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Dossier thématique

Introduction : Pistes pour une anthropologie des performances musico-chorégraphiques en contexte transnational

Introduction: Towards an Anthropology of Music Dance Performances in a Transnational Context
Introducción: Hacia una antropología de las actuaciones musico-coreográficas en contexto transnacional
Alice Aterianus-Owanga, Elina Djebbari et Monika Salzbrunn
p. 15-32
Traduction(s) :
Introduction: Towards an Anthropology of Music and Dance Performances in a Transnational Context [en]

Texte intégral

Les éditrices remercient Serjara Aleman, Federica Moretti et Ana Laura Rodriguez Quinones pour l’aide précieuse apportée à la mise en forme des articles de ce dossier.

1Tango argentin, bharata natyam indien, sabar sénégalais, séga mauricien, bachata dominicaine, etc. Chacun de ces genres musicaux et chorégraphiques se rattache, dans les imaginaires des publics et/ou des artistes, à une identification « nationale ». Certains sont reconnus comme patrimoine national par un État, d’autres sont inscrits sur les listes du patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO. Les musiques et les danses sont ainsi fréquemment utilisées par des organisations étatiques pour véhiculer des idéologies nationalistes, ou labellisées en termes nationaux par les industries musicales afin de répondre à une attente du public.

2Ces labellisations nationales sont en réalité le produit de constructions historiques complexes, à la croisée de politiques étatiques, de migrations de populations, et d’imbrications d’appartenances multiples (villageoise, urbaine, ethnique, régionale, communautaire, religieuse, etc.). Le cas de la bachata dominicaine est un exemple intéressant de ces variations d’échelles à l’œuvre dans la production d’un genre « national » : musique et danse de couple, la bachata était durant la première moitié du XXe siècle le moyen d’expression des ruraux s’installant dans les villes de République dominicaine. Initialement associé aux populations pauvres, ce rythme connut dans les années 1990 un regain de popularité, du fait des migrations dominicaines vers les États-Unis et du succès international de quelques musiciens. Pour les immigrés dominicains, la bachata devint un mode d’expression d’une appartenance dominicaine diasporique (Pacini Hernandez, 2014). Depuis le début du XXIe siècle, la bachata a conquis de nouveaux publics internationaux, notamment par sa marchandisation dans les industries musicales, et sa pratique s’est globalisée — et transformée — par l’intermédiaire de cours et festivals de danses.

  • 1 D’autres études ont déjà émis ce constat (Wulff, 2005 ; Pietrobruno, 2006 ; Kiwan et Meinhof, 2011  (...)

3Comme l’illustre le cas de la bachata, le rattachement d’une pratique musico-chorégraphique à une identification nationale se déroule en plusieurs étapes historiques, et au travers de mobilités entre différents contextes. Les appartenances nationales revendiquées dans ces pratiques ne contredisent pas l’existence simultanée d’identifications à des communautés régionales, translocales ou transétatiques, à l’instar de la « nation noire » formée dans le sillage du hip-hop (Basu et Lemelle, 2006 ; Perry, 2008), ou de la communauté transcontinentale « latine » s’inventant en différents lieux via la salsa (Santos-Febres, 1997 ; Aparicio et Jáquez, 2003 ; Waxer, 2002). Pour ces raisons, le creuset des pratiques musicales et dansées s’avère particulièrement heuristique pour examiner les registres entremêlés et les co-constructions entre ce qui relève du local, du national et du transnational1.

  • 2 Ce dossier thématique prolonge les réflexions qui avaient eu lieu dans le cadre du colloque interna (...)

4Ce dossier2 prend pour objet les interconnexions et imbrications des dimensions locales, nationales et transnationales qui se jouent dans l’expression des appartenances. En s’appuyant sur des recherches ethnographiques et historiques à propos de pratiques musico-chorégraphiques variées, les sept études de cas traitent respectivement de la salsa, de la kizomba, du sabar, du séga, du sheikani, du fandango et de la danse contemporaine, et saisissent leurs modes de circulation entre différents espaces (Afrique, Amérique centrale et du Nord, Europe, Proche et Moyen-Orient, océan Indien). Ces travaux analysent comment les expériences générées par la musique et la danse agissent sur l’organisation et l’expression des registres d’identification dans ces contextes de circulation.

5Avant de présenter les articles qui composent ce dossier, nous proposons quelques repères théoriques qui accompagnent leurs démarches à propos du nationalisme, du transnationalisme, et du translocalisme, suivis d’une réflexion sur la manière dont l’anthropologie de la danse et de la musique a pu travailler ces différentes notions.

National, transnational et translocal : le dépassement du « nationalisme méthodologique »

6Le nationalisme a longtemps été considéré comme un phénomène européen relevant du domaine des historiens (Thiesse, 1999), désignant un sentiment d’appartenance à une « communauté imaginée » (Anderson, 1983) et forgée historiquement sur la base d’un territoire, d’un État et éventuellement d’une identification ethnique (Gellner, 1989 ; Hobsbawm, 1992). La nation était alors pensée comme le résultat d’un processus d’homogénéisation en lien avec la modernité industrielle, et comme l’aboutissement de mouvements nationalistes propagés au travers de l’écriture et des médias (Anderson, 1983).

7À partir des années 1990, les recherches en sciences sociales menées sur d’autres continents ont proposé d’autres approches : tout d’abord, elles ont dégagé la diversité des modes d’émergence des nations et des modèles convoqués dans ce processus, notamment en Amérique latine (Hébrard, 1996 ; Annino von Dusek et Guerra, 2003 ; Chasteen et Castro-Klarén, 2003) ; elles ont aussi mis en évidence l’hétérogénéité des récits nationaux, au-delà des seuls points de vue des élites intellectuelles (Bhabha, 1990), et ont évoqué l’importance des régionalismes dans les constructions nationales (Thiesse, 2014). Ces travaux ont démontré qu’en dehors de la littérature, de la peinture et de la musique, l’essor des nationalismes s’était aussi appuyé sur le registre des fêtes, des performances et des danses (Hobsbawm et Ranger, 2006 ; Guss, 2000 ; Wade, 2000). Enfin, les études menées sur les migrations ont contribué à envisager le nationalisme au-delà du territoire et de l’État-nation, montrant comment des sentiments d’appartenances communautaires se développaient dans des situations migratoires ou de diaspora (Kastoryano, 2006).

8De façon parallèle à ces nouvelles conceptions du nationalisme, Nina Glick Schiller, Linda Basch et Christina Blanc-Szanton (1992) ont développé l’idée que les trajectoires en migration ne sont pas synonymes de déracinement, mais bien plutôt d’ancrages à la fois dans le pays d’accueil et dans le pays d’origine. En étudiant les migrations entre New York, Saint-Vincent, Grenade, Haïti et les Philippines, elles ont montré que les « transmigrants » s’investissaient dans des activités économiques, politiques, sociales ou religieuses reliant leurs différents univers sociaux de référence, contribuant à créer des champs sociaux transnationaux.

  • 3 En 1999, Portes, Guarnizo et Landolt proposaient de distinguer ces phénomènes migratoires des class (...)
  • 4 Pour en savoir plus sur l’historicité de cette formulation, voir Goyal (2017).
  • 5 La notion d’échelle a pris un sens nouveau ces dernières décennies : d’une définition spatiale et o (...)
  • 6 Voir Salzbrunn et Pries (2016).

9Au-delà des polémiques sur la nouveauté du phénomène3 et sur ses caractéristiques, ce « tournant transnational »4 dans les sciences sociales a permis de repenser les liens entre national et transnational. Il a mis en évidence l’importance des échelles régionales dans les processus d’articulation entre « local » et « global », et a complexifié la compréhension des échelles intermédiaires (Trémon, 2012)5. Dans cette perspective, les travaux de Ludger Pries (1996) ont contribué à clarifier le concept d’espace relationnel, au centre de ses réflexions sur les espaces sociaux transnationaux6. Contrairement aux travaux appréhendant le monde moderne en termes de fluidité, de liquidité, et de déclin des États-nations (Appadurai, 1996 ; Bauman, 2013), les recherches de Glick Schiller et Fouron (2001) ont démontré les ramifications de l’État-nation qui se tissent dans le transnational, l’existence de « nationalismes longue distance » ou encore les revendications d’ethnicité des populations en diaspora. Sainsaulieu, Salzbrunn et Amiotte-Suchet ont mis en évidence (2010) que le renforcement des frontières et des affirmations d’appartenances communautaires n’allait pas à l’encontre de loyautés sociétales plus larges ; ces différents niveaux d’identification semblent au contraire se co-construire et se nourrir mutuellement. La complexification des réseaux de circulation et d’identification a de la sorte permis de réinterroger les recompositions nationales dans un monde transnational.

10Conscientes des implications idéologiques et épistémologiques liées au « tournant transnational », Nina Glick Schiller et Ayşe Çağlar (2011) en ont fait la critique, appelant à « localiser la migration » afin de resituer les effets des ancrages locaux et la façon dont ils modifient les environnements urbains. La mise en question des théories de la « transnationalisation » et de leurs limites à considérer les ancrages territoriaux spécifiques a conduit à élaborer les notions de « multi-local » et de « translocal ». L’approche translocale permet de considérer que les réseaux et les circulations, dans un monde globalisé, s’organisent concrètement dans et entre des localités précises plutôt qu’entre des espaces nationaux abstraits. Elle met aussi l’accent sur l’importance du contexte local dans lequel s’inscrivent les individus en migration, le cadre national devenant un référent de « second ordre » par rapport au lieu de vie, la nationalité un « label » administratif plutôt qu’une dimension vécue intimement (Conradson et McKay, 2007 : 269). Monika Salzbrunn (2011 : 171) propose une définition des espaces sociaux translocaux qui prend en compte des sources d’identification et des pratiques issues de systèmes de référence locaux et globaux. Les migrants ne sont pas seulement influencés par ces références translocales, ils ont à leur tour un impact sur l’évolution de leur environnement local. Les espaces sociaux translocaux abritent ainsi des affiliations multiples qui dépassent le seul cadre national, et qui sont perceptibles lorsque l’on prend en considération les enracinements locaux des pratiques, notamment les pratiques artistiques et festives (Salzbrunn, 2011).

11En mettant au cœur de la réflexion la problématique de l’oscillation entre nationalismes, transnationalisme, et translocalité, notre dossier apporte de nouvelles perspectives à la littérature existante sur les rapports entre les danses et les appartenances nationales.

Danses et (trans)nationalismes

12L’anthropologie a bien exposé la place des pratiques musicales et chorégraphiques dans la production des nationalismes, dans divers continents et contextes idéologiques ou historiques (Shay, 2002 ; Castaldi, 2006 ; Buckland, 2007 ; Andrieu, 2009 ; Djebbari, 2013 ; Gibert, 2014 ; Franco, 2015 ; Aterianus-Owanga, 2017). Kelly Askew (2002) a rappelé qu’en Tanzanie, les sociétés de danse et de musique ont largement contribué à l’émergence d’une conscience politique et nationale durant la période de l’indépendance. Dans l’île de Java, Felicia Hugues-Freeland s’est attachée à restituer la longue histoire des danses de cour et leur invention comme tradition conforme à la rhétorique nationale, la danse devenant « constitutive de cette communauté incorporée et imaginée qu’est l’État-nation » (Hugues-Freeland, 2008 : 17). Dans sa recherche au Burkina Faso, Sarah Andrieu a utilisé l’étude des politiques culturelles et des mises en spectacle de l’identité nationale pour montrer comment, même dans des contextes de contrôle étatique fort, les individus créent sans cesse des traditions de danse alternatives au projet national (Andrieu, 2007). Ce champ de recherche anthropologique a ainsi donné aux créations musicales et dansées un statut d’objet pertinent pour comprendre différentes modalités d’invention et de mise en scène de la nation.

  • 7 Gibert (2014), Clouet (2018), Aterianus-Owanga (2018) et Navarro (2019). L’étude des transnationali (...)

13Plus récemment, l’intérêt scientifique pour les pratiques musicales et dansées en migration a ouvert de nouvelles problématiques au sujet des liens entre la « fabrique » d’appartenances par les arts et les formes de transnationalisme7, tout en mettant en avant l’articulation des dimensions transnationales et translocales. Dans leur étude comparative des réseaux musiciens de Casablanca et Antananarivo, Nadia Kiwan et Ulrike Meinhof (2011) ont par exemple décrit l’existence de migrations musicales reliées par certaines villes, qu’elles considèrent comme des « hubs » translocaux et transnationaux.

  • 8 Cette différence peut s’expliquer par le fait qu’en France, l’ethnomusicologie est reconnue depuis (...)
  • 9 Voir Martiniello et al. (2008), Le Menestrel (2012), Aterianus-Owanga et Guedj (2014), Andrieu et O (...)

14Les articles de ce dossier thématique traitent des articulations et imbrications parfois paradoxales, mais souvent complémentaires, entre nationalismes et transnationalismes survenant sous l’effet des circulations de genres musico-chorégraphiques. Tout en prolongeant la littérature existante, ils relèvent de partis pris scientifiques innovants. Le premier est de mettre principalement l’accent sur la danse, tout en tenant compte du musical. En cela, le dossier offre une contribution significative aux sciences sociales francophones qui ont rarement fourni des études comparatives et des ouvrages collectifs qui interrogent les processus identitaires à l’œuvre dans la mondialisation de pratiques dansées8 (en comparaison avec les projets parus récemment dans le domaine de la musique9). Les travaux interrogent conjointement musique et danse sur leurs terrains respectifs, tout en mettant l’accent sur la part d’engagement corporel impliqué dans le développement des sentiments d’appartenance. Ils associent ces deux domaines qui certes, ne circulent pas de la même manière (Apprill, 2015), mais qui, pour plusieurs raisons, gagnent à être pensés ensemble : d’abord parce que de nombreux termes désignent à la fois danses et musiques, comme ici le sabar, la salsa, la kizomba, le séga, le fandango, le sheikhani ; ensuite parce que plusieurs performances ou festivités observées mêlent à la fois danse et musique, et reposent de fait sur une « multimodalité sensorielle » (Guillebaud, 2014) ; enfin, parce que les acteurs de ces genres — qu’ils soient amateurs ou professionnels — interagissent fréquemment dans des réseaux interconnectés, notamment dans les marchés globaux. Pour aborder les objets étudiés, nous les désignons donc par les termes de « genres » ou de « performances musico-chorégraphiques ».

15Le second parti pris consiste à appréhender dans une même démarche la triade national/transnational/translocal, notions qui s’avèrent indissociables dans ces contextes de circulation de performances. Les articles de ce dossier discutent justement des différents outils méthodologiques et théoriques propices à dépasser les dichotomies national/transnational/translocal, pour plutôt réfléchir aux régimes circulatoires et aux appartenances multiples qui sont mises en acte et en relation au travers des musiques et des danses.

Danser des nations sans État

16Une série d’articles de ce dossier décrit des fabriques dansées de nationalismes survenant en dehors de l’État : Ana Rodriguez analyse la façon dont la création d’une scène de danse contemporaine en Palestine accompagne l’émergence de sentiments d’appartenance et de luttes communes chez les jeunes palestiniens. Levier d’intégration dans des circulations transnationales, la danse contemporaine permet aux danseurs engagés dans cette pratique de se découvrir comme Palestinien dans le monde. L’auteure propose une entrée méthodologique par les parcours de vie pour souligner comment l’insertion de certains individus au sein de l’« espace social transnational » de la danse contemporaine façonne des subjectivités et des sentiments d’appartenance à une nation palestinienne élargie. Ici, la nation se joue sans État, et les frontières qui la délimitent sont bien plus régies par la rencontre avec l’altérité (européenne ou israélienne) et la prise de conscience de solidarités transnationales que par une idée d’adéquation avec un territoire géographique et un État souverain.

17Un autre exemple de ces nationalismes sans État incarné par la danse se trouve dans le cas des danses assyriennes sheikani. À partir d’un terrain multisitué en Amérique du Nord, Nadia Younan examine les fêtes où cette danse est performée par la diaspora assyrienne, une « communauté doublement transnationale — d’abord dans sa terre d’origine, ensuite en diaspora » selon l’auteure. D’un côté, les explications données par les acteurs sur la genèse de la danse sheikani sont un support de transmission de récits mythiques à propos de l’histoire assyrienne ; de l’autre, les heures passées à danser en groupe conduisent à ressentir physiquement et affectivement cette identification à une communauté nationale assyrienne, qui ne se définit pas tant par le rattachement à une terre d’origine que par une idée de « nation rhizomatique transglobale » (Laguerre, 2009 cité par Younan).

18Ces deux articles mettent en exergue différentes circulations transnationales de performances dansées : d’un côté, une expression globale devenue le moteur d’identification à une résistance nationale ; de l’autre, une danse essentiellement communautaire recomposée en diaspora. Dans les deux cas, la confrontation au champ transnational n’est pas le motif d’une dispersion identitaire pour les individus impliqués ; au contraire, les moments dansés créent un espace social spécifique, qui consolide la mémoire d’une terre d’origine perdue, ou alimente le besoin de reconnaissance comme communauté. Les performances dansées composent et perpétuent des attaches nationales « par le bas », dans des situations d’absence d’État-nation et de politiques culturelles par le haut.

Variations d’échelles et affiliations identitaires

19Les articles d’Églantine Gauthier sur le séga mauricien et de Christian Rinaudo sur le fandango mexicain discutent quant à eux des interconnexions entre nationalisme et transnationalisme en utilisant une perspective historique et en suivant les variations d’échelles (régionales, nationales et transnationales) qui concourent à façonner, ressentir, ou représenter des identifications « nationales » par la musique et la danse.

20Églantine Gauthier s’intéresse au cas du séga de l’île Maurice, nation insulaire postcoloniale. En revenant sur les premiers écrits abordant cette performance, elle montre comment le regard colonial a d’abord identifié ce genre musico-chorégraphique comme un fait racial « noir », puis progressivement comme une expression culturelle « créole » associée à la mémoire de l’esclavage. L’idée d’un genre communautaire typiquement mauricien a ainsi été construite via des circulations sur les routes transocéaniques et transnationales des empires coloniaux. Avec l’essor des industries musicales après l’indépendance, le séga est ensuite devenu un emblème national censé incarner l’ensemble de la nation « multiculturelle » mauricienne, marquée à la fois par les politiques culturelles et mémorielles nationales, et par les représentations exotiques véhiculées avec l’expansion du tourisme. Le dernier temps de la fabrique du séga examiné par Églantine Gauthier est celui des migrations contemporaines de la diaspora mauricienne de France, pour qui l’appropriation de différentes variantes de la danse et musique séga est le support de création d’un entre-soi mauricien transgénérationnel. La prise en compte du transnational sur la longue durée éclaire l’interconnexion entre différentes échelles et périodes historiques qui façonnent ce genre musico-chorégraphique. Une approche en termes d’histoire connectée (Minard, 2013) incite à être attentif aux circulations et croisements de regards au travers desquels sont produits, superposés ou juxtaposés les différents registres d’appartenance.

21Christian Rinaudo se penche sur les musiques et danses du Sotavento mexicain en adoptant lui aussi cette perspective de longue durée. Il examine les trois « âges » du fandango, entre fête locale, spectacle de la nation métisse, et expérience festive transfrontalière en migration. Il démontre que si l’analyse diachronique et multiscalaire est incontournable pour comprendre les définitions et usages multiples de cet événement musico-chorégraphique, elle n’est pas suffisante : au-delà des jeux d’échelles, ce sont également « les points d’articulations et de tension entre ces sphères d’action » (Rinaudo) qui requièrent d’être examinés. Ils révèlent dans ce cas la transformation de certains mythes d’origine du fandango, les rejets de certains étiquetages initiaux ou la coupure avec des réseaux de mobilisation qui y étaient autrefois liés dans d’autres contextes. L’article met ainsi en exergue la manière dont un même genre musical véhicule des sentiments d’appartenance et de communalité changeant en fonction des espaces où il se déplace, dans une dynamique permanente de redéfinition des relations entre les échelles et les rayons d’action (local, national, transnational).

22Ces exemples prouvent ainsi combien les mouvements spatiaux et les situations sociales que la danse occasionne constituent un objet fécond pour nourrir la réflexion épistémologique sur la question des échelles. L’anthropologie transnationale de la danse constitue un opérateur d’analyse puissant des processus d’appréhension de la variabilité des échelles, en décrivant empiriquement les changements d’identification et de définition de l’espace social qu’entraîne la circulation des pratiques sur un axe espace/temps.

23Au-delà de ce constat, d’autres genres abordés dans ce dossier montrent comment les circulations transnationales sont aussi à l’origine de tensions sociales ou de rapports de pouvoir.

Rapports de pouvoir et propriété culturelle dans la mondialisation

24Les articles d’Alice Aterianus-Owanga sur le sabar et celui de Livia Jiménez Sedano sur la kizomba montrent comment les affiliations identitaires revendiquées autour de certains répertoires font l’objet d’enjeux de pouvoir et de concurrence, faisant écho à un contexte de marchandisation des biens culturels et des identités (Appadurai, 1996). Différents outils conceptuels et approches théoriques sont mobilisés par les auteures pour examiner ces affirmations d’appartenance ; les théories de l’identité, de l’ethnicité et des frontières permettent notamment de lire les enjeux de pouvoir sous-jacents à la circulation globale de certaines pratiques.

25Alice Aterianus-Owanga étudie les logiques d’inclusion ou d’exclusion au sein d’une « communauté sénégalaise » qui se jouent dans l’enseignement de la danse sabar en Europe. Après avoir retracé le parcours progressif d’étiquetage de cette performance, entre ethnicité wolof et nation sénégalaise, elle explore les pédagogies inventées par des artistes qui ont migré en Europe pour rendre ce répertoire accessible auprès de différents publics, tout en véhiculant une forme d’appartenance à leur origine sénégalaise. Elle décrit l’existence de polémiques autour de la propriété culturelle du sabar, et les formes de rétention ou de contrôle des connaissances sur la danse qui en découlent. Elle analyse alors comment le maintien des frontières entre des groupes sociaux et entre des répertoires culturels dont certains seraient dépositaires est lié à des rapports de pouvoir et des inégalités enracinées dans l’histoire et la situation postcoloniale. En fonction des rencontres, des contextes et des enjeux de pouvoir, le sabar se présente tantôt comme un marqueur de frontières culturelles, tantôt comme un moyen de tisser un pont transcendant ces frontières.

26Livia Jiménez Sedano aborde elle aussi les polémiques et conflits de légitimité soulevés par la marchandisation globale d’une pratique culturelle, mais en partant d’un genre, la kizomba, dont les origines sont floues et éparpillées entre plusieurs pays. Cette danse de couple aujourd’hui pratiquée dans des villes du monde entier est née d’influences multiples, entre l’Angola, le Cap-Vert et le Portugal. Différents acteurs revendiquent ainsi leur contribution dans sa genèse et sa diffusion. En décrivant les débats sur les origines supposées de la pratique, l’auteure met en évidence différents registres de légitimation et d’identification, sur des bases nationales (angolaises), continentales (africaines) ou transnationales (dans les espaces lusophones). Elle montre ainsi comment la circulation transnationale de la kizomba a précédé sa récupération comme marque nationale, par l’Angola en l’occurrence.

27Par l’exploration des différentes échelles de localisation des musiques et des danses, les articles montrent ainsi comment circulation et ancrage spatial se répondent, et nourrissent des va-et-vient entre différents registres identitaires.

Circulations et ancrages

28Les circulations des musiques et des danses s’accompagnent généralement de processus d’ancrages et de réancrages dans les différents espaces qu’elles traversent (Andrieu et Olivier, 2017). En plus des liens que les danses et les musiques peuvent entretenir avec un espace physique dans les discours et les pratiques, plusieurs articles de ce dossier montrent que les performances permettent aussi de se (re)positionner mentalement et symboliquement dans l’espace (Stokes, 1994).

29Elina Djebbari nourrit la réflexion sur les liens entre différents registres identitaires et circulations entre échelles spatiales en proposant le concept de « transpolitanisme ». À l’appui de sa recherche comparative sur l’appropriation de la salsa au Bénin et au Ghana, elle forge cette notion pour mieux saisir les liens entre « transnational » et « translocal » à l’œuvre dans la construction des affiliations identitaires. En mettant l’accent sur des mobilités temporaires, mais répétées à intervalles réguliers, effectuées pour une pratique qui a pour cadre un contexte urbain, il s’agit d’identifier des réseaux d’interconnexion de villes à villes sous l’angle du « mode de vie ». À la lumière de ce paradigme, les processus d’appropriations différenciées de la salsa au Bénin et au Ghana révèlent l’hétérogénéité des pratiques et de leurs ancrages respectifs dans des contextes façonnés par des individus mobiles en constante interaction, tant sur les pistes de danse que sur les réseaux sociaux.

30Que ce soit par les mobilités « transpolitaines » de villes à villes en Afrique de l’Ouest (Djebbari), des fêtes sabar de Dakar aux gymnases européens (Aterianus-Owanga), ou d’île en île — jusqu’en Île-de-France ! (Gauthier), les ethnographies proposées illustrent comment les ancrages locaux de pratiques transnationales entraînent des régimes d’identification et des sentiments d’appartenance qui renforcent ou au contraire contournent le référent national. Dans son étude sur le réancrage du séga par la diaspora mauricienne en France, Églantine Gauthier montre que la co-présence de genres musico-chorégraphiques insulaires produit des concurrences et/ou des alliances, notamment avec les Réunionnais. Ce nouveau contexte rejoue des dynamiques indianocéaniques et interroge d’une façon renouvelée les modalités d’appartenance culturelle en situation diasporique.

31Par ailleurs, l’entrée des musiques et des danses dans les circuits transnationaux des diasporas ou du tourisme poursuit parfois des logiques circulatoires pré-existantes. Livia Jiménez Sedano confirme ce constat en expliquant comment le développement de la kizomba est survenu dans des circuits transnationaux déjà bien établis, notamment ceux de la salsa. Elina Djebbari montre que le processus d’ancrage de la salsa dans les métropoles ouest-africaines a été soutenu par les réseaux connectés de villes à villes par les circulations des danseurs.

32Les processus conjoints de dé- et re-territorialisation induits par les circulations transnationales n’ont pas seulement un impact sur leur potentielle renationalisation, mais aussi sur la mise en valeur d’un récit des origines lié à un site en particulier. Comme le note Yves Raibaud, « la mobilité et les circulations des danses questionnent, symétriquement, la fixation des imaginaires géographiques » (2015 : 15). Christian Rinaudo montre ainsi comment la ville de Tlacotalpan a été identifiée comme le « berceau » du son jarocho, obligeant les acteurs transnationaux de cette pratique à venir s’y « ressourcer » pour préserver leur légitimité. Dans l’étude des pédagogies développées dans le milieu du sabar en Europe, Alice Aterianus-Owanga indique quant à elle comment les retours réguliers des danseurs au Sénégal constituent un moyen de rester connecté à « la source des savoirs » pour nourrir leurs enseignements en Europe. Ces dynamiques de régénération culturelle entraînent par conséquent le déploiement de nouvelles circulations et la mise en tourisme des pratiques musicales et dansées (Raout, 2009).

L’espace-temps de la performance : corps, émotions et individualités

33Les articles de ce dossier suggèrent que les circulations et affiliations transnationales gagnent à être pensées à l’aune des espaces-temps particuliers de la performance : sur les scènes des festivals (Rodriguez, Djebbari), dans les night-clubs de Lisbonne (Sedano) ou les studios de danse européens (Aterianus-Owanga), dans les rencontres associatives et communautaires (Younan, Rinaudo), et jusque dans les autobus conduisant les Mauriciens d’Île-de-France au pèlerinage de Pinterville (Gauthier). Les ethnographies de ces espaces offrent des perspectives localisées, dans des temporalités de courtes durées.

34En cela, les recherches menées et présentées dans ce dossier plaident pour une prise en compte de la matérialité de ces phénomènes de performances identitaires et leur ancrage dans des espaces-temps donnés, à la lumière d’une lecture de l’« événement » (Amiotte-Suchet et Salzbrunn, 2019). Du fait de la centralité de l’engagement sensoriel et corporel qu’elle requiert, la danse constitue un moyen d’accéder à une dimension concrète et incorporée des variations d’échelles identitaires. Observer la performance en tenant compte du caractère potentiellement disruptif de tout événement, suivre sa préparation et sa réception permet alors de détecter les mises en scène des appartenances ethniques ou nationales, mais aussi de percevoir les subjectivités des individus qui créent et vivent ces performances.

35Loin d’être désincarnés, les flux de la globalisation culturelle sont médiés par des individus qui font de leur corps le vecteur des processus de (trans)nationalisation des genres musico-chorégraphiques (Reed, 2016). En prenant en compte le rôle des activistes mexicains dans l’implantation du son jarocho aux États-Unis, Christian Rinaudo expose la façon dont des réseaux transnationaux se tissent à partir d’initiatives individuelles localisées. Grâce à une entrée par la danse et par des trajectoires individuelles, Ana Rodriguez met l’accent sur la dimension subjective et sensible des sentiments d’appartenance et de leur évolution au fil du temps. En évoquant les gênes ressenties par Maria, danseuse palestinienne, dans ses interactions physiques avec des danseurs israéliens, elle évoque la dimension intime des sentiments d’appartenance. L’article de Nadia Younan rend aussi compte de ces échos émotionnels en abordant la façon dont les danses et musiques sheikhani procurent des émotions tant aux danseurs qu’à ceux qui assistent aux situations de performance. La prise en compte de la place du corps et des émotions dans les situations de performance donne à voir un « mode d’expression privilégié de la multiplicité » identitaire (Djebbari).

36Cette vision inclut les coulisses de l’événement, son avant et son après, ainsi que l’ensemble des éléments cognitifs adjacents : des odeurs culinaires mauriciennes sur le parvis de l’église de Pinterville (Gauthier) à la douleur du corps qui a trop dansé (Rinaudo), surgissent les aspects ressentis et émotionnels des sentiments d’appartenance. Ces approches sensibles du temps et de l’espace créées par la performance témoignent des mécanismes complexes qui se jouent au niveau macro. Les articles explicitent alors la façon dont les subjectivités individuelles et les registres d’identification se co-construisent lors de la performance musicale et dansée, notamment dans l’interprétation émotionnelle qu’elle induit (Stokes, 2010).

37Alors que les théories anthropologiques peinent souvent à rendre compte de la plasticité, de la dimension éphémère et mouvante des sentiments d’appartenance et d’identification, la description des situations dansées et les entretiens qui les accompagnent permettent d’appréhender le rôle du corps, du mouvement et de la connexion kinesthésique dans le sentiment de faire communauté. Plusieurs travaux d’anthropologie abordant les danses de couple soulignent l’importance de la « connexion » et décrivent finement les sensations, états de transports émotionnels et transcendance suscités par certaines danses (Davis, 2015 : 69), en lien avec la notion turnerienne de liminalité (Turner, 1987). D’autres études abordent les sentiments d’appartenance soulevés par la performance en termes de « communauté émotionnelle », afin de rendre compte de cette dimension éphémère, liminale et sensible des appartenances en danse (Aterianus-Owanga, 2018). C’est dans cette liminalité éphémère que se tissent justement les liens invisibles de la « communitas » et que les individus parviennent à donner corps à des imaginaires de la nation ou d’une forme de spiritualité commune, notamment dans un contexte religieux : les chants accompagnés de mouvements physiques collectifs, voire des danses, pratiqués par les membres des confréries soufies, en particulier les Mourides ou encore les adeptes de la Naqshbandiyya ont pour objectif un oubli de soi au profit d’un état de transe les rapprochant du divin (Salzbrunn, 2019). Dans un contexte migratoire, l’aspect musical de ces pratiques religieuses évolue constamment, s’adaptant aux conditions matérielles, spatiales et politiques des lieux de résidence ou de passage (Salzbrunn, 2017). La circulation de pratiques musicales en contexte religieux ou séculier s’accompagne souvent d’une diffusion des enregistrements via différents médias.

Internet, médias et fabrique des identités « en ligne »

38Parallèlement à l’espace-temps liminal de la performance, les pratiques musicales et dansées circulent via les réseaux sociaux et leurs enregistrements audiovisuels servent souvent de modèle d’apprentissage aux personnes qui n’ont pas assisté à ces performances ou fêtes dans le pays d’origine. La réflexion concernant les échelles spatio-temporelles et les circulations se poursuit dans ce dossier par la prise en compte de l’importance d’Internet, des réseaux sociaux et des médias vidéos dans l’articulation entre circulations des formes musicales et dansées et registres d’appropriation et d’identification. Si la circulation des genres musico-chorégraphiques, des artistes et des identifications est ancienne, la vitesse avec laquelle les images, représentations, musiques et modèles chorégraphiques circulent via les réseaux sociaux a augmenté de façon considérable, ce qui modifie d’autant les adaptations et hybridations de ces pratiques.

  • 10 Les avancées technologiques dans le domaine des captations audiovisuelles, notamment par le biais d (...)

39Un certain nombre d’études récentes ont montré le rôle central d’Internet dans le maintien et/ou la redécouverte des liens communicationnels transnationaux et des référents identitaires nationaux, notamment en situation de diaspora (Ignacio, 2005 ; Hiller et Franz, 2004 ; Lysloff, 2003). Au niveau des pratiques musicales et dansées, des auteurs comme Jung (2014), Shipley (2013), Novak (2011), Djebbari (2019) ont observé combien la circulation des vidéos par Internet, leur disponibilité et archivisation sur les réseaux sociaux et les plateformes de téléchargement ont engendré de nouveaux modes de consommation des musiques et des danses10. Cette expansion accélérée des technologies de la communication représente aussi un moyen de gérer les blocages physiques que rencontre un très grand nombre d’artistes pour des raisons administratives (refus de visa).

40Sans en faire un élément central de leurs réflexions, les vidéos diffusées sur YouTube et les réseaux sociaux sont mises à contribution par les analyses offertes dans ce dossier comme des données inhérentes aux différents terrains abordés. Ana Rodriguez indique les possibilités circulatoires alternatives, voire subversives, que les nouveaux médias permettent à l’ère numérique, en expliquant que l’outil vidéo permet de déjouer les immobilités imposées par les refus de visas. Alice Aterianus-Owanga met en évidence la façon dont le réseau social est utilisé comme un médium à part entière pour véhiculer l’expression des appartenances culturelles et nationales, en ouvrant son texte par la citation d’un message écrit sur Facebook par un danseur de sabar à l’issue d’un stage de danse. Livia Jiménez Sedano attribue pour partie la rapidité de la propagation globale de la kizomba à sa visibilité et son accessibilité sur les plateformes comme YouTube et Facebook. D’autres facettes du lien entre médium vidéo et circulation numérique sont analysées : entre autres, un montage vidéo télescopant les performances de sabar entre « blanches vautoures » et « authentiques Africaines » ; les vidéo-clips produits par les ségatiers mauriciens comme contribuant à la mise en scène d’un multiculturalisme national idéalisé ; les supports promotionnels produits par le gouvernement angolais comme la plateforme web Kizomba Nation. Nadia Younan consacre quant à elle toute une partie de son article à la fabrique « en ligne » de la nation assyrienne grâce aux outils de communication offerts par Internet. En étudiant comment la danse sheikhani est consommée par le visionnage répété de vidéos sur YouTube, elle introduit une dimension supplémentaire. La danse n’est plus limitée à l’espace-temps donné de la performance : elle est disponible en ligne à tous moments, et Internet fournit un forum d’expression à la communalité assyrienne, notamment via l’espace de commentaires des vidéos en ligne.

Conclusion

41L’approche anthropologique proposée par ce dossier nourrit la réflexion à propos de l’entrelacement complexe des processus de (trans)nationalisation et translocalisation en les étudiant conjointement. Les sept articles mettent en évidence l’hétérogénéité des dynamiques circulatoires de genres musico-chorégraphiques, inscrits chacun dans des historicités et des espaces interconnectés spécifiques. Ces ethnographies de performances en circulation produisent des lectures originales des phénomènes de globalisation culturelle, et les efforts de théorisation des auteurs suggèrent plusieurs outils (méthodologiques et conceptuels) pour dépasser le binarisme national/transnational, notamment en donnant à voir l’importance du local. L’articulation de ce dernier avec des références transnationales n’est pas contradictoire, mais va, bien au contraire, souvent de pair.

42En premier lieu, le suivi des mobilités de fêtes et de situations dansées témoigne des dialogues entre deux types d’échelles sur lesquelles se déclinent les niveaux intermédiaires du binôme national/transnational. D’une part, les circulations des danses accompagnent la définition d’échelles spatiales, au niveau des villes, des régions, des nations, et des espaces sociaux translocaux, transocéaniques, ou transcontinentaux ; d’autre part, la pratique des danses mobilise en situation des échelles d’identification et d’appartenance, entre ethnicité, régionalisme, communautés nationales diasporiques, ou ensembles rattachés à des espaces translocaux (réels ou imaginés). Les articles montrent comment la danse, en jouant sur le temps, l’espace, les sensations et l’individualité, incite plus que d’autres pratiques à la rencontre entre ces deux registres d’échelles (spatiale et identitaire), qui se croisent sans se confondre.

43L’autre intérêt de ce dossier est d’expliquer comment ces danses en circulation globale sont le support de formation d’espaces sociaux, de liens de communalité et de réseaux propres. Ces genres musico-chorégraphiques circulent en véhiculant des normes et des « conventions » particulières (Becker, 1988). Les systèmes de sens, codes et savoirs régissant ces danses se nourrissent des localités où ils voyagent, tout autant qu’ils les transforment.

44Enfin, ce dossier permet de réinterroger la façon dont les registres d’identification se conjuguent dans un jeu d’ancrages et de circulations, mais aussi, et surtout dans des instants de performances situées. L’approche des situations dansées prouve que ces imbrications d’échelles sont mises en corps, en émotions, et en sensations. L’attention aux corps et aux mouvements représente un opérateur méthodologique permettant de dépasser la question du sens et de comprendre ces jeux, parfois contradictoires, mais souvent complémentaires, d’imbrications d’appartenances multiples que les individus opèrent en dansant.

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Notes

1 D’autres études ont déjà émis ce constat (Wulff, 2005 ; Pietrobruno, 2006 ; Kiwan et Meinhof, 2011 ; Neveu et Skinner, 2012 ; Dankworth et David, 2014).

2 Ce dossier thématique prolonge les réflexions qui avaient eu lieu dans le cadre du colloque international Orchestrer la nation : Musiques, danses et (trans)nationalismes, organisé par Alice Aterianus-Owanga et Elina Djebbari les 12 et 13 novembre 2015 à la Maison des Cultures du Monde à Paris.

3 En 1999, Portes, Guarnizo et Landolt proposaient de distinguer ces phénomènes migratoires des classiques migrations ou des formes plus anciennes de dépassement des frontières nationales (Portes et al., 1999 : 219).

4 Pour en savoir plus sur l’historicité de cette formulation, voir Goyal (2017).

5 La notion d’échelle a pris un sens nouveau ces dernières décennies : d’une définition spatiale et ontologique, les sciences sociales sont passées à une définition relationnelle, processuelle et sociale de l’échelle (Barth, 1978 ; Trémon, 2012), aidant à dépasser les dichotomies local/global ou national/transnational.

6 Voir Salzbrunn et Pries (2016).

7 Gibert (2014), Clouet (2018), Aterianus-Owanga (2018) et Navarro (2019). L’étude des transnationalisations du religieux via la musique a également permis de discuter des liens entre pratiques musicales, transnationalismes et appartenances. Un numéro récent de la revue Civilisations consacré « à l’écoute des transnationalisations religieuses » (Capone et Salzbrunn, 2018) décrit ces phénomènes de migration de personnes, d’instruments, de rituels et de créations musicales comme une contribution au renouvellement des pratiques religieuses et à l’invention de nouvelles configurations identitaires.

8 Cette différence peut s’expliquer par le fait qu’en France, l’ethnomusicologie est reconnue depuis plusieurs décennies comme un champ disciplinaire à part entière dans les institutions universitaires, tandis que l’anthropologie de la danse s’est affirmée plus tardivement et reste peu représentée.

9 Voir Martiniello et al. (2008), Le Menestrel (2012), Aterianus-Owanga et Guedj (2014), Andrieu et Olivier (2017) et Capone et Salzbrunn (2018).

10 Les avancées technologiques dans le domaine des captations audiovisuelles, notamment par le biais des smartphones, ont également entraîné un développement exponentiel de productions de vidéo-clips pour accompagner la promotion en ligne des artistes. La mise en image des musiques a ainsi promu les danses à de nouveaux rôles visuels, par des processus de « vidéochoréomorphose » (Djebbari, 2018).

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Pour citer cet article

Référence papier

Alice Aterianus-Owanga, Elina Djebbari et Monika Salzbrunn, « Introduction : Pistes pour une anthropologie des performances musico-chorégraphiques en contexte transnational »Revue européenne des migrations internationales, vol. 35 - n°3 et 4 | 2019, 15-32.

Référence électronique

Alice Aterianus-Owanga, Elina Djebbari et Monika Salzbrunn, « Introduction : Pistes pour une anthropologie des performances musico-chorégraphiques en contexte transnational »Revue européenne des migrations internationales [En ligne], vol. 35 - n°3 et 4 | 2019, mis en ligne le 01 mars 2020, consulté le 18 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/remi/13204 ; DOI : https://doi.org/10.4000/remi.13204

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Auteurs

Alice Aterianus-Owanga

Maitre Assistante Ambizione, ISSR, Université de Lausanne, Bâtiment Anthropole 5088, Qartier Dorigny, 1015 Lausanne, Suisse ; aliceaterianus@yahoo.fr

Articles du même auteur

Elina Djebbari

Chercheuse senior, ERC Musicol, École Normale Supérieure, IHMC, 45 rue d’Ulm, 75005 Paris ; elina.djebbari@kcl.ac.uk

Articles du même auteur

Monika Salzbrunn

Sociologue et anthropologue, Professeure de Religions, Migration, Diasporas et Directrice du projet ERC ARTIVISM, Université de Lausanne, Anthropole 5067, 1015 Lausanne, Suisse ; monika.salzbrunn@unil.ch

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