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Sur le thème du colloque francophone international sur la formation supérieure à l'heure du numérique, Genève, octobre 2014

L’engagement et la persistance dans les dispositifs de formation en ligne : regards croisés

Engagement and Persistence in Distance Learning Settings: Multiple Perspectives
Gaëlle Molinari, Bruno Poellhuber, Jean Heutte, Elise Lavoué, Denise Sutter Widmer et Pierre-André Caron

Résumés

Les auteurs présentent ici les approches théoriques et méthodologiques qu’ils mobilisent dans leurs recherches pour étudier l’engagement et la persistance dans les dispositifs de formation à distance (FAD). Cet article s’organise en trois parties, correspondant à trois perspectives différentes de l’engagement : une partie sur l’engagement en FAD et dans les MOOC ; une partie sur l’engagement dans les jeux sérieux ; et une partie sur l’engagement dans les communautés et l’apprentissage collaboratif à distance. Chaque partie se propose de définir l’engagement, d’identifier les facteurs d’engagement et de rendre compte des mesures existantes de l’engagement. L’article s’achève par une synthèse des perspectives présentées, laquelle donne lieu à de nouveaux questionnements.

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Texte intégral

1. Introduction

1Nous observons actuellement le développement d’une variété d’offres de formations à distance (FAD) comme les MOOC validés par un certificat ou des formations plus classiques à visée diplômante. Les personnes qui entreprennent une FAD ont rarement l’expérience de ce type de formations, et n’ont pas souvent conscience des contraintes (personnelles et familiales) et exigences qu’une telle formation implique. Dans ce contexte, les apprenants pour réussir doivent : faire face au sentiment d’isolement, gérer leur temps de formation et s’organiser de sorte à apprendre dans le peu de temps qui leur est imparti (très souvent, ce sont des étudiants en emploi), parfois « réapprendre à apprendre » notamment pour les personnes qui sont sorties du cycle de formation depuis plusieurs années, savoir demander de l’aide et collaborer à distance. Mener à terme une FAD relève souvent du défi, et les questions d’engagement et de persistance dans ce contexte s’avèrent fondamentales.

2A notre connaissance, les recherches sur l’engagement et la persistance dans une FAD sont encore peu nombreuses, et il nous est apparu intéressant de proposer un atelier sur ce thème dans le cadre du Colloque Francophone International sur la Formation Supérieure à l’ère du Numérique (Université de Genève, 17-18 octobre 2014). Cet atelier se donnait trois buts : (1) mieux comprendre les facteurs de l’engagement et de la persistance, (2) déterminer les moyens d’évaluer, le cas échéant de modéliser, ces facteurs et leurs effets, et (3) s’interroger sur la façon dont les méthodes et outils techno-pédagogiques peuvent être améliorés pour renforcer/accompagner l’engagement et la persistance dans les dispositifs de FAD. Très vite, nous avons constaté des différences dans la façon de comprendre ce qui est entendu par « engagement » (nous venions de disciplines différentes : psychologie, sciences de l’éducation, informatique), et cette difficulté à trouver un consensus quant à la définition de cette notion nous a amenés à réduire les objectifs de l’atelier.

3Le présent article se propose de faire part de nos perspectives multiples sur l’engagement. Il s’agit d’un article rédigé à 12 mains tel un ouvrage à plusieurs auteurs, et qui comporte trois principales parties. Pour chaque partie, l’exercice a consisté pour les auteurs à discuter de l’engagement à travers le domaine dans lequel leurs recherches s’inscrivent et ce en respectant une trame commune : donner une définition de l’engagement, décrire la façon dont l’engagement s’opérationnalise (les mesures utilisées pour l’étudier), et évoquer les conditions et facteurs de l’engagement. Ainsi, dans une première partie, Poellhuber et Heutte parlent de l’engagement en FAD et dans les MOOC. La définition de l’engagement tout comme ses mesures s’appuient sur une approche socio-cognitive de la motivation. Dans cette partie, le terrain et le contexte à distance sont explicitement analysés. Dans une deuxième partie, Lavoué et Sutter Widmer se centrent sur l’engagement dans le contexte particulier des jeux sérieux, et proposent une définition qui tient compte à la fois des dimensions « jeu » et « apprentissage ». Dans cette partie, les jeux sérieux, de par leurs caractéristiques (applications informatiques interactives accessibles en ligne), sont considérés comme étant complètement adaptés à la FAD. Enfin, dans une troisième partie, Molinari et Caron s’intéressent à l’engagement dans les communautés en ligne et dans les activités d’apprentissage collaboratif à distance. Cette partie utilise différents cadres théoriques dont celui de Preece pour l’étude des conditions d’émergence et de succès des communautés en ligne, et celui des recherches dans le domaine CSCL (Computer-Supported Collaborative Learning). Dans cette dernière partie, l’apprentissage collaboratif est envisagé comme une méthode pédagogique qui permet de renforcer les interactions entre les étudiants en FAD et qui vise un apprentissage profond. L’article se termine par une synthèse qui rend compte des points divergents et convergents entre les trois parties, et propose des perspectives nouvelles sur la manière de considérer l’engagement.

2. L’engagement en FAD et dans les MOOC dans une perspective socio-cognitive 

4L’engagement, la persistance et leurs relations avec la réussite sont objets de préoccupation depuis longtemps dans le domaine de la FAD. Les avantages liés à la flexibilité des FAD peuvent être contrebalancés par des taux d’abandon parfois plus élevés que ceux observés pour les formations en présence. Ceci est particulièrement vrai pour les formations où l’apprenant est libre du choix des dates de début et de fin de ses cours, comme c’est le cas notamment pour les MOOC (Misko, 2001). Jordan (2014) rapporte ainsi qu’à peine 5-10 % des inscrits réussissent le MOOC auquel ils participent. Il est donc important de comprendre les raisons de ces abandons. Les recherches présentées ici visent à répondre à ce but en s’intéressant aux conditions psychologiques qui permettent le maintien de l’engagement. L’angle adopté est celui de la motivation et de l’engagement. Il existe encore peu de modèles qui explorent en profondeur les différentes dimensions cognitives, comportementales et socio-affectives de l’engagement et de sa persistance en contexte de FAD : c’est ce que nous souhaitons éclairer dans les lignes qui suivent.

2.1 Approche théorique de l’engagement en FAD

2.1.1 L’engagement scolaire et l’approche sociocognitive de la motivation

5En éducation, l’engagement est un concept polysémique, faisant l’objet d’une grande variété de définitions et d’interprétations. Dans la littérature nord-américaine, de nombreuses recherches se fondent sur une définition de sens commun ne reposant pas sur un fondement théorique précis. L’approche sociocognitive de la motivation (Bandura, 1986, 2003) est toutefois l’un des courants les plus utilisés pour étudier la persévérance et l’engagement des apprenants, ce quel que soit le type d’enseignement visé. Elle postule une interaction entre les caractéristiques de l’environnement d’apprentissage, celles de l’apprenant et ses comportements (Keller, 1983 ; Pintrich, 2000, 2003). Les caractéristiques de l’environnement interagissent avec les perceptions qu’un apprenant en a, au travers des processus cognitifs d’interprétation et d’anticipation. L’influence mutuelle de l’environnement et de l’apprenant va alors impacter le comportement, lequel, selon les résultats obtenus, pourra lui aussi exercer un effet en retour (voir le modèle de causalité triadique réciproque de Bandura, 1986).

6L’approche sociocognitive de la motivation a été la source d’inspiration des modèles motivationnels de type attente-valeur (Eccles et Wigfield, 2002 ; Pintrich, 2003) ainsi que le fondement de la théorie de l’autodétermination (Deci et Ryan, 1985, 2000) et du courant de la psychologie positive (Gable et Haidt, 2011 ; Seligman et Csikszentmihalyi, 2000). Dans les domaines de l’éducation et de la formation, ce courant s’intéresse notamment à « l’étude scientifique des conditions et des processus qui contribuent à l’épanouissement et/ou au fonctionnement optimal des apprenants … ; des communautés (réelles, comme virtuelles) … ; des … dispositifs d’éducation et de formation » (Heutte et al., 2013, p. 32).

7Les modèles attente-valeur distinguent entre les attentes/anticipations (sentiments de contrôle et d’auto-efficacité) d’une part, et la valeur accordée à une tâche (importance, pertinence, intérêt, orientation de buts) d’autre part. Ces différents aspects de la motivation déterminent le degré d’engagement et la persévérance dans une tâche (ou activité) donnée, et ont potentiellement des effets sur la performance scolaire (Pintrich, 2003 ; Viau, 2003). Engagement et persévérance (ou persistance) sont très proches conceptuellement, les deux termes étant parfois utilisés de manière interchangeable ou jugés quasiment équivalents. Dans plusieurs modèles sociocognitifs, l’engagement est vu comme résultant d’attentes et de perceptions de valeurs positives. Dans d’autres, l’engagement est directement considéré comme une composante de la motivation (Fenouillet, 2012) ou un indicateur de motivation (Viau, 2003). Le sentiment d’auto-efficacité, au cœur de la théorie de Bandura, a des dimensions individuelle et collective. L’auto-efficacité renvoie aux croyances que les individus ont de leurs capacités – personnelles et collectives – à réaliser des tâches, à atteindre des performances attendues, à « mobiliser la motivation, les ressources cognitives et les comportements nécessaires pour exercer un contrôle sur les événements de la vie » (Heutte, 2014, p. 163). Plus grand est le sentiment d’auto-efficacité, plus élevés sont les buts que se donne la personne, et plus important est son engagement dans la poursuite de ces buts. L’auto-efficacité est le mécanisme central de l’agentivité définie comme : (1) le fait d’exercer une influence personnelle sur son propre fonctionnement et son environnement (Bandura, 1986) ; (2) la puissance personnelle d’agir (Ricœur, 2000) et (3) le pouvoir personnel (et collectif) d’agir (Nagels, 2005). Un lien étroit existerait entre le sentiment de contrôle sur une activité (en partie lié au sentiment d’auto-efficacité) et l’engagement dans cette activité.

8La théorie de l’autodétermination (TAD) (Deci et Ryan, 2000) envisage autrement les liens entre contrôle et engagement. Selon elle, les différents types de motivation se situent dans un continuum d’autodétermination qui passe d’une régulation externe (motivation extrinsèque) à une régulation interne. La TAD postule aussi que l’humain tend à satisfaire trois besoins de base : l’autodétermination, la compétence et la relation à autrui (Laguardia et Ryan, 2000). Ces besoins déterminent le type de motivation et l’orientation du comportement.

9Enfin, plusieurs auteurs (Axelson et Flick, 2010 ; Bourgeois, 2011 ; Carré et al., 2001 ) distinguent l’engagement dans un projet de formation et l’engagement dans l’apprentissage lui-même. En reprenant la perspective de Deci et Ryan pour adultes en formation, Carré et al. proposent un modèle de l’engagement tenant compte de ces 2 dimensions.

2.1.2 Les dimensions de l’engagement scolaire

10Pour les auteurs nord-américains les plus influents dans le domaine de l’engagement scolaire (Fredricks et al., 2004 ; Linnenbrink et Pintrich, 2003), ce dernier comprend plusieurs composantes en interaction dont une comportementale, une cognitive et une affective. Chacune de ces facettes peut être vue comme variant quantitativement et qualitativement.

11Selon la synthèse de la littérature effectuée par ces auteurs, la définition de l’engagement comportemental se fonde sur l’idée de participation et d’indicateurs observables de cette participation. La notion de participation renvoie elle-même à différents niveaux : le respect des règles de la classe et l’absence de comportements dérangeants ; l’effort, la concentration, l’attention et la participation aux activités en classe ; la participation à des activités extra-curriculaires. Certains auteurs abordent la question de l’engagement social en axant le concept sur l’idée de la participation des élèves aux activités du groupe et aux activités parascolaires (Willms et al., 2009). L’engagement social est ainsi inclus dans la définition de l’engagement comportemental proposée par Fredricks et al. (2004), et est aussi en lien avec l’engagement émotionnel car présuppose un sentiment d’appartenance à l’école.

12L’engagement cognitif se rapporte à l’investissement des ressources cognitives et à l’effort mental déployé lors de la réalisation d’une tâche. Il peut être envisagé sous un angle quantitatif (quantité de ressources allouées à la tâche, intensité des efforts) et qualitatif (degré de sophistication des stratégies d’apprentissage, adéquation des efforts). Ainsi, un apprenant peut investir beaucoup de ressources dans la mise en œuvre d’une stratégie peu sophistiquée ou une même quantité de ressources dans une stratégie plus sophistiquée. L’engagement comportemental est lié à l’engagement cognitif dont il est souvent un bon indicateur mais pas toujours. Ainsi, les manifestations observables de l’engagement nous renseignent peu sur les stratégies mobilisées durant l’effort. Par exemple, le fait de regarder le professeur en train de donner une explication peut traduire l’attention consacrée aux propos, mais n’exclut pas que l’apprenant soit en train de penser à tout autre chose. La notion d’effort mental est en lien avec à la fois l’engagement comportemental et l’engagement cognitif, car l’effort comporte des signes visibles et donc observables. On pourrait considérer la quantité d’effort fourni (temps investi dans l’activité, maintien de l’effort tout au long de l’activité) comme un indicateur davantage de l’engagement comportemental, alors que la qualité de ces efforts serait plutôt reliée à l’engagement cognitif, un apprenant pouvant déployer des stratégies rudimentaires de répétition pour l’encodage, et un autre pouvant faire preuve d’une forte capacité de réguler ses efforts en choisissant les stratégies appropriées, en surveillant leur déploiement et leur résultat de sorte à les réajuster si besoin.

13L’engagement émotionnel se réfère aux émotions positives ou négatives (par exemple, l’intérêt, la tristesse ou l’anxiété) que les apprenants ressentent à l’égard de l’école, de leurs enseignants et leurs pairs, ou encore du contenu à apprendre voire de l’acte même d’apprendre. On peut établir un lien entre l’engagement émotionnel ainsi défini et la composante affective de la valeur dans le modèle de Pintrich (2003), aspect que Pintrich considère lui-même comme étant sous-exploité dans les modèles de la motivation.

14 Enfin, la motivation, l’engagement et l’autorégulation ont entre eux des liens complémentaires. Un étudiant ayant un fort sentiment d’efficacité personnelle et des attentes de succès élevées sera plus susceptible de s’engager dans une activité, de persévérer et de déployer des stratégies cognitives et métacognitives appropriées, ce qui le conduira à de meilleurs résultats qui conforteront en retour son sentiment d’auto-efficacité.

2.1.3 L’engagement et le flow (l’émotion de l’expérience optimale)

15 Fredricks et al. (2004) font un rapprochement entre l’engagement émotionnel et le flow en indiquant que le flow correspond à un « degré élevé d’engagement ou d’investissement émotionnel » (p. 63, traduction libre). Le flow (Csikszentmihalyi, 1990, 2014) correspond à un état psychologique et physiologique (émotion) caractérisé par un sentiment de fluidité mentale lié à une concentration intense (engagement volontaire) dans une activité. Il se manifeste quand il y a perception d’un équilibre optimal entre les compétences personnelles et les exigences de la tâche (Engeser et Schiepe-Tiska, 2012). Le flow est qualifié d’expérience autotélique dans la mesure où c’est le bien-être procuré par l’activité elle-même qui alimente la persistance dans cette activité. Ainsi, l’état de flow est à la fois une des conséquences de l’engagement, et une des conditions majeures de la persistance, notamment via le désir (parfois même le besoin) d’un réengagement dans l’activité en raison du bien-être qu’elle procure en tant que telle. Heutte et al. (2016) ont proposé une modélisation du flow en contexte éducatif (EduFlow) qui comporte 4 dimensions : le contrôle cognitif ; l’immersion et l’altération de la perception du temps ; l’absence de préoccupation à propos du soi ; l’expérience autotélique. Un apprenant peut ressentir le flow lorsque, par exemple, les actions qu’ils réalisent pour comprendre, notamment celles qui réclament une attention soutenue, semblent couler de source avec une fluidité telle qu’à aucun moment sa compréhension ne sera interrompue par une quelconque inquiétude concernant ce qu’il faut faire pour y parvenir ou ce que les autres pourraient en penser.

16Le concept d’absorption cognitive (AC) décrit par Agarwal et Karahanna (2000) reflète un profond état d’engagement lié à un épisode d’attention totale qui absorbe entièrement les ressources cognitives au point que plus rien d’autre n’importe que de comprendre, ce qui a notamment pour conséquence immédiate que pratiquement plus rien ne peut effectivement perturber la concentration exclusivement centrée sur la compréhension (Heutte, 2015). L’AC est liée à un intérêt intrinsèque envahissant pour l’activité et se produit à certains égards aux dépens du sujet qui est, en quelque sorte, pris au piège de son propre intérêt (Heutte, 2014). Le contrôle cognitif, l’immersion/l’altération de la perception du temps et l’absence de préoccupation à propos de soi sont les 3 composantes de l’AC (Heutte et al., 2016).

2.2 Mesures de l’engagement scolaire en FAD et dans les MOOC

17La mesure des différentes formes d’engagement définies ci-avant consiste essentiellement en l’évaluation des perceptions que les apprenants ont d’eux-mêmes ou des perceptions que les enseignants ont de l’engagement des apprenants. Elle repose également sur des grilles d’observation souvent utilisées pour la mesure de l’engagement comportemental. Fredricks et al. (2011) font une recension de 21 instruments destinés à mesurer l’engagement comportemental, cognitif ou émotionnel. Les questionnaires auto-rapportés par les étudiants constituent 14 des 21 instruments utilisés. Les autres instruments recensés sont 4 grilles d’observation et 3 questionnaires aux enseignants.

2.2.1 La mesure de l’engagement par les questionnaires

18Dans la recherche que nous menons sur les MOOC francophones (Poellhuber et al., 2014 ; Roy et al., 2015), nous avons traduit (en français), validé et utilisé le Motivated Strategies Learning Questionnaire (MSLQ) que Pintrich et ses collaborateurs (2000) ont développé en lien avec leur modèle de l’apprentissage auto-régulé, en suivant le processus d’adaptation transculturelle suggéré par Vallerand et Thill (1993). Ce questionnaire comprend une section sur la motivation et une autre sur l’engagement cognitif envisagé sous l’angle des stratégies d’apprentissage. La section sur la motivation comprend deux sous-échelles liées aux attentes : une échelle d’auto-efficacité et une échelle des perceptions de contrôle. Trois sous-échelles sont reliées à la dimension valeur : l’orientation intrinsèque des buts, l’orientation extrinsèque des buts et la valeur de la tâche. Dans le contexte des MOOC, nous n’utilisons pas la sous-échelle d’anxiété aux tests qui comprend des énoncés. La composante cognitive de l’engagement est représentée par des échelles sur les stratégies cognitives (répétition, organisation, élaboration), métacognitives (auto-régulation, pensée critique, gestion du temps et de l’environnement) et socio-cognitives (apprentissage entre pairs, recherche d’aide). Nous travaillons également à adapter et valider d’autres échelles de questionnaire au contexte des MOOC francophones comme le questionnaire de Carré et al. (2001) qui aborde la question des motifs d’engagement ou des raisons pour lesquelles des adultes s’engagent dans un projet de formation, dimension non abordée par le MSLQ.

19L’échelle de motivation en éducation (EME) basée sur la TAD est aussi l’un des outils de mesure les plus utilisés (Vallerand et al., 1989). Elle comprend 28 items mesurant 3 formes de motivation intrinsèque (connaissance, stimulation, accomplissement) et extrinsèque (externe, introjectée, identifiée) ainsi que l’amotivation. Fenouillet et al. (2015) se sont appuyés sur l’EME pour créer l’échelle de motivation en formation d’adultes (EMFA, 24 items) qui intègre une mesure de la régulation intégrée, forme la plus autodéterminée de la motivation extrinsèque. L’EMFA peut être utilisée dans le contexte d’un MOOC.

20A partir de notre modèle EduFlow (Heutte, 2014, 2015), nous avons élaboré une échelle de mesure du flow éducatif qui est courte (12 items) et multidimensionnelle. Quatre sous-échelles sont proposées relatives aux 4 dimensions du flow : le contrôle cognitif ; l’immersion/l’altération de la perception du temps ; l’absence de préoccupation à propos du soi ; l’autotélisme. La mesure de l’absorption cognitive est obtenue par l’agrégation des 3 premières sous-échelles. La robustesse psychométrique de l’échelle EduFlow a été prouvée en FAD et en contexte d’usage de jeux sérieux (Heutte et al., 2014, 2016).

2.2.2 L’analyse des traces pour mesurer l’engagement comportemental

21En contexte de classe, un chercheur peut utiliser les comportements observables des élèves pour évaluer la quantité d’efforts et mesurer l’engagement comportemental. Dans le contexte des FAD et notamment des MOOC, ce type de mesures est difficilement accessible. Cependant, dans les environnements d’apprentissage informatisés, les activités des apprenants peuvent être conservés sous la forme de logs permettant ainsi de garder la trace des différentes pages visitées et des différentes actions effectuées. Dans le contexte des MOOC, plusieurs chercheurs adoptent une approche fondée sur l’analyse des traces informatiques laissées par les apprenants dans ces environnements (learning analytics) afin de mieux comprendre leurs comportements. Ces approches sont alternativement fondées sur une définition très globale de l’engagement, sans véritable référent théorique (Downes, 2010, cité par Fournier et al., 2011), ou sur la détection de patterns de comportement très spécifiques, qu’on peut effectivement relier à des formes particulières d’engagement.

22Les traces de l’activité des participants dans un MOOC peuvent être transformées pour représenter une mesure de l’engagement comportemental (Poellhuber et al., 2014), ce qui a des incidences considérables sur la manière de les organiser et les simplifier afin qu’elles correspondent bien au construit théorique. Dans une initiative de recherche menée actuellement sur les MOOC (EDULIB, edulib.org), l’engagement a été modélisé comme un continuum de participation aux diverses activités accessibles : consultation des vidéos, des documents du cours ; tests et quizzs ; forums de discussion. Pour chacun de ces types d’activités, des variables ordinales ont été créées à partir des traces. Par exemple, l’activité de chaque apprenant dans les forums a été recodée en une variable ordinale représentant un continuum : aucune activité dans les forums (niveau 0), activités de lecture des forums (niveau 1), réponses à un ou à des messages (niveau 2), envoi d’un message constituant un nouveau fil de discussion (niveau 4). La même démarche a été utilisée pour l’ensemble des types d’activités. Si les traces peuvent être considérées comme des mesures objectives de l’engagement comportemental, elles en disent toutefois peu sur l’engagement cognitif, c’est-à-dire sur les stratégies utilisées ou le degré effectif d’investissement intellectuel ou affectif.

2.2.2 Résultats, limites et perspectives

23 Une analyse typologique des traces a mis en évidence 5 profils d’apprenants différents : le fantôme, l’auto-évaluateur, le lecteur curieux, l’actif indépendant et l’actif social (Poellhuber et al., soumis). Ces résultats sont éclairants, mais pour comprendre le sens de certains comportements (par exemple, celui des auto-évaluateurs qui n’ont pour seule activité que les tests), il est envisagé de recourir à des analyses plus qualitatives. Dans cette recherche, les échelles de motivation utilisées permettaient très mal de prédire l’engagement ou la persévérance, exceptées les 2 sous-échelles d’orientation de buts. Par contre, le profil des activités réalisées en début de MOOC constitue un bon prédicteur de la persévérance (Poellhuber et al., 2014). L’approche actuellement envisagée consiste à mettre en relation l’engagement comportemental comme révélé par l’analyse des traces avec différentes dimensions de la motivation, de l’engagement cognitif et de l’auto-régulation (par l’utilisation du MSLQ notamment), ainsi qu’en un éclairage plus qualitatif sur le sens donné par les usagers et apprenants à ces comportements, au travers d’entrevues semi-dirigées et d’auto-confrontation, qui feront partie du dispositif méthodologique dans ses prochaines étapes. L’absence de lien entre les comportements dans les traces et les mesures d’engagement cognitif suggèrent d’aborder la mesure de l’engagement cognitif d’une manière radicalement différente. Ainsi, des méthodologies plus qualitatives recourant à des enregistrements vidéo de séances de travail des participants, dans des formules apparentées à l’auto-confrontation ou à des protocoles de verbalisation à voix haute sont envisagées. Il serait aussi possible de recourir à l’analyse de séquences pour identifier des comportements types correspondant à des niveaux très bas ou très élevés d’engagement cognitif, et d’éclairer ces séquences à l’aide d’entretiens semi-dirigés. Par ailleurs, lorsqu’ils s’investissent dans un MOOC, les apprenants ne se limitent pas à des activités dans la plate-forme d’apprentissage. L’étude de la manière dont ils configurent et utilisent leur environnement d’apprentissage personnel permettrait de comprendre de manière plus holistique leur engagement dans le MOOC.

24Afin d’étudier l’engagement et la persistance des apprenants dans des communautés en ligne, Heutte a élaboré un modèle psycho-socio-conatif de la motivation à apprendre avec les autres via les contributions et complémentarités des trois théories du self décrites en amont (autodétermination, auto-efficacité, autotélisme-flow) : le Modèle Heuristique du Collectif Individuellement Motivé (MHCIM ; Heutte, 2014, 2015). L’hypothèse de ce modèle est que le bien-être psychologique est une des conditions du développement optimal des individus et des groupes dans les lesquels ils apprennent, travaillent ou jouent, donc de leur engagement dans des activités collectives qui renforcent leur(s) apprentissage(s). Dans plusieurs études longitudinales, Heutte (2014) a mis en évidence que le sentiment d’efficacité collective avait un impact direct (plus important que celui d’efficacité personnelle) sur le contrôle cognitif qui est une des conditions du flow. Le MHCIM permet d’envisager le principe d’une ingénierie de formation autotélique (s’appuyant sur le flow des multiples participants) dont l’énergie principale est co-produite par les interactions et les contributions de l’ensemble des apprenants. Finalement, de par le nombre de répondants très élevés qui y sont accessibles, les MOOC forment un contexte idéal pour le développement d’outils psychométriques et de modélisations théoriques sophistiqués pouvant être validées à l’aide de techniques telles que les équations structurelles.

3. L’engagement dans les jeux sérieux1

  • 1 https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeu_sérieux

25La question de l’engagement est omniprésente dans les jeux sérieux dont le but est spécifiquement de rendre l’activité d’apprentissage plus engageante. Les jeux sérieux sont de plus en plus disponibles en ligne, et permettent à l’apprentissage à distance d’être plus ludique et accessible au plus grand nombre. Certains programmes de FAD intègrent aujourd’hui dans leurs scénarios pédagogiques des activités de jeux sérieux, le plus souvent sous forme de quizz ou de simulations. Dans cette partie, nous nous intéressons à définir l’engagement dans le cadre particulier des jeux sérieux, prenant en compte à la fois les dimensions « jeu » et « apprentissage ». Nous présentons également les facteurs de l’engagement définis dans la littérature, ainsi que les mesures utilisées dans ce contexte.

3.1 L’engagement dans les jeux sérieux

26La capacité des jeux vidéo à engager fortement les joueurs dans une activité est un de leurs principaux attraits, et est à l’origine de la création de jeux « sérieux » avec pour but de rendre l’apprentissage plus motivant. Cependant, l’engagement dans les jeux est une notion difficile à cerner, complexe et multi-factorielle. Dans l’univers des jeux vidéo, elle réfère aussi bien à un processus qu’à un état cognitif et émotionnel, en associant bien souvent les raisons pour lesquelles les joueurs ont envie de jouer pour vivre ou revivre une telle expérience.

27Selon l’approche de l’engagement en tant que processus, Jennett et al. (2008) soulignent que l’expérience psychologique d’engagement dans un jeu vidéo n’est pas forcément optimale comme l’entend la notion de flow, mais que différents niveaux d’immersion, fluctuant en fonction des tâches effectuées, peuvent être mesurés tout au long du jeu. Sur la base de la synthèse de plusieurs théories, O’Brien et Toms (2008) décrivent le processus d’engagement en tant qu’une succession de points d’engagement, de désengagement et de réengagement. Brockmyer et al. (2009) considèrent l’engagement comme un indicateur générique de l’implication dans le jeu, pouvant évoluer selon un barème progressif. Suivant ce barème, l’engagement évolue de l’immersion (niveau le plus bas), à la présence, au flux, pour finalement atteindre l’absorption psychologique (niveau le plus élevé).

28En tant qu’état, l’engagement est souvent associé au plaisir qu’éprouve le joueur à s’engager dans un jeu et à y rester. Le flow est le terme le plus connu pour décrire l’émotion provoquée par le sentiment de vivre une expérience optimale. Dans cette perspective, l’engagement est considéré comme un état subjectif, observable uniquement par le sujet, qui résulte de l’interaction, à un moment spécifique, du sujet avec une activité donnée (Whitton, 2010) O’Brien et Toms (2008) définissent l’engagement comme étant la qualité de l’expérience utilisateur avec la technologie qui se caractérise par le défi, l’esthétique et l’attrait sensoriel, la rétroaction, la nouveauté, l’interactivité, le contrôle et le temps perçus, l’awareness, la motivation, l’intérêt, et l’affect. Chen et al. (2011) définissent l’engagement comme un niveau soutenu de participation provoqué par la capture de l’intérêt du sujet, qui maintient la majorité de ses ressources attentionnelles en le plaçant dans un état d’immersion. En référence à l’immersion, Brown et Cairns (2004) définissent l’engagement comme le niveau le plus bas de l’immersion, le niveau le plus élevé étant l’immersion totale.

29Ainsi, ces définitions font référence à un ensemble de concepts ambigus qu’il est difficile, sur la simple base de ces travaux, de situer les uns par rapport aux autres. Pour cette raison, nous avons proposé de situer l’engagement selon deux facteurs : l’attention et la conscience du joueur, selon qu’elles soient tournées vers l’environnement du jeu ou le jeu lui-même (du monde réel au monde virtuel) (Bouvier et al., 2014a). L’engagement est alors décrit comme un état apparaissant lorsque les facteurs d’immersion liés au média (forme du jeu) et les facteurs liés aux scénario et contenus répondent aux caractéristiques et attentes des joueurs (perceptuelles, intellectuelles, interactionnelles).

30Ces nombreuses définitions de l’engagement dans les jeux vidéo nous renseignent sur des facteurs de l’engagement dans les jeux sérieux, ne pouvant s’expliquer par la seule dimension sérieuse du jeu. L’effort cognitif demandé pour un apprentissage par les jeux sérieux sera favorisé (ou non) par les autres types d’engagement que l’on retrouve dans les jeux vidéo en général comme vus dans cette partie. Plusieurs facteurs entrent en compte dans l’engagement dans les jeux sérieux et nous proposons ci-après une classification.

3.2 Les facteurs de l’engagement dans les jeux sérieux

31Comme le montrent les définitions de l’engagement exposées ci-avant, les facteurs l’influençant sont tout aussi variés et complexes à identifier, d’autant plus dans les jeux sérieux. En effet, les facteurs de l’engagement font appel aux deux composantes « jeu » et « apprentissage » qui ont des liens forts mais qui répondent à des logiques et finalités qui ne se recoupent pas forcément. Ainsi, les jeux vidéo contiennent des principes que l’on retrouve dans un apprentissage actif et situé comme la nécessité de prendre des décisions rapides à partir de sources d’information différentes, de développer des stratégies pour surmonter des obstacles, de comprendre des systèmes complexes à travers l’expérimentation (Gee, 2003). Ils exercent une fonction cognitive dans la mesure où ils requièrent une réflexion critique et des compétences de résolution de problèmes (Rieber, 1996). Cependant, jeu et apprentissage ont des caractéristiques intrinsèques qui peuvent entrer en conflit.

32Le jeu est, par définition, une activité libre et volontaire, non sérieuse, procurant amusement et plaisir, soumis à des règles spécifiques, séparé de la vie réelle d’un point de vue spatio-temporel, qui doit donner l’illusion de pouvoir accomplir, sans risque, des actions dangereuses. En revanche, l’apprentissage est perçu comme une activité sérieuse et sous-tendue par des buts de formation comprenant une ou plusieurs évaluations. Il s’ensuit que tout comportement engagé dans le jeu ne va pas forcément profiter à l’acquisition des connaissances intégrées au jeu. Nous avons identifié 4 types de comportements engagés (Bouvier et al., 2014a), traduisant des besoins et objectifs différents selon les joueurs : (1) environnementaux – la volonté d’explorer et modifier l’environnement de jeu, (2) sociaux – la recherche de relations sociales avec des agents humains ou virtuels, (3) de soi – l’identification à l’avatar avec la visée de l’améliorer, le déguiser et le personnaliser pour le distinguer des autres avatars et (4) d’action – la recherche dans le scénario du jeu de challenges à relever afin de les remporter pour passer les niveaux le plus rapidement possible. Ainsi, les joueurs peuvent avoir des comportements engagés dans le jeu, sans que ce soit dans l’objectif d’apprendre. Par exemple, un apprenant souhaitant développer son réseau va interagir avec d’autres sans que le contenu des messages soit lié aux connaissances et compétences à acquérir. S’il est en quête de challenges, il peut chercher à augmenter son score sans tenir compte des feedbacks pédagogiques donnés dans le jeu.

33Les jeux sérieux, de par leur double fonction, sont sous l’influence de facteurs de l’engagement qui sont aussi bien propres au jeu qu’à l’apprentissage ainsi que de facteurs communs aux deux domaines. Si l’on se situe du point de vue des facteurs motivationnels propres à l’apprenant-joueur, le sentiment de compétence et d’efficacité personnelle, par exemple, s’applique aussi bien au contenu d’apprentissage qu’au jeu lui-même. Certains apprenants peuvent se sentir peu sûrs d’eux-mêmes à l’idée de s’engager dans un jeu dont ils ne sont pas familiers alors qu’ils se sentent confiants par rapport à leurs capacités à réussir les activités liées au contenu d’apprentissage, et inversement (Sutter Widmer et Szilas, 2015). A cela s’ajoute des facteurs spécifiques au jeu sérieux comme la valeur accordée à un apprentissage effectué à travers un jeu ou la représentation que l’on peut avoir de l’association de deux dimensions considérées par certains comme antinomiques (Ritterfiel et al., 2009). Les adolescents, notamment, sont généralement plus enclins que les enfants à considérer que le jeu est par définition non éducatif et que l’apprentissage est tout sauf une source d’amusement et de plaisir (Ritterfeld et al., 2009). Les différents facteurs motivationnels se combinent donc pour promouvoir ou entraver l’engagement dans un jeu sérieux et agissent à différents niveaux, cognitif et émotionnel, qui auront un impact sur la manière de jouer et sur le produit de l’apprentissage.

34Combinant les dimensions jeu et apprentissage, Malone et Lepper (1987) ont identifié quatre catégories de motivations intrinsèques au jeu qui vont avoir un impact sur l’engagement des apprenants et l’acquisition de connaissances : (i) un niveau optimal de défi (challenge), autrement dit des activités ni trop difficiles ni trop faciles pour l’apprenant-joueur ; (ii) la curiosité, qui prend la forme d’activités avec des éléments de surprise et de nouveauté d’un point de vue cognitif ou sensoriel ; (iii) le contrôle d’un environnement spécifique qui se définit par la présence d’un grand nombre d’options, par la probabilité que les réactions du système sont le résultat de ses décisions et par la force de l’impact de chacune de ses actions ; (iv) un monde fictionnel ou imaginaire qui répond à des besoins d’ordre émotionnel en autorisant le joueur à vivre des expériences gratifiantes comme le pouvoir ou le succès. D’autres éléments, considérés comme des pré-requis à l’émergence du flow, participent également à l’engagement dans un jeu sérieux tels que des buts et objectifs clairement fixés et une rétroaction immédiate à chacune des actions du joueur. Whitton (2010) propose un ensemble de facteurs combinant les facteurs intrinsèques au jeu et au joueur : (i) le challenge - la motivation pour entreprendre l’activité, la clarté quant à ce que cela implique, et la perception que la tâche est réalisable ; (ii) le contrôle - l’équité de l’activité, le niveau de choix sur les types d’actions à réaliser, la vitesse et la transparence des feedbacks ; (iii) l’immersion - le degré avec lequel l’individu est absorbé dans l’activité ; (iv) l’intérêt intrinsèque pour l’activité ou son contenu ; (v) le but - la valeur perçue de l’activité, si elle est considérée comme utile dans le contexte de la formation. Ces différents facteurs devraient avoir un effet positif sur l’engagement cognitif et émotionnel des joueurs-apprenants.

3.3 La mesure de l’engagement dans les jeux sérieux

35Différents indicateurs servent à mesurer les déterminants motivationnels, le degré de l’engagement et la qualité de l’expérience perçue à différents moments de l’activité.

36En amont et/ou en aval de l’activité, sont généralement mesurés l’attitude envers la discipline, l’intérêt pour l’activité et les savoirs en jeu, le sentiment de compétences dans le domaine d’apprentissage ou encore l’estime de soi à travers des questionnaires auto-administrés et des tests d’évaluation. Ces questionnaires très généraux, non spécifiques aux jeux sérieux, ont été introduits dans la partie précédente de l’article. En aval de l’activité, différentes mesures ont été développées qui renseignent sur la perception qu’ont les apprenants de la qualité de l’expérience de jeu et de leur engagement. Comme indicateurs, nous retenons 4 éléments : une attention entièrement fixée sur l’action en cours, l’exclusion de la conscience des distractions, l’altération de la perception du temps et l’effacement temporaire de la conscience de soi qui dénotent une forte implication dans l’activité et un état d’immersion. Ces mesures subjectives sont recueillies via des questionnaires comme ceux proposés par Jennett et al. (2008) pour mesurer l’attention accordée et par Brockmyer et al. (2009) pour mesurer l’immersion. D’autres indicateurs complémentaires portent sur le degré de satisfaction et de plaisir éprouvés par les joueurs durant l’activité et le sentiment d’avoir des capacités adaptées au degré de difficulté du jeu sérieux qui peut se manifester par le sentiment de s’être bien débrouillé ou à l’inverse de ne pas avoir toujours su ce qu’il fallait faire. Novak et Hofmann (1997), par exemple, ont construit, pour les utilisateurs du Web, un questionnaire visant à mesurer le flow en termes d’adéquation entre des aptitudes élevées et un niveau de défi correspondant, qui met l’accent sur l’éventail de sentiments (ennui, excitation, apathie, inquiétude, contrôle, etc.) suscités lors d’un déséquilibre entre ces deux dimensions. Sweetser et Wyeth (2005) ont développé un modèle, nommé GameFlow, pour évaluer le niveau de plaisir éprouvé dans les jeux. A partir de ce modèle, Fu et al. (2009) ont développé EgameFlow, une échelle de mesure spécifique aux jeux pédagogiques.

37Durant la phase de jeu, le rythme de progression, le passage entre les différents niveaux et la persistance malgré les obstacles rencontrés, ont été considérés comme des indicateurs d’un engagement plus ou moins important dans l’activité (Sutter Widmer et Szilas, 2015). D’autres comportements observables durant le jeu, à travers l’étude des traces, nous ont révélé un sentiment d’aisance ou de désorientation, que cela soit du point du vue de l’environnement ludique ou des contenus pédagogiques abordés. Enfin, certaines données renseignent sur les processus d’engagement et de désengagement en cours ou en devenir (erreurs en cascade), que ce désengagement soit temporaire (longues pauses entre deux actions) ou définitif (mise à terme d’une activité). L’apprenant réalise ainsi un ensemble d’actions (processus de prise de décisions), possiblement par ou à travers un avatar, qui peuvent être collectées sous la forme de traces d’interaction. Dans Bouvier et al. (2014b), nous avons proposé une approche pour analyser le comportement des joueurs à partir de ses traces d’interaction, un comportement correspondant à une chaîne d’actions (agrégation d’actions effectivement réalisées par le joueur dans le jeu). Considérer des chaînes d’actions temporellement situées plutôt que les actions isolées apporte des informations contextuelles interprétables sur les comportements, permettant ainsi leur compréhension.

38Enfin, d’autres mesures en situation de jeu reposent sur l’observation du comportement des joueurs ou s’appuient sur des appareillages plus sophistiqués afin de mesurer de manière objective les manifestations ou réponses inconscientes ou spontanées de l’utilisateur résultant de son engagement. Nous pouvons notamment citer les techniques psychophysiologiques (Mandryk et al., 2006), le traçage du regard (Jennet et al., 2008) ou encore les mouvements du corps (Bianchi-Berthouze, 2013). Ces méthodes physiologiques ou comportementales apportent des résultats très prometteurs, mais la technologie mise en œuvre peut être complexe et intrusive, et ainsi perturber l’expérience de l’utilisateur.

3.4 Les limites aux mesures de l’engagement dans les jeux sérieux

39Ce large panel de mesures (questionnaires, traces d’interaction, etc.) offre la possibilité de collecter de multiples données sur l’engagement à différents moments de l’activité de jeux sérieux. Cependant, toutes ces données sont hétérogènes et donc difficiles à agréger pour obtenir des résultats reflétant la complexité des multiples facteurs de l’engagement. Ceci peut expliquer que les études sont généralement centrées sur un ou seulement quelques facteurs et très rarement sur les liens entre ces facteurs, ne reflétant ainsi qu’une vue très parcellaire. De plus, les données collectées ne se corroborent pas forcément. Par exemple, l’observation des traces d’interaction peuvent refléter un engagement du joueur dans le jeu sérieux, sans pour autant que les résultats à des tests de connaissances montrent un apprentissage effectif. En effet, un comportement engagé dans le jeu n’implique pas forcément un apprentissage de la part de l’apprenant-joueur. Celui-ci peut « se prendre au jeu » sans suivre le scénario attendu et acquérir ainsi les connaissances et compétences sous-jacentes. Le lien entre le plaisir éprouvé durant l’activité et l’acquisition de nouvelles connaissances n’est pas non plus automatique et il n’y a pas forcément un effet de l’un sur l’autre. L’engagement peut être focalisé sur l’activité-jeu et déconnecté du contenu pédagogique. De même, une trop forte immersion dans le jeu peut empêcher le recul nécessaire à la prise de conscience des connaissances intégrées dans le jeu.

40En terme de perspectives, il apparaît nécessaire de mettre en relation les différents types de données collectées, afin d’étudier l’ensemble des facteurs de l’engagement d’un point de vue plus global et systémique. Il est important dans les futurs travaux menés de coupler les traces d’interaction avec les données sur l’expérience perçue par les joueurs, ainsi que leurs motivations pour le jeu. Plus particulièrement, l’étude des relations entre les différents facteurs et de leurs influences réciproques, notamment sur l’apprentissage des contenus délivrés par le jeu sérieux, est une piste de travail pour les années à venir.

4. L’engagement dans les communautés et l’apprentissage collaboratif à distance

41 La participation aux échanges au sein d’une communauté d’apprenants, la richesse et la qualité des interactions entre apprenants sont reconnus comme des facteurs bénéfiques à l’engagement, la satisfaction et la réussite des apprenants en FAD (Lee, 2002 cité par Poellhuber et al., 2008). Dans le contexte des MOOC, les recherches montrent que le manque d’un sens de la communauté ainsi que la pauvreté des interactions sociales et collaboratives contribuent au taux d’abandon élevé dans les MOOC (Zheng et al., 2015). Les plates-formes dédiées aux FAD et aux MOOC sont souvent limitées à fournir des ressources, à assigner des devoirs ou à inviter les étudiants à exprimer leur compréhension sur des forums de discussion très généraux. Il y a donc très peu de supports spécifiquement pensés pour encourager les activités sociales dans ces différentes plates-formes (Zhen et al., 2015).

42 Dans cette partie de l’article, nous nous intéressons à ce que veut dire « s’engager dans une communauté en ligne » et plus particulièrement « s’engager dans une activité d’apprentissage collaboratif à distance ». Nous faisons ici la distinction entre différents degrés de collaboration qui vont du travail collectif où les apprenants travaillent seuls sur une tâche mais partagent leurs connaissances, problèmes et résultats aux autres, au travail collaboratif où les apprenants travaillent ensemble sur la même tâche (de façon synchrone ou asynchrone) pour produire quelque chose de commun. Les activités liées à ce niveau le plus élevé de collaboration sont celles qui sont les plus difficiles à implémenter que soit dans un contexte d’enseignement en présence ou à distance.

43 Si l’apprentissage collaboratif est une méthode pédagogique de plus en plus encouragée dans les FAD du fait de ses effets positifs (Johnson et al., 2013), travailler en groupe n’est pourtant pas systématiquement synonyme d’apprentissage. Barron (2003), en référence aux travaux de Salomon et Globerson (1989), parle du groupe comme une source potentielle d’aggravation pour les apprenants, pouvant générer un sentiment de perte de temps, de l’anxiété et du découragement. Nous nous interrogeons ici sur les conditions qui favorisent l’engagement dans l’apprentissage collaboratif à distance en nous appuyant sur les recherches dans le domaine CSCL (Computer-Supported Collaborative Learning). Ces recherches visent notamment à développer des méthodes et outils pédagogiques et technologiques pour soutenir la collaboration médiatisée par ordinateur.

4.1 Qu’est-ce que s’engager dans des activités collaboratives à distance ?

44Il n’existe pas de définition claire de l’engagement dans l’apprentissage collaboratif. La définition de l’engagement va jusqu’à se confondre avec celle de la collaboration même, comme c’est le cas chez Roschelle et Teasley (1995) : « collaboration as the mutual engagement of participants in a coordinated effort to solve the problem together » (p. 70). Dans cette définition, l’engagement est un processus mutuel. Il consiste en un effort conscient, volontaire et continu de la part de tous les participants, de mise en commun et de coordination en vue de résoudre ensemble le problème. L’engagement est ici cognitif. Les participants s’engagent à produire du sens non seulement à partir de ce qui est donné à apprendre (le contenu d’apprentissage) mais également à partir des idées de leurs partenaires ; il est question d’intersubjective meaning-making (Suthers, 2006). Dans l’espace cognitif (c’est-à-dire celui dédié à la tâche), l’engagement mutuel consiste également en la régulation par les participants non seulement de leurs propres processus épistémiques mais également de ceux de leurs partenaires. Au cours de cette régulation épistémique, les questions que les collaborateurs doivent se poser peuvent être, par exemple : comment mes partenaires comprennent-ils le problème ? Est-ce que je suis d’accord avec leur raisonnement ? (Barron, 2003, p. 311). L’engagement dans la collaboration est donc sous-tendu par la mise en œuvre d’un processus de modélisation mutuelle par lequel les apprenants se construisent une représentation mentale de leurs partenaires, et modulent leurs contributions en fonction (Molinari et al., 2009 ; Sangin et al., 2011).

45Barron (2003) envisage la collaboration comme deux espaces interdépendants dans lesquels les participants doivent s’impliquer conjointement, un espace de contenu (cognitif) et un espace relationnel. Dans ce dernier, l’engagement mutuel prend une dimension socio-affective, et renvoie à la façon dont les membres du groupe agissent les uns envers et avec les autres. Il s’apparente à un contrat d’association (un pacte d’alliance ; Quintin et Masperi, 2010) à travers lequel les participants s’engagent à créer et maintenir des relations de qualité (liance) ainsi qu’à promouvoir tout autant leur propre réussite que celle de leurs partenaires (alliance). Dans la collaboration, l’engagement socio-affectif se traduit par des stratégies centrées sur la relation, comme des comportements d’entraide et d’encouragement mutuel (Johnson et al., 2013 ; Slavin, 2011). La qualité du climat socio-relationnel explique une part substantielle de la qualité des productions communes (Quintin et Masperi, 2010), et ce principalement pour des tâches où l’interdépendance entre les membres du groupe est importante. Il est donc possible de faire l’hypothèse d’une relation circulaire entre engagement relationnel et engagement cognitif : le contexte socio-affectif dans lequel a lieu l’apprentissage collaboratif va avoir une influence sur la motivation des participants à s’engager dans la tâche (et réciproquement) (Järvelä et al., 2010).

46Pour Järvelä et al., l’engagement – défini comme la motivation en acte (enacted motivation) – est socialement créé et maintenu par des processus de régulation partagée. Le niveau d’engagement mutuel n’est pas homogène dans le temps, et fluctue le long d’un continuum de prise de conscience intersubjective (Barron, 2003) qui va de l’absence quasi-complète d’attention conjointe à une coordination et une régulation partagée continues. Roschelle et Teasley (1995) évoquent une alternance de moments de divergence et de convergence de l’engagement : « students’ engagement sometimes diverged and later converged » (p. 94). Les auteurs ne donnent pas de précisions sur ce qu’ils entendent par convergence/divergence de l’engagement. On peut, par exemple, se demander dans quelle mesure la divergence est toujours synonyme de désengagement. Tout comme on peut s’interroger sur le rôle de la convergence et de la divergence de l’engagement pendant la collaboration : si les moments de convergence sont importants lors de la recherche de solutions communes, quelle(s) fonction(s) peut-on attribuer aux moments de divergence ?

47L’engagement dans l’apprentissage collaboratif serait donc un processus intentionnel. On retrouve cette idée dans le cadre théorique développé par Scardamalia et Bereiter (2010) pour décrire les communautés de co-construction de connaissances (knowledge building communities). L’un des principes sous-jacents à ces communautés est celui de l’agentivité épistémique. D’après ce principe, les individus qui s’engagent dans une telle communauté « reconnaissent leurs responsabilités individuelle et collective dans le succès des efforts fournis pour construire des connaissances » (p. 10). Individuellement, l’apprenant engagé met en avant ses idées et négocie un ajustement entre ce qu’il propose et les idées des autres. Il utilise les divergences et contrastes d’idées pour faire avancer les connaissances, et « n’attend pas que ce soit les autres qui trace cette voie pour lui » (p.10). Sur le plan collectif, l’apprenant engagé se charge avec ses pairs à définir les objectifs communs, maintenir la motivation du groupe, planifier son travail et en évaluer les résultats.

4.2 La mesure de l’engagement dans les environnements de collaboration

4.2.1 Mesurer la vitalité d’une communauté en ligne

48 Les recherches de Preece (2001) relient l’engagement dans les travaux de groupe aux perceptions instrumentales d’une communauté en ligne. Un des apports majeurs de ces travaux est de distinguer les concepts d’utilisabilité (usability) et de sociabilité (sociability). La sociabilité (la façon dont les membres d’une communauté interagissent ensemble via la technologie) doit être vue comme un « nouveau genre d’utilisabilité » (p. 5). Preece affirme ainsi que concevoir uniquement à des fins d’utilisabilité ne suffit pas, et suggère qu’il est nécessaire de comprendre comment la technologie peut soutenir les interactions sociales.

49 Preece (2001) propose plusieurs critères de sociabilité permettant 1) dans un but descriptif de mesurer la vitalité d’une communauté instrumentée par un artefact informatique, et 2) dans un but prescriptif de favoriser l’engagement dans les travaux de groupe qui, selon elle, conditionne l’émergence de la communauté. Ces critères sont : Purpose, Belonging, Commitment, Common ground, Appropriate action, Active and passive participation, Reciprocity, Empathy and trust, Collaboration, Identity, Social awareness, Policies. Ces critères établissent un lien entre les potentialités de mise en place d’une communauté et les instrumentations perçues d’un artefact. Preece organise ces critères selon 3 dimensions : la perception des buts, la perception des personnes et la perception des règles. Pour chaque dimension, elle fait des propositions en termes de mesures ; e.g. 1) le nombre de messages par membre, la profondeur des fils de discussion (interactivité), le ratio entre le nombre de questions posées par une personne et le nombre de réponses que cette personne fait aux autres (réciprocité, c’est-à-dire le rapport entre ce qu’une personne apporte à la communauté et ce qu’elle en retire), ou encore la qualité des contributions pour la dimension « buts », 2) le nombre de participants actifs pour la dimension « personnes », et 3) le niveau de confiance interpersonnelle pour la dimension « règles ». Caron et al. (2014) ont repris les travaux de Preece (2001) dans le but d’observer la dyade formée par la communauté et l’artefact qu’elle instrumente, et de comprendre comment chaque critère de sociabilité est perçu sous forme d’usages potentiels par les apprenants. Les chercheurs ont mené ce travail dans le cadre de dispositifs de type xMOOC. Leur démarche a consisté en observant l’activité produite perceptible au travers des traces laissées dans le dispositif de formation, et en reliant ces traces aux résultats de deux questionnaires. Ces derniers, créés sur la base du cadre conceptuel de Preece, visaient à étudier la perception par les participants de la facilité à mettre en œuvre les actions susceptibles de rendre compte des potentialités d’engagement dans les travaux de groupe. Ces questionnaires ont été administrés avant et après les travaux de groupe dans 8 MOOC supportés par des artefacts différents.

4.2.2 Mesurer l’engagement dans l’apprentissage collaboratif à distance

50 Il existe peu de recherches en CSCL qui opérationnalisent le concept d’engagement mutuel. Dans un groupe où cet engagement est élevé, les membres contribuent à la tâche de façon plus ou moins égale : on parle de participation symétrique. Jermann (2004) distingue la participation au dialogue (nombre de mots produits par participant) et la participation à l’activité (nombre d’actions réalisées). Dans une dyade avec C1 et C2 comme collaborateurs, l’asymétrie de participation, qui peut être vue comme un indicateur du niveau d’engagement mutuel, est calculée ainsi : il s’agit de la différence absolue de nombres de mots/actions produits par S1 et S2, divisée par la somme totale des mots/actions produits par S1 et S2 (Jermann, 2004, p. 142). La valeur de cet indicateur est comprise entre 0 et 1, les valeurs proches de 0 indiquant une participation symétrique, et donc un niveau élevé d’engagement.

51L’asymétrie de participation est un indicateur de quantité ne rendant pas compte de la qualité de l’engagement mutuel tant sur le plan épistémique que relationnel. Pour mesurer la qualité de l’engagement dans la collaboration, il convient d’analyser plus finement les interactions entre participants. Les mesures de l’engagement épistémique sont des mesures de transactivité qui reflètent la façon dont les membres d’un groupe se réfèrent à, font quelque chose avec, construisent sur la parole/les actions de l’autre. La transaction dans le dialogue est définie comme le « raisonnement qui opère sur le raisonnement de l’autre » (Berkowitz et Gibbs, 1983, p. 403). Une contribution verbale est transactive lorsque le collaborateur qui la produit, reprend des termes et idées de son partenaire pour les transformer et les intégrer dans son propre discours. Une contribution transactive correspond à ce que Barron (2003) identifie comme une réponse engagée. Pour Barron, les réponses engagées se répartissent en 2 catégories : l’acceptation (approuver la proposition de l’autre, la soutenir, la documenter) et la discussion (questionner la proposition de l’autre, la contrer, demander des clarifications). Les réponses non engagées ne sont pas transactives ; le collaborateur ne tient pas compte de ce que son partenaire vient de dire. La transactivité est un phénomène multi-niveaux. Il est ainsi possible d’observer de la transaction au niveau des actions et au niveau visuel. Au niveau des actions, Suthers (2006) parle d’intersubjective uptake acts pour décrire les manipulations que les collaborateurs font des contributions de leur partenaire dans une carte conceptuelle collaborative. Sur le plan visuel, la transactivité concerne le degré d’attention visuelle accordée par les collaborateurs aux contributions de leur partenaire. Elle est aussi en lien avec la notion de couplage attentionnel : les partenaires regardent aux mêmes endroits aux mêmes moments (Molinari et al., 2008 ; Sangin, 2009).

52Les mesures de l’engagement relationnel sont des mesures subjectives de perception recueillies par questionnaire à propos de la qualité de la relation de travail. Plusieurs questionnaires existent dont l’origine théorique est parfois inconnue. Certains questionnaires se recoupent au niveau de certaines dimensions mesurées. Toutefois, la façon dont ils définissent et évaluent ces dimensions communes est souvent très différente. Nous présentons ici quelques exemples de questionnaires sur la qualité socio-affective de la collaboration. Dans le questionnaire créée par Kreijns et al. (2011) pour étudier la présence sociale dans les environnements d’apprentissage médiatisé, certaines échelles évaluent la dynamique socio-affective des groupes comme l’échelle de sociabilité (par exemple, « L’environnement m’a permis de créer des liens étroits avec mes partenaires. »), l’échelle des comportements positifs (par exemple, « Les membres du groupe ont donné des informations sur eux-mêmes. ») et l’échelle des comportements négatifs (par exemple, « Les membres du groupe se sont méfiés les uns des autres. »). L’échelle de communication relationnelle (Hale et al., 2005) évalue différentes dimensions relationnelles des interactions, dont l’intimité, la dominance, le calme/l’excitation émotionnelle, la formalité et l’orientation sur la tâche/la relation. L’intimité se décline en 7 sous-dimensions dont celle d’engagement (involvement) mesurée par 7 items comme « Il/Elle a été très impliqué(e) dans la conversation. » ou « Il/Elle a créé de la distance entre nou.s ». Cette échelle n’a jamais été utilisée dans le domaine CSCL, mais pourrait être un outil intéressant pour étudier les processus relationnels dans l’apprentissage collaboratif à distance. Quintin et Masperi (2010) ont quant à eux analysé les échanges verbaux asynchrones entre les membres d’un groupe restreint d’apprentissage en ligne pour rendre compte du climat socio-relationnel et sa relation aux résultats d’apprentissage. Ils ont analysé les marques linguistiques de liance qui témoignent de relations positives comme les expressions de satisfaction/d’empathie (« Cool ! », « Courage ! »), et les marques d’alliance qui montrent la volonté de s’engager dans le travail commun (actes promissifs ; « Je compléterai notre document demain. ») ou qui demandent la réalisation d’une action au profit du groupe (actes directifs ; « Quand penses-tu pouvoir rédiger ta partie ? »).

4.3 Conditions et impact de l’engagement dans l’apprentissage collaboratif

53D’après Johnson et al. (2013), plusieurs conditions doivent être remplies pour qu’une collaboration soit réussie comme l’interdépendance positive, la responsabilité individuelle et des interactions constructives. L’engagement dans la collaboration nécessite que les apprenants perçoivent qu’ils sont réunis autour d’objectifs communs, et qu’ils ne peuvent atteindre leurs objectifs personnels que si leurs partenaires atteignent les leurs. C’est cette condition d’interdépendance positive des buts qui va conditionner les comportements d’entraide et de soutien à l’engagement entre apprenants. Une autre condition favorable est la mise en valeur des contributions individuelles au sein du groupe. S’engager dans un groupe, c’est aussi être ouvert à la confrontation des idées et à l’idée de se laisser influencer par l’autre (inducibility ; Johnson et al., 2013). Lorsqu’un collaborateur critique une proposition de son partenaire, ce dernier ne doit pas considérer cet acte comme une menace pour sa compétence auquel cas le repli sur soi, la mise en œuvre de stratégies compétitives pour « sauver la face » et l’expérience d’émotions négatives sont possibles (Molinari et al., 2013). Pour diminuer l’apparition de ce type de comportements, il est alors nécessaire de renforcer le sentiment d’affiliation, d’encourager la confiance interpersonnelle et le « transfert d’énergie positive » (cathexis ; Johnson et al., 2013). Dans son modèle MHCIM, Heutte (2014) suggère que le sentiment d’acceptation et d’appartenance est l’un des facteurs les plus importants dans la persistance à vouloir contribuer à une communauté. Il est ainsi possible pour l’apprenant de vivre une expérience optimale lorsque ses choix sont suivis ou respectés (son besoin d’autodétermination est alors conforté) et lorsque son groupe reconnaît la qualité et la pertinence de ses contributions (ses contributions individuelles sont mises en valeur ce qui conforte son besoin de compétence). Enfin, pour diminuer l’enjeu sur les compétences et donc la préoccupation à propos de soi (comme définie dans la théorie du flow), certains chercheurs préconisent de structurer en amont la tâche d’apprentissage collaboratif. Des scripts comme ceux de type Jigsaw qui proposent aux apprenants de travailler sur des ressources complémentaires et de devenir chacun expert d’une partie du problème à résoudre, peuvent être utilisés pour inciter les apprenants à agir de façon moins égocentrée et plus coopérative (Buchs, 2002 ; Molinari et al., 2009).

54Concernant l’engagement dans une communauté d’apprenance en ligne, Caron et al. (2014) montrent, pour l’ensemble des xMOOC étudiés, un déficit de prise en charge de la dimension « personnes » reconnue pour influencer les critères de confiance, de réciprocité et d’empathie indispensables à l’engagement dans une communauté (Jones et Preece, 2006). Ces résultats ont conduit les chercheurs à faire des recommandations aux concepteurs pour pallier ce déficit comme l’organisation d’activités proposant de découvrir l’identité numérique de soi et des autres telle que supportée par le dispositif. Enfin, peu de recherches sur l’apprentissage collaboratif à distance se sont centrées sur l’impact de l’engagement. Des résultats (Barron, 2003 ; Suthers ; 2006 ; Richardson et Dale, 2005) montrent toutefois que l’engagement est un prérequis à la coordination et un prédicteur du degré de compréhension mutuelle. Il joue aussi un rôle crucial dans la co-construction de sens. Enfin, les groupes qui réussissent sont ceux qui produisent une proportion élevée de réponses engagées : « groups that did well engaged the ideas of participants, had low rates of ignoring or rejecting, paid attention to attention, and echoed the ideas of one another » (Barron, 2003, p. 349).

5. Discussion et synthèse

55Dans les sections qui précèdent, les auteurs de cet article ont présenté les approches théoriques et méthodologiques qu’ils mobilisent en lien avec différentes visions de l’engagement dans le contexte des dispositifs de formation à distance. L’examen de ces trois parties met en lumière une diversité d’approches théoriques sous-tendant des modélisations et des définitions différentes, voire divergentes du concept d’engagement, chacune de ces approches théoriques situant l’approche de l’objet dans des contextes différents : l’école ou l’éducation, le jeu sérieux, les communautés en ligne et l’apprentissage collaboratif avec les technologies. D’autres travaux (comme ceux de Tinto, 2006, par exemple) sur l’engagement situent l’engagement académique ou l’engagement social dans une perspective plus large qui prend le sens de l’engagement envers son projet éducatif ou envers un établissement. La diversité des modèles théoriques invoqués soulève toutefois le questionnement. Ne devrait-on pas disposer d’une définition de l’engagement qui soit globalement valide dans une diversité de contextes, de situations et de niveaux de regroupement des entités sociales ? Y a-t-il une forme d’engagement dans les jeux sérieux qui soit réellement différente de l’engagement dans le travail collaboratif ou dans une tâche d’apprentissage ? En quoi les caractéristiques de l’engagement mutuel lors d’activités collaboratives sont-elles liées aux caractéristiques de l’engagement individuel ? Si on conçoit bien que les buts poursuivis dans un jeu peuvent différer de ceux qui sont poursuivis dans une tâche d’apprentissage, y a-t-il vraiment lieu de distinguer théoriquement l’engagement qui s’y manifeste ? Les tâches d’apprentissage ne peuvent-elles pas être de nature à stimuler l’immersion, voire le flow ? L’engagement dans le travail collaboratif soutenu par les technologies s’observe peut-être différemment de l’engagement dans le travail collaboratif en face à face, mais ne devrait pas normalement en être théoriquement distinct. Un modèle théorique de l’engagement dans des activités humaines devrait pouvoir répondre à la diversité de ces situations – et peut-être même à d’autres (comme l’engagement au travail) – et pouvoir être adéquatement mis en relation avec un modèle théorique adéquat de la motivation.

56Les différents modèles décrits dans cet article situent l’engagement dans des types d’activités et des contextes sociaux qui diffèrent dans leur niveau de granularité : l’apprentissage individuel, le jeu individuel, l’apprentissage en groupe soutenu par les technologies, les communautés d’intérêt, de pratique ou d’apprenance. Par ailleurs, ces activités se déroulent toutes dans un contexte social quelconque, et se trouvent en quelque sorte à se situer sous le regard des autres, même dans le cas des activités pratiquées individuellement. Ainsi, les autres dont il est question ne sont pas uniquement constitués des pairs avec qui se réalise la tâche ou le jeu d’apprentissage (la dimension sociale du jeu qui n’a pas été abordée explicitement dans l’article est très présente dans les jeux en réseau à défaut d’y être dans le jeu sérieux), mais se réfèrent aussi à un groupe social dans lequel s’exercent ces tâches et plus particulièrement la classe, l’école ou la communauté.

57Analysons maintenant ce qu’ont en commun ces différentes définitions de l’engagement. L’engagement, dans tous les cas, y est vu comme une forme d’investissement, qui comporte différentes variantes, mais généralement au moins une forme cognitive et une forme émotionnelle. L’idée d’une forme sociale de l’engagement est aussi présente dans les travaux qui réfèrent à l’apprentissage collaboratif et aux conditions de l’engagement dans une communauté. On peut investir la tâche, à la fois cognitivement et émotionnellement. Ne pourrait-on pas penser qu’il est possible aussi d’investir l’Autre ou les autres (le groupe de pairs, mais aussi les professeurs, tuteurs, professionnels de l’école), au travers différents types de regroupements sociaux, cognitivement et émotionnellement, qu’il s’agisse d’une dyade, d’un petit groupe, d’une classe ou d’une communauté ? La composante cognitive de cet investissement prendrait le sens du degré d’investissement des ressources attentionnelles et cognitives dans la tâche à réaliser ainsi que dans la mobilisation de la représentation construite de l’autre (ou des autres), ainsi que de l’établissement du groupe social auquel ils se rattachent. Dans le prolongement de cette idée, ne devrait-on pas considérer que toute tâche, même réalisée individuellement, se situe aussi dans un contexte social qui contribue à lui donner sens et à lui donner de la valeur ? Cette idée de l’engagement envers l’autre renvoie au besoin d’affiliation dans la TAD ainsi qu’à l’idée d’engagement mutuel dans une tâche commune. Ainsi, il serait possible d’être engagé cognitivement et affectivement à la fois envers la tâche et envers les autres avec qui cette tâche ou cette activité est réalisée conjointement. Une telle vision exigerait de réifier le concept d’engagement social actuellement relégué à une sous-dimension de l’engagement comportemental (Fredricks et al., 2004). Mais qu’advient-il alors de l’engagement comportemental ? Ce dernier conserverait l’idée fondamentale d’un continuum de participation, en se référant aux manifestations visibles ou observables de l’engagement cognitif et affectif envers l’activité et les autres. L’idée de différences qualitatives en termes de stratégies utilisées du côté de l’engagement cognitif pourrait aussi être reprise du côté de l’engagement social, les relations avec l’autre pouvant aussi être l’objet de comportements stratégiques plus ou moins sophistiqués, ainsi que de différentes formes de régulation.

6. Conclusion

58 L’engagement est une notion complexe, multidimensionnelle et multifactorielle, qui reste difficile à définir et à opérationnaliser. L’article montre ainsi que de nombreuses recherches sur l’engagement dans les dispositifs de formation se contentent d’une définition de sens commun, sans fondement théorique précis. Par ailleurs, il existe une variété de mesures de l’engagement, que ce soit des mesures subjectives comme des questionnaires auto-reportés ou des mesures plus « objectives » comme les indicateurs de participation. Si les mesures existantes sont pertinentes pour rendre compte de l’engagement comportemental, un travail reste à faire pour développer des mesures plus adaptées aux dimensions sociales et affectives de l’engagement. Par exemple, on peut se demander comment effectuer un « diagnostic » du niveau d’engagement émotionnel de l’apprenant à partir de ses traces d’activité dans un EIAH, ou encore comment évaluer les volets cognitifs et émotionnels de l’engagement social dans un dispositif de formation en ligne.

59 Comme nous le montre cet article, les raisons qui président à l’engagement relèvent des modèles de motivation, et sont tout à la fois internes et externes. Ainsi, s’engager dans une formation en ligne dépend de facteurs motivationnels comme les attentes par rapport à nos propres efforts (est-ce que je suis capable de mener à bien cette formation ?), l’instrumentalité (est-ce que cette formation est-elle le bon moyen pour moi d’atteindre mes objectifs personnels/professionnels ?), ou encore la valence/valeur que je perçois à l’égard de la formation (est-ce que cette formation fait-elle vraiment sens pour moi ?). Pouvoir croire qu’on peut, seul et avec les autres, est une des raisons majeures de l’engagement. L’article met également en lumière le rôle important que jouent les autres dans l’engagement en formation. On retient ainsi de l’article que : (1) le besoin d’être en relation avec autrui est une des sources de l’engagement ; (2) le contexte/climat social dans lequel a lieu l’apprentissage a une influence sur la motivation à s’engager et à apprendre ; (3) le soutien des besoins d’appartenance sociale a un impact positif sur l’engagement ; et (4) il existe une relation circulaire entre engagement cognitif et engagement relationnel dans l’apprentissage collaboratif. Des recherches doivent être menées pour mieux comprendre la dimension psycho-sociale de l’engagement dans l’apprentissage. Tout comme il reste également à étudier les interactions entre ces facteurs internes et externes. A ce sujet, plusieurs questions peuvent être posées : quels sont les liens entre engagement social et engagement individuel ? Dans quelle mesure le désengagement au niveau social a-t-il des répercutions sur l’engagement psychologique ? Quelles sont les interactions entre les formes cognitives et émotionnelles de l’engagement social dans une tâche ou dans un groupe ? Quelles sont les interactions entre les formes de l’engagement cognitif ou émotionnel des différents partenaires dans une tâche d’apprentissage collaboratif ? Toutes ces questions appellent une étude plus approfondie de la forme collective de l’engagement (un peu comme Bandura traite de la forme collective de l’agentivité ou Borderie de la forme collective du flow).

60 La dimension émotionnelle de l’engagement reste également encore peu étudiée, tout comme l’influence de l’engagement émotionnel (ou encore des facteurs émotionnels susceptibles d’agir sur l’engagement) sur l’apprentissage. A la lecture de l’article, nous pouvons associer l’engagement émotionnel à l’intérêt voire la « passion » pour la discipline à apprendre ou pour l’acte même d’apprendre. Lorsqu’on parle d’engagement dans un jeu sérieux, il est question de qualité de l’expérience ; le jeu est utilisé pour donner aux apprenants l’envie de vivre et revivre l’expérience d’apprentissage. L’engagement émotionnel est également lié au plaisir de se faire comprendre, d’être compris par l’autre (les enseignants, les pairs, les parents) mais également au plaisir de partager le plaisir d’apprendre, de découvrir, de créer, etc. L’article montre enfin que les facteurs émotionnels vont être des déterminants de la persistance et du réengagement. En ce qui concerne la dimension émotionnelle de l’engagement, les questions qui émergent de l’article peuvent être les suivantes : comment intervenir sur l’engagement émotionnel, c’est-à-dire comment susciter l’intérêt, inspirer et stimuler la passion chez les apprenants ou encore peut-on envisager une régulation externe (via les enseignants, les pairs et les caractéristiques instrumentales du dispositif) de l’engagement émotionnel ? L’ajout de caractéristiques ludiques dans un environnement d’apprentissage, dont l’objectif est d’accroître l’engagement dans l’activité, entraîne-t-il systématiquement une amélioration de l’apprentissage ? Est-ce que certaines émotions négatives pourraient stimuler l’engagement (on pense, par exemple, à la confusion associée au déséquilibre cognitif qui peu être bénéfique à l’apprentissage) ? D’autres questions concernent également les mesures de l’engagement émotionnel : Comment utiliser les émotions pour faire un diagnostic du niveau/de la qualité d’engagement des apprenants ? Peut-on évaluer l’engagement émotionnel de la même manière qu’on évalue l’engagement cognitif, c’est-à-dire tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif (peut-on parler de qualité d’engagement émotionnel) ?

61 Par ailleurs, l’article met en évidence le besoin d’une analyse temporelle de l’engagement, ainsi que d’une étude approfondie de la notion de persistance. L’engagement peut être considéré comme un état (cognitif et émotionnel) mais également à un processus fluctuant dans le temps. Des recherches sont nécessaires pour mieux comprendre les moments d’engagement, de désengagement et de réengagement, c’est-à-dire ce qui les caractérise, les conditionne ou encore la façon dont ces moments s’articulent et s’enchaînent. Il nous semble également important de mieux comprendre le rôle des moments de désengagement dans l’apprentissage individuel ou collaboratif. Ces moments de désengagement correspondent-ils toujours à des moments de renoncement (et donc d’échec), ou peuvent-ils être envisagés comme des moments de « lâcher-prise », de prise de recul et de retour sur soi (par exemple, pour mieux gérer des émotions négatives suscitées par la difficulté de la tâche ou par des tensions avec un autre apprenant lors d’un travail de groupe) ? Auquel cas, comment ne pas confondre désengagement et lâcher-prise ? Dans quelle mesure ce désengagement momentané peut-il être positif sur l’apprentissage ? 

62 Nous pouvons enfin nous interroger sur la relation entre engagement, auto-régulation et autonomie. Régulons-nous notre engagement de la même manière que nous régulons notre apprentissage ? Est-ce que réguler son apprentissage, c’est également s’engager (la régulation de l’apprentissage comme indicateur de l’engagement) ? Quelles sont les relations entre la régulation de l’apprentissage et la régulation de l’engagement ? La régulation de l’engagement est-elle uniquement individuelle ou comporte-t-elle une part collective ?

63 Concluons cet article en citant Loriol et Sall (2014) à propos de l’engagement passionné (dans le cadre des formations professionnelles) et de ses limites : « Le risque est de se fixer la barre trop haut. Le bon niveau d’engagement doit faire l’objet d’un apprentissage collectif » (p. 59). Au regard des idées qui émergent de cet article, cette citation est intéressante car elle suggère que l’engagement (et son ajustement aux contraintes académiques et professionnelles) est le produit d’un apprentissage social ; c’est dans et par les interactions avec ses pairs, ses enseignants, ses amis et parents que l’apprenant construit son engagement. Elle renforce également l’idée – énoncée dans cet article – selon laquelle les dispositifs de formation en ligne doivent être conçus de sorte à valoriser la dimension « personnes » et à soutenir la construction sociale de l’engagement.

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Notes

1 https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeu_sérieux

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Pour citer cet article

Référence électronique

Gaëlle Molinari, Bruno Poellhuber, Jean Heutte, Elise Lavoué, Denise Sutter Widmer et Pierre-André Caron, « L’engagement et la persistance dans les dispositifs de formation en ligne : regards croisés »Distances et médiations des savoirs [En ligne], 13 | mars 2016, mis en ligne le 28 mars 2016, consulté le 18 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/dms/1332 ; DOI : https://doi.org/10.4000/dms.1332

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Auteurs

Gaëlle Molinari

Formation Universitaire à Distance Suisse (Unidistance) Centre d’Etudes Suisse Romande, Techno-Pôle 5, Case postale 218, 3960 Sierre, Suisse
TECFA-FPSE, 40 bd Pont-d’Arve, CH-1211 Genève 4, Suisse
Université de Genève

gaelle.molinari@unidistance.ch

Articles du même auteur

Bruno Poellhuber

CRIFPE, Université de Montréal, Département de psychopédagogie et d’andragogie, pavillon Marie-Victorin, C.P. 6128, succ. Centre-ville, Montréal, Québec, Canada H2V 2S9

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