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Le programme européen LEADER, un modèle de développement à l’épreuve de l’européanisation des politiques rurales

The European LEADER programme: a development model put to the test of the Europeanisation of rural policies
Guillaume Lacquement et Pascal Chevalier

Résumés

La contribution propose une analyse géographique de l’application du programme européen LEADER (Liaisons Entre Actions de Développement de l’Economie Rurale), en tant que dispositif de politique publique destiné à favoriser le développement territorial. A partir d’une approche rétrospective de ce programme d’initiative communautaire, institué à la suite de la réforme des fonds structurels de 1988, puis intégré au second pilier de la PAC après la réforme de 2003, l’analyse se focalise sur le transfert et la réception dans les pays membres de l’Union européenne d’un modèle de développement en faveur des zones rurales, fondé sur le principe de la démarche ascendante et intégrée. L’analyse rétrospective des mécanismes de transfert et des formes de réception de ce modèle de développement territorial dans les Etats membres contribuera à éclairer l’évolution du processus d’européanisation et à mesurer ses effets sur l’intégration socio-économique des territoires ruraux, à un moment où le programme LEADER est remis en cause par les orientations nouvelles de la politique de cohésion et de la politique agricole commune.

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Texte intégral

1La contribution propose une analyse géographique de l’application du programme européen LEADER (Liaisons Entre Actions de Développement de l’Economie Rurale), en tant que dispositif de politique publique destiné à favoriser le développement territorial. A partir d’une approche rétrospective de ce programme d’initiative communautaire (PIC), institué à la suite de la réforme des fonds structurels (LEADER I 1990-1993, LEADER II 1994-1999 et LEADER+ 2000-2006), puis intégré au second pilier de la PAC après la réforme de 2003 (LEADER 2007-20013 et LEADER 2014-2020), l’analyse se focalise sur le transfert et la réception dans les pays membres de l’Union européenne d’un modèle de développement en faveur des zones rurales, fondé sur le principe de la démarche ascendante et intégrée.

2Le programme européen LEADER fait partie des politiques publiques qui encouragent l’émergence de systèmes d’action locaux destinés à promouvoir les initiatives endogènes de développement et d’intégration socio-économique des territoires ruraux (Lacquement, Quéva, 2016). Il introduit une forme nouvelle de gouvernance des territoires (Leloup, Moyart, Pecqueur, 2005), en invitant les acteurs locaux à prospecter et à valoriser des ressources alternatives, afin de diversifier les activités rurales (Peyrache-Gadeau, Pecqueur, 2004 ; Gumuchian, Pecqueur, 2007). L’innovation se situe dans la genèse d’une action politique de niveau local mettant en scène des acteurs représentatifs de la société rurale et les impliquant dans une démarche prospective et participative (Dargan, Shucksmith, 2008 ; Chevalier, 2014 ; Maurel, Chevalier, Lacquement, 2014). La composition et le fonctionnement des réseaux de coopération du programme LEADER (les groupes d’action locale ou GAL) déterminent le pilotage des initiatives endogènes et le contenu des projets de développement (Lacquement, Chevalier, 2016).

3L’application du programme européen LEADER questionne ici les formes d’interprétation de normes et de pratiques nouvelles d’action publique au niveau local. Construites à l’échelle européenne, ces normes et ces pratiques sont diffusées dans les pays membres dans le cadre d’une politique commune qui organise le transfert des dispositifs réglementaires, puis leur mise en œuvre aux différents niveaux du système territorial (Delpeuch, 2008, 2009 ; Boussaguet, Jacquot, Ravinet, 2010). L’européanisation de la politique rurale par la diffusion de la démarche LEADER s’opère toutefois à travers le prisme des contextes géographiques de réception. Les formes locales d’action publique sont différenciées par l’articulation inégale des prérogatives de gestion territoriale, les contrastes des configurations sociodémographiques et socio-économiques dans les espaces ruraux ainsi que par les modalités d’apprentissage de la démarche LEADER par les acteurs locaux (Maurel, Chevalier, Lacquement, 2014).

4L’analyse rétrospective des mécanismes de transfert et des formes de réception de ce modèle de développement territorial dans plusieurs des Etats membres (France, Espagne, Allemagne, République tchèque, Hongrie, Lituanie) contribuera à éclairer l’évolution du processus d’européanisation et à mesurer ses effets sur l’intégration socio-économique des territoires ruraux, à un moment où le programme LEADER est remis en cause par les orientations nouvelles de la politique de cohésion et de la politique agricole commune. L’européanisation des politiques rurales se fonde sur le paradigme du développement territorial, construit en modèle d’action publique par un ensemble de normes et de règles (1). Ce modèle est transféré dans les pays membres selon un mécanisme normé, cependant dépendant des trajectoires institutionnelles étatiques (2). Ces dernières introduisent des logiques de transfert qui différencient les formes de l’action locale de développement territorial (3).

Le programme européen LEADER : modèle d’action publique et européanisation des politiques rurales

5Le programme européen LEADER a été conçu à la fin des années 1980 pour promouvoir les démarches ascendantes et intégrées de développement du territoire dans les zones rurales. Il procède d’un changement de paradigme des politiques d’intervention publique et conduit à une inflexion des politiques communautaires, tout d’abord la politique régionale qui deviendra la politique de cohésion, puis la politique agricole commune qui deviendra la politique rurale de l’Union européenne.

Changement de paradigme et inflexion de la politique rurale de l’Union européenne

6Le paradigme du développement ascendant et intégré, également nommé développement « par le bas » ou « bottom up », est introduit dans la politique publique au moment où l’Union européenne entreprend la réforme de la politique régionale. Dans la seconde moitié des années 1980, la Commission européenne commande un diagnostic des zones rurales qui fait le constat de difficultés structurelles et de dynamiques démographiques et socio-économiques récessives. La faible densité, le vieillissement structurel de la population, l’émigration des forces vives, la part relative du secteur agricole dans l’économie locale et la contraction de l’emploi agricole, la pression foncière dans les communes rurales situées en périphérie des grandes agglomérations, les atteintes à l’environnement, les inégalités de revenus, la pauvreté, la disparation des services aux entreprises et aux personnes, sont considérés comme des contraintes qui accentuent les déséquilibres socio-économiques à l’échelle régionale et défavorisent les espaces ruraux en freinant leur développement et en contrariant leur intégration dans l’économie mondialisée.

7 Le diagnostic pointe dans le même temps l’inefficacité des politiques publiques fondées sur une conception sectorielle et une approche descendante (dite top down) du développement des territoires. Les interventions pilotées par les pouvoirs centraux et ciblées de manière discriminante sur les différents secteurs de l’économie rurale et sur le secteur agricole en particulier, n’ont pas ou peu contribué à réduire les inégalités régionales et les déséquilibres territoriaux. La Commission européenne souhaite alors reconsidérer les fondements et les objectifs des politiques rurales, en passant d’une logique de croissance à une logique de développement durable sur la base des principes énoncés dans le rapport Brundtland présenté à l’ONU en 1987 (Our Common Future) et prenant en compte la dimension environnementale, économique, sociale et culturelle des espaces ruraux.

8 Ce diagnostic accompagne la publication d’une Communication intitulée L’avenir du monde rural qui prend la forme d’un plaidoyer pour l’adoption au niveau européen d’une politique de développement rural rendant possible l’expérimentation de démarches nouvelles impliquant davantage les acteurs politiques et sociaux du niveau local et infrarégional. Le programme LEADER prend ainsi naissance en tant que programme d’initiative communautaire dans le cadre de la réforme de la politique régionale de l’Union européenne, dite aussi réforme des fonds structurels, adoptée en 1988. Celle-ci prévoit un zonage territorial établi à l’échelle de l’Union qui permet d’articuler l’utilisation des fonds européens d’investissement en fonction d’objectifs d’intervention. Les trois fonds concernés à l’époque sont le FEOGA (Fond Européen d’Orientation et de Garantie Agricole), le FEDER (Fond Européen de Développement Régional) et le FSE (Fond Social Européen). Le programme LEADER est alors applicable et expérimenté dans les régions rurales diagnostiquées en difficultés par le zonage territorial. L’européanisation des politiques rurales vient de franchir une étape importante. Mais le projet énoncé en 1988 ne prend véritablement forme qu’avec la transformation progressive de la politique agricole commune en politique de développement rural. A partir de 2003, la PAC devient une politique rurale, comprenant un « pilier agricole » destiné au financement des aides directes aux exploitations agricoles et un « pilier rural » articulé en quatre axes ou objectifs d’intervention : le soutien à la compétitivité des filières d’activités, le financement des mesures agroenvironnementales et des conversions à l’agriculture biologique, l’amélioration de la qualité de la vie dans les zones rurales et l’aide à la diversification des activités économiques, l’encouragement aux stratégies locales de développement rural par l’intermédiaire du programme LEADER (Angeon, Bertrand, 2009 ; Chevalier, 2014). Avec la programmation 2014-2020, la démarche LEADER devient un axe transversal du deuxième pilier pour appliquer les nouvelles priorités de l’action publique de développement rural (Chevalier, 2014).

Construction d’un référentiel : la démarche ascendante et intégrée du développement territorial

9L’objectif d’expérimentation de démarches nouvelles de développement moins sectorielles et issues d’initiatives locales est progressivement construit en référentiel d’action publique. Le processus politique mobilise au-delà des membres de la Commission européenne en sollicitant et en intégrant le panel d’acteurs plus large des conférences européennes. La Conférence de Cork, qui s’est tenue en 1996 sur le thème du développement rural (Rural Europe Future Perspectives), joue un rôle décisif dans la construction de ce référentiel en publiant un texte fondateur en dix points, la Déclaration de Cork1. Ce texte énonce des principes d’action publique qui inversent les pratiques traditionnelles d’intervention et d’aménagement du territoire. En retenant le principe de subsidiarité dans le cadre de la décentralisation des prérogatives politiques, il incite à l’adoption d’un mode de gouvernance multi-niveaux (Dubois, 2009) afin de privilégier la participation des acteurs locaux et d’encourager, pour les intégrer, les initiatives venues du local. L’approche ascendante se double d’une approche intégrée. Le texte invite à articuler les outils d’intervention, en particulier financiers, pour concevoir et mettre en œuvre des actions de développement intégrant l’ensemble des secteurs économiques, dans un objectif de diversification des économies locales et de meilleure intégration dans l’économie globale, et participant à l’amélioration des conditions de vie dans les zones rurales.

La traduction du référentiel en dispositif d’action publique

  • 2 http://ec.europa.eu/regional_policy/sources/docgener/informat/2014/community_fr.pdf (consulté en ju (...)

10Le référentiel est ensuite traduit en dispositif d’action publique afin de le rendre opérationnel. Ce dernier a été progressivement formalisé pour devenir le Développement Local mené par les Acteurs Locaux (CLLD - Community Led Local Development)2. Il est proposé par la politique régionale de l’Union européenne comme modèle d’action publique pour le développement et l’aménagement du territoire dans le cadre de la Stratégie Europe 2020 (Pour une croissance intelligente, durable et inclusive), qui en 2010, a défini les grandes orientations des politiques communautaires pour la décennie en cours.

11Le dispositif d’opérationnalisation de l’action publique se présente comme un système d’action articulé en trois composants principaux. Le premier forme la structure de gouvernance. Celle-ci est instituée par l’implication de membres de la société locale dans des organes représentatifs de la diversité socioprofessionnelle du monde rural et dotés d’un pouvoir de décision. Ces groupes d’action locale ont pour fonction de concevoir des stratégies de développement. Le deuxième composant du système d’action prend ainsi la forme d’un document programmatique, qui sur la base d’un travail de diagnostic et de préconisations, détermine un projet de développement du territoire local et finalise un plan d’actions concrètes. Le périmètre d’intervention constitue alors le troisième composant du système. Il est délimité par les membres de la société locale sur une base territoriale pensée à partir de critères morphologiques (niveau et densité de peuplement) et fonctionnels (distribution et fonctionnement des activités socio-économiques).

12Ce système conçoit ainsi le développement des territoires ruraux comme le résultat d’une démarche ascendante et intégrée qui suppose l’implication des membres de la société locale dans des projets de territoire prenant en compte la diversité du potentiel social, économique et culturel pour la création d’activités au niveau local. On comprend que le dispositif LEADER se présente plus comme une démarche, une manière de faire de l’action publique, que comme un contenu de politique publique. Il institue alors un ensemble de normes et de règles nouvelles qui dans le cadre de l’européanisation des politiques d’intervention, posent la question de leur transfert et de leur réception dans les pays membres par les différents niveaux du système territorial.

Mécanisme de transfert et trajectoires d’institutionnalisation du modèle d’action publique

13L’européanisation des politiques rurales s’opère par un mécanisme de transfert et de diffusion dans les pays membres de l’Union européenne d’un ensemble de normes et de pratiques de l’action publique, ensemble construit à l’échelle européenne. Encadré par la Stratégie Europe 2020, le transfert se traduit concrètement par l’application de l’acquis communautaire et des politiques communes d’intervention. Le mécanisme se décompose en séquences qui impliquent successivement les acteurs des différents niveaux du système territorial :

14En tant qu’acteur « source », l’Union européenne définit les orientations en matière de politique rurale en inscrivant ses objectifs stratégiques dans le programme de la Politique européenne de développement rural. Au niveau national, l’acteur étatique constitue le principal opérateur du transfert. Il détermine les objectifs stratégiques de sa politique de développement rural dans son plan stratégique national et met en place le dispositif institutionnel de sa gestion. Celui-ci peut varier notablement d’un pays à l’autre. Il peut prendre appui sur les divers échelons de l’administration publique (dans les régions et/ou les départements) dans le cadre d’une gestion centralisée ou s’appuyer sur des collectivités locales (régions, microrégions) légitimées par la décentralisation. En définitive, en raison de son rôle normatif, l’acteur étatique détient un grand pouvoir d’intervention, même si son rôle est avant tout d’impulser et de stimuler la capacité d’initiative des acteurs locaux, les « receveurs » (Maurel, 2010)

15Les acteurs « receveurs-opérateurs » emmenés par l’administration des GAL sont chargés de mettre au point leur propre stratégie de développement local et de l’appliquer dans le cadre réglementaire défini par l’opérateur de transfert. À l’échelle locale, trois catégories d’acteurs publics et privés – responsables politiques, responsables associatifs et acteurs économiques locaux – participent plus ou moins activement à la réalisation du programme. Ils peuvent être secondés de manière ponctuelle par les acteurs facilitateurs (bureaux d’études ou de consulting en particulier) qui contribuent à la diffusion du modèle et apportent une aide technique à l’élaboration des documents d’orientation.

Des modalités de gestion révélatrices des trajectoires institutionnelles étatiques ?

16Depuis 2007, chaque Etat-membre structure sa stratégie de développement rural autour de quatre axes, conformément aux directives édictées par l’UE dans le cadre du second pilier de la Politique Agricole Commune (PAC). Le quatrième, qui porte le programme LEADER, transversal aux trois premiers, propose une méthodologie de mise en œuvre de l’action publique fondée sur les principes du développement local (Chevalier, Dedeire, 2014). Bien que tous les programmes nationaux soient comparables dans l’ensemble des pays membres de l’UE, les moyens financiers alloués et leur répartition par axes stratégiques varient sensiblement d’un pays à l’autre. Pour la période actuelle de programmation (2014-2020), la France et l’Allemagne disposent d’un budget à peu près égal de 8 milliards d’euros pour financer leur politique de développement rural, mais l’axe LEADER n’y occupe pas la même place. Alors qu’il représente plus de 8 % du financement en Allemagne, il est de moins de 6 % en France. En Europe centrale, le budget en faveur du développement rural est bien inférieur (en moyenne 175 millions d’euros par pays) ; avec une part du financement LEADER variant de moins de 2,5 % en Slovaquie et en Lituanie à près de 8 % en Roumanie et en République tchèque. Si les différentes modalités de transposition nationale des directives européennes sont pour partie responsables de ces écarts (Chevalier, Dedeire, 2014), c’est l’articulation entre décentralisation et développement local (pourtant deux mouvements indépendants) qui explique la diversité des formes que peut prendre l’action publique locale.

17Alors que la décentralisation propose, du moins en apparence pour les Etats et les acteurs en charge de l’aménagement, un cadre idéal pour la mise en œuvre du programme LEADER, le caractère centralisé des institutions limite a priori l’intégration des acteurs locaux (associations, entreprises, etc.) dans l’action collective locale (Deberre, 2007). Mais la réalité en Europe est bien moins tranchée. Même si la politique de développement rural doit, en théorie, participer à la construction d’un partenariat fondé sur la collaboration entre tous les niveaux de responsabilité concernés (local, régional, national et européen) et privilégier la participation des acteurs et les initiatives émanant de la base (approche « bottom-up »), elle s’appuie sur l’extrême diversité des structures territoriales des Etats. L’inégal degré de décentralisation influe alors amplement sur les modalités de gestion et de mise en œuvre du programme LEADER.

  • 3 Pour chaque pays, nous avons identifié quel acteur : diffuse l’information (Services centraux de l’ (...)

18En reprenant une méthodologie éprouvée en 2014 sur la programmation précédente (Chevalier, Dedeire, 2014) qui croise les compétences attribuées par les Etats à chaque échelon institutionnel dans la gestion et la mise en œuvre du programme LEADER (diffusion de l’information, gestion du budget, élaboration des documents stratégiques, sélection des GAL), il est possible d’identifier trois modalités de gestion (figure 1)3.

19Une gestion en partie centralisée s’impose dans les nouveaux Etats membres d’Europe centrale où le poids des héritages politiques centralisés et un rétablissement parfois partiel et incomplet de l’autonomie des pouvoirs locaux (communes, microrégions, régions, etc.) (Maurel, Chevalier, Lacquement, 2014) pèsent fortement sur les modalités de mise en œuvre du programme LEADER. Les Etats et leurs administrations centrales sont les acteurs quasi exclusifs du transfert de modèle de la politique de développement rural, de sa gestion et de sa mise en œuvre. Ce mode de gestion peut paraître paradoxal au regard des objectifs du développement local.

20La gestion partiellement décentralisée concerne essentiellement des anciens Etats membres, notamment en Europe méditerranéenne. Les modalités de mise en œuvre du programme LEADER révèlent une hésitation entre un laisser-faire accordé à des collectivités aux compétences élargies (au nom du respect des choix locaux) et un contrôle étatique plus ou moins strict des procédures (au nom de la bonne utilisation des fonds publics) (Chevalier, Dedeire, 2014). C’est le cas par exemple en France, où le programme LEADER s’articule avec la politique des Contrats de Plan Etat Régions, ou en Italie qui a opté pour une élaboration conjointe de programmes régionaux de développement local par les collectivités territoriales et l’Etat.

Figure 1 : Les différentes modalités de gestion du programme LEADER

Figure 1 : Les différentes modalités de gestion du programme LEADER

21Enfin, c’est une gestion décentralisée qui domine dans les pays d’Europe du Nord et en Espagne. Ce mode de gestion, très proche des principes du développement local (Chevalier, 2014), s’opère généralement dans le cadre d’un partage de compétences entre l’Etat, les régions ou les microrégions qui bénéficient soit d’un statut d’autonomie (comme c’est le cas en Espagne et dans les pays scandinaves), soit de celui d’Etat fédéré (comme en Allemagne ou au Royaume-Uni par exemple). Dans ces pays, les autorités régionales ou fédérales ont pris en charge la gestion du programme européen dans le cadre de prérogatives de gestion territoriale qu’elles détenaient déjà avant leur entrée dans l’UE. Dans ces pays, le rôle de l’Etat se limite très souvent à l’établissement d’un programme général stratégique de développement rural et son rôle se limite simplement à assurer la cohérence des politiques régionales et à garantir leur conformité avec les directives de l’UE.

Maillage des régions-LEADER et recentrage institutionnel

  • 4 Régions essentiellement rurales de la typologie OCDE (plus de 50% de la population vit dans une uni (...)

22D’une programmation LEADER à l’autre, le maillage des GAL s’est progressivement densifié. Cette extension montre une meilleure intégration de l’ensemble des campagnes dans les dispositifs d’aménagement des politiques d’intervention européenne. Aujourd’hui, plus de 2400 régions LEADER couvrent près de 40 % de la superficie totale des espaces ruraux européens et concernent plus de 60 % de la population rurale4. Pour la période 20014-2020, chaque pays en a retenu un nombre plus ou moins important dont la taille moyenne varie amplement selon le contexte national.

23C’est en Allemagne et en Espagne que le nombre de GAL est le plus important (avec respectivement 243 et 300 régions LEADER), mais de taille moindre que la moyenne européenne, ils ne concernent environ que 60 % de la population rurale totale. En France, le nombre de GAL est passé de 140 dans le cadre du programme LEADER+ à 264 dans la programmation actuelle. Ceux-ci ne cessent de gagner du terrain occupant désormais, en termes de superficie, près de la moitié de l’espace rural français. LEADER 2014-2020 accueille dans ses GAL 7 584 communes n’ayant pas participé précédemment au programme LEADER+. 12 millions d’habitants y sont potentiellement intégrés (soit plus de 70 % de la population rurale nationale). Mais c’est dans les nouveaux Etats membres d’Europe centrale et orientale que la taille des GAL est la plus importante. En Hongrie, en Bulgarie et en Roumanie, les partenariats sont en moyenne deux fois plus peuplés que dans les autres pays de l’UE. Ils comptent généralement plus de 60 000 habitants. La couverture du territoire national y est quasi exhaustive -comme en Lettonie et en Hongrie où elle atteint plus de 90 % de la superficie rurale totale-. Cette couverture y est une fois et demie plus étendue que la moyenne européenne et trois fois plus que celle des pays scandinaves et du Royaume-Uni où le maillage irrégulier des GAL se présente comme une mosaïque parsemée d’espaces en blanc, les communes étant restées à l’écart du processus.

24Les caractéristiques de taille sont parfois hétérogènes à l’intérieur même d’un pays. En Allemagne, l’écart-type entre la taille minimale et la taille maximale des GAL est de 13. Au Royaume-Uni, en Belgique, aux Pays-Bas et en Estonie, où les périmètres d’action procèdent en général du libre choix des acteurs locaux pour construire leur propre territoire d’action, la taille peut varier, dans une même région, d’une dizaine de milliers d’habitants à plus de 150 000. En revanche, l’écart-type est bien plus faible en Grèce et en Lituanie où la taille des régions LEADER (en nombre d’habitants et en superficie) est relativement homogène. Dans ces pays, la commission européenne (CE 2011-08) note d’ailleurs une tendance à vouloir « l’homogénéisation des GAL ».

25La diversité des situations socio-économiques pourrait expliquer l’absence ou, au contraire, la démultiplication des régions LEADER. La prospérité agricole tendrait à exclure toute forme de développement alternatif dans un contexte économique dominé par la rente agricole, la performance et l’intégration agro-industrielle des grandes exploitations (Guerin, 2009). A l’inverse, la faible intégration économique inciterait à trouver des voies alternatives au modèle dominant par des projets plus innovants (Jollivet, 2007). La dynamique de création des GAL reflèterait également la capacité des acteurs locaux à initier des actions collectives. Dans certaines régions, alors que le délitement des sociétés locales, le chômage, l’émigration des forces vives et le vieillissement inhiberaient les initiatives locales dans la conception de projets de développement, dans d’autres, la revitalisation du tissu social et économique doperait les initiatives locales (Callois, 2004).

26Mais à y regarder de plus près, la situation socio-économique ne semble pas déterminante a priori. En Allemagne, dans les grandes plaines agricoles du centre et du nord du pays, malgré la performance et l’intégration des économies rurales aux grands marchés agricoles internationaux, le nombre de GAL a augmenté depuis les précédentes programmations LEADER (Lacquement, 2008). En France, plus de la moitié des territoires de projet actuels, quelle que soit leur localisation, mettent en œuvre une approche LEADER pour la première fois. En Bulgarie et en Roumanie, la crise socio-économique profonde qui traverse les campagnes ne semble pas non plus avoir affecté la dynamique de création des territoires de projet, bien au contraire. En Hongrie, dans le Baranya au sud et dans l’est du pays (aux frontières ukrainienne et roumaine), le nombre de GAL a même été multiplié par deux par rapport aux premières initiatives LEADER+ alors que l’exode rural, le vieillissement des populations et la crise économique se sont fortement accentués (Chevalier, 2007).

27En fait, la dynamique des programmes LEADER semble moins corrélée aux dynamiques socio-économiques locales qu’à une volonté politique forte de promouvoir, plus ou moins intensément d’ailleurs, les démarches de développement endogène pour capter les financements européens. Ceci est d’autant plus vrai que la démarche LEADER est désormais conçue comme une mesure d’accompagnement intégrée à chaque politique nationale de développement rural. Certes, les modalités de transformation socio-économique des campagnes, en modifiant la structuration des sociétés locales, ont fait émerger de nouveaux acteurs susceptibles de porter des initiatives locales, mais ce sont, avant tout, les modalités de gestion et de mise en œuvre par les acteurs institutionnels du programme, introduites par la logique de transfert institutionnel qui semblent refléter la géographie des régions LEADER.

28En France, par exemple, la superposition des limites des territoires de projet sur celui des GAL révèle l’effet structurant des intercommunalités sur la composition des nouveaux périmètres du développement local qui s’appuient désormais en grande partie sur l’adhésion des communautés de communes) et qui, au final, tendent à se substituer aux communes comme unité locale de base. En Espagne, en Allemagne, en République tchèque et en Italie, dans le cadre de « l’articulation avec les politiques régionales », les projets d’aménagement associent souvent étroitement les groupes LEADER au cofinancement d’une série d’actions prévues par les chartes de développement des territoires de projet déjà existants (microrégions, comarcas, etc.) (Lacquement, 2007). En Hongrie, la volonté de mettre en place de nouveaux échelons institutionnels avec la généralisation de la régionalisation a vraisemblablement perturbé les processus spontanés de regroupement intercommunal. La volonté de caler les territoires des GAL sur les collectivités micro-régionales et les districts a également fortement contraint la construction des partenariats. Globalement, la satellisation administrative des périmètres d’intervention des programmes LEADER tend alors à confirmer la faiblesse du potentiel d’autonomisation de l’initiative locale et une certaine formalisation du développement endogène (Lacquement, 2008).

Une complexification de la norme : vers un recentrage général des dispositifs règlementaires d’application 

  • 5 La figure 2 a été réalisée à partir du croisement de 4 typologies intermédiaires : les types de mod (...)

29Les procédures de mise en œuvre du programme LEADER se sont particulièrement complexifiées dans la programmation 2014-2020 avec plus ou moins d’intensité selon les pays (figure 2)5.

30En Hongrie, en Lettonie, en Roumanie et en Bulgarie (groupe 1), l’Etat et son administration centrale restent les principaux acteurs du transfert du modèle politique de développement local. Ils y jouent un rôle-clé. Ils interprètent, plus ou moins fidèlement d’ailleurs, le règlement européen de développement rural qu’ils ont souvent tendance à complexifier (Pola, Kovacs, 2010). Ils continuent à focaliser très largement leurs actions sur le secteur agricole plus que sur des questions de développement rural. D’ailleurs, quatre ans après le début de la mise en place de la procédure LEADER, l’UE a montré la faible capacité de certains de ces pays (notamment la Roumanie et la Bulgarie) à gérer les programmes non-agricoles.

31En raison de leur rôle important (en particulier dans la formulation des principes d’action, la définition des procédures et l’adoption des critères d’éligibilité), les autorités nationales possèdent un pouvoir considérable dans la gestion du programme. Elles contrôlent l’information et les canaux par lesquels cette dernière est diffusée. Elles initient également des programmes de formation pour les futurs acteurs gestionnaires des GAL, mais elles ajustent le contenu de ces formations en fonction de leur propre vision du développement local et de la méthodologie nationale qu’elles souhaitent mettre en œuvre. Elles peuvent alors compter sur le soutien des différents niveaux de l’administration publique (dans les régions et dans les districts) pour mener à bien ces formations.

  • 6 En Hongrie, les communautés rurales porteuses des GAL, couvrant la quasi-totalité du territoire rur (...)

32La nouvelle version du programme LEADER 2014-2020 a donné à ces autorités nationales une fonction déterminante en termes de médiation institutionnelle (Chevalier, Maurel, 2010). En Hongrie, par exemple, le Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural se sert du programme LEADER afin de mettre en œuvre sa propre politique de planification régionale. En dehors de tout principe de liberté accordé aux collectivités locales dans la « fabrication de leur territoire de projet », il contraint, plus ou moins habilement, les périmètres des communautés rurales, porteuses des GAL, sur la base du regroupement de deux microrégions. Ce territoire, en apparence pertinent pour mettre en œuvre une politique d’aménagement régional6 reste très souvent totalement incohérent et inopérant dans le cadre d’actions collectives de développement local (taille trop importante, manque de cohérence socio-économique ou culturelle, etc.). Ainsi, contrairement à la philosophie du développement local qui prône une sélection ciblée de projets et de territoires spécifiques, l’Etat hongrois étend le programme LEADER à l’ensemble de son territoire rural.

33De manière générale, une très forte asymétrie subsiste dans les relations entre acteurs nationaux et locaux. Dans la tradition de subordination héritée de l’ancien régime communiste, les acteurs locaux continuent d’être fortement dépendants de la bonne volonté de l’administration centrale et de ses divers organes déconcentrés (Maurel, Chevalier, Pola, 2010). Ces derniers jouent un rôle dans la diffusion de l’information et le transfert de solutions sous la forme d’initiatives publiques. Ils sont aidés dans leur tâche par d’autres acteurs, des « facilitateurs » qui participent aussi à la diffusion des idées, comme des ONG travaillant dans les zones rurales, des bureaux de consulting qui se sont développés de manière importante ces dernières années. Véritables entrepreneurs du transfert, ils peuvent contribuer au succès du programme en créant les conditions favorables à sa réception par les populations locales.

34En France, en Espagne, en Italie et en Grèce (groupe 2), les nouveaux dispositifs règlementaires sont venus encadrer plus fortement qu’auparavant les modalités de mise en œuvre de la procédure. Avec l’introduction de normes financières plus strictes dans la gestion des fonds pour le développement rural et l’introduction de règles de regroupements intercommunaux plus « directives » (obligation d’intégration de villes d’au moins 50 000 habitants dans les projets de GAL en Italie, mise en cohérence des périmètres des GAL avec ceux des Pays en France, élaboration de schémas régionaux de cohérence de l’intercommunalité en Espagne dans lequel se fondent les GAL, etc.), ces Etats n’agissent plus uniquement comme « facilitateurs » dans la mise en œuvre de l’action locale mais s’immiscent plus fortement qu’auparavant dans le processus.

35La généralisation de la culture de l’audit a rendu les autorités nationales chargées de la gestion des fonds européens plus frileuses et moins disposées à prendre le risque d’investir dans des actions innovantes et des projets de plus petite taille, notamment ceux placés sous la houlette de partenariats locaux (Jouen, 2011). Les modifications des règles du marché public, le renforcement du contrôle des comptes publics, l’incertitude sur l’avenir des collectivités dans le cadre de réformes institutionnelles engagées (notamment en France), mais surtout l’affirmation du thème fédérateur inscrit dans « leur priorité ciblée », a parfois fait oublier la démarche intégrée au profit d’un retour d’une approche plus sectorielle.

36De manière générale, dans tous ces pays, par rapport à l’actuelle programmation, les GAL avaient une marge de liberté beaucoup plus grande dans le programme LEADER précédent, puisqu’ils bénéficiaient de fait d’une autorité de gestion déléguée. Aujourd’hui, alors que l’intérêt de LEADER comme outil d’appui au développement et à la structuration des territoires ruraux ne fait pas de doute dans ces pays, les GAL témoignent de nombreuses difficultés pour mobiliser les financements du FEADER. Une règlementation financière durcie (y compris pour des projets de petite taille), un renforcement des mécanismes d’attestation des cofinancements par les gestionnaires soucieux de limiter la prise de risque mais surtout une grande difficulté de trouver des contreparties nationales entravent le bon fonctionnement du programme.

37Suite aux précédentes programmations LEADER, les Etats du groupe 3 ont généralement rétrocédé à des niveaux inférieurs (Etats fédérés, régions, microrégions) le soutien au développement local. En Allemagne, au Royaume-Uni ou en République tchèque (indépendamment du fait que la gestion reste centralisée), la logique démocratique légitimant une construction ascendante de l’action publique (faibles contraintes dans la définition des périmètres d’action et dans l’élaboration des stratégies locales) semble l’emporter. En Suède et en Finlande, les administrations centrales des ministères ont simplement une fonction d’information et de conseil auprès des candidats pour la constitution des dossiers de candidature. Dans ces pays, où les règlementations nationales sont relativement peu contraignantes (définition imprécise des enjeux, des objectifs, des critères de sélection des programmes locaux, des règles d’éligibilité et de sélection des opérations), les autorités en charge du programme se nourrissent, peut-être plus qu’ailleurs, des exemples tirés d’initiatives régionales ou nationales pour évaluer les initiatives locales et faire évoluer leur règlementation.

Figure 2 : Les dispositifs règlementaires de mise en œuvre du programme LEADER 2014-2020

Figure 2 : Les dispositifs règlementaires de mise en œuvre du programme LEADER 2014-2020

Logiques de transfert et diversité des formes de l’action locale de développement territorial

38Les trajectoires d’institutionnalisation du modèle LEADER participent du processus d’européanisation des politiques rurales, mais ce dernier ne conduit pas à la convergence de l’action locale de développement territorial dans tous les pays de l’Union européenne. L’application du modèle LEADER dépend en dernier lieu de la manière dont les acteurs locaux se saisissent du dispositif de politique publique. La démarche LEADER suppose une capacité de structuration en réseau de coopération ainsi que la coordination d’une action de développement fondée sur la conception et la mise en œuvre d’une stratégie d’identification et de valorisation de ressources socio-économiques visant une meilleure intégration des économies locales dans l’économie globale. Les formes de l’action locale sont ainsi sensibles aux contextes de réception. Elles se distinguent les unes des autres en fonction des configurations sociodémographiques et socio-économiques locales, mais aussi en fonction des modalités d’apprentissage de la démarche LEADER. Ce capital territorial dépend en grande partie des trajectoires d’institutionnalisation qui introduisent alors plusieurs logiques de transfert, plusieurs manières de mobiliser le potentiel d’action locale.

Interpréter la diversité des formes de l’action locale de développement territorial grâce au concept de capital territorial

39L’étude géographique mobilise dans cette analyse le concept de capital territorial comme concept intégrateur pour penser l’articulation des trois dimensions constitutives du développement territorial (Lacquement, Chevalier, 2016) sur la base desquelles est construit le référentiel LEADER (voir ci-dessus).

40La première dimension est institutionnelle et renvoie à la gouvernance comme principe de gestion territoriale. Ce principe soustrait l’action publique au monopole des institutions et de l’administration pour la confier à des groupes d’acteurs d’origines et de compétences diverses (Leloup, Moyart, Pecqueur, 2005). Il désigne un mode de coordination d’acteurs tourné vers la réalisation d’un projet de territoire. La coordination de l’action locale dépend ensuite d’un système de relations entre acteurs. Cette dimension relationnelle est aussi cognitive car elle se fonde sur des situations d’interconnaissance, produites à la fois par des logiques d’appartenance un groupe ou à une organisation et par des logiques de similitude ou de partage de représentations et de valeurs (Torre, Filippi, 2005). Ce système de relations, établi sur des formes de proximité entre acteurs (Bouba-Olga, Carrincazeau, Coris, 2008 ; Torre, 2009), constitue un capital social ou système de ressources sociales (Granovetter, 1985 : Burt, 1992) qui renforce la capacité d’action des individus (Lin, 1995) et sert la réalisation du projet de territoire. L’action se porte alors sur la construction et la valorisation de ressources territoriales. Cette troisième dimension suppose que le territoire renferme des potentiels de développement qu’une intention sociale peut, après les avoir identifiés, mobiliser et transformer en actifs marchands ou en sources de valeur économique (Peyrache-Gadeau, Pecqueur, 2004 ; Gumuchian, Pecqueur, 2007). La fabrication de ressources procède ainsi de démarches individuelles ou collectives qui consistent à inventorier les objets ou les attributs du territoire local, qu’ils soient de nature matérielle ou immatérielle, dans le but de créer de l’activité économique et de l’emploi (Lacquement, Raynal, 2013). Les ressources inventoriées sont activées par la mise en œuvre de projets de développement (Courlet, 2008 ; Courlet, Pecqueur, 2013).

41Le concept de capital territorial intègre ces trois dimensions et traduit l’inscription territoriale du développement économique (Camagni, 2006). Les structures partenariales ou les réseaux de coopération de la gouvernance locale fonctionnent à partir d’un système de relations de proximité qui composent le capital social. Ce système développe une action en faveur d’une meilleure insertion de l’économie locale sur les marchés par la création d’externalités localisées (Pecqueur, 2006 ; Camagni, 2013). Ainsi constitué, le capital territorial fonde le potentiel de compétitivité économique d’un territoire donné (Camagni, 2013). Emprunté au courant de l’économie institutionnaliste, ce concept peut être utilisé par l’analyse géographique pour interpréter la diversité des formes de l’action locale de développement territorial. L’enjeu méthodologique consiste à considérer les effets des trajectoires institutionnelles nationales de transfert de la démarche LEADER sur les formes de mobilisation du capital territorial au niveau local.

Logiques d’accompagnement et logiques d’intervention

42A l’échelle nationale, le mode de transfert de politique publique conçu par l’Union européenne accorde aux pays membres une véritable marge de manœuvre leur permettant d’adapter l’instrument LEADER aux logiques d’action correspondant à leurs propres objectifs de politique publique. La réception des règles et des normes du dispositif LEADER passe par des prismes nationaux qui infléchissent l’application de la politique publique et qui modulent la pression adaptative exercée par l’Union européenne. Le processus de transfert n’est pas univoque, il emprunte plusieurs voies d’adaptation. Il peut conduire à l’absorption du modèle ou au contraire à son rejet, il peut aussi s’accompagner de sa transformation. Le mode de réception dépend donc des logiques d’action qui se distinguent entre logiques d’accompagnement et logiques d’intervention (Chevalier, 2012), selon la manière dont l’acteur étatique combine les outils de politique publique pour prescrire les modalités d’application de la démarche LEADER.

43La logique d’accompagnement incarne en quelques sorte le paradigme de l’action publique LEADER. Elle soutient la démarche ascendante en postulant la capacité d’initiative des acteurs locaux, leur aptitude à délimiter un périmètre d’action, puis à composer un partenariat sur la base du volontariat pour s’impliquer dans la coordination d’une action collective. La logique d’intervention procède au contraire de la volonté de l’acteur étatique de plier l’instrument LEADER à ses propres objectifs de politique publique. En conséquence, le dispositif institutionnel d’application relève d’un mode de commande et de contrôle de type top down. Les procédures définissent des règles dures de formation des partenariats et de détermination des périmètres, sur la base de maillages institutionnalisés. L’intention du pouvoir central est d’imposer la maille convenant le mieux à l’objectif d’instrumentation de la démarche LEADER dans une logique de quasi planification et de gestion distributive.

44Ces logiques d’action déterminent en grande partie la diffusion du modèle d’action publique dans les territoires ruraux. Mais, l’apprentissage du dispositif institutionnel dépend dans le même temps du mode de réception par les acteurs locaux impliqués dans sa mise en œuvre. Il procède d’un processus d’appropriation de la démarche de développement territorial, au cours duquel les acteurs locaux assimilent une nouvelle information et la combinent avec leur expérience passée pour l’incorporer aux actions qu’ils projettent dans le futur (Ripoll, Veschambre, 2005).

Diversité des formes de mobilisation du capital territorial

  • 7 La typologie des formes de mobilisation du capital territorial a été élaborée à partir d’expériment (...)

45En croisant la logique d’action qui dépend du prisme national, et le mode d’appropriation par les acteurs récepteurs au niveau local, on peut définir les situations types ci-dessous7.

46L’effet maximal est atteint lorsqu’une logique d’accompagnement des institutions favorise une large appropriation du modèle LEADER par les acteurs locaux (Type 1). C’est souvent le cas dans des territoires où l’apprentissage du dispositif LEADER est déjà ancien. L’ancienneté et la diversité des dispositifs de développement local favorisent alors la structuration des réseaux d’acteurs sur une base élargie d’interconnaissance et d’implications individuelles. Il s’agit généralement de GAL anciens, stables et fortement implantés sur leur territoire et dont le périmètre et l’organisation n’ont pratiquement pas changé depuis 1991. Les projets et les réalisations témoignent alors d’une absorption du modèle européen conforme à l’esprit qui le fonde.

Tableau n° 1 : L’Européanisation par transfert institutionnel : le cas du modèle LEADER sur les terrains d’observation

Phases de transfert du modèle LEADER

Logiques d’action

Formes d’appropriation

Logique d’accompagnement

Logique d’intervention

Degré d’appropriation élargi à une diversité d’acteurs locaux

Type 1 : Absorption du modèle

Type 2 : Adaptation du modèle

Degré d’appropriation limité à une « classe de projet » (une élite)

Type 3 : Adaptation du modèle

Type 4 : Inertie

D’après Maurel et Chevalier (2013)

47D’autres territoires peuvent être sur une trajectoire d’adaptation au modèle LEADER. Ils s’efforcent alors parfois de surmonter les freins institutionnels liés à un cadre interventionniste des Etats et/ou des régions qui brident les initiatives locales (Type 2). Ils peuvent, également produire leurs propres normes en limitant la participation locale à une élite locale qui finit par former une « sorte de classe de projet » dont les membres sont les rares acteurs de la société locale à posséder les compétences, les prérogatives ou les capitaux et à pouvoir les mettre au service du projet de développement (Type 3). Le quatrième type révèle une situation d’inertie. Celui-ci est le produit d’un pilotage top down verrouillant les canaux de diffusion des valeurs du modèle LEADER à une petite catégorie d’acteurs locaux. En instrumentalisant stratégies et projets au service des politiques municipales, les élites locales expriment alors souvent une forme de rejet du paradigme de l’action LEADER.

48Globalement, l’organisation de l’espace local et du contexte national jouent un rôle décisif dans les formes de mobilisation du capital territorial. L’adoption du dispositif LEADER procède globalement d’un mécanisme complexe dont le fonctionnement combine trois éléments principaux pour déterminer les formes d’implication des acteurs locaux dans le réseau de coopération.

49Le premier renvoie à l’ancienneté de l’implication dans des démarches de développement local. Si le programme LEADER offre, en théorie, aux acteurs locaux la possibilité de mobiliser leur capacité d’action et capter de nouvelles ressources, dans les faits, il dépend beaucoup des modalités d’implication des communautés locales dont la capacité d’apprentissage du modèle de développement local est liée à leur expérience accumulée. Plus largement, l’ancienneté et la diversité des dispositifs de développement local favorisent la structuration des réseaux d’acteurs sur une base élargie d’interconnaissance et d’implications individuelles.

50L’organisation socio-économique de l’espace local et son niveau d’équipement jouent ensuite un rôle décisif dans la constitution des réseaux de coopération : les densités de peuplement, les distances entre les lieux ainsi que la structuration socioéconomique locale influent sur l’émergence des systèmes d’acteurs susceptibles de s’investir dans des coopérations mues par la logique de réseau.

51Enfin, le mécanisme d’appropriation dépend du mode de fonctionnement du système d’action locale qui peut polariser fortement l’action collective autour d’un petit nombre d’acteurs locaux. Face aux normes qui encadrent leurs actions, ceux-ci sont amenés à développer leurs capacités d’apprentissage, ce qui va parfois de pair avec le déploiement « d’espaces informels » de réinterprétation des politiques publiques et de « stratégies d’évitement » (au sens de Pfeffer, Salancik, 1978). Dans certains territoires, ces élites, qui sont amenées à contrôler des sommes plus importantes et à se consacrer à temps plein à leurs activités au sein de leur commune et de leur GAL, continuent à se professionnaliser ; ceci tend à renforcer la « classe de projet » telle qu’elle est définie par Kovách et Kucerova (2006), son professionnalisme et son niveau de qualification. En lien avec cet accroissement des capacités d’action des membres des GAL, des questions relatives à leur légitimité -mettant en avant notamment le risque de clientélisme et de mise en concurrence des différentes communes- se font jour.

Conclusion

52Quels enseignements tirer du transfert de modèle au croisement des logiques d’action et des contextes locaux de réception ? Une première série d’enseignements porte sur l’européanisation des logiques politiques d’accompagnement ou d’intervention par l’opérateur national. L’examen des moments critiques du processus de transfert pointe la responsabilité de l’opérateur étatique dans la séquence de transposition de l’instrument LEADER. Loin d’être respecté par certains Etats, les principes d’une action publique de type bottom up ont subi des durcissements règlementaires nationaux infléchissant la philosophie du modèle LEADER jusqu’à le détacher du projet initial. Formalisé et inséré dans un dispositif d’action publique spécifique, l’instrument LEADER n’est pas le vecteur fidèle du modèle originel, ses principes de base ont pu être modifiés, dans certains cas déformés.

53Une deuxième série d’enseignements concerne les effets de la diffusion du modèle dans les territoires ruraux. A l’échelon local cette fois-ci, l’apprentissage du dispositif institutionnel se fait dans le contexte particulier propre à chaque partenariat ou Groupe d’action locale (GAL). La mise en œuvre du modèle LEADER est indissociable de modes d’appropriation contextualisés. Il se produit alors une sorte d’européanisation « discrète », perceptible dans l’émergence de nouvelles formes de gouvernance, dans la mise en réseau des acteurs locaux, dans la diffusion du modèle de la ressource territoriale, même si les démarches d’expérimentation et/ou d’innovation confinent aussi au mimétisme et à la reproduction d’un modèle plus ou moins réinterprété par les acteurs locaux.

54Ainsi, l’européanisation des politiques publiques de développement des espaces ruraux n’est pas synonyme de convergence des pratiques d’action publique qui se différencient d’un territoire local à l’autre. Cela tient à la diversité des formes de mobilisation du capital territorial par les acteurs locaux, potentiellement facteur d’inertie, d’adaptation, mais aussi d’innovation dans la manière de concevoir l’insertion des économies locales dans l’économie globale. Le modèle détient une plus-value dont le bénéfice potentiel pour les territoires locaux est cependant fragilisé par des détracteurs qui jugent son application coûteuse et moins efficace que les interventions sectorielles et qui préconisent une baisse de la part du budget consacrée au financement du second pilier de la PAC, et incidemment de l’axe transversal LEADER.

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Notes

1 http://www.terport.hu/webfm_send/545 (consulté en juin 2019).

2 http://ec.europa.eu/regional_policy/sources/docgener/informat/2014/community_fr.pdf (consulté en juin 2019).

3 Pour chaque pays, nous avons identifié quel acteur : diffuse l’information (Services centraux de l’Etat, régions, communautés locales) ; gère le budget du programme (Etat, Régions, collectivités locales) ; élabore les documents stratégiques cadres (Etat, Régions, collectivités locales) ; sélectionne les GAL (Etat, Régions, collectivités locales). A partir de ces informations, nous avons procédé à une classification hiérarchique des différents profils nationaux qui a abouti à une typologie en trois classes.

4 Régions essentiellement rurales de la typologie OCDE (plus de 50% de la population vit dans une unité administrative locale dont la densité est inférieure à 150 km2).

5 La figure 2 a été réalisée à partir du croisement de 4 typologies intermédiaires : les types de modalités de gestion administrative du programme, les types de périmètres réglementaires des GAL, les principaux critères d’évaluation et de sélection des GAL, les types de méthodologies d’élaboration des stratégies des GAL. Ces typologies ont été construites à l’aide des variables suivantes à partir d’une analyse textuelle des règlements nationaux de développement rural : « diffusion de l’information « (Etat, Régions, collectivités locales) ; « gestion du budget du programme » (Etat, Régions, collectivités locales) ; « élaboration des documents stratégiques cadres » (Etat, Régions, collectivités locales) ; « sélection des Groupes d’action locale » (Etat, Régions, collectivités locales) ; « articulation avec des maillages existants » (comprenant les termes agrégés de concordance des périmètres, périmètres institutionnels, espaces de gestion) ; « potentiel de gestion du territoire » (comprenant les termes agrégés de ressources financières, ressources humaines, potentiel technique, ingénierie de projet) ; « respect de la taille du GAL » (comprenant les termes agrégés de respect des densités démographiques, superficie, taille minimale, taille maximale) ; « respect des principes de partenariat » (comprenant les termes agrégés de répartition par secteur, acteurs publics, acteurs associatifs, entrepreneurs, quote-part) ; « conformité de la stratégie locale au règlement national de développement local » (comprenant les termes agrégés de conformité, légalité) ; « respect des périmètres institutionnels » (comprenant les termes agrégés de coïncidence, correspondance spatiale, répartition des compétences) ; « méthodologie spécifique » (comprenant les termes agrégés de « software », cadre formel, cadre méthodologie des porteurs de projets, bon usage de l’ingénierie de projet) ; « pas de méthodologie » (ne comprenant pas les termes cités ci-dessus).

6 En Hongrie, les communautés rurales porteuses des GAL, couvrant la quasi-totalité du territoire rural du pays, sont également le cadre opérationnel de la gestion des projets du troisième axe de la Politique Européenne de Développement Rural.

7 La typologie des formes de mobilisation du capital territorial a été élaborée à partir d’expérimentations menées dans deux GAL en France et deux GAL en Lituanie dans le cadre des programmes suivants : Action locale et développement territorial en Europe centrale (ALDETEC), n° ANR-08-BLAN-0270-01 (Dir. Marie-Claude Maurel, Pascal Chevalier) ; Programme EGIDE, PHC GILIBERT 2013, Développement Territorial et Autonomie Locale en France et en Lituanie : vers un nouveau mode de gouvernance des territoires ? (DTAL), n°28384YM (Dir. Pascal Chevalier et Jurgita Maciulyte). Elle a été étendue à l’étude des GAL d’autre pays européens sélectionnés en fonction de leur niveau de décentralisation et de leur date d’intégration à l’UE (France, Espagne, Allemagne, Hongrie, Lituanie).

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Table des illustrations

Titre Figure 1 : Les différentes modalités de gestion du programme LEADER
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Titre Figure 2 : Les dispositifs règlementaires de mise en œuvre du programme LEADER 2014-2020
URL http://journals.openedition.org/geocarrefour/docannexe/image/15757/img-2.png
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Pour citer cet article

Référence électronique

Guillaume Lacquement et Pascal Chevalier, « Le programme européen LEADER, un modèle de développement à l’épreuve de l’européanisation des politiques rurales »Géocarrefour [En ligne], 94/3 | 2020, mis en ligne le 21 septembre 2020, consulté le 17 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/geocarrefour/15757 ; DOI : https://doi.org/10.4000/geocarrefour.15757

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Auteurs

Guillaume Lacquement

Professeur de Géographie, Université de Perpignan Via Domitia, UMR CNRS 5281 ART-Dev, Acteurs, Ressources, Territoires dans le Développement, Perpignan, France lacqueme@univ-perp.fr

Pascal Chevalier

Professeur de Géographie, Université Paul Valéry, UMR CNRS 5281 ART-Dev, Acteurs, Ressources, Territoires dans le Développement, Montpellier, France pascal.chevalier@univ-montp3.fr

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Droits d’auteur

CC-BY-SA-4.0

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