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Entretiens

Entretien avec Mathieu Triclot

Interview with Mathieu Tricot
Mathieu Triclot et Fanny Barnabé

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Points de contact historiques et formels

Fanny Barnabé : Dans votre ouvrage Philosophie des jeux vidéo (Triclot, 2011), vous retracez notamment l’histoire de trois lieux essentiels de l’évolution du jeu vidéo (l’Université, la salle d’arcade, et le salon) en montrant comment ces contextes ont fait émerger des « régimes d’expérience » ludiques très divers. Or, durant la première étape de cette histoire (celle de l’Université et du milieu des hackers), la science-fiction semble avoir été l’un des univers-types les plus naturellement adoptés pour la création de jeux vidéo (avec le cas de Spacewar, entre autres). Que pensez-vous de cette affinité originelle ?

Mathieu Triclot : Je ne pense pas que l’on puisse généraliser à partir de Spacewar. Je suis allé regarder les listings que j’avais collectés pour un article sur le jeu universitaire (Triclot, 2012) et l’impression est plutôt que dominent les titres de sport. Ceci dit, certains des jeux les plus influents, Spacewar, mais aussi Star Trek ont des thématiques liées à la science-fiction.

Dans le cas de Spacewar, il y a manifestement un faisceau de raisons convergentes qui mènent au choix de cet univers de SF. La première est documentée par les acteurs eux-mêmes, qui justifient le thème du jeu par leur goût pour la science-fiction, et l’un de ses genres en particulier, le space opera. Russell, notamment, cite explicitement la série « Lensman » de Doc E. Smith dans l’article que Steward Brand consacre aux Olympiades de Spacewar dans Rolling Stone en 1972 (Brand, 1972). Ici, il faudrait interroger la constitution et la persistance de ce qui a fini par être appelé « culture geek » (Peyron, 2013), qui associe un certain nombre de consommations culturelles aux métiers techniques, notamment dans l’informatique.

Mais il me semble que cet argument par le goût entre en résonance avec deux autres dimensions plus techniques. La première est liée à l’affichage. Il ne faut pas oublier à quel point Spacewar est un exploit technique, un vrai hack. A minima, on peut dire que l’espace se prête bien au jeu vidéo, dans la mesure où il ne demande d’afficher que deux objets en mouvement, les vaisseaux, ainsi que les étoiles en fond qui ont elles-mêmes réclamé refonte complète du code. Mais on pourrait ajouter aussi, pour renforcer cet argument, que le dispositif d’affichage du PDP-1 provient en ligne directe des écrans du système SAGE, c’est-à-dire du système de contrôle aérien des États-Unis. Autrement dit, le matériel a été conçu pour la véritable space war : ce sont les mêmes objets, des aéronefs ennemis, qui sont affichés, mais sous couvert de fiction dans le jeu.

Dernier élément : on pourrait questionner l’attribution de la qualification de science-fiction à Spacewar. La dimension fictionnelle est contrebalancée par une autre revendication, aussi importante, voire plus, dans le discours des concepteurs, qui est celle de la simulation. Nous changeons de régime ontologique, puisqu’il s’agit désormais non plus de fictionner, mais de coller au réel. Cette exigence de simulation se marque à travers la revendication du respect des lois de Newton qui sont au cœur du gameplay de Spacewar, centré sur la difficile maîtrise des manœuvres d’accélération, mais aussi de l’affichage d’un planétarium réaliste. Cette dimension de simulation est dans la droite ligne de la culture hacker, qui naît dans un club consacré au modélisme ferroviaire.

Ceci dit, l’alliance de simulation et de fiction est sans doute l’un des marqueurs de la SF façon jeu vidéo. Donner une cohérence constructive aux univers représentés, c’est ce que les jeux vidéo peuvent faire de neuf dans la fiction. Or, cette demande là – une nouvelle manière de produire des univers fictionnels par la production d’un système réglé à même d’être exploré à volonté – résonne avec des propriétés de la SF. D’une part, dans la mesure où un courant comme la Hard SF revendique ce respect des règles physiques dans la construction de ses propres univers, on pourrait argumenter que l’alliance de simulation et de fiction qui est celle de Spacewar s’inscrit dans la poursuite de ces exigences de la hard SF, ou « SF d’ingénieur ». D’autre part, parce que cette capacité à engendrer des mondes cohérents, par la simulation, est une nouvelle manière de répondre à ce qui a toujours été présenté comme l’un des désirs majeurs de la SF (et de la Fantasy) : le sense of wonder, le faire monde, l’intérêt pour la matérialité technique des univers.

Un dernier commentaire sur l’alliance simulation-science-fiction qui caractérise Spacewar : la SF fonctionne aussi comme « excuse » ou raccourci tout trouvé aux limites des capacités de simulation. La fiction n’est plus l’autre du réel, mais la limite de la capacité de calcul : c’est le cas dans le discours que tiennent les concepteurs sur les « torpilles photoniques ». Cette technologie fictive évite, disent-ils, de les soumettre à la gravité de l’étoile centrale, ce qui a l’avantage d’économiser autant de calcul. On retrouve ici une dimension importante des jeux vidéo : la simulation est truffée de raccourcis, de trucs habiles, que connaissent les développeurs, qui suffisent pour le joueur à maintenir l’illusion de cohérence, sans pour autant avoir à coder des systèmes complets. Le recours à la fiction ici, à l’humour d’autres fois, permet de fournir une justification diégétique à ces raccourcis techniques.

FB : De Spacewar à Mass Effect, les univers science-fictionnels semblent être l’objet d’une popularité constante au sein des cultures ludiques : pensez-vous qu’on puisse y voir le signe d’une parenté thématique entre ce genre et le fonctionnement du médium vidéoludique, ou n’est-ce que le symptôme d’une parenté de publics ?

MT : Le cas de Spacewar donne des pistes. Les différentes raisons – la sociologie des consommations culturelles, les raccourcis techniques, les affinités ludiques – forment une pelote souvent indémêlable. C’était l’idée des « régimes d’expérience » d’étudier la formation de ce genre de complexes, qui finissent par se stabiliser et se transmettre comme un tout.

La question des affinités entre le jeu vidéo dans sa sémiologie de base et la SF me paraît importante. Si la SF est de la fiction sur la science, les jeux vidéo sont de la fiction à partir d’un dispositif scientifique, l’ordinateur comme machine de calcul. Ce qui est déjà une forme de liaison constitutive de science et de fiction.

  • 1 Huxley Aldous (2013) [1933], Le Meilleur des mondes, Paris, Plon.

Ce qui est amusant est que les jeux vidéo sont toujours déjà de la science-fiction. Avant même d’exister techniquement, ils ont été rêvés par la SF, sous la forme d’une fiction complète, d’une fiction totale. C’est notamment le cas, si on pense à la VR, et à ses anticipations fictionnelles. Je crois que chez Huxley, dans Le Meilleur des mondes1, on a ces salles sensorielles intégrales où l’utilisateur est plongé dans un monde autre. Si jeu vidéo égale une certaine modalité, que j’appellerais « constructive » de la fiction – ce qui la rapproche de la « mimicry-ludus » des jeux de construction chez Caillois, désormais prise en charge par l’ordinateur – cette modalité constructive, cette exigence de cohérence dans la construction de l’univers fictionnel, prolonge non seulement le régime ontologique de la SF ou de la Fantasy (cf. Bréan, 2012), mais elle apparaît aussi préalablement comme une forme désirée de la fiction dans la SF : une fiction d’avenir qui serait « constructive » et « immersive ».

Pour sentir cette « affinité fondamentale », il faudrait faire varier les genres : les jeux vidéo se prêtent à la construction d’univers, mais se prêtent-ils à l’exploration intimiste, à l’exposé des mobiles psychologiques, au récit en première personne ? C’est ce que tente aujourd’hui le genre du walking simulator, avec son usage de la voix off. Mais il y a sans doute quelque chose de plus difficile et de plus contourné par rapport au dispositif élémentaire, surtout si on le pense démuni sur le plan de ses moyens de représentation audiovisuelle, comme c’était le cas dans les débuts du médium.

Il me semble aussi que cette affinité – par le « régime ontologique spéculatif » de la SF pour reprendre la catégorie de Simon Bréan (2012) – pourrait s’argumenter du côté de la SF elle-même. Si on soutient que la SF se définit moins par une collection d’objets thématiques que par le régime ontologique qu’elle construit pour les univers de fiction, alors l’univers lui-même apparaît comme relativement autonome par rapport au récit, ou en tout cas susceptible d’être extrait d’un récit singulier et réutilisé comme cadre pour d’autres récits. Ce qui est pointé, c’est l’alliance entre régime ontologique de la fiction et un certain type de consommation de la fiction qui favorise l’ouverture du texte, sa reprise, sa réécriture par les lecteurs eux-mêmes. La SF c’est un certain type de lecture, potentiellement active, portée par la « réemployabilité » des objets fictionnels vers d’autres histoires. De ce point de vue, le jeu vidéo s’inscrit dans cette forme de consommation culturelle « active » qui favorise le réemploi et l’expansion des univers produits. Est-ce que chaque partie, comme trajectoire de récit singulier dans l’univers, n’est pas l’équivalent d’une fan fiction ? La SF se prolonge en jeu vidéo, comme elle se prolonge aisément sur d’autres média. Il y a une facilité qui tient à la SF elle-même, à son ouverture constitutive et qu’on ne retrouverait pas forcément dans d’autres genres qui valorisent la clôture et la complétude du récit.

Dans le même ordre d’idées, on pourrait mobiliser Schaeffer (1999) : si la fiction est à penser en continuité avec les conduites ludiques de faire semblant, la SF est sans doute l’un des genres qui se prête le mieux à cette ludicité, à ce prolongement par les jeux. Et cela demanderait à être contextualisé. Il faudrait peut-être interroger le médiamix comme culture sur le modèle de la « base de données » (Azuma, 2008 : 57-62), tout ce qui favorise l’expansion du fictionnel à travers une multitude de dispositifs médiatiques et ludiques (Steinberg, 2012).

FB : Dans le prolongement de la question précédente, pensez-vous qu’il existe des mécaniques de gameplay qualifiables de «  typiquement science-fictionnelles  » (ou qui trouveraient un équivalent dans les mécaniques présidant à la construction des univers de science-fiction)  ? L’infinitude du jeu bac à sable No Man’s Sky (Hello Games, 2016), qui est assurée par la génération procédurale, pourrait éventuellement en être un exemple.

MT : Si on retient le motif d’une « affinité générale » (q. 2), on pourrait descendre d’un cran vers toute une série d’« affinités locales », liant SF et mécaniques ludiques. La liste me paraît forcément non-exhaustive.

  • 2 Chunsoft, Spike, 2009.

L’une des affinités principales tient au type de récits (cf. Jenkins, 2004). Si le jeu vidéo favorise par sa structure le récit spatial, alors il retrouve un mode de récit qui est celui de la SF, de la Fantasy, ou de l’épopée. De la même manière, sur les types de récit, la possibilité de justifier des embranchements multiples par des univers parallèles, vaguement quantiques, me paraît un trope qui est souvent mobilisé (notamment dans le visual novel ; cf. la série des « Zero Escape », c’est-à-dire 999 : Nine Hours, Nine Persons, Nine Doors2 et ses suites).

On pourrait aussi argumenter sur l’importance du « stuff », de l’équipement, du gadget, et toutes ces panoplies techniques que proposent les jeux (j’ai en tête la combinaison de Crysis ; Crytek Studios, Electronic Arts, 2007), qui sont des éléments de gameplay qui correspondent à cette focalisation sur la matérialité des artefacts en SF.

Motifs et influences partagées

FB : Comment pensez-vous que le jeu vidéo a fait évoluer certains motifs classiques du genre de la science-fiction, tels que les dystopies technologiques, les représentations de l’intelligence artificielle, de la réalité virtuelle, de la conquête de l’espace, du savant fou, etc. ?

MT : Je n’ai pas assez de visibilité sur le genre dans son ensemble pour répondre à cette question. Mon impression est que l’invention narrative et diégétique reste très limitée en jeu vidéo, qui se contente de recycler des motifs produits par ailleurs. S’il y a invention, elle repose bien plus sur la modalité technique de déploiement de la fiction, que sur les contenus fictionnels proprement dits – même s’il doit bien avoir affinités entre cette modalité « constructive » et certains contenus (sur quoi portaient les questions précédentes).

Il n’y a qu’un secteur dans lequel j’ai l’impression d’une forme d’originalité, qui est celui de la thématique de l’IA. Je pense à des titres comme Event[0] (Ocelot Society, 2016) ou Talos Principle (Croteam, Devolver Digital, 2014), dans la mesure où le jeu lui-même autorise une forme d’expérience troublante, en première personne, avec l’Intelligence Artificielle. Ce sont d’ailleurs deux jeux qui répliquent dans leur dispositif ludique la position du joueur face à son ordinateur : l’avatar se retrouve à interagir face à l’écran comme le joueur lui-même. Il y a un effet de dispositif qui me semble original et dont on ne voit pas bien comment il pourrait être « rendu » dans d’autres formes médiatiques.

FB Dans le même ordre d’idées, la réalité virtuelle est un motif récurrent de la science-fiction qui, aujourd’hui, devient partie intégrante des pratiques et cultures ludiques : que pensez-vous de cette évolution et des possibilités de mise en abyme qu’elle ouvre  ?

MT : La VR est un dispositif complexe. Elle se présente comme « fiction réalisée », une fiction à laquelle l’utilisateur ne pourrait plus ne pas croire, une fiction dans laquelle la suspension volontaire d’incrédulité serait suspendue au profit d’une suspension techniquement instrumentée vers l’immersion totale. La VR représente l’un des pôles du désir de fiction.

Mais, du coup, elle défait la dialectique de la fiction, qui est une dialectique ludique entre engagement et déprise (Schaeffer, 1999). S’agit-il encore de fiction si l’on ne peut plus s’en extraire ou ne pas y croire ? Ce sont toutes ces fonctions dystopiques de la VR que les fictions se plaisent tant à mettre en scène. La VR se positionne entre la promesse paradisiaque de l’accès total à l’univers fictif et l’enfer de ne plus pouvoir en sortir.

La VR est donc à la fois un objet idéologique – le nœud rejoué de la question de la fiction – et un objet technique, qui est lui très loin de réaliser la promesse idéologique d’une fiction totale. Il me semble que, pour l’instant, si la VR parvient sans peine à représenter de la fiction, elle n’a pas trouvé les formes pour produire du récit ou même du jeu de manière satisfaisante. Que pourrait être une fiction expérimentée en première personne, sans la médiation de l’avatar ? La formule n’a pas encore été inventée.

FB : Dans votre ouvrage Philosophie des jeux vidéo, vous consacrez un chapitre à la comparaison du jeu vidéo au cinéma : comment relire cette comparaison au prisme du cas de la science-fiction  ? Comment les jeux de science-fiction se positionnent-ils par rapport aux conventions posées par leurs parents cinématographiques  ?

MT : Mon impression est que domine globalement la copie servile des motifs visuels. Pour trouver des zones d’échanges plus intéressantes, il faudrait sans doute aller du côté de l’animation, avec des pipelines techniques partagés pour la production des images de jeu et de film. Avec peut-être une spécificité japonaise : peut-être pourrait-on créditer une série comme Final Fantasy (Square, 1987) de l’invention d’un type d’image et d’objet science-fictionnel singulier ?

Science-fiction, jeu et numérique : perspectives de recherche

  • 3 C’est-à-dire une partie commentée en direct. Voir : « Let’s Play analytique (CriTwitch) Alien : Iso (...)

FB : En 2017, vous avez réalisé avec Alexis Blanchet (Paris 3 - Sorbonne Nouvelle) un let’s play3 analytique (ou «  CriTwitch  ») du jeu Alien : Isolation (The Creative Assembly, Sega, 2014). Comment ce contexte (le fait de jouer devant un public, entre chercheurs, avec la nécessité de commenter la partie) a-t-il influencé votre rapport au jeu et à l’univers fictionnel représenté  ?

MT : Le contexte est déterminant en dernière instance (axiome de play studies !). En l’occurrence, l’obligation de verbaliser, mais aussi de se mettre en scène, transforme diamétralement un jeu qui est conçu comme expérience horrifique. Par ailleurs, la règle de ces let’s play consistait à découvrir le jeu, dans un genre peu familier ou peu apprécié par le participant, manette en main. Dans mon cas, le défi était de comprendre les ressorts du déplaisir à actionner un jeu d’horreur. Ici, je n’ai pas l’impression que le cadre science-fictionnel ait joué un rôle dans l’expérience au-delà d’un simple habillage. De mémoire, une bonne part de ce qui fait l’intérêt d’Alien, dans l’évocation des alliages troubles de vivant et de mécanique, était perdu dans un jeu peu inventif. La promesse d’un jeu fidèle à l’esprit du film était loin de se réaliser.

FB : Dans un article publié avec Yannick Rochat (Rochat et Triclot, 2017), vous avez utilisé des méthodes issues des humanités numériques pour étudier la constitution de réseaux de personnages dans les œuvres de science-fiction : qu’est-ce que ces méthodes ont spécifiquement permis de faire émerger  ?

MT : Ces méthodes ne sont pas spécifiques à la SF, mais s’appliquent à n’importe quel type de récits. Il y a cependant une masse de résultats sur le sous-corpus SF étudié. La perspective de l’article consistait à étudier les représentations des fonctions scientifiques, techniques et politiques dans les récits sélectionnés. En s’appuyant la position des personnages sur le réseau – connectée, centrale, marginale, dans le cluster central, en périphérie, etc. –, on peut essayer de repérer des distributions récurrentes non seulement des personnages, mais aussi des fonctions qu’ils portent. Cela permet de dégager des typologies de représentations du triptyque science-technique-politique. À la manière de Woloch (2003), il s’agit d’utiliser le « character system » comme instrument d’une lecture politique des récits. Je ne peux que renvoyer à l’article pour la présentation et l’analyse de ces typologies.

Un aspect intéressant qui mérite d’être prolongé tient à l’exploitation de la méthode au-delà d’un corpus romanesque, non seulement vers les films ou les bandes dessinées, mais aussi vers les jeux vidéo. Nous avions pu expérimenter plusieurs systèmes, notamment pour représenter le réseau des personnages de Final Fantasy VII. La comparaison des structures de personnages selon la forme médiatique des récits serait intéressante à conduire. Existe-t-il une ou, plus vraisemblablement, plusieurs signatures typiques des récits vidéoludiques du point de vue des structures de personnages ?

FB : Pensez-vous que les sciences du jeu, en tant que discipline, peuvent apporter sur la science-fiction un éclairage spécifique  ? Existe-t-il des méthodes ou des concepts forgés pour l’étude du jeu qui seraient particulièrement utiles pour relire ce genre  ?

MT : Il me semble qu’un terrain commun intéressant tient aux théories anthropologiques de la fiction et de la place qu’elles attribuent au jeu (cf. Schaeffer, 1999 ; Lavocat, 2016). L’hypothèse que l’on peut faire, comme je m’y essayais dans les réponses aux premières questions, est que la SF correspond à un certain régime de la consommation fictionnelle, dans laquelle la part du jeu est plus sensible. Il me semble qu’il y a un terrain commun, qui mériterait analyse, entre théories de la lecture et des consommations culturelles et play studies, autour de la circulation des ludicités dans certaines pratiques. La difficulté étant que l’on se retrouve essentiellement avec des registres de description phénoménologique, qui sont difficiles à objectiver, et qu’on ne peut pas faire l’impasse non plus sur la manière dont s’organisent économiquement, juridiquement ces circulations selon les aires de production : le régime de la fiction en médiamix a quelque chose de singulier dans sa manière d’intensifier les circulations fictionnelles par le recours au jeu.

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Bibliographie

«  Let’s Play analytique (CriTwitch) Alien : Isolation - Mathieu Triclot et Alexis Blanchet à la FEMIS  », sur YouTube, [consulté le 31/08/2018], URL : <https://www.youtube.com/watch ?v =T9rCH8qXd_g>

Azuma Hiroki, Génération Otaku. Les enfants de la postmodernité, Paris : Hachette Littératures, 2008.

Bréan Simon, La Science-Fiction en France : Théorie et histoire d’une littérature, Paris : PU Paris-Sorbonne, 2012. Coll. « Lettres françaises ».

Brand Stewart (1972), « Fanatic Life and Symbolic Death Among the Computer Bums », in Rolling Stone, 123, 7 Dec. 1972, p. 50-58

Huxley Aldous, Le Meilleur des mondes [1933], Paris : Plon, 2013.

Jenkins Henry, « Game Design as Narrative Architecture », in Wardrip-Fruin Noah et Harrigan Pat, First Person. New Media as Story, Performance, and Game, Cambridge : MIT Press, 2004, p. 118-130

Lavocat Françoise, Fait et fiction. Pour une frontière, Paris : Seuil, 2016.

Peyron David, Culture Geek, Paris : FYP, 2013

Rochat Yannick et Triclot Mathieu, «  Les réseaux de personnages de science-fiction : Échantillons de lectures intermédiaires  », ReS Futurae, n° 10, 2017. [consulté le 31/08/2018], URL : <https://journals.openedition.org/resf/1183>

Schaeffer Jean-Marie, Pourquoi la fiction ?, Paris : Seuil, 1999.

Steinberg Marc, Anime’s Media Mix : Francising Toys and Characters in Japan, Minneapolis-Londres : University of Minnesota Press, 2012.

Triclot Mathieu, Philosophie des jeux vidéo, Paris : Éditions La Découverte, 2011.

Triclot Mathieu, « Jouer au laboratoire. Le jeu vidéo à l’université (1962-1979) », Réseaux, vol. 3, n° 173-174, p. 177-205 2012. [consulté le 31/08/2018], URL : <https://www.cairn.info/revue-reseaux-2012-3-page-177.htm>

Woloch Alex, The One vs. the Many, Princeton : Princeton University Press, 2003.

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Notes

1 Huxley Aldous (2013) [1933], Le Meilleur des mondes, Paris, Plon.

2 Chunsoft, Spike, 2009.

3 C’est-à-dire une partie commentée en direct. Voir : « Let’s Play analytique (CriTwitch) Alien : Isolation - Mathieu Triclot et Alexis Blanchet à la FEMIS », sur YouTube, [consulté le 31/08/2018], URL : <https://www.youtube.com/watch?v=T9rCH8qXd_g>.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Mathieu Triclot et Fanny Barnabé, « Entretien avec Mathieu Triclot »ReS Futurae [En ligne], 12 | 2018, mis en ligne le 19 décembre 2018, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/resf/1749 ; DOI : https://doi.org/10.4000/resf.1749

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Auteurs

Mathieu Triclot

Mathieu Triclot est maître de conférences en philosophie à l’Université de Technologie de Belfort-Montbéliard. Ses recherches en philosophie des techniques portent sur l’informatique (cybernétique, information, intelligence artificielle, jeux vidéo). Il est l’auteur de Le Moment cybernétique (Champ Vallon, 2008) et de Philosophie des jeux vidéo (Zones, 2011).

Articles du même auteur

Fanny Barnabé

Fanny Barnabé est docteure en Langues et lettres, membre du Liège Game Lab et Chargée de recherches FNRS à l’Université de Liège. Ses recherches portent sur la narration vidéoludique (thème de l’ouvrage Narration et jeu vidéo. Pour une exploration des univers fictionnels, publié aux Presses Universitaires de Liège), sur les différentes formes de détournement du jeu vidéo (qu’elle étudie d’un point de vue rhétorique et poétique dans sa thèse de doctorat) et, actuellement, sur les tutoriels de jeu vidéo. Elle a également étudié la notion de paratexte vidéoludique lors d’un séjour postdoctoral d’un an réalisé à l’Université Ritsumeikan de Kyoto, sous la direction du Professeur Hiroshi Yoshida. Publications : http://orbi.ulg.ac.be/browse?type=author&value=Barnab%C3%A9,%20Fanny%20p022868

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