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2020
962

Diversité et enjeux territoriaux de la mise en art des espaces périphériques dans le monde

Diversity and territorial stakes of site specific art in worldwide peripheral spaces
Diversidad y desafíos territoriales de la producción artística en espacios periféricos del mundo
Sylvain Guyot, Grégoire Le Campion et Olivier Pissoat

Résumés

La mise en art des espaces périphériques est un processus de colonisation artistique des espaces ruraux et de nature dans le monde par des œuvres d’art in situ regroupées en sites artistiques, et initié par un tryptique récurrent d’acteurs : artiste, commanditaire (élu, institutionnel, commissaire artistique) et gestionnaire (collectivité territoriale, institution artistique, espace protégé). Au sein des espaces périphériques, un investissement artistique est souvent un processus coûteux qui répond à des priorités politiques sur le terrain. La mise en art tend donc à produire des territoires spécifiques, entre privatisation et service public culturel. Plusieurs traitements en ACM (analyses des correspondances multiples) et en CAH (classification ascendante hiérarchique) sont mobilisés dans cet article pour rendre compte de la diversité et des enjeux d’une base de données de plus de 210 sites artistiques décrits par une quarantaine de variables. Les résultats de la CAH montrent qu’à l’échelle mondiale, les sites se répartissent entre trois grandes catégories : les parcs à sculpture de l’artwashing, l’art territorial des périphéries et les fronts éco-artistiques des œuvres-projets.

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Texte intégral

Introduction

1La mise en art des espaces périphériques, à l’échelle planétaire, n’est ni un phénomène monolithique ni un processus anodin en termes d’enjeux territoriaux. Elle consiste en l’installation d’œuvres d’art in situ (Kwon, 2004 ; Volvey, 2012) par le truchement de réseaux spécifiques d’acteurs comprenant bien sur des artistes, mais aussi des commissaires artistiques, des commanditaires et, souvent, divers acteurs institutionnels et élus du territoire (Guinard, 2019 ; Guyot, 2017). Les espaces périphériques, généralement à faible densité de population et à haute valeur écologique, semblent concernés au premier chef par ces nouveaux fronts pionniers de reconquête territoriale par l’art (Guyot, 2015 ; Pleintel, 2011). Loin d’être anecdotiques, ces processus de mise en art incarnent, au contraire, une forme de nouveau soft power au service d’acteurs socio-politiques en quête de reconfigurations de leurs ressources territoriales et de leurs périmètres d’influence (Guyot, 2017 ; Guyot, 2019). Entre attraction commerciale, esthétisation paysagère, médiation territoriale, économie de projet ou engagement écologiste, la mise en art in situ recouvre des formes variées de dispositifs spatiaux, socio-politiques et économiques (Gomez, 2016 ; Antille, 2017 ; Férérol, 2017 ; Guyot, 2017 ; Guyot, Saumon, 2017 ; Sechi, 2017 ; Goodwin, 2019 ; Guyot, 2019). Une base de données, de plus de 200 sites artistiques in situ dans le monde et comprenant près d’une quarantaine de variables originales, a été développée pour tenter de qualifier au mieux ce phénomène. Cet article propose de passer cette base de données au crible d’une analyse statistique ACM (analyses des correspondances multiples) puis CAH (classification ascendante hiérarchique) (Mbiaga, Naizot, Roux, 2002 ; Proulhac, 2019), afin de donner à voir la diversité typologique de la mise en art des espaces périphériques dans le monde et de décrypter ses différentes logiques territoriales. Un tel panorama global de la mise en art est une contribution inédite qui vise à donner un cadre de référence aux différentes recherches existant sur le sujet, tant en études artistiques qu’en sciences sociales (Lacy, 1995 ; Kay, 2000 ; Suderburg, 2000 ; Ardenne, 2002 ; Kwon, 2004 ; Kester, 2005 ; Rugg, 2010 ; O’Neill, Doherty, 2011). Après avoir exposé les définitions et problématiques relatives au sujet, l’article passera en revue la base de données et les méthodes d’analyse choisies, avant de s’attacher à en présenter les principaux résultats, pour être, in fine, discutés en lien avec les différents terrains effectués.

Définitions et problématiques

De la mise en art in situ au front artistique

2La mise en art (Guyot, 2015 ; Guyot, 2017 ; Guyot, 2019) ne consiste pas en un simple positionnement d’un projet artistique, en particulier, au sein d’un espace périphérique. Il s’agit d’un processus spatio-temporel qui confère au commanditaire, aux éventuels commissaires, à l’artiste et à son œuvre un pouvoir d’interaction intentionnelle avec l’espace et de transformation des représentations et dynamiques territoriales en jeu. La mise en art concerne exclusivement un type d’art situé, réalisé et exhibé in situ en extérieur (sculpture, installation, performance, spectacle de plein air, land art, œuvre-projet, etc.). Elle peut être éphémère, saisonnière ou permanente en fonction du type de production artistique retenue, à condition que celle-ci laisse une trace (matérielle, immatérielle, discursive, etc.) à-même de transformer les lieux. La mise en art s’inscrit évidemment dans le processus d’artialisation in situ, défini par Roger (1997), comme l’introduction volontaire de l’art dans un site, un paysage, le métamorphosant en lieu emblématique, facilement reconnaissable. Elle va toutefois au-delà d’une simple forme d’esthétisation des lieux pour transformer les hiérarchies des systèmes d’acteurs et de représentations en place. En ce sens, la mise en art, dans sa forme paroxysmique, peut être à l’origine d’un véritable front artistique, impliquant le remplacement d’un ordre socio-territorial par un autre, et actant la prise du pouvoir sur le territoire par le tryptique systémique commanditaire – artiste – œuvre in situ. Les fronts artistiques semblent particulièrement vivaces au sein des espaces périphériques : c’est l’hypothèse principale du programme de recherche international ADONA [Aesthetic DOminations of NAture], financé par l’Institut Universitaire de France, sur lequel s’appuie cet article.

Les espaces périphériques : la rencontre possible du front artistique avec le front écologique

3Les espaces périphériques apparaissent souvent comme de nouvelles frontières à conquérir (Guyot, 2019 ; Paquet, 2009, p. 76). Ils se définissent à plusieurs échelles (monde, pays, région, métropole) comme des espaces isolés géographiquement ou déconnectés "réticulairement" des processus contemporains de métropolisation/mondialisation et marqués par différentes formes de domination politique, économique et sociale (Bonerandi et al., 2003). Dans le contexte d’un processus de mise en art, le choix de ces périphéries peut être justifié par plusieurs facteurs : le caractère dynamique et mouvant d’espaces convoités, ruraux et/ou naturels aux marges des grandes villes (Holston, 2009) ; l’existence de nombreux lieux et projets d’art-in-situ, facilités par la faible pression foncière et la présence d’aménités environnementales (Pleintel, 2011) ; la localisation de nombreux fronts écologiques actifs liés à la forte valeur environnementale de ces espaces (Guyot, 2017 ; Guyot, 2019 ; Poulot, 2013). La mise en art des espaces périphériques induit au moins quatre types de scénarii en relation avec les questions environnementales : 1. Un art de dénonciation d’atteintes à l’environnement, avec la création d’œuvres ou de projets fortement engagés ; 2. Un art de médiation environnementale au service d’initiatives ou de dispositifs de protection de la nature ; 3. Un art d’accompagnement paysager, en dialogue avec les lieux/sites, où le lien à l’environnement en reste souvent à l’effet d’annonce ; 4. A contrario, un art déconnecté des thématiques environnementales, perçu parfois comme intrusif au sein du milieu naturel. Si l’art in situ peut déclencher, médiatiser ou renforcer un front écologique, ce n’est jamais systématique car tous les espaces périphériques ne s’inscrivent pas forcément dans des dynamiques d’écologisation.

4Néanmoins, il arrive que la création d’une périphérie artistique (Delfosse, Georges, 2013), comme espace hybride de rencontre de l’art-in-situ et de la nature, permette de dépasser la dichotomie urbain-rural. Mc Clean (2002, p. 1) présente d’ailleurs les artistes in situ renommés Peter Dombrovskis, John Wolseley et Andy Goldworthy comme étant tout à fait représentatifs de ces problématiques : "They shared two deeply held convictions : a highly developed ecological consciousness that sought to aesthetically subvert the anthropocentric values of Western civilisation, and a commitment to working far from metropolitan centres". Au sein de ces espaces périphériques, la rencontre entre front artistique et front écologique devient possible et peut alors générer un bouleversement dans les systèmes de valeurs locaux, au service de processus ambivalents comme la gentrification rurale (Guyot, Méténier, Tommasi, 2019) ou le renforcement de la privatisation de la nature (Guyot, 2019). Ainsi, est-ce utile de comprendre quelles sont les formes de la mise en art dans les espaces périphériques et quelles en sont leurs incidences territoriales.

Donner à voir et à comprendre une géographie des lieux d’art in situ dans le monde

Une base de données dédiée aux sites artistiques in situ

5La base de données sur laquelle s’appuie notre contribution est constituée de l’ensemble des 208 sites étudiés dans le cadre du projet ADONA, répartis dans 39 pays, sur tous les continents1. Sans prétendre à l’exhaustivité, il s’agit là, à notre connaissance, de la base la plus complète au niveau mondial, désormais disponible sur le sujet. Y sont renseignées pas moins de 36 variables, capables de caractériser chacun des sites selon des critères processuels (dynamiques de fronts artistique et écologique), institutionnels, socio-spatiaux et artistiques.

Les variables identifiant chacun des sites

6Le classement thématique proposé ci-dessous permet d’expliciter le sens et l’importance des variables choisies, à l’exception du nom du site, de son adresse web et du mail de contact. Les 7 thèmes retenus sont : l’accessibilité, la localisation, la participation aux processus de front écologique et de front artistique, les informations spatiales essentielles, le statut et le financement, l’initiateur, le public et la mise en art.

7L’impact de chacune de ces catégories de variables mérite d’être étudié plus précisément. C’est pourquoi, plus loin dans l’article, nous étudierons des corpus "restreints" : un sur la "Mise en art", constitué de l’ensemble des variables abordant la dimension artistique, un corpus "Genèse" regroupant les variables associées à la création du site et aux dynamiques de front et enfin un corpus "Territoire" qui rassemble les variables spatiales, socio-politiques et territoriales.

Pour une géographie de la mise en art des espaces périphériques

8Les premières créations de sites artistiques in situ ont lieu durant la décennie 1960/1969. Les dernières que nous avons répertoriées datent de 2019 (figure 1).

Figure 1 : Les sites artistiques dans le monde, des années 1960 aux années 2010

Figure 1 : Les sites artistiques dans le monde, des années 1960 aux années 2010

Auteurs, 2020, source : base de données programme IUF [ADONA].

9Dans les années 1960, huit sites artistiques sont créés, soit 3,8 % du total. La plupart sont des parcs de sculptures in situ, où les sculptures sont soit créés, soit insérées en fonction du paysage environnant. C’est le cas à Kröller-Müller aux Pays-Bas (création en 1961) en association avec un musée d’art moderne au cœur d’un parc national, à Storm King dans la campagne de la vallée d’Hudson, à une heure trente de voiture de New York aux États-Unis (création du site en 1966 en l’honneur des sculptures de David Smith) et à Hakone au Japon (création en 1969). Ils comprennent aussi des lieux dédiés aux œuvres in situ plus ou moins monumentales d’un artiste unique, comme César Manrique à Lanzarote (îles Canaries, Espagne, première création en 1964) (Guyot, 2019) et Ian Hamilton Finlay à Little Sparta (Pentland Hills, Royaume-Uni, création en 1966). Dans tous les cas, on a affaire à des initiatives artistiques privées qui peuvent être qualifiées d’innovantes pour l’époque.

10Dans les années 1970, six sites artistiques supplémentaires sont créés, soit 2,8 % du total. Ils enrichissent le genre de l’art in situ en extérieur d’autres formes artistiques et de nouvelles pratiques institutionnelles. Le centre Sitka pour l’art et l’écologie est créé en 1970 sur la côte ouest des États-Unis et inaugure le format des résidences d’art moderne en pleine nature. Et, plus important par son rayonnement international, le premier grand projet artistique public en forêt est initié à Grizedale en 1977, dans le Lake District, dans le nord-ouest de l’Angleterre (Goodwin, 2019). Au sud de San Francisco, est créé en 1979 par le professeur Djerassi de l’Université de Stanford, une résidence d’artistes de renommée mondiale, au cœur d’un domaine doté d’une vue panoramique sur l’Océan Pacifique, qui deviendra par la suite une réserve naturelle privée. Ces créations des années 1970 ne relèvent plus spécifiquement des parcs de sculptures mais d’un art in situ davantage ancré dans des logiques liées à des espaces naturels (art-nature), et très diversifié dans ses représentations. Il s’agit véritablement de sites pionniers au regard des créations ultérieures.

11Les années 1980 confirment une implantation plus soutenue des mêmes types de logiques artistiques, parcs de sculptures mais surtout art-nature. Dix-sept sites artistiques sont créés, soit 8 % du total, davantage que le total des vingt années précédentes. Cette décennie semble aussi confirmer que, géographiquement, des foyers de diffusion artistique pourraient se dessiner : les États-Unis et l'Europe, avec le Royaume-Uni, l’apparition de l’Italie (Arte Sella en 1986), de la France (symposiums de sculpture in situ en granite de Vassivière, sur le plateau de Millevaches, dès 1983, et ouverture du Domaine de Kerguéhennec en Bretagne en 1986) et de la Scandinavie. D'autre part, on peut noter la naissance d’une dynamique d’art dans la nature en Corée du Sud (initiative Yatoo2) et au Japon.

12La création de sites artistiques continue de s'accélérer dans les années 1990, avec 31 initiatives in situ supplémentaires (14,7 % du total). Leur localisation parait s'articuler aux foyers artistiques précédemment repérés : États-Unis, Extrême-Orient et surtout Europe, Europe Méditerranéenne, Europe du Nord et également un front remarquable en Europe orientale. Dans le contexte européen, de nombreux sites sont financés sur fonds publics (en particulier par les collectivités territoriales).

13Dans les années 2000, l'augmentation du nombre de sites est spectaculaire avec 71 créations (soit 33,7 % du total). Une géographie des foyers artistiques paraît se confirmer : Amérique du Nord, Extrême-Orient, Europe (explosion des initiatives en France), et apparition de nouveaux fronts en Amérique du Sud, Afrique du Sud (Guyot, Guinard, 2015) et Océanie. Les grandes logiques artistiques décrites plus haut ont tendance à se diffuser et à s’institutionnaliser, en particulier pour les parcs de sculptures et l’art in situ dans la nature. Le phénomène des résidences d’artistes tend à s’ancrer dans le paysage artistique des espaces périphériques et à diversifier les styles de créations (performance, vidéo, son, art participatif, etc.).

14Les années 2010 voient l'augmentation du nombre de sites artistiques se perpétuer, avec 78 créations (soit 37 % du total). Ils sont répartis au sein des mêmes foyers géographiques et renforcent les nouvelles dynamiques observées durant la décennie précédente dans l’hémisphère austral. L’avant-garde de l’art contemporain catalyse la création de lieux dédiés au "new genre public art" et aux nouvelles formes d’art in situ en relation non seulement avec le paysage, le territoire mais aussi ses habitants.

Figure 2 : Nombre de créations de sites artistiques dans le monde, par décennie

Figure 2 : Nombre de créations de sites artistiques dans le monde, par décennie

Auteurs, 2020, source : base de données programme IUF [ADONA].

15Si le croisement des distributions dans le temps et dans l'espace devra être exploré, l’analyse de la base de données va maintenant permettre de mieux comprendre les processus à l'œuvre durant ce demi-siècle de création artistique in situ au sein des espaces périphériques.

Établir la diversité artistique et territoriale des lieux d’art in situ à travers l’utilisation d’une ACM et d’une CAH

16Un des motifs de l’article est d’explorer et d’analyser la structure de la base de données "sites" du programme xxx. Dans le contexte de cette recherche, l’association ACM (analyse de correspondances multiples) et CAH (classification ascendante hiérarchique) a semblé indispensable.

17En effet, contrairement à l’analyse factorielle des correspondances (AFC), l’ACM (dont elle est une extension) permet d’étudier plusieurs variables qualitatives simultanément. L’objectif premier de l’ACM est de donner une indication sur les corrélations existant entre les différentes modalités. Elle va finalement résumer un grand nombre de variables qualitatives afin de permettre une interprétation des corrélations entre ces variables.

18L’idée qui sous-tend l’ACM est que les données forment un "nuage multidimensionnel". Cependant, en l’état, les liens entre les modalités ne peuvent qu’être difficilement appréhendés, l’ACM va donc projeter les individus statistiques (ici les différents sites artistiques) de manière à concentrer la majorité des variations des données sur un nombre restreint d’axes (les deux ou trois premiers axes fournissant de façon générale une explication à la plus grande partie des différences observées, les autres axes n’apportant que peu d’informations supplémentaires).

19De même, le choix de réaliser ensuite une CAH comme méthode statistique de partitionnement répond au désir de mettre en évidence des clusters d’individus au sein du jeu de données. Dans une CAH, la création des classes obéit à un principe en apparence simple : les individus constituant chaque classe se doivent d’être le plus homogènes possible entre eux et chaque cluster le plus dissemblable possible des autres clusters. Le critère d’homogénéité est défini à l’aide d’une matrice de distance, deux individus identiques ayant une distance nulle.

20Or, la réalisation d’une CAH suppose des données quantitatives pour calculer cette matrice, ce qui n’est pas le cas dans la base utilisée. Là réside une autre des raisons pour lesquelles a été réalisée au préalable une ACM, qui a permis, justement, une "conversion" des données qualitatives de la base en informations quantitatives, la CAH étant alors fondée sur les résultats de l’ACM.

21Par ailleurs, les analyses (ACM et CAH) ont été effectuées sur chacun des corpus et ont été réalisées à l’aide de R et des packages FactoMineR et Explor, avec un corpus total composé de 30 variables actives et de 122 modalités.

Dynamiques et diversité mondiale de la mise en art des espaces périphériques

Un corpus global structuré par 3 pôles

  • 3 Code ISO (V5), Espace naturel protégé à proximité (V12), Typologie spatiale (V13), lieux_expo_fermé (...)

22Une première tentative d’ACM sur le corpus global a conduit à écarter six variables3 qui pouvaient être considérées comme "supplémentaires", car ne participant pas significativement à la construction des axes. Elles engendraient même du bruit statistique qui nuisait à l’analyse ; l’ACM étant une procédure statistique très sensible aux modalités "rares".

23Toutefois, deux d'entre-elles ont fait l’objet d’un recodage susceptible de les réintégrer dans le calcul. Ainsi, la variable "Code ISO" a permis de créer une variable "Continent", et la variable "Année d’ouverture", une fois agrégée, a donné la variable "Décennie d’ouverture". Ces nouvelles variables ont pu toutes deux être prises en compte dans l’analyse.

24La projection des modalités sur les axes 1 et 2 (figure 3) met à jour de grandes associations. Trois groupes de modalités semblent se dessiner autour des plus grandes contributions.

Figure 3 : ACM sur le corpus global (dimensions 1 et 2)

Figure 3 : ACM sur le corpus global (dimensions 1 et 2)

Auteurs, 2020, source : base de données programme IUF [ADONA].

25Néanmoins, plutôt que des amas bien distincts, on note un continuum le long de l’axe principal (axe horizontal), allant d'un "extrême" à un autre. S'y opposent deux approches radicalement différentes de mise en art, avec notamment la variable "typologie". D’un côté se trouvent les sites adeptes de "projets" (qui ne se matérialisent pas sous forme d'œuvres), de l’autre les sites de "parc à sculpture". Ces modalités sont elles-mêmes plus ou moins corrélées à un ensemble d’autres modalités, donnant cette impression de "galaxies" qui se font face. L’axe secondaire est placé au milieu de ce continuum. Il fait ressortir les individus qui sont moyens par rapport aux extrêmes précités et qui se caractérisent par d’autres modalités, notamment celle de "financement public". Une telle répartition fait penser à un effet "Guttman", classique dans ce type d'analyse, qui laisse supposer des liens multiples entre les modalités et de fortes liaisons entre les variables.

26C'est pourquoi, afin d’identifier plus aisément les éléments structurant un tel nuage de points, nous proposons d'abord une lecture en 2 temps, un axe après l'autre. La signification de chacun d'eux devrait apparaître plus clairement.

Une première dimension autour de la mise en art

27Le principal axe de l'ACM semble structuré par un thème en particulier. Les quatre premières variables l'expliquant en font partie : la mise en art (figure 4). Le medium utilisé et le type d'œuvres choisi, de même que les informations temporelles ("genre_evol" et "temporalité"), sont ainsi les variables les plus corrélées à cette première dimension. Les modalités de chacune d'elles y sont nettement discriminées, soulignant une opposition franche, jusque dans les sites qu'elles décrivent.

28Pour résumer à grands traits, nous pouvons cerner une première combinaison : les sites du new genre public art (NGPA), qui présentent des projets, plutôt d'une durée limitée, qui s’inscrivent dans un courant artistique contemporain ou évoluant vers l’art contemporain, et qui se veulent des lieux de réflexion et de création ("phase pionnière de front artistique" et, dans une moindre mesure, "présence de résidences artistiques").

29À l'opposé, de l’autre côté de l'axe, sont projetés les sites plus conventionnels, donnant à voir des séries d'œuvres, parfois dispersées mais le plus souvent exposées à l'intérieur de parcs clôturés. Les sites ne reçoivent pas d'artiste en résidence et les œuvres, dont le genre n'est pas amené à évoluer, sont des sculptures ou des installations, prévues pour rester.

Figure 4 : Les principales variables et modalités de la dimension 1

Figure 4 : Les principales variables et modalités de la dimension 1

Auteurs, 2020, source : base de données programme IUF [ADONA].

Une deuxième dimension plutôt politique et territoriale

30Placé en position "moyenne" par rapport aux extrêmes déjà explicités, le deuxième axe révèle les autres thèmes qui, sur un second plan, pèsent le plus sur la distinction et la répartition des variables et modalités. Cette fois, ce sont davantage le statut juridique du site ou celui, foncier, de son territoire d'accueil, ou bien encore celui de ses sources de financement qui sont mis en avant (figure 5).

Figure 5 : les principales variables et modalités de la dimension 2

Figure 5 : les principales variables et modalités de la dimension 2

Auteurs, 2020, source : base de données programme IUF [ADONA].

31L'opposition est nette entre les sites au statut et financements publics et les sites aux financements privés. Cette distinction forte mais prévisible est aussi intéressante pour les autres modalités associées à chacun de ces types de financement ou de statut. Ainsi, les sites "publics" sont en lien avec des modalités géographiques comme la forme du site ("disséminé-parcours") ou son implantation foncière ("territoire communal"). On peut également souligner qu'apparaissent, là, les fronts artistiques en progression et que la logique est plutôt de non-rentabilité avec des sites en accès totalement libre (gratuits, sans entrées matérialisées).

32Les sites dits "privés" sont, quant à eux, davantage associés à un certain type d’initiateurs (des mécènes ou des collectifs d’artistes) et semblent plutôt répondre à une volonté de rentabiliser le site avec un accès payant ou réservé.

33Tout cela devrait être confirmé par la classification qui sera effectuée ensuite. Cependant, une fois posés les éléments contribuant le plus à la construction des dimensions 1 et 2, déchiffrer l'ACM sur le corpus global paraît moins complexe (figure 1). En fait, elle nous amène à conclure que les sites artistiques se projettent selon une courbe de répartition, typique d’un effet Guttman, tirée entre deux conceptions antagoniques de la mise en art. Cela se traduit concrètement par deux galaxies opposées d'individus. Avec, d’un côté, des sites caractérisés par un rapport problématique à l’in situ, bien que leur échelle soit microlocale. Ils proposent une expérience muséale, dans des parcs dont l'entrée est payante, où sont exposées des séries d'œuvres (sculptures), financées et initiées par un mécénat qui ne laisse que peu de place à la recherche-création. De l’autre côté, se trouvent les sites ancrés dans le NGPA et l’art contemporain, qui présentent des projets inscrits dans une temporalité éphémère. Ils sont destinés au monde de l’art, en donnant une grande place à la recherche, avec une implantation forte des œuvres dans l’in situ. Il s’agit ici des sites en front pionnier artistique. Entre ces deux profils très tranchés, la courbe fait un détour qui indique un troisième groupe, plus nuancé. Il rassemble des sites plutôt aux financements et statut publics, inscrits dans des réseaux locaux et dont les motivations sont territoriales. Du reste, ce sont des sites de taille importante (échelle spatiale).

Une classification globale en trois clusters

34Comme le laissait très fortement supposer l’ACM, une CAH va distinguer l’ensemble des sites en trois classes différentes et bien délimitées (figure 6). Ces trois clusters recoupent exactement les trois pôles identifiés dans l’ACM.

Figure 6 : Clusters des individus issus de la CAH

Figure 6 : Clusters des individus issus de la CAH

Auteurs, 2020, source : base de données programme IUF [ADONA].

L'identification des clusters

35Le premier cluster (en bleu) regroupe majoritairement des sites initiés par le mécénat, dont le financement est privé, l'entrée payante, pour une expérience muséale. Ils sont de type "parc à sculptures" (première modalité contributrice), avec des œuvres plutôt pérennes, sans évolution réelle du genre artistique. Ce cluster décrit donc une tendance plutôt conservatrice (dans les deux sens du mot) et commerciale de l’art moderne in situ. Nous le dénommerons : les parcs de sculpture de l’art-washing. Ce dernier terme émane du mouvement militant anti-gentrification dans les grandes métropoles états-uniennes (Sheldon, 2015) et démontre combien la mise en art est un excellent faire-valoir des dynamiques immobilières et commerciales urbaines visant à évincer les classes populaires. Dans le contexte du programme de recherche dont est issu cet article, l’art washing implique une forme de mise en art au service : d’intérêts commerciaux, en particulier au service du très spéculatif marché de l’art moderne et contemporain ; de valorisation foncière et de développement touristique, parfois déconnecté des réalités territoriales locales. L’art washing remet en partie en question la sincérité de la dimension in situ des œuvres, ou la réduit à des éléments relativement neutres appartenant au décor (milieu naturel ou topographie), voir planche photographique n° 1.

36Les parcs de sculpture de l’art washing (figure 7) sont généralement établis dans les foyers les plus anciens de diffusion de l’art in situ dans les espaces périphériques (Amérique du Nord, surtout États-Unis ; Europe, surtout Royaume-Uni, Italie et Espagne ; et Extrême-Orient occidentalisé : Japon et Corée du Sud) avec quelques implantations dans les postcolonies de peuplement de l’Europe dans l’hémisphère australe (Chili, Argentine, Uruguay, Brésil, Afrique du Sud, Australie et Nouvelle-Zélande). Cette distribution apparaît conforme avec la géographie des marchés et centres d’art moderne et contemporain dans le monde.

Figure 7 : Localisation des sites artistiques du cluster 1

Figure 7 : Localisation des sites artistiques du cluster 1

Auteurs, 2020, source : base de données programme IUF [ADONA].

Planche photo n° 1 : Site artistique de Storm King, États-Unis : un parc de sculptures sur terrain privé à fort rayonnement territorial.

Photo 1.1. : cliché avril 2017 – Œuvre de Menashe Kadishman (Israeli, 1932–2015), Suspended, 1977, Weathering steel

Photo 1.1. : cliché avril 2017 – Œuvre de Menashe Kadishman (Israeli, 1932–2015), Suspended, 1977, Weathering steel

Sculpture extérieure typique, esthétique et ludique mais qui n’est pas in situ. Elle pourrait être localisée dans n’importe quel autre parc de sculptures.

© Menashe Kadishman (https://collections.stormking.org/​Detail/​objects/​389).

Photo 1.2. : cliché avril 2017 – Œuvre d’Andy Goldsworthy, British, b. 1956, Storm King Wall, 1997–98

Photo 1.2. : cliché avril 2017 – Œuvre d’Andy Goldsworthy, British, b. 1956, Storm King Wall, 1997–98

Cette œuvre fait partie des réalisations in situ du parc de sculptures et a contribué à ancrer Storm King en lien avec le patrimoine rural local.

Fieldstone (https://collections.stormking.org/​Detail/​objects/​401). © Andy Goldsworthy

  • 4 Beaucoup d’artistes intervenant dans ce type de sites artistiques ne sont pas forcément reconnus pa (...)

37Le deuxième cluster (en jaune) rassemble des sites entièrement rattachés au domaine public (tant par leur statut, que par leur initiateur ou leurs financements). Les œuvres sont exposées "en liberté" (sculptures et installations in situ créées au sein de vastes espaces non clôturés), sous la forme "disséminé-parcours", avec un accès libre et gratuit. Les artistes sont définis parfois comme des "amateurs4" avec un ancrage clairement local de leur réseau. Ce cluster peut être dénommé : l’art territorial des périphéries. L’idée d’art territorial exprime la capacité de l’art in situ à territorialiser des espaces périphériques en déprise agricole, démographique, et qui sont en quête de nouvelles ressources et d’images (planche photographique n° 2).

  • 5 Biais statistique lié à la nationalité des auteurs ou réelle surreprésentation de la France ? La se (...)

38Les sites de l’art territorial des périphéries (figure 8) se localisent presque systématiquement en Europe Occidentale, et en premier lieu de manière massive en France5, puis au Royaume-Uni, en Allemagne, en Espagne et en Italie. Quelques implantations très minoritaires sont à dénombrer en Europe Orientale, en Scandinavie, en Amérique du Nord, en Afrique du Sud et en Asie (Japon et Taïwan). Ces localisations correspondent à des contextes nationaux favorables à l’investissement public dans l’art moderne et contemporain au sein de vastes terrains publics et en lien avec les collectivités territoriales décentralisées (régions, départements, parcs nationaux et régionaux, etc.).

39Figure 8 : Localisation des sites artistiques du cluster 2

Auteurs, 2020, source : base de données programme IUF [ADONA].

Planche photo n° 2 : site artistique du "Vent des forêts" dans la Meuse, qui correspond à un fort engagement dans l’art territorial en lien étroit avec les villages locaux et à vocation récréative (boucles de randonnées).

Photo 2.1. : Boucles de randonnées artistiques et cartels de différentes générations (avril 2019)

Photo 2.1. : Boucles de randonnées artistiques et cartels de différentes générations (avril 2019)

Photo 2.2. : Œuvres de C. Lapie à l’orée du village de Lahaymeix, village à l’origine des résidences artistiques du Vent des Forêts à la fin des années 1990, et nouveau quartier général de l’association de gestion du site artistique (avril 2019).

Photo 2.2. : Œuvres de C. Lapie à l’orée du village de Lahaymeix, village à l’origine des résidences artistiques du Vent des Forêts à la fin des années 1990, et nouveau quartier général de l’association de gestion du site artistique (avril 2019).

40C’est dans le troisième cluster (en rouge) que se trouvent les sites les plus représentatifs de la phase pionnière actuelle du front artistique (voire éco-artistique). Ces individus appartiennent au new genre public art, activé et renforcé par la présence de résidences artistiques et d’un lien important avec la recherche universitaire. Il s’agit de sites où le genre artistique est voué à évoluer avec des œuvres temporaires prenant la forme de projets. Ceux-ci sont reconnus par le monde de l’art contemporain qui le lui rend bien car il en est un public cible, avec comme initiateurs des collectifs d’artistes et des associations. Le cluster peut alors être dénommé : le front éco-artistique des œuvres-projets. Ce cluster implique que ce sont des œuvres-projets, laissant peu de marques dans le paysage, qui incarneraient le mieux l’ouverture pionnière d’un front éco-artistique (planche photographique n° 3). En effet, dans le monde de l’avant-garde de l’art contemporain circule l’idée que les œuvres-projets les plus écologiques seraient celles qui laisseraient le moins de traces matérielles. La question reste alors de savoir quels autres types de traces (philosophiques, sociales, politiques, esthétiques, etc.) pourraient laisser ces projets artistiques sur le territoire.

41Le front éco-artistique des œuvres-projets (figure 9) projette sa forme pionnière à l’ensemble des Amériques (montée en puissance de l’Amérique Latine), en Europe méditerranéenne (à noter l’émergence de la Grèce, absente des deux précédents clusters) et de manière non-négligeable en Asie-Océanie. La corrélation entre ces sites et des milieux écologiques attractifs, riches et fragiles s’impose.

Figure 9 : Localisation des sites artistiques du cluster 3

Figure 9 : Localisation des sites artistiques du cluster 3

Auteurs, 2020, source : base de données programme IUF [ADONA].

Planche photo n° 3 : site artistique de Djerassi Artists Residency, région de Palo Alto, Californie, États-Unis : un front éco-artistique d’œuvres-projets basé sur une résidence artistique d’envergure internationale.

Photo 3.1. : Centre des résidences artistiques de Djerassi surplombant une réserve naturelle privée (mai 2018)

Photo 3.1. : Centre des résidences artistiques de Djerassi surplombant une réserve naturelle privée (mai 2018)

Photo 3.2. : Capture du site Web de Djerassi (lien : https://djerassi.org/​#hero) : "la terre inspire (les artistes) dans un cadre d’une nature d’une extraordinaire beauté" (accédé avril 2020)

Photo 3.2. : Capture du site Web de Djerassi (lien : https://djerassi.org/​#hero) : "la terre inspire (les artistes) dans un cadre d’une nature d’une extraordinaire beauté" (accédé avril 2020)

Les parangons et les individus spécifiques

42Réaliser une CAH permet en outre de singulariser des individus qui seraient moyens, pour chaque cluster (les parangons), tandis que d'autres en seraient des sortes "d'extrêmes" (les individus "spécifiques"). Les parangons représentent le mieux la classe dans sa diversité (tableau 1). Statistiquement, ce sont les individus les plus proches du centre de gravité de leur cluster. Les individus "spécifiques", à l'inverse, incarnent une sorte d’idéaltype de la classe (tableau 2). Il s’agit des individus les plus éloignés du centre des autres classes.

43Ces sites "indicateurs" illustrent à leur façon, de manière réelle et concrète, la signification de chacun des clusters retenus.

Tableau 1 : Les parangons des 3 clusters de la CAH (corpus global)

Tableau 1 : Les parangons des 3 clusters de la CAH (corpus global)

Auteurs, 2020, source : base de données programme IUF [ADONA].

44Les parangons des "parcs de sculpture de l’art washing", bien que localisés dans des pays aussi différents que la Suisse, l’Italie, l’Écosse, les États-Unis ou l’Australie, ont en commun la mise en place de parcs de sculptures modernes bien délimités et de taille restreinte, investissant préférentiellement des parcs et des jardins ayant pour fonction une valorisation foncière et commerciale par l’art. Ils sont tous implantés dans des espaces périphériques bien reliés aux métropoles voisines. Ils sont représentatifs d’une campagne à thème, au service des populations métropolitaines et des touristes de passage.

  • 6 Le land art "européen" est plus tardif que le land art états-unien et se différencie par une échell (...)

45Les parangons de "l'art territorial des périphéries" sont tous localisés en Europe (France, Andorre, Pologne, Finlande). Ils sont représentatifs d’au moins deux formes d’art territorial : le land art "européen6" d’une part, qui, sous forme de festivals saisonniers, investit de grands espaces de nature sous les hospices des collectivités territoriales, et les sculptures "en liberté" d’autre part, non-regroupées sous les contours d’un parc privé mais installées préférentiellement dans l’espace public périphérique naturel (sentiers, forêts domaniales, etc.). Ces deux formes artistiques s’inscrivent dans une réflexion approfondie sur l’in situ, en lien avec une dimension évidente de protection du paysage et de médiation des espaces naturels.

  • 7 Pays qui n’apparaît dans la base de données que pour ce cluster, les sculptures antiques restant l’ (...)

46Les parangons du "front éco-artistique des œuvres-projets" sont localisés en Australie et en Europe méditerranéenne (Grèce7, Espagne, Portugal). Ce sont des sites artistiques qui fonctionnent essentiellement sur la base d’une succession de résidences artistiques, organisées par des collectifs d’artistes et/ou des associations locales, dont l’objectif est la réalisation d’œuvres-projets pluridisciplinaires en lien avec la valorisation critique des ressources locales, en particulier environnementales, agricoles et habitantes. Ces sites se trouvent géographiquement en position très périphérique et n’ont pas pour vocation première le développement touristique mais plutôt la re-création du local, à travers l’interaction entre des artistes extérieurs, des habitants, parfois sous forme d’une bulle à la manière d’un laboratoire fermé.

Tableau 2 : Les individus "spécifiques" des 3 clusters de la CAH (corpus global)

Tableau 2 : Les individus "spécifiques" des 3 clusters de la CAH (corpus global)

Auteurs, 2020, source : base de données programme IUF [ADONA].

47Les individus spécifiques de chaque cluster, quant à eux, tendent à renforcer un peu plus les grandes logiques décrites à propos de leurs parangons respectifs, et à les diffuser sur de nouveaux territoires pionniers en matière de mise en art. Apparaissent ici nombre de sites des pays émergents.

48Ainsi, les idéaux-types de "l'art-washing" sont installés en Chine, au Mexique, en Afrique du Sud, mais aussi en France et aux États-Unis. Ce sont des parcs de sculptures mettant en scène une raison d’être associée à une spécificité nationale forte : financière en Chine, écologique et touristique au Mexique, enclavement privatisé en Afrique du Sud, art foncier en France et identité pionnière aux États-Unis.

49Les idéaux-types de "l'art territorial des périphéries" se localisent essentiellement en France, ainsi qu’en Espagne (Lanzarote) et en Finlande. Ils correspondent à de grands projets artistiques cogérés par la puissance publique au service du développement territorial via, par exemple, la mise en tourisme (pour le cas de Lanzarote : voir Guyot, 2019). La surreprésentation ici de cas français (32 sites sur 64) montre bien le leadership de ce pays sur cette forme de mise en art, développée à grand renfort d’argent public, avec un soutien sans faille des collectivités locales et de réseaux de commissaires artistiques appartenant aux DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles) ou aux structures artistiques territoriales.

50Les idéaux-types du "front éco-artistique" sont répartis dans les pays du grand nord (Norvège, Islande, Groenland) et en Amérique latine (Costa Rica, Colombie). Dans les deux cas, on a affaire à des pays supports de fronts écologiques très actifs, pour diverses raisons, où l’art est mobilisé au service d’un engagement environnemental actif. La création des œuvres-projets reste l’apanage de résidences artistiques ouvertes sur les artistes internationaux mais aussi très connectées avec le territoire et les enjeux locaux, en particulier écologiques.

51Le tableau 3 ci-dessous conduit à des ressources web et bibliographiques permettant aux lecteurs d’avoir un accès extensif à certains exemples concrets de sites appartenant aux trois clusters.

Tableau 3 : ressources bibliographiques et WEB sur quelques exemples de parangons, idéaux-types et autres sites appartenant aux trois clusters mis en lumière

Clusters

Catégories de sites artistiques

1 : les parcs de sculpture de l’art washing

2 : l’art territorial des périphéries

3 : le front éco-artistique des œuvres-projets

Indiv.

moyens

Nom

Monastère de Schoenthal (Suisse)

Les Géants du Nideck (France)

Koumaria - Medea Electronique (Grèce)

Page web

http://www.schoenthal.ch/​index_en.php

http://vosges.passion.over-blog.com/​article-13194402.html

http://medeaelectronique.com/​koumaria/​#about

Réf.

Obrist, 2005

Pleintel, 2011

Koutsomichalis, 2018

Idéaux-types

Nom

Museo Subaquatico de Arte – MUSA (Mexique)

Centros de Arte, Cultura y Turismo (Espagne)

Arctic Culture Lab – Nordkyn (Norvège, Groenland)

Page web

https://musamexico.org/​

https://www.cactlanzarote.com/​fr/​

http://www.arcticculturelab.no/​

Réf.

Guyot, 2015 ; Picken, 2016

Guyot, 2019 ; Guyot, 2020 ; Zamora, 2014

-

Autres sites du cluster

Nom

Eden to Addo (Afrique du Sud)

La ligne de partage des Eaux (France)

Djerassi Artists Residency (États-Unis)

Page web

https://edentoaddo.co.za/​landart

www.lepartagedeseaux.fr/

https://djerassi.org/​

Réf.

Guyot, Guinard, 2015 ; Guyot, 2015

Goodwin, 2019 ; Guyot, 2019

Farinella, 2017 ; Spence 2018

Auteurs, 2020, source : base de données programme IUF [ADONA].

52Les méthodes employées (ACM et CAH) ont permis de mettre en évidence trois groupes parmi les sites artistiques répertoriés. La distinction se fait notamment sur les acteurs impliqués, le financement, le medium de mise en art et concernent des séquences historiques et dynamiques propres aux espaces périphériques (déprise rurale, front écologique, gentrification rurale, tiers-espace). Une analyse cartographique et géographique de ces dernières montre une différenciation selon les aires géographiques, avec une arrivée manifeste dans les idéaux-types de pays périphériques et émergents par rapport aux sous-continents européen occidental et Nord-américain.

La genèse des sites artistiques : le recours ponctuel à une analyse de corpus thématisé

53À ce stade de la démonstration, il semble pertinent de comprendre les contextes et les motivations qui ont permis la genèse des sites artistiques. La même méthodologie (ACM, puis CAH) va donc être reproduite sur un corpus thématisé autour de l'origine de la création des sites artistiques, en lien avec les logiques de front. Le corpus thématisé "Genèse" se compose des 8 variables renseignant sur les fronts et les initiateurs des sites.

54La lecture de l’ACM est moins aisée que pour les autres corpus, ce qui implique aussi un positionnement moins stéréotypé (figure 10). On retiendra ici l’importance acquise par cet ensemble de variables peu mobilisé dans l'analyse globale que sont le front écologique, le front artistique ainsi que les acteurs et les motivations à l’initiative lors de la création du site.

Figure 10 : ACM Projection modalités dimensions 1 et 2, respectant le critère de Cibois

Figure 10 : ACM Projection modalités dimensions 1 et 2, respectant le critère de Cibois

Auteurs, 2020, source : base de données programme IUF [ADONA].

55Le corpus "Genèse" regroupe l’ensemble des variables décrivant le site artistique lors de sa phase de création, soit 8 variables : toutes celles du thème "Front" (v7, v8, v9), et du thème "Initiateur" (v21, v22, v23, v25, v26). Cependant, les variables v25 et v26 (respectivement, année et décennie d’ouverture), ne contribuant pas significativement à la construction des axes, ont été identifiées comme variables supplémentaires.

56S’il est compliqué d’envisager immédiatement une "clusterisation" franche, on voit s’établir la proximité, et donc le lien, entre des motivations écologiques portées par un collectif d’artistes et les logiques de fronts pionniers, qu’ils soient écologiques ou artistiques. Il existe de manière attendue une proximité entre des motivations socio-politiques et des porteurs publics, et un lien entre un seul artiste porteur du site et des motivations personnelles.

57La CAH met à jour 4 catégories (figure 11).

Figure 11 : Classes des individus issues de la CAH (sous-corpus Genèse)

Figure 11 : Classes des individus issues de la CAH (sous-corpus Genèse)

Auteurs, 2020, source : base de données programme IUF [ADONA].

58Cette classification est instructive car elle indique un véritable chevauchement entre les classes. La distinction entre chacune d'elles est difficile car les différentes variables ne permettent pas de discriminer fortement les sites. Les classes 1 et 2 sont en l'occurrence très proches. Les fronts pionniers artistiques et écologiques s'y retrouvent en majorité, avec un lien fort entre les deux. La différence relèverait surtout des motivations, d’ordre écologique dans le premier cas (comme à l’Arborétum Marcel Kroenlein dans les Alpes Maritimes en France, photo 4), artistiques dans le second, bien que pour ce dernier, on puisse également noter la présence de sites de front écologique (Annexe 2-c). La classe 3 regroupe les sites sans front artistique ni front écologique, dont la motivation de création est purement personnelle. La classe 4 comprend des sites dont la motivation initiale est touristique, avec une faible présence des dynamiques de fronts et, fait marquant, elle regroupe aussi bien les acteurs publics que privés.

59Chacune de ces classes représente un objectif à part entière de création de site artistique in situ. C'est bien la motivation qui est précisée ici : écologique pour la première (engagement artistique au nom d’une idéologie ou d’une pratique plus écologique et militante), artistique pour la deuxième (motivation artistique émanant du monde de l’art), personnelle pour le troisième (rencontre entre un artiste et un site virant parfois à l’égotisme artistique) et touristique pour la dernière (objectif affiché de mise en tourisme des sites artistiques au service du développement territorial).

Planche photo n° 4 : L’arborétum Marcel Kroenlein (06-France) est né de la volonté d’un biologiste austro-monégasque de regrouper et de protéger plusieurs espèces d’arbres des montagnes méditerranéennes. S’en est suivi un programme de développement artistique in situ initié par Michèle Ramin et Denis Gibelin en lien avec ce conservatoire montagnard de biodiversité, et soutenu par le prince de Monaco, dont on connaît les engagements écologistes.

Photo 4.1. Paysage des Alpes Maritimes depuis l’Arborétum.

Photo 4.1. Paysage des Alpes Maritimes depuis l’Arborétum.

Photo 4.2. "Placebo", œuvre de Christian Fulcheri, 2010, Arborétum Marcel Kroenlein. 19 pénitents sculptés dans la toile marine qui viennent se réunir en secret en forêt, clin d’œil à la communauté des pénitents rouges du Vieux Nice.

Photo 4.2. "Placebo", œuvre de Christian Fulcheri, 2010, Arborétum Marcel Kroenlein. 19 pénitents sculptés dans la toile marine qui viennent se réunir en secret en forêt, clin d’œil à la communauté des pénitents rouges du Vieux Nice.

60Les parangons, très archétypiques des objectifs affichés à la genèse des différents sites, illustrent parfaitement cette interprétation (tableau 4a). Dans la classe 1, c'est au nom de motivations écologistes qu'ont été initiés les La Wayaka ou Ars Bioarctica. La classe "motivation artistique" comprend des sites dont l'origine émane du monde l’art comme Blackfoot Pathways (Guyot, Saumon, 2017), High Desert Site ou encore Vassivière en France. La classe "motivation personnelle" est dédiée à des sites dont la création a été motivée par le projet d’un acteur individuel comme John Schmid pour le Monastère de Schoenthal en Suisse. La classe 4 enfin, rassemble des sites créés à des fins de développement territorial par l’art, en particulier à travers la mise en tourisme.

Tableaux 4a et 4b : corpus "Genèse" : les parangons et les individus spécifiques des 4 classes de CAH

Tableaux 4a et 4b : corpus "Genèse" : les parangons et les individus spécifiques des 4 classes de CAH

Auteurs, 2020, source : base de données programme IUF [ADONA].

  • 8 Source : Wikipédia
  • 9 Source : Wikipédia

61Parmi les idéaux-types (tableau 4b) des sites à "motivations écologiques", un bon exemple est fourni par Sachaqa Centro de Arte, en Amazonie péruvienne, qui dépend d’un éco-village à proximité de l’espace naturel protégé ‘Cordellera Escalera’. Pour la classe "motivations artistiques", nous pouvons revenir sur le site du Fondo Xilitla (Mexique), localisé à Las Pozas (Les Bassins, en espagnol), qui est un lieu-dit et jardin de sculptures tropical surréaliste de 32 hectares, créé entre 1962 et 1984 par le sculpteur et mécène surréaliste britannique Edward James (1907-1984), près de la municipalité de Xilitla, dans la Sierra Madre occidentale, au Mexique (version terrestre du jardin d'Éden romantique tropical équatorial surréaliste de la genèse biblique de ses rêves8). Au Japon, Echigo Tsumari est lui un projet artistique ambitieux localisé sur un vaste territoire en contact étroit avec l’architecture. La classe "motivations personnelles" est très représentée en France avec beaucoup d'initiatives individuelles telles que le développement de Château Lacoste dans les campagnes périphériques d’Aix-en-Provence. En 2004, Paddy McKillen, un collectionneur irlandais, projette de transformer le domaine viticole en centre d'art contemporain. Les artistes et architectes invités ont carte blanches pour créer sur l'emplacement de leur choix une œuvre artistique. Jean Nouvel est chargé de concevoir un ensemble de chais et Frank Gehry un pavillon de musique9. Il s’agit d’ailleurs d’un cas typique d’art washing. La dernière classe, elle, met en avant des archétypes de sites artistiques très touristiques comme Yorkshire Sculpture Park au Royaume-Uni ou Horizon Nature Sancy en France.

Conclusion

62Les formes de la mise en art dans les espaces périphériques sont complexes. Elles résultent le plus souvent de combinaisons entre des découvertes paysagères, des opportunités artistiques et des rencontres avec les acteurs de ces territoires. Néanmoins, avec plus de 200 sites artistiques recensés dans la base de données, il est nécessaire de procéder à une classification qui permet d’obtenir trois catégories généralisables de sites artistiques : les parcs de sculpture de l’art washing, l’art territorial des périphéries et le front éco-artistique des œuvres-projets. Chacun de ces regroupements de sites produit une géographie spécifique, relativement ubiquiste à l’échelle mondiale pour les parcs de sculptures (hors pays les moins avancés), très européo-centrée pour l’art territorial, et reliée à des espaces de marges à fortes aménités environnementales pour le front éco-artistique. Ces trois catégories ont des incidences spécifiques sur les espaces périphériques concernés : commercialisation et privatisation paysagère dans le cas des parcs de sculptures, avec des formes d’enclavement mettant parfois à distance le reste du territoire avoisinant ; artialisation de l’espace (public) naturel dans le cas de l’art territorial produisant un changement d’image, amenant des publics extérieurs au territoire et induisant des relations contrastées avec les acteurs locaux selon le degré d’adhésion au projet artistique (gestionnaires de la nature ou habitants par exemple) ; implantation de résidences artistiques dans le cas du front éco-artistique des œuvres-projets, plus ou moins autocentrées en fonction des motivations et des conditions de leur apparition. Il est alors apparu comme nécessaire de convoquer une analyse de corpus thématisé centrée sur la genèse de ces sites artistiques pour mieux comprendre les raisons d’émergence de cette mise en art. Cette ultime classification met en évidence quatre logiques d’émergence : écologique, artistique, personnelle et touristique. Combinées aux trois catégories principales, ces logiques d’émergence permettent une meilleure évaluation des incidences territoriales des sites artistiques, en particulier sur des enjeux socio-territoriaux spécifiques comme l’enclavement, l’entre-soi égotique au nom d’un front artistique personnalisé, la gentrification rurale, l’engagement militant au sein d’un front écologique, l’art récréatif au service de la mise en tourisme, ou encore l’art participatif. Des études de terrain, menées dans le cadre du programme de recherche ADONA, nous donnent alors la possibilité d’affiner qualitativement les logiques et incidences territoriales d’une mise en art au combien instrumentale (Guyot, 2019, 2021).

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Bibliographie

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Notes

1 La consultation de la base de données est possible sur le lien suivant : https://analytics.huma-num.fr/Gregoire.LeCampion/donnees_adona/

2 https://www.transartists.org/air/korean-nature-artists-association-yatoo

3 Code ISO (V5), Espace naturel protégé à proximité (V12), Typologie spatiale (V13), lieux_expo_fermé (V4), Année d’ouverture (V25), Présence d’un plan ou d’une carte (V17). Ces variables présentent des modalités "rares", du fait notamment d’une grande précision dans les possibilités de réponses. Par exemple, pour les variables Code ISO ou Année d’ouverture, certaines modalités ne sont présentes qu’une seule fois sur l’ensemble du corpus, ce qui tend à fausser l’ACM.

4 Beaucoup d’artistes intervenant dans ce type de sites artistiques ne sont pas forcément reconnus par le monde de l’art, et leur "professionnalisme" est souvent, à tort, remis en question par certains représentants institutionnels du monde de l’art contemporain, en particulier en France.

5 Biais statistique lié à la nationalité des auteurs ou réelle surreprésentation de la France ? La seconde hypothèse semble valable compte-tenu de la démocratisation de l’art territorial en France, en particulier dans les zones rurales qui rivalisent de grands projets artistiques pour redonner une nouvelle image à leurs campagnes.

6 Le land art "européen" est plus tardif que le land art états-unien et se différencie par une échelle d’intervention plus réduite, ainsi que par des "outils" de création moins intrusifs pour l’environnement naturel.

7 Pays qui n’apparaît dans la base de données que pour ce cluster, les sculptures antiques restant l’apanage des services archéologiques tous puissants au sein du budget du ministère de la culture grecque.

8 Source : Wikipédia

9 Source : Wikipédia

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Table des illustrations

Titre Figure 1 : Les sites artistiques dans le monde, des années 1960 aux années 2010
Crédits Auteurs, 2020, source : base de données programme IUF [ADONA].
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/35837/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 428k
Titre Figure 2 : Nombre de créations de sites artistiques dans le monde, par décennie
Crédits Auteurs, 2020, source : base de données programme IUF [ADONA].
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/35837/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 64k
Titre Figure 3 : ACM sur le corpus global (dimensions 1 et 2)
Crédits Auteurs, 2020, source : base de données programme IUF [ADONA].
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/35837/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 368k
Titre Figure 4 : Les principales variables et modalités de la dimension 1
Crédits Auteurs, 2020, source : base de données programme IUF [ADONA].
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/35837/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 268k
Titre Figure 5 : les principales variables et modalités de la dimension 2
Crédits Auteurs, 2020, source : base de données programme IUF [ADONA].
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/35837/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 272k
Titre Figure 6 : Clusters des individus issus de la CAH
Crédits Auteurs, 2020, source : base de données programme IUF [ADONA].
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/35837/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 304k
Titre Figure 7 : Localisation des sites artistiques du cluster 1
Crédits Auteurs, 2020, source : base de données programme IUF [ADONA].
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/35837/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 104k
Titre Photo 1.1. : cliché avril 2017 – Œuvre de Menashe Kadishman (Israeli, 1932–2015), Suspended, 1977, Weathering steel
Légende Sculpture extérieure typique, esthétique et ludique mais qui n’est pas in situ. Elle pourrait être localisée dans n’importe quel autre parc de sculptures.
Crédits © Menashe Kadishman (https://collections.stormking.org/​Detail/​objects/​389).
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/35837/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 156k
Titre Photo 1.2. : cliché avril 2017 – Œuvre d’Andy Goldsworthy, British, b. 1956, Storm King Wall, 1997–98
Légende Cette œuvre fait partie des réalisations in situ du parc de sculptures et a contribué à ancrer Storm King en lien avec le patrimoine rural local.
Crédits Fieldstone (https://collections.stormking.org/​Detail/​objects/​401). © Andy Goldsworthy
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/35837/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 204k
Crédits Auteurs, 2020, source : base de données programme IUF [ADONA].
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/35837/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 100k
Titre Photo 2.1. : Boucles de randonnées artistiques et cartels de différentes générations (avril 2019)
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/35837/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 232k
Titre Photo 2.2. : Œuvres de C. Lapie à l’orée du village de Lahaymeix, village à l’origine des résidences artistiques du Vent des Forêts à la fin des années 1990, et nouveau quartier général de l’association de gestion du site artistique (avril 2019).
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/35837/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 168k
Titre Figure 9 : Localisation des sites artistiques du cluster 3
Crédits Auteurs, 2020, source : base de données programme IUF [ADONA].
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/35837/img-13.jpg
Fichier image/jpeg, 112k
Titre Photo 3.1. : Centre des résidences artistiques de Djerassi surplombant une réserve naturelle privée (mai 2018)
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/35837/img-14.jpg
Fichier image/jpeg, 124k
Titre Photo 3.2. : Capture du site Web de Djerassi (lien : https://djerassi.org/​#hero) : "la terre inspire (les artistes) dans un cadre d’une nature d’une extraordinaire beauté" (accédé avril 2020)
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/35837/img-15.jpg
Fichier image/jpeg, 148k
Titre Tableau 1 : Les parangons des 3 clusters de la CAH (corpus global)
Crédits Auteurs, 2020, source : base de données programme IUF [ADONA].
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/35837/img-16.jpg
Fichier image/jpeg, 156k
Titre Tableau 2 : Les individus "spécifiques" des 3 clusters de la CAH (corpus global)
Crédits Auteurs, 2020, source : base de données programme IUF [ADONA].
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/35837/img-17.jpg
Fichier image/jpeg, 172k
Titre Figure 10 : ACM Projection modalités dimensions 1 et 2, respectant le critère de Cibois
Crédits Auteurs, 2020, source : base de données programme IUF [ADONA].
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/35837/img-18.jpg
Fichier image/jpeg, 216k
Titre Figure 11 : Classes des individus issues de la CAH (sous-corpus Genèse)
Crédits Auteurs, 2020, source : base de données programme IUF [ADONA].
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/35837/img-19.jpg
Fichier image/jpeg, 240k
Titre Photo 4.1. Paysage des Alpes Maritimes depuis l’Arborétum.
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/35837/img-20.jpg
Fichier image/jpeg, 260k
Titre Photo 4.2. "Placebo", œuvre de Christian Fulcheri, 2010, Arborétum Marcel Kroenlein. 19 pénitents sculptés dans la toile marine qui viennent se réunir en secret en forêt, clin d’œil à la communauté des pénitents rouges du Vieux Nice.
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/35837/img-21.jpg
Fichier image/jpeg, 396k
Titre Tableaux 4a et 4b : corpus "Genèse" : les parangons et les individus spécifiques des 4 classes de CAH
Crédits Auteurs, 2020, source : base de données programme IUF [ADONA].
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/35837/img-22.jpg
Fichier image/jpeg, 300k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Sylvain Guyot, Grégoire Le Campion et Olivier Pissoat, « Diversité et enjeux territoriaux de la mise en art des espaces périphériques dans le monde », Cybergeo: European Journal of Geography [En ligne], Politique, Culture, Représentations, document 962, mis en ligne le 14 décembre 2020, consulté le 18 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/cybergeo/35837 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cybergeo.35837

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Auteurs

Sylvain Guyot

Université Bordeaux Montaigne, UMR Passages 5319 CNRS et Institut Universitaire de France [programme ADONA], France
Professeur des Universités, Géographe
sylvain.guyot@cnrs.fr

Articles du même auteur

Grégoire Le Campion

UMR Passages 5319 CNRS, France
Ingénieur d’études, Statisticien
gregoire.lecampion@cnrs.fr

Olivier Pissoat

UMR Passages 5319 CNRS, France
Ingénieur d’études, Cartographe
olivier.pissoat@cnrs.fr

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Droits d’auteur

CC-BY-4.0

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