliqués pour éviter la fin du lait dans le Sud-Isère mais ont (eu) du mal à lancer une réelle dynamique. Sitadel a porté les réflexions sur le devenir du lait et a œuvré pour la mise en place d’une collecte bio. Charles Galvin (R1), autre figure locale, a œuvré à différents niveaux politiques pour l’agriculture de montagne16. Mais localement il n’a pas été suivi : « J'ai vu la différence avec les Savoie. En Isère, on a eu à une époque des gens comme Michon qui ont été des précurseurs, ils ont créé des coopératives puissantes. Ils faisaient des cars pour aller visiter l’usine de Vienne. Ma mère y était allée : “c'est formidable”. Un type leur avait expliqué : “voilà, c'est votre outil, produisez, produisez, on s'occupe du reste”. C'était l'état d'esprit du moment. Et on est encore sur cette lancée, on n'en est pas sorti. […] On a fait de belles choses ailleurs, mais en fin de compte, ici, rien » (R1).

Confrontation à d’autres histoires

Convergences et divergences

34L’approche diachronique permet une confrontation aux évolutions d’autres bassins laitiers (Napoléone et al., 2015) et d’en préciser les spécificités, les bifurcations, et d’ouvrir ainsi à d’autres possibles. Lors des échanges avec les producteurs laitiers, ces comparaisons étaient toujours très présentes, qu’il s’agisse des Savoie ou du proche Vercors. Celui-ci, au début des années 90, était dans une situation similaire à celle du Sud-Isère : Lactalis et Sodiaal collectaient la quasi-totalité du lait (Madelrieux et Alavoine-Mornas, 2015). Le Vercors a alors misé sur un développement agricole territorialisé autour du Bleu du Vercors-Sassenage, d’une coopérative en gestion directe (Vercors Lait), du tourisme, des bassins de consommation de proximité (Grenoble, Valence). Les évolutions du Sud-Isère se rapprochent davantage de celles des Hautes-Alpes (Moustier et al., 2010) avec une rapide industrialisation de l’économie laitière. Ricard (2018) distingue bien dans le Sud-Est : les territoires des fromages de montagne à valorisation élevée, des territoires laitiers de la révolution agricole auxquels il rattache plusieurs bassins montagnards (dont Trièves et Matheysine), devenus autant de noyaux laitiers secondaires « par manque de compétitivité, éloignement des usines et déficit d’ambiance laitière. On s’inscrit alors peu à peu dans une marge qui s’efface » (p. 13).

Des capacités réduites de différenciation

35Les verrouillages sont importants du fait de la domination par des groupes industriels puissants, qui ne laissent pas facilement la place à de nouveaux opérateurs ou initiatives. La « production de masse », longtemps rentable, explique aussi l’absence d’intérêt des producteurs pour des propositions qui visaient à re-localiser la production et à la différencier : l’AOP Bleu du Vercors, le Pavé Dauphinois (M. Guilloteau a voulu s’implanter dans le Trièves et faire son fromage, mais il s’installera finalement dans la Loire et rebaptisera son pavé « d’Affinois »), l’IGP St Marcellin (il y a eu un appel du pied lors du montage de l’IGP), le « lait de montagne » dont l’idée aurait été récupérée par Lactalis selon Ch. Galvin. Diverses tentatives d’outils de transformation ont également été tentées, sans succès, comme nous l’avons vu.

Conclusion : quel « local » activer pour le Sud-Isère ?

36La baisse du volume risque de se poursuivre. Même s’il reste significatif, proche du bassin de consommation méditerranéen, il ne fait guère de doute que la collecte pourrait être remise en cause par les trois groupes (Sodiaal, Danone, Lactalis) pour des questions de rationalisation des coûts : coûts de collecte trop élevés, tendance au recul de la production, obstacle de l’hiver en montagne, éloignement des unités de transformation. Quelles sont alors les perspectives ? Forney et Häberly (2016) montrent que le « local », dans des initiatives impliquant des producteurs de lait, peut se construire comme : « provenance » (la provenance du produit le qualifie, aucunement ses caractéristiques, il peut être un produit standard) ; « origine » (la spécificité du lieu, son rattachement à une tradition identitaire, qualifie le produit) ; « proximité et solidarité » (la mise en réseau de producteurs, leurs liens et ceux aux consommateurs sont mis en avant). Or dans le Sud-Isère nous sommes en présence de collectifs aux visions différentes : une vision « historique » a-territorialisée où le volume fait le revenu ; une vision de solidarité autour de l’agriculture biologique ; une vision « entre provenance et origine » liée à la transformation fermière et la vente directe. Les éleveurs évoquent aussi la création d’un outil de transformation collectif ou d’une marque (lait de montagne, du Drac, de la route Napoléon, etc.). Même si un label peut être un outil précieux (ex. le récent label « foin de montagne » initié en Autriche), son intérêt réside avant tout dans sa construction sociale et territoriale. Or, l’absence de vision convergente, d’identité collective ou encore d’acteur leader pénalise le territoire, également confronté à des freins de la part des grands opérateurs laitiers.

37Assistera-t-on à un retournement d’histoire, comme il y en a eu d’autres dans les montagnes françaises ? Le Beaufort dans les années 60 ou le Laguiole dans les années 80 étaient pour Moustier et al. (2010) dans des situations bien plus désespérées. Dans l’histoire du Sud-Isère est apparu en 1930 un épisode où la municipalité de la Mure a décrété la nécessité de « créer des laiteries municipales » avec un service de vente de lait moins cher que le prix moyen national (Galvin et Benoist, 2011). Ne faudrait-il pas remettre au goût du jour cette idée de laiterie « territoriale », où la production laitière serait vue comme un bien commun, à la fois important pour nourrir les hommes, pour les paysages de montagne et leur biodiversité, et par l’emploi généré ? Nous rejoignons Moustier et al. (2010) : l’AOP ne fait pas tout et le rôle des hommes est bien plus déterminant que le label lui-même. D’autres exemples montrent que les producteurs peuvent parvenir à reprendre la main et à innover sans forcément passer par des démarches de type AOP (Madelrieux et al., 2018). Le rôle des acteurs locaux, leurs capacités à s’interroger et à innover seront déterminants pour l’avenir d’un Sud-Isère laitier.

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Bibliographie

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Annexe

Annexe 1 : naissance de Dauphilait (d’après Martin-Noel, 1962)

Jusqu'en 1937-38 la consommation laitière grenobloise disposait de produits de la région ; le marchand de lait passait dans les étages avec son seau et sa « louche ». Ce lait, venu de communes du pourtour de Grenoble, était transporté en bidons par des camions ou des cars qui les déposaient dans les trois centres laitiers de l'époque. Les industriels locaux se partageaient le marché, organisant tant bien que mal la vente du lait cru, qui ne subissait aucun contrôle. En 1941, l'extension de la ville de Grenoble et les exigences de l'hygiène alimentaire amènent les services de Santé à rendre obligatoire la pasteurisation du lait. Les producteurs décident de s'organiser eux-mêmes pour assurer la collecte, le traitement et la distribution du lait de leurs exploitations. Sous l'impulsion de M. Berthoux, ils créent le 21 mars 1942 la « Société Laitière Agricole », qui deviendra Dauphilait. Cette formule, qui s'apparentait à celle des « fruitières » de Savoie, devait permettre aux producteurs de contrôler le traitement et la commercialisation des produits sans la charge d'une gestion économique. Mais les résultats apparurent rapidement insuffisants, par rapport auxquels ils ne pouvaient contrôler le bien-fondé des impératifs industriels du gestionnaire. Presque dix années s'écoulèrent ainsi, après la fondation de la S.L.A. ; puis, à la faveur de la formation d'une nouvelle élite agricole et sous l'impulsion de M. Génin, agriculteur à Saint-Pierre-de-Mésage, les producteurs décidèrent d'assurer eux-mêmes la totalité des opérations industrielles et commerciales correspondant aux traitements et à la vente de leur lait. Ainsi naquit, le 1er novembre 1951 la Coopérative Laitière Agricole de la Région Grenobloise, plus connue sous la dénomination commerciale de Dauphilait. En 1962, la coopérative rassemble 3942 producteurs de 140 communes des environs de Grenoble. Chaque jour 70 000 à 85 000L de lait arrivent à l’usine pour être transformés en différents produits laitiers (lait pasteurisé, petits suisses, crème, beurre, yaourts). Dauphilait ravitaille en produits laitiers frais les 2/3 de la population grenobloise et de sa banlieue. Pour les ventes hors départements elle s’est groupée avec les coopératives de Lyon et St Etienne dont les ventes permettent d’assurer de nouveaux débouchés et de s’étendre sur 21 départements. Dauphilait assure également 70 % du total du lait stérilisé en bouteille exporté hors de France vers la Nouvelle Calédonie, la Guyane, la Guadeloupe ainsi que vers les territoires de l’ancienne communauté française.

Annexe 2 : de Dauphilait à Orlac à Sodiaal (d’après Martin-Noel, 1962 ; Dänzer-Kantof et al., 2012)

L'accroissement de la production laitière et l'évolution du marché ont amené trois coopératives régionales (fondées entre 1945 et 1951 : la coopérative La Rosière à Lyon, l’Union des coopératives de Saint-Etienne, la coopérative Dauphilait à Grenoble), à mettre en commun leurs moyens financiers pour la mise en œuvre de nouveaux moyens industriels, capables d'étendre leurs débouchés tant sur le territoire national qu'à l'exportation. Une nouvelle union : l'Union Régionale Laitière Agricole Coopérative (URLAC) est alors créée en décembre 1961 sous la présidence de M. Génin (président de Dauphilait). Il est décidé un important investissement industriel à Vienne. Cette usine de transformation commence à fonctionner en 1965. La vocation de l’usine est d’assurer l’approvisionnement du sud-est de la France en pleine expansion démographique et l’Italie toute proche. L’usine de grande capacité (elle traite 800 000L/jour) produit lait de consommation, lait stérilisé, yaourts, et beurre. Après une période de transition durant laquelle chaque coopérative conserve sa propre entité juridique au sein de l'URLAC, la fusion en un organisme unique (O.R.L.A.C.) est réalisée au début de 1968. Cette coopérative géante regroupe 11 353 sociétaires. Sa collecte de lait est passée de 156 ML en 1966 à 241 ML en 1971. Dans ce même laps de temps, son chiffre d'affaires a doublé et a atteint pour l'exercice 1970-1971 la somme de 234 millions de francs. Orlac, dès sa création, décide de s'orienter essentiellement vers le lait de consommation et les produits frais, mais, devant les impératifs économiques, elle s'associe avec d'autres coopératives pour mieux aborder le marché. C'est ainsi que naît la S.O.D.I.M.A. (Société de diffusion de Marques) qui réunit Orlac et cinq autres grandes coopératives françaises, qui centralise la recherche, la conception et le lancement des produits nouveaux, tandis que les différentes coopératives conservent leurs prérogatives de collecte, de fabrication et de distribution. La Sodima a lancé deux marques sur le plan national : « Yoplait » en 1965 pour les produits frais et « Candia » en 1971 pour le lait de consommation. En 1972, après la démission de M. Génin, Fréjus Michon prend la présidence d’Orlac qu’il garde jusqu’à sa mort, en 1987. Cette même année, Orlac compte 7 000 éleveurs adhérents, collecte 10 % du lait français, et la marque Yoplait est présente dans plus de quarante pays (de la Fayolle, 2005). Dans la suite de la Sodima, en 1990, Orlac cède ses activités de transformation et de commercialisation des produits laitiers à Sodiaal. Elle conserve toutes les activités « amont » liées aux adhérents (collecte laitière, appui technique, etc). Orlac collecte 471 ML de lait auprès de 3 300 producteurs sur 16 départements, et assure la collecte du lait pour Sodiaal de 1990 à 2007 avant de se fondre dans Sodiaal Union. Initiée en 2000 la refondation du groupe aboutit en 2007 avec la fusion des unions de coopératives régionales dans une entité unique, et création de bassins laitiers nécessitant parfois le regroupement de plusieurs régions laitières.

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Notes

1 Ce travail s’inscrit dans le programme Pour et Sur le Développement Régional, bénéficiant d’un financement de l’INRA, de la Région Rhône-Alpes, de l’Irstea et de l’Union européenne via le FEADER dans le cadre du Partenariat Européen pour l’Innovation. Le projet était en partenariat avec l’association Sud Isère Territoire Agricole et Développement Local (Sitadel, dont l’objectif est d’intégrer l’activité agricole au développement du territoire avec les collectivités locales. L’animateur de l’association est salarié de la Chambre d’Agriculture) et en lien avec Isère Conseil Élevage.

2 « Grande route » de Grenoble à Gap ; voie ferrée : de Grenoble à la Méditerranée (1878), de Saint-George-de-Commier à la Mure (1888).

3 L’histoire de la Matheysine est marquée par la présence de mines d’anthracite qui ont été exploitées jusque dans le milieu des années 1990.

4 Elle favorise les bovins laitiers, par rapport aux petits ruminants, qui dégraderaient moins les couverts végétaux en montagne, limitant l’érosion et les glissements de terrains.

5 Il disparaîtra en 1995 avec le dernier producteur fermier (Busson, 1995).

6 Au sortir de la 1ère guerre mondiale, le lait fait défaut, les producteurs se plaignent de prix trop bas, l’inflation guette, les périodes de pénurie et d’excédents rythment l’entre-deux-guerres.

7 Par ex. dans le Trièves, on passe de 1346 en 1955 à 540 en 1976. Des exploitations modernisées côtoient d’autres vétustes et les rendements de lait varient de 1800 à 5100L/VL/an (Beaup, 1977).

8 Pour « rattraper le retard » ont été mis en place en 1952 en France des zones témoins (officiellement « Groupements de productivité »), dont une dans le Trièves, offrant subventions, prêts remboursables, destinés à l'achat de semences, engrais, cheptel, équipement collectif ou individuel (Masseport, 1953).

9 La première annonce de fermeture de la mine a lieu en 1968. L’activité va alors décliner jusqu’à la fermeture du dernier puits en 1997.

10 Entreprise de l'économie sociale et solidaire, Biolait a été créé en 1994 à l’initiative de 6 producteurs de l’Ouest, faisant le choix de créer leur propre outil de collecte et négoce pour structurer durablement la filière sans exclure de territoires.

11 La LMA a été dirigée par le gendre du fondateur, M. Cian, jusqu’en 2003, date à laquelle il vend, ne voulant pas mettre la société aux normes. Elle est rachetée et dirigée par M. Zaza de 2004 à 2012, qui l’a déménagée à Clelles en 2007 au bord de la RN75 (Grenoble-Sisteron) sur un site plus accessible, avec un magasin de vente. Il étoffe la gamme de produits et met en place une gamme bio en 2008. Mais l’investissement a été trop lourd et la laiterie est mise en redressement judiciaire en 2012. Elle est alors reprise par M. Girod, qui s’approvisionne auprès de Sodiaal pour le lait conventionnel et de Biolait.

12 Entreprise agro-alimentaire créée en 1952 à Aubagne (13), spécialisée dans les yaourts et desserts lactés haut de gamme. La Fermière absorbait déjà plus de la moitié des 24 ML de lait collectés auprès des 300 producteurs du Sud-Isère et des Hautes-Alpes. Gap devient son 2ème site de production.

13 Selon un des anciens conseillers agricoles (C2) : « dans le Trièves : l’agriculture était incontournable, pas dans la Matheysine, il y avait la mine. Il était donc difficile de les faire travailler ensemble ». Selon une agricultrice, « les gens n’ont pas été assez pauvres pour avoir vraiment envie de tenter des dynamiques collectives pour s’en sortir ». La Matheysine s’est même offert le luxe de refuser une épreuve des JO en 1968 !

14 Fréjus Michon (éleveur de la Matheysine) va occuper tout au long de sa vie un grand nombre de responsabilités dans des organisations professionnelles au niveau local, régional, national. Il devient en particulier président d’Orlac à partir de 1972, 1er président de l’office national interprofessionnel du lait en 1983. Pour citer de La Fayolle (2005) : « Il ne cessa jamais de s’engager pour ce monde paysan qu’il voulut aider à passer d’un statut individualiste, désormais condamné, à celui de la mutualisation et de la solidarité qui devait le sauver. Il aimait à dire que pour l’agriculteur moderne le syndicalisme était l’épée et le mutualisme le bouclier et qu’il ne devait, surtout pas, rester seul » (p. 5).

15 Pour R3 : «  il était difficile de ne pas être dans la coop, tu étais un paria. Tu étais le mec qui jouait individuel contre le collectif. La coopérative, pour eux, c'était l'avenir. Avec elle les agriculteurs avaient le pouvoir. Fréjus Michon, je pense qu'il y croyait, il était à fond dedans. Sauf que la suite a montré les limites ».

16 Il a été président de la Fédération Départementale des Syndicats d'Exploitants Agricoles et au bureau de la Fédération Nationale, président de la Fédération Française d'Économie Montagnarde, et à ce titre a contribué à la préparation de la Loi Montagne. Il a été Conseiller Régional, Vice-Président à l’Agriculture. Il a créé Euromontana (à partir de la Confédération Européenne de l’Agriculture).

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Pour citer cet article

Référence électronique

Sophie Madelrieux, Maud Hirczak, Agnès Bergeret et Françoise Alavoine-Mornas, « La fin de « l’or blanc » en montagne ? »Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine [En ligne], 107-4 | 2019, mis en ligne le 24 juin 2019, consulté le 19 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/rga/5745 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rga.5745

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Auteurs

Sophie Madelrieux

Irstea (Institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture), Centre de Grenoble.
sophie.madelrieux@irstea.fr

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Maud Hirczak

Maitre de conférences en géographie-aménagement du territoire. Aix Marseille Univ, CNRS, LEST, Aix-en-Provence, France.
maud.hirczak@univ-amu.fr

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Agnès Bergeret

Post-doctorante. Grenoble Alpes Univ, PACTE, Grenoble, France.
agnes.bergeret@univ-grenoble-alpes.fr

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Françoise Alavoine-Mornas

Irstea (Institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture), Centre d’Aix en Provence, France.
francoise.alavoine-mornas@irstea.fr

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