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Quand la psychologie et la linguistique rencontrent la finance : le cas de la France

When Psychology and Natural Language Processing Meet Finance : Evidence from French Data
Fabrice Hervé et Mohamed Zouaoui

Résumés

En Finance, la mesure du sentiment des investisseurs reste largement débattue. Dans cet article, nous utilisons la mesure du sentiment GTNS développée par Beer et al. (2013). Cette dernière s’appuie sur des résultats de recherche issus de la psychologie et de la linguistique. L’objectif principal de cet article consiste à analyser l’impact de cette mesure du sentiment des investisseurs sur les rentabilités boursières des entreprises françaises. En utilisant la méthodologie de Baker et Wurgler (2006), nous montrons, à partir d’un travail empirique sur la France, que les rentabilités des actions difficiles à évaluer et à arbitrer sont influencées par le sentiment des investisseurs. Cet effet, prononcé dans le court terme, disparaît toutefois dans le long terme.

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Texte intégral

Les deux auteurs sont membres du CREGO (Groupe FARGO). Ils remercient les deux rapporteurs anonymes de la revue Finance Contrôle Stratégie et les participants du séminaire FARGO pour leurs commentaires et suggestions. Les erreurs et omissions ne sont imputables qu’aux auteurs.

1. Introduction

1Le concept du « sentiment de l’investisseur » constitue, de nos jours, la pierre angulaire de la finance comportementale en raison de ses implications pour la compréhension du fonctionnement des marchés financiers. Les modélisations mathématiques de De Long et al. (1990) ou encore Daniel et al. (2001) proposent d’expliquer l’effet du sentiment des investisseurs sur le processus de formation des prix des actifs financiers. Ces travaux théoriques ont donné lieu à de nombreux développements empiriques. Ainsi, Baker et Wurgler (2007, p. 130) développent un point de vue assez tranché en la matière, puisqu’ils indiquent que « maintenant la question n’est plus de savoir – comme il y a quelques dizaines d’années – si le sentiment des investisseurs influence le prix des actions, mais plutôt de savoir comment mesurer le sentiment des investisseurs et quantifier ses effets ».

2La question de l’effet du sentiment sur les prix des titres tient au fait que la finance relève du champ des sciences sociales. Si on lève l’hypothèse de rationalité parfaite et que l’on considère que l’agent financier est un humain, la dimension humaine intervient et la finance devient une science profondément sociale : les prix des titres sur le marché sont déterminés par les comportements humains, ces derniers étant sujets à des biais psychologiques. Lazer et al. (2009) indiquent que les études sur les interactions entre humains s’appuient principalement sur des données instantanées et collectées de manière déclarative, venant ainsi questionner la qualité de ces mesures qui supposent implicitement que les répondants sont honnêtes. Le développement de l’internet et des réseaux sociaux, les évolutions technologiques tendent à apporter aux chercheurs en sciences sociales des données extrêmement riches telles que des échantillons de très grandes tailles, longitudinaux (Lazer et al. 2009 ou encore King 2011). Ce phénomène s’inscrit dans ce que Lazer et al. (2009) appellent « computational social sciences ». La richesse de telles données devrait à terme conduire à une meilleure compréhension des comportements humains et, en l’occurrence, du sentiment des investisseurs.

  • 1 Depuis septembre 2012, le service Google Trends a évolué : il mélange désormais les caractéristique (...)
  • 2 Selon AT Internet, en janvier 2004, Google représente 68,2 % du trafic généré ; en janvier 2006, 82 (...)

3Nous proposons de mobiliser, ici, une telle base de données (Google Trends), dont l’accès est libre et gratuit et la mise à jour est régulière (hebdomadaire). A cette fin, nous utilisons une mesure du sentiment des investisseurs s’appuyant sur le volume de recherche des requêtes textuelles à connotation économico-financière lancées par les individus sur internet avec le moteur de recherche Google Trends. Cette mesure a été développée et utilisée par Beer et al. (2013). Les données de Google Trends1 donnent une mesure quantitative des requêtes textuelles lancées par les individus sur internet avec le moteur de recherche Google. Google est, en France et plus largement en Europe, voire dans le monde le moteur de recherche le plus utilisé. En France, sur la période 2004-2011, Google n’a cessé de voir sa part de marché augmenter2. Ainsi, eu égard à l’importance que représente ce moteur de recherche, une analyse des données produites par Google englobe une très large part des requêtes effectuées en France et permet ainsi de se situer dans la perspective de Lazer et al. (2009) dite de « computational social sciences ».

4L’objectif principal de cet article consiste à analyser l’impact de cette mesure du sentiment des investisseurs sur les rentabilités boursières des entreprises françaises en s’appuyant sur la méthodologie pionnière de Baker et Wurgler (2006). Notre étude mobilise la mesure du sentiment de Beer et al. (2013), mais s’en distingue par trois points essentiels. Premièrement, la pertinence de la mesure du sentiment est réexaminée à travers un test complémentaire (eyeball test (Baker et Wurgler 2007). Deuxièmement, à la différence de Beer et al. (2013), le sentiment de l’investisseur n’est pas appréhendé dans le cadre d'un modèle à vecteurs autorégressifs (VAR), mais comme une variable prédictive des cours des actifs financiers orthogonale aux indicateurs fondamentaux. Cette approche nous permet de mieux cerner le lien entre le sentiment et les rentabilités en neutralisant la composante fondamentale économique. Troisièmement, la liste des caractéristiques des entreprises sensibles au sentiment ne se limite pas à la taille des entreprises et intègre d'autres critères tels que les opportunités de croissance et de détresse financière, l'âge et les risques et coûts d'arbitrage des titres. Les principaux résultats sont particulièrement encourageants, puisqu’ils vont dans le sens de la littérature et témoignent d’une influence significative du sentiment sur les rentabilités des actions en France et cet effet apparaît d’autant plus important que les titres sont difficiles à évaluer et à arbitrer.

5La structure de l’article est la suivante. Dans une première section, nous passons en revue les principales mesures du sentiment des investisseurs et mettons en évidence leurs principales limites. Nous discutons ensuite de la pertinence de l’utilisation des données liées au comportement sur l’internet et, ce, notamment dans le domaine de la finance. Enfin, nous présentons une mesure du sentiment des investisseurs fondée sur le comportement de recherche des investisseurs sur l’internet en France développée par Beer et al. (2013). Dans une deuxième section, après avoir identifié les effets attendus du sentiment des investisseurs sur le marché français et exposé l’hypothèse centrale de la recherche, nous détaillons les données mobilisées dans cette étude et la méthodologie empirique de recherche utilisée. Dans une troisième section, nous exposons les résultats empiriques et les discutons. Enfin, en conclusion, nous évoquerons les perspectives opérationnelles associées à ces résultats.

2. Le sentiment des investisseurs : les principales mesures et les apports de la psychologie et de la linguistique

6Dans un premier temps, nous proposons une typologie des principales mesures du sentiment des investisseurs tout en mettant en évidence l’intérêt de ces mesures, ainsi que leurs principales limites. Dans un deuxième temps, nous passons en revue les études mobilisant des données issues de l’internet dans le domaine des sciences expérimentales, sociales et plus particulièrement en finance. Dans un troisième temps, nous présentons la mesure du sentiment des investisseurs développée par Beer et al. (2013). Cette mesure propose de pallier les limites attribuées aux mesures classiques en mobilisant des résultats obtenus dans le domaine de la psychologie cognitive et de la linguistique.

2.1 Les mesures du sentiment des investisseurs et leurs limites

7La communauté académique s’accorde à définir le sentiment comme l’ensemble des anticipations des investisseurs non justifiées par les fondamentaux économiques (Lemmon et Portniaguina 2006 ; Baker et Wurgler 2006, 2007). Le sentiment de l'investisseur représente le niveau d'optimisme ou de pessimisme au delà de ce qui est explicable par les indicateurs fondamentaux (e.g. les primes de risque introduites par Fama et French). Selon Shefrin (2005, p. 203) « le terme sentiment en finance est synonyme d’erreur ». Lorsque les tenants de la finance comportementale évoquent le terme « sentiment », ils entendent les erreurs agrégées des investisseurs qui se manifestent dans les prix des titres.

  • 3 Ces enquêtes permettent d’étudier l’opinion des investisseurs sur l’évolution du marché financier d (...)

8Le sentiment de l'investisseur n'est pas directement observable du fait de son caractère subjectif et individuel. Différentes méthodes ont été mobilisées dans la littérature pour évaluer le sentiment de l’investisseur. Trois grandes familles peuvent être distinguées : les mesures directes, les mesures indirectes et les mesures exogènes. Les mesures directes des anticipations des investisseurs sont issues de sondages d’opinion. Il s’agit essentiellement des enquêtes auprès des investisseurs et des enquêtes de conjoncture. De nombreuses enquêtes existent, essentiellement aux Etats-Unis, et ont fait l’objet de plusieurs études empiriques dans la littérature financière. Nous pouvons citer à titre d'exemple les enquêtes de l'Association Américaine des Investisseurs Individuels (Brown 1999 ; Fisher et Statman 2000) ou celles de la société « Investors Intelligence » (Lee et al. 2002 ; Brown et Cliff 2005)3. La méthode indirecte suppose que certaines variables économiques et financières, telles que, notamment, la décote des fonds fermés, les données des introductions en bourse et les produits dérivés véhiculent des anticipations non justifiées par une approche fondamentale. L'article de Brown et Cliff (2004) fournit une présentation détaillée des mesures indirectes. Les mesures exogènes sont des indicateurs extérieurs non directement associés à l’économie. Nous citons à titre d’exemple l’indice d’ensoleillement (Hirshleifer et Shumway 2003), les orages géomagnétiques (Krivelyova et Robboti 2003), les cycles lunaires (Yuan et al. 2005) et le sport (Edmans et al. 2006).

9Il n’existe donc pas de mesure unique ni universelle du sentiment de l’investisseur. En effet, comme l’illustre le tableau 1 ci-dessous, chaque technique de mesure présente un intérêt propre, mais n’est pas sans limites.

Tableau 1 : Typologie des mesures du sentiment et intérêt et principales critiques des techniques de mesure

Intérêt

Critiques

Mesures directes

- Des séries chronologiques régulières et assez importantes.

- Mesures propres au sentiment ne nécessitant aucune théorie pour les justifier.

- Représentativité de la population contestée.

- Négligent les différents niveaux d’optimisme et de pessimisme.

- Eventuelle divergence entre les réponses et les comportements réels des investisseurs.

Mesures indirectes

- Variables observées en temps réel.

- Reflètent la force et la performance du marché et donc l’intensité du niveau d’optimisme ou de pessimisme des investisseurs.

- Font appel à des théories qui sont souvent controversées.

- Mesures très endogènes au marché et à l’activité économique, d’où la difficulté de neutraliser le fondamental.

Mesures exogènes

- Des variables neutres non associées à l’économie.

- Faible consensus autour de l’impact des facteurs extérieurs sur le moral des individus.

  • 4 Par exemple, Isen et al. (1988) trouvent que l’individu, dont l’humeur devient soudainement positiv (...)

10La démarche retenue par Beer et al. (2013) pallie la plupart des problèmes associés aux mesures traditionnelles du sentiment des investisseurs. En effet, les données sont collectées très rapidement (presque en temps réel) et concernent des dizaines de milliers, voire des millions d’individus, alors que les répondants aux enquêtes menées dans le cadre de la technique directe excèdent rarement les quelques milliers de personnes. En outre, la mesure utilisée n’est pas endogène au marché financier et à l’activité économique – faiblesse habituellement attribuée aux mesures indirectes -. Par ailleurs, elle évite les critiques adressées aux mesures exogènes tenant au faible consensus, dans le domaine de la psychologie, autour de l’impact des facteurs extérieurs sur le moral des individus4. Enfin, la mesure du sentiment de l’investisseur mobilisée reproduit fidèlement le comportement général du public qui est très proche de celui d’un investisseur typiquement peu informé. En effet, la finance comportementale attribue souvent des comportements irrationnels à des investisseurs qui possèdent moins d’informations et de connaissances sur les marchés financiers que les investisseurs professionnels (Shleifer 2000).

2.2 L’internet : un outil pour les sciences expérimentales et sociales ?

  • 5 http://www.google.org/flutrends/

11Un outil s’appuyant sur les comportements de recherche des internautes a attiré l’attention des chercheurs tant dans le domaine des sciences naturelles, que dans celui des sciences sociales. Dans le domaine de la médecine, Ginsberg et al. (2009) proposent de surveiller l’évolution d’une épidémie de virus de la grippe en utilisant les requêtes des internautes aux Etats-Unis effectuées par le biais du moteur de recherche Google. Google a généralisé cet outil à de nombreux pays, dont la France : l’outil Google Flu5 donne des informations sur la pandémie grippale en France avec un décalage d’une journée, alors que les GROG (Groupes Régionaux d'Observation de la Grippe) produisent une information décalée de deux semaines. Ce gain en termes de latence peut permettre aux autorités publiques de prendre des dispositions plus rapidement que de coutume.

12Dans le domaine des sciences sociales, de telles approches ont été mobilisées dans de nombreux champs. En science politique, Ripberger (2011) étudie la capacité de l’outil Google Trends pour identifier ce qui préoccupe l’opinion publique. En effet, Google Trends permet d’identifier les recherches internet les plus fréquentes menées par les internautes. Cet auteur rapproche donc l’évolution de la couverture médiatique d’un sujet avec l’évolution du nombre de requêtes relatives à ce même sujet sur internet. Ses résultats corroborent l’idée selon laquelle les recherches des internautes donnent une bonne mesure de l’opinion publique. Dans le même ordre d’idée, Scheitle (2011) aboutit à une conclusion similaire.

13Dans le domaine de l’économie, Goel et al. (2010) aboutissent à des conclusions similaires en utilisant des données de sites internet spécialisés : les volumes de recherche sur internet permettent de prévoir le chiffre d’affaires des films figurant au box-office ou les ventes de jeux vidéo. Choi et Varian (2012), dans leur revue de littérature, indiquent que les données produites par Google sont particulièrement pertinentes pour anticiper nombre d’indicateurs économiques. De plus, en menant une étude empirique, ils valident la capacité des volumes de recherches Internet à prévoir les ventes de voitures, les chiffres du chômage ou encore les indices de confiance des consommateurs.

14McLaren (2011, p. 139) cherche à savoir si les volumes de recherche peuvent être utilisés comme indicateur de l’activité économique. Il conclut en indiquant que « la Banque [d’Angleterre] continuera à suivre ces données parmi les indicateurs qu’elle considère pour former son point de vue sur les perspectives de l’économie du Royaume-Uni. A mesure que des avancées se feront dans ce domaine […] ces données ont de grandes chances de devenir une source d’information de plus en plus utile sur le comportement économique ».

  • 6 Baker et Wurgler (2007) notent que les économistes traitent les enquêtes auprès des individus avec (...)

15Pour ce qui concerne le domaine financier, Da et al. (2011a) emploient le volume des recherches sur internet pour évaluer le degré d’attention que portent les investisseurs sur certains titres. Leurs travaux illustrent un point notable : les recherches internet ne sont pas sujettes à manipulation, puisque les internautes produisent leurs requêtes sans arrière pensée6. Les investisseurs cherchent des informations sur un titre, car ils lui portent intérêt. Enfin, Da et al. (2011b), selon une perspective différente, plus agrégée, montrent qu’une mesure s’appuyant sur les volumes de recherches relatives au contexte économique et au marché dans son ensemble capte le sentiment des investisseurs individuels, peu sophistiqués. De surcroît, ils trouvent que cette mesure du sentiment prévoit avec fiabilité les rentabilités boursières, la volatilité du marché ainsi que les flux des fonds mutuels. D’autres études, dans le domaine de la finance, abondent dans le sens d’une capacité prédictive de ces données de volumes de recherche sur l’internet. Dzielinski (2011) montre, en étudiant le marché américain, qu’une mesure de l’incertitude économique inférée à partir des requêtes internet prévoit rentabilité et volatilité du marché. Bank et al. (2011), à partir d’une étude sur le marché allemand, observent qu’un accroissement des recherches sur internet est lié avec une hausse de la liquidité et du volume de transactions sur les titres allemands. Ceci alimente l’hypothèse de mesure de l’attention représentée par les volumes de requête proposée par Da et al. (2011a). Smith (2012) obtient des résultats proches sur le marché des changes en matière de prévisions de la volatilité. En particulier, il constate que les volumes des recherches effectuées via Google des mots « crise économique » et « crise financière » prévoient avec fiabilité l'évolution future de la volatilité du taux de change. Dans cette étude, on observe que l’indicateur du volume des recherches de Google possède une capacité prédictive supplémentaire relativement aux modèles classiques (GARCH(1,1)) de prévision de la volatilité.

16Dans la même perspective, certaines recherches exploitent la capacité de l’internet selon un point de vue différent : elles s’appuient sur les réseaux sociaux et les informations qui y sont révélées par les investisseurs quant à leur humeur. Antweiler et Frank (2004) ou encore Das et Chen (2007) identifient la capacité des forums internet Yahoo ! pour prévoir la rentabilité et la volatilité sur le marché américain. Bollen et al. (2011), à partir de Twitter, parviennent à extraire des mesures de l’humeur des investisseurs et identifient un lien fort entre, notamment, l’humeur calme des investisseurs et les rentabilités du marché américain. Karabulut (2011) propose une approche similaire à partir de Facebook et valide la capacité d’une mesure de sentiment extraite de Facebook à anticiper les rentabilités et volumes du marché américain.

17Ces éléments conduisent à l’idée que l’utilisation d’une mesure du sentiment des investisseurs individuels s’appuyant sur les volumes de recherche sur internet est loin d’être dénuée de sens. Dans cet article, nous proposons de cerner si une mesure du sentiment des investisseurs se fondant sur le comportement des internautes influence les rentabilités des actions françaises. Cette démarche et les résultats obtenus se révèleront utiles pour alimenter le débat scientifique relatif à cette mesure et, plus largement, à la mesure du sentiment des investisseurs, car une large part des recherches antérieures porte sur les Etats-Unis.

2.3 Une mesure du sentiment s’appuyant sur le comportement des internautes

18Dans cette section, nous commençons en présentant brièvement la mesure proposée par Beer et al. (2013) sur le marché français : celle-ci quantifie le niveau de pessimisme des investisseurs individuels et est appelée Google Trends Negative Sentiment (GTNS). Puis, nous nous interrogeons sur la pertinence de cette mesure en France.

2.3.1 Présentation de la mesure GTNS et de sa construction

19L’approche de ces auteurs s’appuie sur le raisonnement suivant. Les travaux dans le domaine de la psychologie cognitive prouvent que la nature humaine est telle que les événements à caractère négatif retiennent davantage l’attention que ceux à caractère positif. Ainsi, le « mauvais chasse le bon » (Simonton et Baumeister 2005). Une telle idée se retrouve d’ailleurs déjà dans les travaux de Kahneman et Tversky (1979), largement mobilisés dans le domaine de la finance comportementale. En effet, ces auteurs indiquent que, en termes de bien-être, les pertes ont des conséquences plus importantes que les gains pour les individus.

20En outre, les linguistes proposent des dictionnaires classifiant les mots en catégorie et en fonction de leur valence (positive, négative). Ce type de travaux s’inscrit notamment dans le champ du traitement automatisé du langage, puisque les approches en termes de dictionnaires permettent rapidement de classifier des documents textuels. Le dictionnaire mobilisé, tant par Beer et al. (2013) que Da et al. (2011b) est le dictionnaire General Inquirer Harvard IV-47. Enfin, les travaux effectués dans le domaine de la communication montrent que les investisseurs individuels se livrent à une recherche d’information pour décider avant d’agir et, dans cette perspective, ils mobilisent généralement un moteur de recherche et effectuent des requêtes sur l’internet, requêtes qui se révèlent en général assez courtes (un tiers des requêtes contient un seul terme). Si l’on confronte ces différents éléments, on aboutit à l’idée qu’une mesure naturelle du sentiment des investisseurs réside dans le volume des requêtes internet à connotation économico-financière négative.

Figure 1 : Evolution de l’indice de volume des recherches Google Trends pour le mot « crise » entre janvier 2004 et mai 2012

Figure 1 : Evolution de l’indice de volume des recherches Google Trends pour le mot « crise » entre janvier 2004 et mai 2012

21En termes opérationnels, pour produire une mesure de sentiment pessimiste, Beer et al. (2013) identifient les mots appartenant aux deux catégories « Economie » et « Négatif » du dictionnaire General Inquirer. Les auteurs mobilisent ce dictionnaire en langue anglaise, alors que leurs travaux portent sur la France, ce qui implique une traduction des termes. Cela s’explique par l’absence d’une telle ressource en Français (Vincze et Bestgen 2011). Par ailleurs, les auteurs ont identifié la liste de mots en français en mobilisant plusieurs traducteurs en ligne (Google et Reverso) et en se référant à des Thesaurus économiques français (Thesaurus Delphe, Thesaurus de l’OCDE et Thesaurus Eurovoc de l’Union Européenne) afin de contrôler l’effet « traduction ». Ensuite, ils consultent les volumes des recherches internet issus de Google Trends en France pour cette liste initiale de 63 mots. La figure 1 ci-dessus présente graphiquement le service Google Trends. L'indicateur du volume de recherches (Search Volume Index) associé au mot « crise » représente le rapport entre le volume hebdomadaire des tendances de recherches associé au mot crise et le volume hebdomadaire total des toutes les recherches effectuées sur le moteur de recherche Google. De manière cohérente et intuitive, sur la figure 1, on observe un pic de l'indice du volume de recherche pour le mot « crise » lors de la crise boursière de 2008, ce qui implique que le degré d'incertitude et de stress des internautes français atteint son niveau le plus élevé durant cette période.

  • 8 Par exemple, les auteurs ont conservé le mot « crise », car il est associé à des recherches telles (...)
  • 9 Pour le lecteur désireux de connaître les détails de la mesure (résultats de l’analyse en composant (...)

22Les termes peu fréquemment recherchés (faible historique de recherches) et les mots n’ayant pas – pour les internautes – un sens économique affirmé sont exclus de cette liste initiale afin d’éviter tout problème lié à la polysémie d’un mot8. En effet, la mesure produite vise à révéler le sentiment des individus et seuls les mots, dont l’usage commun est économique sont à même de contribuer à cette révélation. Ensuite, une analyse statistique (analyse en composantes principales) est entreprise sur les données de volumes de recherches relatifs aux mots appartenant à la liste finale (termes peu fréquents et peu pertinents exclus). La mesure du sentiment représente le premier facteur issu de l’analyse en composantes principales. Celle-ci vise à résumer, aussi efficacement que possible, en une mesure les informations incluses dans cette liste de mots. Elle est calculée par une combinaison linéaire des huit mots à connotation économico-financière négative suivants : faillite, débiteur, déficit, inflation, liquidation, pauvreté, récession et crise. Elle est dénommée Google Trends Negative Sentiment (GTNS)9.

2.3.2 L'indicateur GTNS capte-t-il les variations du facteur sentiment de l'investisseur ?

23La mesure du sentiment de l’investisseur est une tâche difficile et controversée parce qu’elle possède un caractère subjectif. Une question légitime à ce stade est de savoir si l'indicateur GTNS capte les variations appropriées du facteur sentiment de l'investisseur. Cette question non soulevée par l'étude de Beer et al. (2013) mérite d'être discutée. La meilleure façon de tester la fiabilité d’un indicateur de sentiment consiste à étudier son alignement avec les bulles et les krachs sur la période d’étude. En effet, comme le soulignent Baker et Wurgler (2007, p. 141), « la meilleure preuve qu’un indice parvient bien à capter le sentiment réside peut-être simplement dans le fait qu’il s’aligne assez bien avec les récits anecdotiques de bulles et de krachs […] ». Ces auteurs parlent de test visuel (eyeball test). La figure 2 ci-dessous illustre l’évolution de l’indicateur GTNS de Beer et al. (2013) sur notre période d’étude dans la section suivante (cf. section 2 infra) allant du 04 janvier 2004 au 25 décembre 2011. Nous remarquons que l’indice baissier GTNS enregistre une hausse significative durant l’année 2008. L’indicateur GTNS atteint son niveau le plus élevé au cours de la semaine du 28 septembre 2008. Cette situation coïncide avec le krach boursier lié à la crise des subprimes. La mesure GTNS enregistre, en outre, une forte augmentation durant la dernière année de notre période d’étude, période caractérisée par l'aggravation de la crise de la dette européenne.

24Ainsi, l’indicateur GTNS semble reproduire de manière assez fidèle les krachs boursiers sur notre période d’étude. De plus, comme le remarquent Beer et al. (2013), cet indicateur présente de très forts liens statistiques avec les indicateurs de sentiment traditionnellement utilisés dans la littérature. Tous ces résultats sont encourageants pour la suite de notre travail, car ils laissent présager que l’indicateur GTNS capte les variations appropriées du facteur sentiment en France.

Figure 2 : L’indicateur Google Trends Negative Sentiment

Figure 2 : L’indicateur Google Trends Negative Sentiment

Ce graphique présente l’évolution de l’indicateur Google Trends Negative Sentiment index (GTNS) du 04 janvier 2004 au 25 décembre 2011.

3. L’influence du sentiment sur les rentabilités des actions en France

25Dans un premier temps, nous passons en revue la littérature traitant du lien entre le sentiment et les rentabilités des actions. Nous aboutissons alors à une hypothèse de recherche relative à cette question dans le contexte français. Cette hypothèse mobilise la mesure du sentiment GTNS discutée dans la section précédente. Dans un second temps, après avoir présenté les données mobilisées pour cette étude, nous détaillons la méthodologie empirique utilisée.

3.1 Revue de littérature et développement des hypothèses

26L’approche de la théorie comportementale de l’évaluation des titres s’est beaucoup intéressée au rôle du sentiment de l’investisseur. Une littérature abondante est consacrée à la relation entre le sentiment de l’investisseur et l’évolution des cours ou des rentabilités. Comme mentionné supra (cf. 1.1), la mesure du sentiment ne connaît pas d’unicité. Dans ce qui suit, nous mentionnons les résultats de la littérature antérieure pour différentes mesures du sentiment.

  • 10 L’indice est calculé par une combinaison linéaire de six variables : la décote des fonds fermés, le (...)

27Lee et al. (1991) montrent que le sentiment de l’investisseur particulier - mesuré par la décote des fonds fermés - intervient dans le processus de génération des rentabilités des titres à petites capitalisations boursières. Brown et Cliff (2005) prouvent que la mauvaise évaluation (mispricing) des titres est positivement corrélée à l’indicateur direct de sentiment Investors Intelligence. De plus, ils constatent que les périodes caractérisées par un optimisme (pessimisme) excessif sont suivies par de faibles (fortes) performances. Baker et Wurgler (2006, 2007) aboutissent à des résultats similaires en utilisant une mesure composite du sentiment. Leur mesure composite du sentiment représente la première composante principale de six indicateurs indirects de sentiment identifiés auparavant10. De leur coté, Hirshleifer et Shumway (2003) illustrent l’influence d’un facteur exogène sur les cours boursiers : la météorologie. Ils constatent que le degré d’ensoleillement est fortement corrélé aux rentabilités quotidiennes des actions. Travaillant dans le même esprit, Edmans et al. (2006) obtiennent des résultats semblables en se référant aux résultats des matchs de football.

28La plupart des travaux empiriques a porté sur le marché boursier américain. Toutefois, une série de travaux récents s’est élargie aux marchés boursiers internationaux. Schmeling (2009) montre que le sentiment de l’investisseur influence significativement la performance des marchés des actions dans 18 pays industrialisés. Selon lui, les effets du sentiment de l’investisseur sont plus prononcés dans les pays offrant une faible protection des actionnaires et avec une faible qualité du système de gouvernance des entreprises, et dans les pays où les individus sont culturellement plus sujets aux biais psychologiques (sur-optimisme et comportements moutonniers). De leur coté, Baker et al. (2009) utilisent des indicateurs de sentiment de six pays développés et les décomposent en six indicateurs locaux spécifiques à chaque pays et un indicateur global commun à l’ensemble des pays. Ils montrent que ces mesures du sentiment constituent d’excellents indicateurs contraires de timing du marché, particulièrement pour les entreprises difficiles à évaluer et présentant des coûts et des risques d’arbitrage élevés. Dans cette même optique, Zouaoui et al. (2011) notent que le sentiment de l’investisseur influence la probabilité de survenance des crises boursières sur un panel de 16 pays, et, en particulier, qu’une montée de l’euphorie des investisseurs précède les phénomènes de crise boursière. En France, Roger (2012) développe un nouvel indice de sentiment en s’appuyant sur les transactions de 87 373 investisseurs individuels d’un important intermédiaire financier. Il constate qu’un optimisme (pessimisme) excessif des investisseurs individuels français entraîne une surévaluation du marché suivie de faibles rentabilités futures des titres. Ce nouvel indice domine les autres mesures du sentiment fréquemment utilisées dans la littérature (directes et indirectes) en matière de prévision des rentabilités des titres.

29Il semble donc pertinent de mener une étude sur le lien entre sentiment des investisseurs et rentabilités des actions dans un contexte français. Ce changement de contexte se révèle d’autant plus intéressant si l’on se réfère à la notion d’éducation financière (financial literacy). En effet, Jappelli et Padula (2013) produisent des mesures d’éducation financière pour de nombreux pays et notamment la France et les Etats-Unis. Un des résultats de cette étude est important en ce qui concerne notre recherche : l’éducation financière en France est plus faible qu’aux Etats-Unis. En outre, Calvet et al. (2009) montrent que les individus disposant d’une faible éducation financière sont les plus susceptibles de commettre des erreurs en matière de choix d’investissements financiers et sont les plus sujets au sentiment. D’ailleurs Van Rooij et al. (2011) renforcent ce point de vue en identifiant la plus faible propension des individus les moins éduqués d’un point de vue financier à participer au marché des actions. Si l’on prolonge cette idée, on peut penser que les individus ayant une faible éducation financière seront plus sujets à leur sentiment, car leur connaissance financière est faible. Les résultats de Roger (2012) vont d’ailleurs dans ce sens.

30Au regard de ces éléments, on peut envisager que le sentiment des investisseurs français – mesuré par l’indicateur GTNS – a une influence sur les rentabilités des titres en France. On peut, par ailleurs, penser que l’effet du sentiment sera au moins autant, voire plus, important en France, car l’éducation financière y est plus faible. Il reste toutefois à préciser quels titres sont les plus susceptibles d’être concernés par cet effet.

31Baker et Wurgler (2006, 2007) montrent que l’impact des facteurs psychologiques n’est pas uniforme à travers les titres, l’impact est plus fort sur la performance des titres difficiles à évaluer et ceux présentant des coûts et des risques d’arbitrage élevés. Selon ces auteurs, la mauvaise évaluation (mispricing) des titres est le résultat à la fois d’un choc de demande non informée et des limites de l’arbitrage. Ils estiment que le sentiment de l’investisseur affecte les cours boursiers via deux voies distinctes.

32Dans la première, le sentiment est défini par la tendance des investisseurs à spéculer. Sous cet angle, le sentiment stimule la demande des investissements spéculatifs et, par conséquent, influence ces titres même si les forces d’arbitrage restent inchangées. Certains titres sont plus vulnérables à la spéculation que d’autres, parce qu’ils sont difficiles à évaluer. Cette difficulté est l’argument qu’utilisent les noise traders (Black 1986) pour défendre leurs évaluations basées sur leur sentiment aussi bien que le font les arbitragistes en s’appuyant sur le fondamental. De ce fait, plus les titres sont difficiles à évaluer, plus les arbitragistes vont hésiter à mobiliser des fonds pour contourner les noise traders et plus l’effet du sentiment est important.

33Dans la seconde, le sentiment de l’investisseur représente un optimisme ou un pessimisme excessif ressenti vis-à-vis du marché financier dans son ensemble. Toutefois, le sentiment peut avoir un effet plus important sur les cours des titres dont les coûts et les risques d’arbitrage sont élevés. En effet, plus les risques qui affectent les opérations d’arbitrage sont élevés, plus les arbitragistes seront dissuadés à agir contre les amateurs et plus l’impact du sentiment sera important. Sous cet angle, Baker et Wurgler (2006, 2007) montrent, sur le marché américain, que lorsque le niveau de l’indicateur de sentiment est élevé (faible) – les investisseurs sont optimistes (pessimistes) – en début de période, les rentabilités des firmes difficiles à évaluer et à arbitrer sont plus faibles (fortes) en fin de période.

34Dans cet article, nous nous attendons à observer en France une relation sentiment-rentabilité plus forte pour les titres difficiles à évaluer et à arbitrer. Par ailleurs, nous mesurons le sentiment à l’aide de la variable GTNS. Ainsi, nous proposons de tester l’hypothèse suivante : le sentiment des investisseurs - mesuré par l’indicateur GTNS – influence les rentabilités des actions en France et, ce, d’autant plus que les actions considérées sont difficiles à évaluer et arbitrer.

3.2 Présentation des données et de la méthodologie empirique

3.2.1 Présentation des données

35L’analyse porte sur toutes les entreprises cotées sur le marché français entre le 04 janvier 2004 et le 25 décembre 2011. Les données comptables et financières (rentabilités) proviennent respectivement des bases de données « Worldscope » et « Datastream » qui sont elles-mêmes fournies par la base « Thomson Reuters One ». L’échantillon comprend tous les titres cotés pour lesquels les données sont disponibles. Pour éviter le biais du survivant, nous intégrons dans notre étude les titres disparus (dead stocks).

  • 11 Suivant les recommandations de Chui et al. (2010), nous avons exclu, chaque semaine, de notre échan (...)

36Ince et Porter (2006) alertent les chercheurs sur de nombreux biais liés à l’utilisation de la base « Thomson Reuters One ». En particulier, Datastream connaît de nombreux problèmes relatifs à la couverture, la classification et l'intégrité des données, principalement pour les petites capitalisations. Afin de contourner ces biais, nous utilisons les filtres préconisés par ces auteurs en retirant de notre échantillon, les entreprises avec des capitalisations boursières extrêmement faibles (penny stocks) et les observations enregistrant des niveaux de rentabilités jugées irréalistes11. Une fois ces corrections effectuées, le nombre de titres varie selon les années entre 486 en 2004 et 558 en 2011.

37Les facteurs de risque de Fama et French (1993) et de Carhart (1997) sont issus de la base données Eurofidai. Ils seront détaillés à la suite de l’équation (2). Le taux sans risque est le taux hebdomadaire moyen du marché monétaire disponible dans la base de données Datastream. La mesure de sentiment est celle proposée par Beer et al. (2013).

38Pour tester notre hypothèse, nous construisons des portefeuilles sur la base des caractéristiques des entreprises. Ces caractéristiques permettent de distinguer des titres en fonction de leur difficulté d’évaluation et en fonction des coûts et des risques d’arbitrage qu’ils présentent. En accord avec Baker et Wurgler (2006, 2007), nous considérons les entreprises à faible capitalisation boursière, jeunes, à faibles (ou à fortes) opportunités de croissance et à forte volatilité comme des entreprises difficiles à évaluer et à arbitrer.

  • 12 Il s’agit de la rentabilité du marché en excès du taux sans risque (Rm-Rf), les facteurs taille (SM (...)

39Les panels A, B, C et D du tableau 2 ci-dessous regroupent respectivement les critères associés à la taille, les opportunités de croissance, l’âge et les risques d’arbitrage. La taille de l’entreprise est représentée par sa capitalisation boursière. Les opportunités de croissance et les difficultés financières des entreprises sont estimées par le ratio book-to-market (Valeur comptable divisée par Valeur boursière des fonds propres). L’âge est mesuré par le nombre de semaines depuis l’introduction du titre dans notre base de données. Enfin, les coûts et risques d’arbitrage sont estimés par le risque idiosyncratique du titre. Certains auteurs utilisent la définition classique du risque spécifique, c'est-à-dire le risque total moins le risque systématique, comme mesure du risque d’arbitrage (Wurgler et Zhuravskaya 2002). Le risque spécifique est calculé par la variance des résidus issus de la régression des rentabilités des titres individuels sur les facteurs de risque de Fama et French (1993)12. Plus précisément, le coût d’arbitrage du titre i à l’instant t est calculé par la variance des rentabilités résiduelles estimées sur les 12 derniers mois.

Tableau 2 : Statistiques relatives aux portefeuilles formés selon les caractéristiques des entreprises (taille, âge, risque idiosyncratique et opportunités de croissance et détresse financière)

Moyenne

Ecart-type

Min

Max

Moyenne

Ecart-type

Min

Max

Premier décile

Dernier décile

Panel A : Taille

Capitalisation boursière (en millions €)

110,314

30,698

40,324

240,789

3946,698

1891,011

1340,816

8656,153

Panel B : Opportunités de croissance et détresse financière

Book-to market

0,316

0,072

0,138

0,551

1,419

0,311

0,801

2,498

Panel C : Âge

Âge (en semaines)

102,531

26,116

33,82

202,914

556,51

286,65

32,4

1391,86

Panel D : Coûts d’arbitrage

Risque idiosyncratique

0,004

0,001

0,002

0,005

0,097

0,007

0,032

0,311

Ce tableau présente les statistiques descriptives moyennes des portefeuilles formés selon les caractéristiques des entreprises sur la période allant du 04 janvier 2004 au 25 décembre 2011. La capitalisation boursière est le cours de l’action multiplié par le nombre d’actions en circulation. L’âge de l’entreprise est estimé par le nombre de semaines depuis l’introduction du titre dans la base de données. Les coûts d’arbitrage correspondent au risque idiosyncratique calculé par la variance des rentabilités résiduelles estimées sur les 12 derniers mois. Lee ratio book-to market représente le rapport ente la valeur comptable et la valeur boursière des fonds propres.

Dans le tableau 2, nous retrouvons les principales données statistiques relatives aux portefeuilles du premier décile et du dernier décile. Le portefeuille du premier décile rassemble les titres difficiles à évaluer et à arbitrer et celui du dixième décile regroupe les titres faciles à évaluer et à arbitrer. La capitalisation boursière moyenne du portefeuille regroupant les plus fortes (petites) capitalisations se situe autour de 4 milliards d’euros (110 millions d’euros). Le ratio book-to-market moyen pour le portefeuille de titres présentant un ratio book-to-market élevé (faible) est de 1,41 (0,31). L'âge moyen du portefeuille regroupant les entreprises les plus matures (jeunes) est de 11,5 ans (2,13 ans). Les coûts et les risques d'arbitrage du portefeuille regroupant les titres du dernier décile sont vingt-quatre fois plus élevés que le portefeuille regroupant les titres du premier décile.

3.2.2 Méthodologie empirique

  • 13 Le mois de décembre de l’année t-1 pour le ratio book-to market. Fama et French (1992) préconisent (...)

40Pour mettre en évidence la relation entre le sentiment de l’investisseur et les rentabilités des titres en intégrant le degré de difficulté de leur évaluation et les risques d’arbitrage, nous composons tous les ans, à la fin de la dernière semaine du mois de juin13, dix portefeuilles correspondant aux déciles identifiés en fonction de la distribution de chaque caractéristique (taille, opportunités de croissance, âge et risques d’arbitrage). Les rentabilités de chaque portefeuille sont calculées toutes les semaines entre juillet de l’année t et juin de l’année suivante t+1. Les portefeuilles sont ainsi reformés chaque année la dernière semaine du mois de juin. Les rentabilités hebdomadaires des portefeuilles sont calculées en effectuant une moyenne pondérée par les capitalisations de chacun des titres composant le portefeuille. Le portefeuille du premier décile rassemble les titres difficiles à évaluer et à arbitrer et celui du dixième décile regroupe les titres faciles à évaluer et à arbitrer.

41Le modèle choisi pour étudier l’influence du sentiment sur la rentabilité des titres français est celui de Baker et Wurgler (2006) – modèle usuel dans la littérature sur le sentiment -. Formellement, il s’agit d’estimer la régression en séries temporelles suivante :

exprime la rentabilité moyenne sur k-période(s) du portefeuille d’arbitrage dans lequel les titres difficiles à évaluer et à arbitrer sont détenus et les titres faciles à évaluer et à arbitrer sont vendus à découvert. GTNS est l’indicateur de sentiment basé sur les requêtes textuelles effectuées par les individus sur le moteur de recherche Google. k est l’horizon de placement retenu. Dans notre cas, nous présentons les résultats pour des horizons de prévision de k = 1, 4, 13, 26, et 52 semaines. Ce modèle a un caractère prédictif.

  • 14 Pour le panel A, nous n’incorporons pas dans le modèle la variable SMB comme variable de contrôle p (...)

Un deuxième modèle est estimé afin de contrôler pour l’effet du risque traditionnel. Le but est de s’assurer que les résultats de la régression du modèle précédent restent robustes en présence des principales sources de risque auxquelles sont exposés nos portefeuilles d’arbitrage. A cet effet, nous ré-estimons le modèle (1) en intégrant les facteurs de risque de Fama et French (1993) et de Carhart (1997). Ces facteurs permettent de contrôler aussi bien le risque de marché, les risques associés à la taille des entreprises et à leur ratio valeur comptable/valeur de marché des fonds propres que le facteur momentum14. La régression en séries temporelles est la suivante :

RM - RF est la rentabilité excédentaire du marché. Rf est le taux hebdomadaire moyen du marché monétaire disponible dans la base de données Datastream. SMB est l’écart entre la rentabilité du portefeuille de titres faiblement capitalisés et celle de titres fortement capitalisés. HML est la différence entre la rentabilité du portefeuille de titres dont le ratio book to-market est élevé et la rentabilité du portefeuille de titres dont le ratio book-to market est faible. UMD représente l’écart de rentabilité entre les portefeuilles ayant eu les plus fortes et les plus faibles rentabilités passées. Le tableau 3 ci-dessous comporte des statistiques descriptives portant sur ces différentes variables.

42La matrice de corrélation entre les facteurs montre que le facteur sentiment GTNS est significativement et négativement corrélé avec les autres facteurs Rm-Rf, SMB et HML. Les corrélations entre le facteur GTNS et Rm-Rf, entre le facteur GTNS et SMB, ou entre le facteur GTNS et HML sont modérées, elles atteignent les valeurs de -0.269, -0.246 et -0.256 respectivement. La corrélation entre le facteur GTNS et le facteur UMD est faible et non significative.

Tableau 3 : Statistiques descriptives et corrélation entre les différentes variables

GTNS

Rm-Rf

SMB

HML

UMD

Moyenne

0

0,002

0,001

0,005

0,001

Ecart type

1

0,036

0,026

0,036

0,038

Minimum

-1,081

-0,268

-0,315

-0,248

-0,219

Maximum

5,024

0,221

0,271

0,240

0,211

Matrice de corrélation

GTNS

1

Rm-Rf

-0,269**

1

SMB

-0,246**

-0,427***

1

HML

-0,256**

-0,247***

0,434***

1

UMD

0,015

-0,222*

0,249**

1

Ce tableau reprend pour chaque facteur en données hebdomadaires quelques statistiques descriptives et les corrélations établies sur la période allant du 04 janvier 2004 au 25 décembre 2011. ***, **,* désignent respectivement les degrés de significativité au seuil de 1 %, 5 %, et 10 %.

43Selon les adeptes de la finance comportementale, les périodes caractérisées par un pessimisme (optimisme) excessif sont suivies par de fortes (faibles) rentabilités. Quand les investisseurs sont pessimistes (optimistes), les titres difficiles à évaluer et à arbitrer tendent à être sous-évalués (surévalués) par rapport aux titres possédant des caractéristiques opposées. Etant donné que ces déviations temporaires seront corrigées et que les prix des titres convergeront vers leur valeur fondamentale, nous nous attendons à ce que la rentabilité du portefeuille d’arbitrage soit élevée (faible) après des périodes caractérisées par un niveau de pessimisme élevé (faible).

44Ainsi, en termes empiriques, notre hypothèse se traduit de la manière suivante : la rentabilité du portefeuille d’arbitrage RD – RF coefficient estimé de cette variable GTNS (γk) est significativement positif.

4. Présentation et discussion des résultats de l’étude empirique

45Dans cette section, nous présentons et discutons les résultats de notre étude empirique. Les résultats de l’estimation du modèle (1) sont synthétisés dans le tableau 4 ci-dessous.

Tableau 4 : Influence du sentiment des investisseurs sur la performance des titres

46Ce tableau présente les résultats de la régression du modèle (1) sur la période allant du 04 janvier 2004 au 25 décembre 2011. Formellement, le modèle économétrique à estimer se présente comme suit :

47RD - RF exprime la rentabilité du portefeuille dans lequel les titres des entreprises difficiles à évaluer et à arbitrer sont détenus et les titres des entreprises faciles à évaluer et à arbitrer sont vendus à découvert. GTNS est l’indicateur de sentiment basé sur les requêtes textuelles effectuées par les individus sur le moteur de recherche Google Trends. k est l’horizon de placement retenu. Les statistiques de test corrigées pour l’hétéroscédasticité et l’autocorrélation par la méthode de Newey et West (1987) sont présentées entre parenthèses. Adj. R2 est le R2 ajusté de la régression. ***, **,* désignent respectivement les degrés de significativité au seuil de 1 %, 5 %, et 10 %.

48Pour le panel A, une relation positive significative est enregistrée entre la variable sentiment et la prime de risque liée à la taille pour des horizons de placement k = 1, 4 et 13. Ce résultat renforce l’hypothèse comportementale et met en évidence la sous-évaluation (surévaluation) des cours des petites capitalisations boursières par rapport à ceux des grandes quand les investisseurs sont baissiers (haussiers). En revanche, le pouvoir prédictif de la variable sentiment n’est plus significatif au-delà de ces horizons. Des résultats identiques sont observés pour le panel B. La prime « value » présente une sensibilité positive et significative à l’influence des facteurs psychologiques. Les entreprises « value » affichent des rentabilités espérées plus fortes que les entreprises « growth » après des périodes caractérisées par un niveau de pessimisme excessivement élevé. Ce résultat traduit la sous-évaluation (sur-évaluation) des cours des entreprises « value » par rapport à ceux des entreprises « growth » quand les investisseurs sont baissiers (haussiers). Des résultats semblables sont enregistrés pour les panels C et D. Nous identifions donc une relation positive et significative entre l’indicateur de sentiment et les rentabilités futures des portefeuilles d’arbitrage pour des horizons de placement allant de 1 à 13 semaines. Le coefficient de détermination ajusté se situe dans une fourchette de 4,5 à 5,6 % pour ces horizons de placement. La faiblesse du pouvoir explicatif dans nos régressions peut être expliquée par la nature prédictive de la relation entre le sentiment de l'investisseur et les rentabilités boursières. La plupart des études similaires qui s’intéressent à cette relation montrent des niveaux de R2 ajustés très comparables avec nos résultats (Lemmon et Portniaguina 2006 ; Schmeling 2009 ; Baker et al. 2009 ; Roger 2012).

  • 15 Nous ne rapportons pas ici le détail des résultats pour des raisons de brièveté.

49Baker et Wurgler (2006) prouvent que l’influence du sentiment de l’investisseur sur la performance des entreprises classées selon le ratio book-to market suit une courbe en forme de "U". Cette influence est importante pour les entreprises ayant un faible ratio book-to market, elle est faible pour celles ayant un ratio book-to market médian, puis redevient forte pour les entreprises ayant un ratio book-to market élevé. Plus précisément, ils constatent que les entreprises « value » et « growth » enregistrent des performances plus (moins) importantes que celles ayant un ratio book-to market médian quand le niveau de l’indicateur de sentiment est faible (élevé). A cet égard, nous avons ré-estimé le modèle (1) en remplaçant successivement la variable dépendante « prime value » par la performance des entreprises « value » puis par la performance des entreprises « growth ». Nos résultats confirment partiellement ceux de Baker et Wurgler (2006) : ici, le sentiment de l’investisseur n’influence significativement que la performance des entreprises « value »15. Toutefois, ce résultat est en accord avec Kumar et Lee (2006) qui constatent que les investisseurs individuels ont tendance à surpondérer leurs portefeuilles par des titres « value ». Ils trouvent ainsi une corrélation forte entre le sentiment de l’investisseur et la performance des titres « value », mais, en revanche, une faible relation avec les titres « growth ».

Tableau 5 : Influence du sentiment des investisseurs sur la performance des titres après contrôle des facteurs de risque

50Ce tableau présente les résultats de la régression du modèle (2) sur la période allant du 04 janvier 2004 au 25 décembre 2011. Formellement, le modèle économétrique à estimer se présente comme suit :

51RD - RF exprime la rentabilité du portefeuille dans lequel les titres des entreprises difficiles à évaluer et à arbitrer sont détenus et les titres des entreprises faciles à évaluer et à arbitrer sont vendus à découvert. GTNS est l’indicateur de sentiment basé sur les requêtes textuelles effectuées par les individus sur le moteur de recherche Google Trends. Les statistiques de test corrigées pour l’hétéroscédasticité et l’autocorrélation par la méthode de Newey et West (1987) sont présentées entre parenthèses. Adj. R2 est le R2 ajusté de la régression. Δ adj,R2 indique le gain de la variance expliquée par l’ajout du facteur sentiment par rapport au même modèle n’intégrant pas ce facteur. ***, **,* désignent respectivement les degrés de significativité au seuil de 1 %, 5 %, et 10 %.

  • 16 Les détails des résultats relatifs aux variables de contrôle ne figurent pas ici pour des questions (...)
  • 17 Certains chercheurs arguent qu’un R², associé à la variable sentiment, de l’ordre de 4 % est faible (...)
  • 18 Des tests de causalité de Granger (1969) ont été effectués pour clarifier le sens de causalité entr (...)

52Le tableau 5 ci-dessus présente les résultats de l’estimation du modèle (2) qui intègre les variables de contrôle16. Les résultats montrent que la variable sentiment reste positive et significative, même après avoir contrôlé pour l’effet des facteurs de risque traditionnels pour des horizons de placement allant de 1 à 13 semaines. Ainsi, la prise en compte des facteurs psychologiques, en plus des variables rationnelles, améliore le pouvoir explicatif de notre modèle et s’avère efficace pour prédire les rentabilités boursières. D’après le tableau 5, le gain du coefficient de détermination ajusté (R2) expliqué par l’ajout du facteur sentiment peut atteindre environ 3,6 %, par rapport au même modèle n’intégrant pas ce facteur. Le niveau incrémental du pouvoir prédictif de notre variable sentiment semble être satisfaisant et cohérent avec les résultats de la littérature. En effet, la plupart des études similaires enregistrent des ∆R2 de l'ordre de 4 % (Lee et al. 199117 et Lemmon et Portniaguina 2006), voire plus faibles (moins de 2 % pour Schmeling 2009). Notre résultat conforte la thèse de l’importance des facteurs psychologiques dans le processus de formation des prix des titres difficiles à évaluer et à arbitrer18.

53Ainsi, l’hypothèse comportementale est donc confortée par nos résultats. Quand l’indicateur de sentiment baissier (GTNS) est élevé, les entreprises, jeunes, qui ont des petites capitalisations boursières, un ratio book-to market élevé, et qui présentent des risques et coûts d’arbitrage élevés tendent à bénéficier d’une rentabilité plus élevée que les entreprises de caractéristiques opposées. L’effet inverse est observable quand le niveau de l’indicateur de sentiment est faible. Ces résultats reflètent la sous-évaluation (surévaluation) des entreprises difficiles à évaluer et à arbitrer quand le climat de la bourse est pessimiste (optimiste). Par ailleurs, en termes économiques, l’impact du sentiment des investisseurs sur les rentabilités tend à diminuer avec l’horizon, puisque le coefficient estimé voit sa valeur baisser à mesure que l’horizon croît. Ce résultat confirme ceux de Schmeling (2009). Ainsi, il semble que les limites à l’arbitrage deviennent plus faibles dans le long terme, ce qui suggère que les actions des noise traders n’ont pas d’effet permanent dans le long terme.

5. Conclusion

54Une large littérature existe en finance sur le sentiment des investisseurs et sur ses effets sur les marchés financiers. Dans cet article, en nous appuyant sur les travaux de Beer et al. (2013), nous testons l’effet d’une nouvelle mesure du sentiment des investisseurs sur les rentabilités des actions pour la France. Celle-ci puise ses racines, notamment, dans le domaine de la psychologie cognitive et de la linguistique. Pour évaluer l’influence du sentiment des investisseurs sur le marché des actions français, nous avons mené une étude empirique sur des données hebdomadaires en France sur la période janvier 2004 – décembre 2011. La France, eu égard au niveau d’adoption de Google par les internautes français, se révèle être un terrain particulièrement propice. En mobilisant la méthodologie, désormais classique, de Baker et Wurgler (2006), nous montrons que le sentiment des investisseurs français influence significativement la performance des titres difficiles à évaluer et à arbitrer sur des périodes allant d’une semaine à trois mois. Cet effet disparait à plus longue échéance, ce qui corrobore l’idée que les noise traders voient leur influence décliner dans le long terme et que leurs actions n’ont pas d’effet permanent sur le prix des actifs. Ainsi, une explication comportementale peut être attribuée à l’évaluation du prix des actifs en France. Nos résultats corroborent et complètent ceux obtenus par Beer et al. (2013). En effet, dans la présente étude, nous neutralisons les effets de la composante fondamentale en introduisant les primes de risque (taille, style et momentum) comme variables de contrôle. Ceci permet d’isoler l’influence du sentiment sur les rentabilités boursières. En outre, nous constatons que les effets du sentiment s’étendent à d’autres firmes que celles de petite taille.

55En termes opérationnels, nos résultats s’adressent plus particulièrement aux traders et gérants de portefeuille. En effet, cette mesure a l’agréable propriété d’être quasiment en temps réel. En cela, elle se rapproche donc des outils dont disposent certaines sciences expérimentales : Google, à partir des travaux de Ginsberg et al. (2009), propose un outil de mesure du degré d’épidémie grippale et cet outil se révèle en avance d’environ deux semaines sur les données obtenues à partir d’informations communiquées par les professionnels de santé en France. Ainsi, un véritable outil de santé publique découle de ces travaux de recherche. En finance, un tel avantage est non négligeable. Notre mesure peut permettre de mettre en place des stratégies financières profitables, puisqu’elle possède un caractère prédictif des rentabilités des actions sur le marché français et donne ainsi des indications sur les éventuels arbitrages profitables.

56Une voie de recherche future pourrait consister à mobiliser plus finement l’analyse textuelle. Dans cet objectif, une piste intéressante réside dans l’étude du contenu diffusé dans les journaux économiques et financier pour construire un indicateur de sentiment (cf. Tetlock 2007).

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Notes

1 Depuis septembre 2012, le service Google Trends a évolué : il mélange désormais les caractéristiques des anciens services Google Insights For Search et Google Trends. Cette nouvelle version propose des mesures proches, mais les données offertes ne sont plus calculées exactement de la même manière (mise à l’échelle différente). L’adresse est : http://www.google.fr/trends/

2 Selon AT Internet, en janvier 2004, Google représente 68,2 % du trafic généré ; en janvier 2006, 82,6 % ; en janvier 2008, 90 % et en décembre 2011, 92,7 %.

3 Ces enquêtes permettent d’étudier l’opinion des investisseurs sur l’évolution du marché financier dans les mois à venir : hausse, baisse ou stabilité. Les indices de sentiment représentent le pourcentage des investisseurs haussiers par rapport au total des investisseurs qui ont exprimé une opinion tranchée. Les enquêtes de l'Association Américaine des Investisseurs Individuels sont adressées aux petits épargnants alors que celles de la société « Investors Intelligence » s'orientent vers les éditeurs de lettres financières.

4 Par exemple, Isen et al. (1988) trouvent que l’individu, dont l’humeur devient soudainement positive, a tendance à éviter les déceptions et à éviter de prendre des positions risquées. De même, Lo et Repin (2002) rejettent l’hypothèse selon laquelle l’humeur positive induite par l’ensoleillement incite l’investisseur à sous-estimer le risque et à percevoir davantage de bonnes conditions économiques futures.

5 http://www.google.org/flutrends/

6 Baker et Wurgler (2007) notent que les économistes traitent les enquêtes auprès des individus avec suspicion, car des écarts existent entre les réponses produites et les comportements des individus.

7 Les catégories sont accessibles ici : http://www.wjh.harvard.edu/~inquirer/homecat.htm

8 Par exemple, les auteurs ont conservé le mot « crise », car il est associé à des recherches telles que « crise financière », « crise économique ». En revanche, ils ont exclu le mot « dépression », car dans l’usage qu’en font les internautes français, celui-ci relève assez nettement du champ médical, les recherches associées, référencées par Google, étant « dépression nerveuse », « symptômes dépression »).

9 Pour le lecteur désireux de connaître les détails de la mesure (résultats de l’analyse en composantes principales notamment), nous l’invitons à se reporter à Beer et al. (2013).

10 L’indice est calculé par une combinaison linéaire de six variables : la décote des fonds fermés, le volume des transactions sur le New-York Stock Exchange, le volume des introductions en bourse, la rentabilité initiale moyenne du premier jour après l'introduction, le ratio émissions d’actions/total émissions d’actions et de dettes et la prime de dividendes.

11 Suivant les recommandations de Chui et al. (2010), nous avons exclu, chaque semaine, de notre échantillon 5 % des entreprises ayant les plus faibles capitalisations boursières. Ce choix n’affecte pas les résultats obtenus. Un niveau de rentabilité est jugé excessif si Rt ou Rt-1 est supérieur à 300 % et (1 + Rt)(1 + Rt-1)−1 est inférieur à 50 %. Où, Rt et Rt-1 représentent respectivement les indices de rentabilités pour les semaines t et t-1.

12 Il s’agit de la rentabilité du marché en excès du taux sans risque (Rm-Rf), les facteurs taille (SMB) et book-to-market (HML). .

13 Le mois de décembre de l’année t-1 pour le ratio book-to market. Fama et French (1992) préconisent d’utiliser, à titre de prudence, un tel décalage entre variables comptables et variables de marché, afin de garantir que les variables comptables ne soient pas connues avant les rentabilités qu’elles sont supposées expliquer. Les portefeuilles associés au panel B sont donc construits le 30 juin t sur la base des données comptables de chaque fin d’année fiscale, soit décembre t-1.

14 Pour le panel A, nous n’incorporons pas dans le modèle la variable SMB comme variable de contrôle parce qu’elle est fortement corrélée par construction avec la variable dépendante prime de risque liée à la taille. De même, pour le panel B, la variable HML n’est pas introduite dans le modèle en raison de sa forte corrélation avec la prime « value ».

15 Nous ne rapportons pas ici le détail des résultats pour des raisons de brièveté.

16 Les détails des résultats relatifs aux variables de contrôle ne figurent pas ici pour des questions de place, mais ils sont disponibles sur demande.

17 Certains chercheurs arguent qu’un R², associé à la variable sentiment, de l’ordre de 4 % est faible. Cependant ce niveau reste acceptable, comme le soulignent Chopra et al. (1993), car d’autres travaux n’ont pu obtenir un meilleur pouvoir explicatif en introduisant même de nombreuses variables rationnelles, comme le travail de Chen, Roll et Ross (1986) avec l’introduction de facteurs macroéconomiques dans l'APT (Arbitrage Pricing Theory). On pourra, sur ce point, se reporter à un célèbre échange d’articles, publiés en 1993 dans le Journal of Finance, entre Chopra, Lee, Shleifer et Thaler d’un coté et Chen, Kan et Miller de l’autre.

18 Des tests de causalité de Granger (1969) ont été effectués pour clarifier le sens de causalité entre les rentabilités et le sentiment. En accord avec Beer et al. (2013), l’étude de causalité montre que l'influence de GNTS sur les rentabilités est beaucoup plus forte que la relation inverse.

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Table des illustrations

Titre Figure 1 : Evolution de l’indice de volume des recherches Google Trends pour le mot « crise » entre janvier 2004 et mai 2012
URL http://journals.openedition.org/fcs/docannexe/image/1458/img-1.jpg
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Titre Figure 2 : L’indicateur Google Trends Negative Sentiment
Légende Ce graphique présente l’évolution de l’indicateur Google Trends Negative Sentiment index (GTNS) du 04 janvier 2004 au 25 décembre 2011.
URL http://journals.openedition.org/fcs/docannexe/image/1458/img-2.jpg
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Pour citer cet article

Référence électronique

Fabrice Hervé et Mohamed Zouaoui, « Quand la psychologie et la linguistique rencontrent la finance : le cas de la France »Finance Contrôle Stratégie [En ligne], 17-1 | 2014, mis en ligne le 21 mars 2014, consulté le 19 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/fcs/1458 ; DOI : https://doi.org/10.4000/fcs.1458

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Auteurs

Fabrice Hervé

Université de Bourgogne
PEG, IAE Dijon et EA 7317 CREGO, 2 Bd Gabriel, BP 26611, 21066 DIJON Cedex
E-mail : fabrice.herve@u-bourgogne.fr

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Mohamed Zouaoui

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E-mail : mohamed.zouaoui@u-bourgogne.fr

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