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MÉTIERS
Transmettre l'Histoire

Deux ou trois choses que nous savons du général Bigeard

Alain Ruscio
p. 145-163

Résumé

Ce texte a été rédigé en réponse à la décision prise par le gouvernement français de rendre un hommage officiel au général Bigeard, en plaçant ses cendres aux Invalides. Il s’agit de dénoncer l’une des multiples formes d’instrumentalisation politique de l’histoire mise en œuvre par le pouvoir. Pour servir son dessein de reconstruction d’une mythologie nationaliste, pour séduire les nostalgiques de la colonisation, le gouvernement du président Sarkozy n’a pas reculé, au moment où les historiens/nes multiplient les travaux scientifiques sur le sujet, au moment où les sociétés repensent cette histoire à la lumière du 50e anniversaire de la fin de la guerre en Algérie, à rendre hommage à l’un des tenants des guerres coloniales et des responsables de la répression en Algérie. L’historien Alain Ruscio a souhaité rappeler combien la « gloire » du général Bigeard est une construction idéologique, orchestrée par lui-même, relayée par de nombreuses forces de pression et même par le gouvernement de la République. Le texte s’inscrit dans le mouvement de protestation contre la construction de cette légende héroïque de la colonisation. Alain Ruscio a également initié avec la journaliste Rosa Moussaoui un appel qui a été lancé dans le public pour alerter et mobiliser. Mis en ligne sur le site http://nonabigeardauxinvalides.net/appel, cet appel a recueilli plus de 10 000 signatures.

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Entrées d’index

Géographie :

France

Chronologie :

XXe siècle
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Texte intégral

1La popularité de Marcel Bigeard, ancien résistant, sur la brèche durant les guerres d’Indochine et d’Algérie, s’explique sans aucun doute par le grand courage physique de l’homme, toujours aux côtés de ses paras dans les missions dangereuses, un style fait de coups de gueule, un respect relatif – et plutôt sympathique – pour les hiérarchies militaire et politique et… un sens aigu de la communication.

2Sa vie fut bien remplie

3Appelé en mars 1939, combattant de la drôle de guerre, prisonnier, évadé, résistant, parachutiste dans les services secrets français, il fait une Seconde Guerre mondiale honorable.

4Puis, c’est l’Indochine. Arrivé avec Leclerc avant même la généralisation de la guerre, il s’y taille rapidement la réputation d’un officier de terrain qui n’hésite pas à solliciter les missions les plus périlleuses. Sa légende naît en octobre 1952 à Tu Le, dans la haute région du Tonkin, où son bataillon, entouré par un Viet Minh bien plus nombreux, brise l’encerclement et rejoint les lignes françaises après une marche forcée épuisante d’une semaine. Toute la presse de métropole titre alors sur cette épopée. Enfin, c’est Dien Bien Phu. Bigeard est dans la première vague des éléments parachutés, dès le 20 novembre 1953. Il y est fait finalement prisonnier.

5À peine revenu de captivité, il repart en Algérie, où il arrive le 1er novembre 1955, pour le premier anniversaire de l’insurrection. Il y connaîtra le djebel, la lutte en ville (la bataille d’Alger), d’autres combats dans le djebel, la direction d’une école de formation à la guerre psychologique, avant de quitter définitivement l’Algérie, en février 1960, pour avoir de nouveau critiqué publiquement la hiérarchie.

6Parcours hors-normes, donc. Entre mars 1939 et février 1960, il n’aura pratiquement jamais connu le repos, la paix.

Bigeard, « metteur en scène de sa propre gloire »1

  • 1 Etienne de Montety, Le Figaro, 18 juin 2010.
  • 2 Marcel Bigeard, Aucune bête au monde, Paris, éd. de la Pensée moderne, 1959 ; id., Pour une parcell (...)

7Marcel Bigeard fut un auteur prolixe. Sa bibliographie est longue. Si l’on s’en tient à ses seuls ouvrages autobiographiques, on peut recenser sept ouvrages, dont la plupart ont connu des rééditions2. Il y parle souvent de lui à la troisième personne du singulier (Bigeard a fait… Bigeard a dit… Bigeard pense que…). Un psychanalyste y verrait sans doute un nombrilisme quelque peu surdimensionné.

8L’autobiographie est un genre certes particulier, où il est de bonne guerre de s’attribuer le beau rôle. Avec Bigeard, l’exercice a tourné au chef-d’œuvre.

9Il ne nous épargne aucune de ses citations militaires (effectivement louangeuses), aucune des appréciations portées sur lui par des collègues, des subordonnés, des journalistes (Jules Roy, Joseph Kessel, Jean Lartéguy, Eugène Mannoni, Brigitte Friang, Henri Amouroux)… Dans chacun de ses ouvrages, il fait insérer un dossier photos, dans lequel il est omniprésent. Dans le dernier, Ma vie pour la France, nous avons compté 44 effigies pour 24 pages…

10Partout, il se présente comme un sauveur, un maître du destin. On a l’impression, à le suivre dans ses différentes affectations, que ce soit en Indochine ou en Algérie, de la permanente reproduction d’un schéma : avant son arrivée, il n’y avait que désordre et inefficacité… durant sa présence, les troupes avaient été « merveilleuses », « époustouflantes », « extraordinaires », réduisant en poussière l’ennemi… puis, après son départ, « ses gars » n’acceptaient pas le successeur, mettaient les drapeaux en berne, c’était le retour, au mieux à la routine, au pis aux défaites.

  • 3 La bataille d’Alger a opposé une division de parachutistes puissamment armés, des gendarmes, des CR (...)
  • 4 Marcel Bigeard, Crier ma vérité, op. cit.
  • 5 Marcel Bigeard, De la brousse à la jungle, op. cit.
  • 6 Marcel Bigeard, Ma vie pour la France, op. cit.

11Un exemple : la bataille d’Alger, la mal nommée. Bigeard y a été présent sur le terrain de janvier à mars, puis de juin à septembre3. Or, que lit-on dans ses mémoires ? Qu’il avait quasiment gagné dès mars, mais que, lui parti, tout s’était délité. On imagine que Massu a dû apprécier. Donc, l’indispensable Bigeard fut rappelé en catastrophe en juin. Et que trouva-t-il ? « La situation […] nette laissée en mars » était devenue un « foutoir » : « Nous voilà quelques mois plus tard où tout est à refaire. En notre absence, les événements les événements ont été laissés à l’improvisation »4. Furieux, il écrit qu’Alger n’est « pas commandé », une ville « où l’on compose, où l’on s’arrange au mieux, où chacun conduit ses petites enquêtes, où l’on collabore suivant ses sympathies, ses affinités personnelles… »5. Heureusement pour la France, Bigeard revient : « Pour cadrer ce foutoir, je donne mes ordres. […] À nouveau, nous allons remonter les filières pour identifier les membres des cellules FLN et casser ces cellules pour démonter la résistance adverse. Il faut agir fermement et vite pour arrêter le massacre ». Le résultat ne se fait pas attendre : « Les bureaux FLN tombent les uns après les autres grâce au travail de renseignement que je remets en place »6. Beaucoup de « Je… mes… je… », un zeste de « nous… », encore et toujours.

  • 7 Gilles Perrault, Les parachutistes, Paris, éd. du Seuil, 1961.

12Ce qui n’était guère confraternel. On comprend que, même chez les militaires, il n’eut pas que des amis. Dans son essai, déjà ancien, sur l’esprit para, Gilles Perrault signale que, lorsque « les Bigeard’s boys » se faisaient étriller dans tel ou tel accrochage, bien des militaires des autres régiments en éprouvaient « une vive satisfaction »7. Rançon de l’autoglorification.

  • 8 Il avait défilé à la tête de ses troupes sur les Champs-Élysées, le 14 juillet 1956, puis avait été (...)

13Qu’importent ces légers dégâts collatéraux, le résultat est là. Marcel Bigeard, l’air de rien, est passé maître dans l’art de se peindre comme un être d’exception, le « premier para du monde », comme l’avaient titré France-Soir et Jours de France en 1956, formule reprise sans modestie excessive dans ses ouvrages8.

14Bigeard a sculpté sa propre statue. Avant lui, seul peut-être César, avec sa Guerre des Gaules, avait à ce point œuvré pour sa propre gloire. Bigeard n’aurait peut-être pas refusé le parallèle.

Morceaux choisis

15Suivons donc l’auteur dans ses aventures.

16Et, pour commencer, un page d’histoire au Tonkin, en 1946:

  • 9 Marcel Bigeard, De la brousse à la jungle, op. cit.

« La Haute Région tonkinoise et le pays Thaï vont me prendre par les tripes pour ne plus me lâcher […]. En avant pour les arrières viets. Pendant quatre mois, chaque semaine, une sortie de deux à trois jours au minimum, 80 km parcourus sur des pistes taillées au coupe-coupe dans les montagnes qui enserrent la route coloniale 41. Suis un vrai fauve, increvable. Mes pieds comme des griffes s’accrochent dans les pistes boueuses. Pas question de chaussures. Torse nu, carabine en bandoulière, grenades à la ceinture, serviette sur la tête, je suis un super Viet. Pareil pour mes hommes. Nos coups minutieusement préparés sont toujours payants. Constamment sur le terrain, on sympathise avec la population. Pour eux, nous ne sommes pas des conquérants, mais des libérateurs »9.

  • 10 Les Français avaient divisé un pays historiquement uni, le Viêt Nam, en trois zones, Tonkin au nord (...)
  • 11 Durant la guerre, puis bien au-delà, les militaires disaient les Viets, sorte d’ethnie inventée, le (...)

17Ouvrage écrit en 1994, quarante ans après Dien Bien Phu et la fin de la guerre… Bigeard, impassible, a toujours gardé le vocabulaire (Tonkin10, Route coloniale, Viets…11) et l’esprit (nous sommes des « libérateurs ») de l’ère coloniale.

18Second exemple, Dien Bien Phu. On sait qu’il y fut volontaire. En mission quasi ininterrompue en Indochine depuis 1945, il aurait pu, et nul ne le lui aurait reproché, se faire oublier (comme d’autres…). Il ne le fit pas, l’homme n’a jamais manqué de courage physique. Mais, dans ses ouvrages de souvenirs, il se donne tout de même un rôle un peu disproportionné :

  • 12 Marcel Bigeard, De la brousse à la jungle, op. cit. On remarque que Bigeard n’évoque même pas le gé (...)

« Les Viets arrosent notre parachutage de nombreux tirs d’artillerie. Du 16 mars au 7 mai 1954, nous tiendrons cinquante jours. De nombreux écrits sur ces combats. Bigeard redonne confiance, Bigeard attaque, Bigeard s’accroche… je ne m’éternise pas. Il y a eu tellement de livres sur cette bataille et sur moi. Alors que dans la citadelle, il y a des colonels, des lieutenants-colonels, des commandants plus anciens que moi, c’est le nom de Bigeard qui restera accroché à Dien Bien Phu »12.

19Comptons : quatre Bigeard, un je et deux moi en six lignes… Cet accaparement du vedettariat dienbienphusien a, là encore, probablement irrité plus d’un de ses anciens camarades des tranchées de 1954… Quant à la dernière phrase, elle peut prêter à rire : si un nom doit absolument être associé à Dien Bien Phu, ne serait-ce pas plutôt celui de Vo Nguyen Giap ?

  • 13 C’est une contre-vérité puisque Giap n’est jamais venu en France. Par contre, il a fréquenté l’Univ (...)

20A-t-il, au moins, tiré quelque enseignement de ce revers ? Jamais, en cinquante et quelques années de vie publique, il n’a produit d’analyse de la guerre d’Indochine. Des faits d’armes, des épopées, des combats d’homme à homme, transcrits avec les tripes… toujours le nez collé sur l’événement – et encore, seulement l’événement guerrier –, sans jamais prendre la peine de lever la tête et, au moins, d’essayer, de voir l’ensemble du tableau. Le tout ponctué de remarques un peu faciles, du genre : « Nous, au contraire des Américains, nous avions des contacts avec la population du Vietnam. Nous savions vivre de riz dans un bambou, marcher, vivre, se battre comme eux. Nous avions – même adversaires – des liens créés par notre histoire et une langue commune ». Mais les Vietnamiens ont été ingrats : « Giap a été formé en France. Nous avons construit leurs routes, leurs écoles »13. Sous le baroudeur, toujours, le colonial…

  • 14 Interview dans Libération, 7 mai 1984.

21Aucun enseignement ? Si, un : « c’est la race blanche qui a perdu », assène-t-il, à l’occasion du trentième anniversaire de Dien Bien Phu14. Sous le baroudeur, toujours, le raciste…

22Parcourons les années et les kilomètres. Après l’Indo perdue, il fallait coûte que coûte garder au pays l’Algérie, départements français, menacée par les mêmes adversaires. Bigeard y part en octobre 1955. Depuis exactement dix ans, il n’a guère passé de jours, ni de soirées, chez lui.

23Le récit de sa guerre d’Algérie occupe la moitié de son principal ouvrage de mémoires, Pour une parcelle de gloire. C’est dans les djebels que, de bête de guerre un peu atypique, il est devenu le « premier para du monde ».

  • 15 Marcel Bigeard, Pour une parcelle de gloire, op. cit.

24S’il n’a pas aimé la bataille d’Alger (« tout simplement, et hélas, un travail policier… […] Nous étions tellement forts face à quelques bombes, quelques armes, quelques tueurs »15), il a consacré de nouvelles pages d’autosatisfaction à ses nombreux faits d’armes dans le bled.

25En novembre 1957, le commandant en chef, le général Salan, le charge de retrouver une bande de rebelles qui vient de tendre une embuscade. Récit :

  • 16 Robert Lacoste, le ministre résidant, et “non résident”. Par cette dénomination, les politiques ava (...)
  • 17 Marcel Bigeard, De la brousse à la jungle, op. cit.

« Arrivée le 13 novembre à Timimoun. Répartition de mes effectifs sur le terrain et travail de renseignements. Comme des fourmis, nous accumulons petit à petit les informations. Le 23 novembre, la colonne est repérée, l’opération immédiatement montée. Le soir, après une dure journée de combats, les rebelles sont anéantis […]. Retour dans les Nementchas. Nouveaux succès. Ma popularité s’accroît. En ville, mes paras sont les rois. Robert Lacoste, le ministre résidant en Algérie, me rend visite en opération16. Le Monde me consacre de longs articles. Le “fellagha de l’autre bord”, le cas “Bigeard” irrite particulièrement les généraux. Je ne suis qu’un colonel »17.

26Le décor a changé. De la brousse indochinoise, on est passé aux sables algériens, le capitaine, puis commandant, Viet parmi les Viets, est devenu colonel, Fellagha de l’autre bord, mais un élément, central, subsiste, l’égocentrisme : « mes effectifs… ma popularité… mes paras… me consacre… le cas Bigeard… », moi, moi, moi… au début, on en sourit, à la longue, on s’en lasse.

27Après ces deux guerres – perdues, ne l’oublions tout de même pas, malgré les innombrables « victoires » bigeardiennes – il ne variera plus, ne ratant aucune occasion de se mettre en valeur, sous des dehors de feinte modestie, habillant cette véritable stratégie de communication par une gouaille populaire, alternant les gros mots et les bons mots.

28Tel fut le style. Du beau travail.

Naissance d’un mythe

29La mise sous les feux de l’actualité de Bigeard a commencé, on l’a vu, dès 1952. À partir de ce moment, ils furent nombreux, les journalistes à s’intéresser à lui. Par la suite, ses biographes, anciens militaires eux-mêmes, les Jean Lartéguy, Erwan Bergot, des historiens du dimanche travaillant pour des revues militaires sur papier glacé, n’eurent plus qu’à creuser, encore et toujours, le même sillon…

  • 18 Fémina Illustration, n° 26, juin 1956.
  • 19 Jour de France, 22 septembre 1956.

30L’un des premiers portraits connus est dû à la plume prestigieuse de Joseph Kessel. Tous les ingrédients y figurent déjà. C’est dans le djebel, dans l’arrière-pays bônois, que l’écrivain-journaliste, lui-même grand voyageur et baroudeur, rencontre « Bigeard, le magnétique » (c’est le titre de l’article)18. Dans un premier temps, lorsqu’il se présente comme journaliste, l’accueil est froid : « Tous ses muscles, vifs et secs, se dessinaient soudain sous l’étoffe. Les pommettes, les maxillaires supérieurs remuaient légèrement ». Mais Kessel a une lettre de recommandation d’un ancien de la division Leclerc : « Alors, les traits précis, austères, se détendirent, et j’aperçus pour la première fois sur ce visage la singulière clarté souterraine qui lui donnait une sensibilité, une naïveté et un charme extrême ». Quelques mois plus tard, toujours à Bône, Bigeard est victime d’une agression. Pendant qu’il faisait son footing quotidien, trois Algériens tentent de l’abattre. Il s’en sort miraculeusement, donnant un peu plus de chair encore à sa légende. Un hebdomadaire grand public lui consacre un reportage photo : « Devant l’hôpital, “l’homme à la baraka”. Victime d’un attentat, le légendaire colonel Bigeard a effectué une première sortie, le 10 septembre »19. Puis, c’est la bataille d’Alger, d’autres combats dans le djebel, avant de quitter définitivement l’Algérie, en février 1960, pour avoir de nouveau critiqué publiquement la hiérarchie.

31L’homme en imposait. Tous ceux qui l’ont rencontré et portraitisé – Kessel, déjà cité, et bien d’autres encore – ont avoué leur fascination, parfois trouble, pour ce baroudeur tout d’un bloc.

  • 20 Jean Lartéguy, Les centurions, Paris, Presses de la Cité, 1960.

32En 1960, paraissait un livre au succès considérable (plus d’un million d’exemplaires vendus, plusieurs traductions), Les Centurions, de Jean Lartéguy, ancien militaire20. Bigeard y était le personnage central, sous le pseudonyme de Raspéguy, que chacun reconnut dès les premières lignes : « Il tenait aux médailles. Il aimait les fastes militaires, mais, à chaque fois il se sentait frustré. Il voulait quelque chose et ne savait pas quoi [...]. Sa patrie était l’armée plus que la France : dans son esprit, il lui était impossible de distinguer l’un de l’autre ».

33S’y ajouta, trois années seulement après les accords d’Évian, le succès mondial de l’adaptation, par le cinéaste américain Mark Robson, du roman. Anthony Quinn, doté par la nature d’une sacrée belle gueule de baroudeur, y incarnait Raspéguy-Bigeard.

  • 21 Le Monde, 4 mars 2011.

34Le livre connut une seconde jeunesse aux États-Unis, lorsque les thématiques de la lutte contre le terrorisme, voire de la croisade contre le Mal, se sont imposées. Ce serait le général David Petraeus, commandant de la coalition militaire en Irak, puis en Afghanistan, grand lecteur de Lartéguy, qui serait intervenu personnellement pour une réédition de l’ouvrage en anglais. Lorsque l’auteur est mort, Pierre Assouline put écrire : « C’est peu dire que son propre manuel de contre-insurrection est inspiré d’un chapitre des “Centurions” ; celui-là même où Bigeard, alias Raspéguy, tirant les leçons de sa détention dans les geôles du Vietminh, décide d’adapter ses paras en Algérie à une guerre non conventionnelle où il faut d’abord couper son adversaire de la population, dès lors qu’elle lui fournit ravitaillement et informations. C’est un traité vivant et vécu de guerre contre-insurrectionnelle, dans lequel la dimension politique et psychologique, basée sur la primauté du renseignement, l’emporte sur l’aspect purement militaire des opérations […]. Jusqu’à la “manière” de faire parler à temps des combattants ayant disséminé en ville des bombes réglées pour exploser dans les vingt-quatre heures – ce qu’il appellera le ticking time bomb scenario, justifiant le recours dans l’urgence à la torture afin de sauver les vies de civils »21.

  • 22 Erwan Bergot, Les paras, Paris, Balland, 1971 ; id., Bataillon Bigeard, Indochine 1952-1954, Algéri (...)

35L’autre grand écrivain militaire fut un ancien d’Indo, officier para, Erwan Bergot, auteur de multiples ouvrages, dont cinq, au moins, confortent l’image de son idole : Les paras, Bataillon Bigeard, Indochine 1952-1954, Algérie 1955-1957 (préface du général Bigeard), Commandos de choc en Indochine, Les héros oubliés (re-préface du général Bigeard), Convoi 42, la marche à la mort des prisonniers de Dien Bien Phu, tout naturellement un Bigeard, pour finir par un Paras Bigeard22.

36Pour goûter au style Bergot, pas besoin de lire toute l’œuvre de l’écrivain. Qu’il nous suffise de citer les premières pages de Bataillon Bigeard : lorsqu’il est au garde-à-vous devant un général, Bigeard est décrit comme « droit, les bras légèrement décollés du corps, les épaules en arrière échancrant la chemise entrouverte sur un torse puissant […], soignant son apparence, fier de sa forme comme un athlète au mieux de sa condition physique » ; puis, lorsqu’il est en mouvement, il a « cette démarche assurée qui n’appartient qu’à lui, les épaules dégagées accompagnant le rythme des pas, les bras décollés des hanches, la tête haut levée qui lui permet de regarder le monde comme s’il le dominait »… On nous permettra de dire qu’il y a là, pour le moins, une sorte d’attirance trouble pour la virilité-faite-homme qu’un psychanalyste expliquerait mieux qu’un historien. Passons.

  • 23 Jean-Jacques Servan-Schreiber, Lieutenant en Algérie, Paris, René Julliard, 1957.
  • 24 Général de la Bollardière, Lettre à Jean-Jacques Schreiber, 27 mars 1957, dans l’Express, 29 mars 1 (...)

37On sera sans doute plus surpris de constater que des hommes de gauche ont succombé à son charisme. En 1991, paraissait un ouvrage de Jean-Jacques Servan-Schreiber, qui avait fait preuve durant la guerre d’Algérie de courage en publiant un témoignage, Lieutenant en Algérie23, puis en ouvrant les colonnes de son hebdomadaire au général de la Bollardière24. Il y brossait un portrait assez inattendu :

  • 25 Jean-Jacques Servan-Schreiber, Passions, Paris, éditions Fixot, 1991.

« Bigeard est, comme il dit, “un petit gars”. Un cas unique de soldat, engagé jeune, devenu sous-off, puis officier, pour atteindre le grade de général, sans éducation, sans concours, par sa simple excellence morale et physique. Et son extrême humanité : l’amour de ses hommes, la décision de sauter, à chaque bataille, toujours le premier en parachute ; c’est ainsi qu’il a été porté au zénith, par la clameur de ses légions. Son nom est devenu légendaire, personne ne peut plus jouer contre lui. Il est, lui, vraiment la France. Celle de Bayard, celle de Guynemer, celle de Leclerc, celle de nos rêves d’enfant »25.

38Tout est dit.

39Il est tout de même singulier qu’à aucun moment, dans ces centaines de pages à la gloire du Centurion, les auteurs ne se soient posé la vraie, et même la seule, question historiquement intéressante : pourquoi ces guerres ? au service de quelle cause fut déployé tant d’héroïsme ?

  • 26 « Dans le Viet Minh, il y a des individus qui se battent pour une mauvaise cause », Général Jean de (...)

40Que les acteurs et témoins de la décolonisation tragique se soient trompés sur la nature et la signification de ces guerres, passe encore. Mais que toute la bigearderie (comme on dit bondieuserie) persiste à ce point dans l’aveuglement, après plusieurs décennies, dépasse l’entendement. Pardon à nos thuriféraires de paraphraser un autre de leurs héros, de Lattre : Bigeard s’est bien battu (avec les exceptions que l’on signalera tout de même) pour une bien mauvaise cause26.

Et la torture ? La défense de Bigeard

41Pourtant, malgré le chœur des enthousiastes, le général Bigeard traîne une bien mauvaise réputation : il aurait participé à de nombreuses reprises à des exactions, parmi lesquelles l’usage de la torture.

  • 27 Pour la guerre d’Indochine, voir Alain Ruscio, « Interrogations sur certaines pratiques de l’armée (...)
  • 28 Général Paul Aussaresses, Services spéciaux. Algérie, 1955-1957, Paris, Librairie académique Perrin (...)
  • 29 Général Massu, propos recueillis par Florence Beaugé, Le Monde, 22 juin 2000.

42Avant d’examiner les pièces du dossier, il est bon de rappeler que la pratique de la torture est un fait, historiquement prouvé, lors des guerres de décolonisation. Lors même de ces guerres, il y eu une multitude de témoignages ; puis, après 1962, des études historiques argumentées ont été publiées27. Pour ne citer que des militaires, Jules Roy et de la Bollardière ont dénoncé très tôt ces pratiques a contrario Aussaresses a étalé, avec une complaisance cynique, ses états de service de tortionnaire et d’assassin28, Massu, à la fin de sa vie, a dit publiquement que la torture n’était « pas indispensable » et qu’« on aurait pu faire différemment »29. Mais Bigeard, lui, a continûment, et avec une conviction propre à emporter l’adhésion, nié toute participation à ces pratiques.

  • 30 Louisette Ighilhariz, Algérienne. Entretiens avec Anne Nivat, Paris, Fayard, 2001.

43Il commence par répondre à Louisette Ighilhariz, qui l’avait accusé de l’avoir personnellement torturée30 :

  • 31 Propos recueillis par Florence Beaugé, Le Monde, 21 juin 2000.

« Ce papier est malvenu. Bigeard reste un modèle pour la France. Vous faites mal à un type qui vit pour son pays. Je continue de recevoir des centaines de lettres se référant à Bigeard, reconnaissant sa valeur et me disant : “Heureusement que vous êtes là, dans une période où toutes les valeurs sont parties en fumée”. […] Le témoignage de cette femme est un tissu de mensonges. Il n’y a jamais eu de femme prise à mon PC. Il s’agit de démolir tout ce qu’il y a de propre en France. Bigeard en train de pratiquement violer une femme avec Massu, c’est inimaginable ! Massu, qui est un type très croyant, doit en être malade de lire ça. Tout est faux, c’est une manœuvre. Avant d’écrire quelque chose comme ça, il faut vérifier. D’ailleurs, le 28 septembre 1957, Bigeard n’était pas là, il avait quitté sa base de Sidi Ferruch, et était parti pour la Kabylie »31.

  • 32 Interview donnée à Minute, 20 décembre 2000.

44Il rencontre ensuite un journaliste d’un hebdomadaire d’extrême droite : « Je ne veux pas parler de la torture, la mort me fait peur, je suis incapable d’écraser un poulet sur la route ou d’égorger un lapin »32.

45Le même mois, il est avec les siens, à la caserne para de Rohrbach lès Bitche, où il décore deux anciens d’Indochine et d’Algérie. Il glisse à l’oreille de l’un d’eux : « On va bientôt passer au tribunal du peuple pour l’avoir fait ! Ah ! ». Il est également interrogé par une journaliste de la télévision (France 2), qu’il envoie rudement balader :

« Bigeard : Non, mais, j’ai pas dit que ça n’a pas existé… Tout le monde le dit qu’il y a eu la gégène… Hein ?

Journaliste : Mais on ne pouvait pas faire autrement ?

  • 33 En 1957, il était colonel.
  • 34 Agnès Varanian et Annie Cazeaux, France 2, Journal de 20 heures, Site internet INA.fr

Bigeard : Oh non, écoutez, je coupe là dessus, m’emmerdez pas avec ça… Non, ça suffit, on en parle toute la journée, y’en a marre… Massu a reçu des ordres, il était général, il a fait ce qu’il devait faire… et Bigeard était lieutenant-colonel33, aux ordres de Machin, et qui travaille le plus proprement possible »34.

46Quelques mois plus tard, il est l’invité d’une association d’anciens combattants d’un village proche de sa région natale, Lucey, en Meurthe-et-Moselle. Là, il est entre camarades, de meilleure humeur. Dans la salle des fêtes de la mairie, il improvise :

  • 35 Pierre Didier, Fr3, Journal 19-20, 6 mai 2001, Site internet INA.fr

« Torture, c’est d’abord un mot que vous n’admettez pas, moi non plus… La torture, quand on dit ça, ça vous donne le frisson, quoi… Y’avait des interrogatoires sérieux, mais pas la torture, pas la torture… Alors, quand on n’ parle que d’ ça, ça divise les Français, hein, d’abord, en disant : “Tous les anciens d’Algérie, bah, ils ont peut-être torturé… Tiens ! »35.

47Quelque temps plus tard, lors d’un entretien avec un journaliste suisse, il fait une concession : il y a bien eu des « interrogatoires musclés », mais il n’y a pas participé…

« Bigeard : J’étais pour une Algérie nouvelle où nous aurions mis en place des élites musulmanes. Ma solution pour sortir de la crise aurait été de traiter avec nos ennemis. La paix des braves, quoi ! Après, la France aurait pu partir la tête haute. Moi, je les aimais bien les Algériens.

Journaliste : N’empêche, eux vous considèrent dans leurs livres d’histoire comme un tortionnaire qui a fait tuer des milliers d’entre eux.

Bigeard : Vous voulez parler de torture. C’est un mot que je déteste…

  • 36 Marcel Bigeard, Contre-guérilla, Manuel édité à Alger, chez Baconnier, 1957.

Journaliste : Peut-être, mais c’est tout de même vous qui avez écrit le manuel de l’officier de renseignement, qui encourage l’emploi de la torture pour obtenir des informations…36

Bigeard : Évitez ce mot-là ! En plus, ceux qui m’accusaient d’avoir torturé se sont rétractés.

Journaliste : Mais on vous accuse d’avoir eu recours à des interrogatoires musclés ?

  • 37 « Bigeard raconte sa bataille d’Alger », Interview accordée à La Liberté, quotidien suisse, Canton (...)

Bigeard : Ça oui. Je l’écris d’ailleurs dans mes livres. Vous savez, nous avions affaire à des ennemis motivés, des fellaghas, et les interrogatoires musclés, c’était un moyen de récolter des infos. Mais ces interrogatoires étaient très rares et surtout je n’y participais pas. Je n’aimais pas ça. Pour moi, la gégène était le dernier truc à utiliser. L’affection marchait beaucoup mieux »37.

  • 38 Interview accordée à Minute, 20 décembre 2000.

48Mais, tout de même, il y a bien une raison pour que tant et tant de témoins le dénoncent ? Bigeard a son idée sur la question. Retrouvant ses réflexes de jeunesse, il passe à la contre-offensive : « Cette machination consiste à démolir le porte-fanion que je représente […]. Ce sont les porteurs de valises et les trotskistes qui gravitent autour du pouvoir qui ont monté cette machination »38.

Et la torture ? Les faits établis

49Tout cela, c’est de la communication.

50Il y a un autre Marcel Bigeard, révélé par divers témoignages, ne venant ni des « porteurs de valises », ni des « trotskistes », mais bien des rangs de ses (anciens ?) amis.

51L’Indochine, tout d’abord.

52L’usage massif, quasi industriel, de la torture durant la guerre d’Algérie a quelque peu masqué le précédent indochinois. Or, même si l’armée française l’a utilisée de façon artisanale, la torture ne fut pas absente, de 1945 à 1954, entre les rives du fleuve Rouge et celles du Mékong.

53Et Bigeard ?

54En 1996, Patrice Gélinet réalise, pour France-Culture, une longue et très complète série d’émissions sur la guerre d’Algérie. Parmi les témoins, le général Massu :

  • 39 Série La Guerre d’Algérie, vingt-cinq ans après, 4e émission, 15 août, 1996, site internet fabrique (...)

« La première fois que j’ai vu une gégène, j’étais seulement, en 55-56, inspecteur des troupes d’Afrique du Nord, et je me baladais depuis le Maroc jusqu’à Tunis, en passant par tous les régiments paras d’Algérie, qui étaient en fait à la disposition des commandants de zones d’autres secteurs. J’ai vu chez Bigeard employer la gégène, je suis tombé de mon haut et j’ai dit : “Qu’est-ce que c’est que ce truc ? Qu’est-ce que vous faites avec ce malheureux type ?”. Il m’a dit : “C’est la seule façon que nous avions en Extrême Orient, en Indochine, nous avons d’ailleurs appris ce procédé là-bas, et nous l’employons ici”. J’ai dit : “Le général qui vous commande à Constantine, Beaufre, est-il d’accord ?”. Il m’a dit : “Je pense, oui. Il était aussi en Indochine” »39.

  • 40 Le Monde, 22 juin 2000.

55Massu devait confirmer ce témoignage lors d’un entretien avec la journaliste du Monde, Florence Beaugé, précisant : « Cela se passait dans l’Edough, un massif situé dans le nord du Constantinois »40.

56Le témoignage d’un individu n’est pas suffisant pour apporter une preuve. Mais il émane, tout de même, et à deux reprises au moins, d’un officier supérieur, qui n’avait pas un intérêt particulier à salir un subordonné. Au bénéfice du doute, on n’affirmera donc pas que Bigeard a toujours, ni même souvent, torturé les Viets, comme il écrivait avec mépris, en Indochine, mais, au moins, qu’il y a eu parfois recours.

57Le dossier algérien est infiniment plus épais.

58Le colonel Bigeard a participé directement à la bataille d’Alger. Il a été sur le terrain de janvier à mars, puis de juillet à septembre. Il en a même été l’incontestable vedette. Tous ceux qui ont vu La Bataille d’Alger, de Gillo Pontecorvo (1965), savent que le colonel Mathieu, personnage central du film, paradant à la tête de ses soldats, était Bigeard.

59Il a écrit lui-même :

  • 41 Marcel Bigeard, Pour une parcelle de gloire, op. cit.

« En fait, il ne s’agit pas d’une bataille, mais tout simplement et hélas, d’un travail policier […]. Je n’ai pas aimé cette période, nous étions tellement forts face à quelques bombes, quelques armes, quelques tueurs, et pourtant des gosses, de belles jeunes filles, de jeunes garçons innocents mouraient ; d’autres avaient bras et jambes arrachés… »41.

  • 42 Marcel Bigeard, De la brousse à la jungle, op. cit.

60Et comment bien faire ce « travail policier » ? « Comme dans le maquis, les fells sont organisés. C’est cette structure qu’il faut découvrir. Comme toujours, les renseignements sont indispensables », écrivit Bigeard lui-même42. La collecte rapide de renseignements étant au cœur de la mission confiée aux militaires, comment pouvaient-ils procéder, si ce n’est de la façon qu’ils avaient pratiquée en Indochine puis, depuis trois ans, dans le djebel ?

61En fait, c’est à l’occasion de cette bataille d’Alger que la torture, déjà massivement pratiquée dans les campagnes, s’est généralisée à toute l’Algérie. Bigeard y a participé à deux reprises : de janvier à mars, puis de juillet à septembre 1957.

  • 43 Note, mars 1957, citée par Raphaëlle Branche, « La commission de sauvegarde pendant la guerre d’Alg (...)
  • 44 Note, mars 1957, citée par Raphaëlle Branche, ibidem.

62Or, en mars 1957, précisément, c’est-à-dire immédiatement après le premier passage de Bigeard et de ses paras, le secrétaire d’État chargé des Affaires algériennes, le socialiste Marcel Champeix, un proche de Guy Mollet, effectue une mission à Alger. Qu’y constate-t-il ? Un assainissement, grâce à des « méthodes tirées de l’arsenal de la Gestapo »43. Le Garde des Sceaux, François Mitterrand, qui n’a pourtant pas la réputation d’un modéré quant aux méthodes de répression, s’inquiète lui aussi dans une lettre au même Guy Mollet : « trop de fuyards […] abattus après leur arrestation […], trop de bruits circulent sur les procédés employés »44. Jacques Duquesne, envoyé spécial de La Croix à l’automne 1957, raconte cette anecdote. Il est reçu par Me Popie, ancien dirigeant des mouvements de jeunesse catholiques, un des derniers Français libéraux d’Alger (il sera ensuite assassiné par l’OAS) :

« Il me parla de la torture. Je pratiquais le doute, systématique. C’était mon devoir de ne rien croire qui ne fût vérifié. Il me tendit l’écouteur de son téléphone : “Vous allez entendre”. Il appela le colonel Trinquier, qui commandait alors le DPU (dispositif de protection urbaine), l’obtint assez vite. “Mon colonel, je vous remercie. J’ai vu mon client, Mohammed X, et il n’a pas été torturé par vos services”. Réponse du colonel (que je résume) : “C’est normal, cher Maître, puisque vous étiez intervenu” ».

  • 45 « Torture : le témoignage inédit de Jacques Duquesne », L’Express, 30 novembre 2000.
  • 46 Raphaëlle Branche, La Torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie, 1954-1962, Paris, Gallimard, (...)

63Jacques Duquesne conclut : « La torture était de règle ; la non-torture, l’exception »45. Toutes les études historiques, au premier rang desquelles la thèse de Raphaëlle Branche, parviennent à la même conclusion46.

64La cause est entendue : la torture a été, durant cette bataille d’Alger, massive, quasi systématique. Et féroce.

65Les principaux acteurs de ce sinistre épisode – Massu, Aussaresses, Chabanne, Trinquier – ont avoué, certains ont même justifié, cet usage. Bigeard, lui, a toujours biaisé. Mais, dans le contexte de l’extrême tension de 1957, pourquoi aurait-il été le seul à y renoncer ? N’est pas de Bollardière qui veut.

  • 47 Jacques Massu, La vraie bataille d’Alger, Paris, Plon, 1971.

66Or, non seulement Bigeard a participé à cette forme de répression, mais il a même été cité en modèle ! « À condition, a alors écrit Massu, que les chefs de corps soient complètement responsables de cet emploi, qui ne peut pas être délégué à d’autres qu’aux meilleurs capitaines, pourquoi pas ? J’ai laissé faire. Et j’ai même encouragé, j’ai même cité en exemple les premiers résultats de Bigeard »47.

67Il est des rapprochements cruels. Faisons-les : « La torture était de règle ; la non-torture, l’exception » (Jacques Duquesne)… « J’ai cité en exemple les premiers résultats de Bigeard » (Jacques Massu).

  • 48 Pierre Didier, Fr 3, Journal 19-20, 6 mai 2001, Site INA.fr (curieusement, Bigeard prononce « Ben H (...)
  • 49 Cette version est contredite par Aussaresses : « Bigeard avait été prévenu que je prenais en charge (...)
  • 50 Marcel Bigeard, Pour une parcelle de gloire, op. cit.
  • 51 Marcel Bigeard, De la brousse à la jungle, op. cit.
  • 52 Marcel Bigeard, Crier ma vérité, op. cit.
  • 53 Cité par Alain Peyrefitte, le 5 mars 1959 dans Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, vol. I, La Fran (...)

68Bigeard a longuement évoqué un épisode qui, une fois de plus, sculpte sa propre statue : son face-à-face avec Larbi Ben H’Midi, capturé par ses hommes le 23 février 1957. À lire et à écouter le général, il y eut alors une sorte de complicité : « On était devenus deux copains »48. Drôle de mot : le dirigeant du FLN ne fut certes, semble-t-il, pas torturé, mais drogué au Penthotal, afin qu’il livre des renseignements. Ce qu’il ne fit d’ailleurs pas. À la fin, le colonel para reçut l’ordre de livrer Ben H’Midi à Aussaresses, ce qui avait une claire et terrible signification, et Bigeard le savait. On imagine que, s’il l’avait absolument voulu, il aurait gardé son « copain ». Mais, même dans ce piteux épisode, il ne peut s’empêcher, c’est maladif, de s’attribuer le beau rôle49 : « Il quittera mon PC avec ma profonde amitié et une section qui lui rendra les honneurs… Je le vois encore avec quelques larmes sur le visage me dire : “Excusez cette faiblesse de quelques instants, je vous estime beaucoup, mon colonel” »50. Dans ses autres ouvrages de mémoires, Bigeard se contredit : en 1994, il écrit qu’il apprit « plus tard » sa mort « dans des conditions que j’ignore encore »51 ; en 2002, il affirme : « Le 5 mars 1957, j’apprends la version officielle, Ben M’Hidi a été retrouvé pendu dans sa cellule »52. On peut peut-être pardonner certains faits à Bigeard. Pas ce cynisme et ces mensonges sur le dos d’un martyr. « Fichaise », comme disait de Gaulle53.

69Et l’existence même des « crevettes Bigeard » est une preuve supplémentaire de ces pratiques inavouables. Témoignage de Paul Teitgen, alors secrétaire général de la préfecture d’Alger :

  • 54 émission de télévision « Témoignages sur la “bataille d’Alger” et la torture », 30 septembre, site (...)

« Bigeard, le courageux Bigeard, arrêtait les bonshommes – les questions de la torture, je n’en parle pas pour le moment – il leur mettait les pieds dans une cuvette, il remplissait de ciment, et puis c’est tout… Les pieds étaient pris, on mettait le gars dans un hélicoptère, on les lâchait en pleine mer… La mer les renvoyait… Ce que les gens d’Alger appelaient les “crevettes Bigeard”, les “crevettes” ! C’est vous dire l’atmosphère dans laquelle on vivait »54.

70Or, si des Algériens, en grand nombre, ont été ainsi éliminés, c’est soit parce qu’ils avaient été salement « amochés », soit parce qu’ils risquaient, un jour, de témoigner, soit… les deux.

  • 55 Marcel Bigeard, Pour une parcelle de gloire, op. cit.

71La bataille d’Alger achevée et (militairement) gagnée, Bigeard repart avec ses paras retrouver « l’air pur, la nature » (l’expression est de lui) des djebels55.

  • 56 Marcel Bigeard, Contre-guérilla, Manuel édité à Alger, chez Baconnier, 1957.
  • 57 Jacques Chaban-Delmas, Mémoires pour demain, Paris, Flammarion, cité par Marie-Monique Robin, Escad (...)

72Mais sa réputation est forte. Il vient de publier un Manuel de Contre-guérilla (1957)56. La technique des interrogatoires y est décrite. L’ouvrage est remarqué. Au point qu’un jeune ministre de la Défense à l’avenir prometteur, Jacques Chaban-Delmas, le convoque et lui demande d’ouvrir une école de formation à la guerre psychologique. Sans même se douter de l’humour involontaire de la formule, Chaban présentera plus tard Bigeard en ces termes : « L’homme qu’il fallait pour faire subir aux officiers subalternes un véritable électrochoc psychologique qui changerait à jamais leur façon d’envisager les opérations »57. Tout un programme.

  • 58 Le Monde, 12 mai 1958.
  • 59 Marcel Bigeard, Pour une parcelle de gloire, op. cit.

73En mai 1958, Chaban l’inaugure, dans la localité de Jeanne d’Arc, près de Philippeville. À cette occasion, Bigeard prononce un discours musclé : « Il y a vingt ans que nous nous faisons corriger. Il faut que cela change. Je veux vous voir quitter le centre gonflés à bloc et décidés à casser du fellagha »58. Plus tard, dans ses mémoires, Bigeard consacrera plusieurs pages à cet épisode, insistant sur la discipline, l’enthousiasme qu’il sut inculquer à ses élèves, tout jeunes officiers. Marches harassantes, mais acceptées, santé du corps et de l’esprit, chants, amitié virile, rien ne manque59.

74Rien ne manque ? Le général est étonnamment discret sur le contenu des cours. En fait, il s’agissait, entre autres, de rationaliser, d’humaniser (le mot fut employé) la torture. En décembre 1959, le journaliste Robert Barrat recueillit les confidences d’un ancien officier :

  • 60 Témoignage Chrétien, 16 décembre 1959, cité par Pierre Vidal-Naquet dans Pierre Vidal-Naquet, Les c (...)

« Il faut mettre les points sur les “i”. Comment n’y aurait-il pas complicité de l’ensemble de la hiérarchie quand, dans une école comme celle de Philippeville, au Centre d’entraînement à la guerre subversive – au camp Jeanne d’Arc, ce qui est tout de même un comble – on nous expliquait, pendant les cours sur le renseignement, qu’il y avait une torture humaine. […] Voici les notes que j’ai prises pendant le cours du capitaine L…, durant le deuxième quinzaine d’août 1958. Nous étions quatre brigades. Le capitaine L… nous a donné cinq points que j’ai là, de façon précise, avec les objections et les réponses : “1. Il faut que la torture soit propre. 2. Qu’elle ne se passe pas en présence de jeunes. 3. Qu’elle ne se passe pas en présence de sadiques. 4. Qu’elle soit faite par un officier ou par quelqu’un de responsable. 5. Et surtout qu’elle soit humaine, c’est-à-dire qu’elle cesse dès que le type a parlé et surtout qu’elle ne laisse pas de traces. Moyennant quoi – conclusion – vous avez droit à l’eau et à l’électricité”. Cela, je l’ai noté au fur et à mesure qu’il parlait »60.

  • 61 Marie-Monique Robin, Escadrons de la mort, l’école française, Paris, La Découverte, 2004. Le fac-si (...)

75Plusieurs années plus tard, Marie-Monique Robin rencontra, elle aussi, un ancien élève de cette école. Le temps avait passé, et son interlocuteur accepta de se faire connaître : il s’agissait du général Raymond Chabanne, alors capitaine de parachutistes, adjoint de Bigeard durant la bataille d’Alger (1957), professeur de Jeanne d’Arc (1958). Il lui montra des plans de cours. Le troisième s’appelait « Notre action, nos méthodes », dans lesquels le mot « torture » apparaissait, aux côtés de « Génératrice… Action psychologique… » puis, plus bas, sans doute à titre d’exemples, « Opération casbah… Opération rafle… Opération bidonvilles… »61

  • 62 Paul et Marie-Catherine Villatoux, La République et son armée face au péril “subversif”. Guerre et (...)

76L’école est cependant fermée, quelques mois après l’avènement de la Ve République. Officiellement, c’est parce que décidément Bigeard a une trop grande gueule (il a accordé une nouvelle interview, à Paris-Presse, qui a déplu à l’Élysée). En réalité, il faut voir dans cette décision « le premier signe d’une désapprobation du pouvoir politique vis-à-vis d’un enseignement de la guerre subversive devenu par trop caricatural et en marge de la hiérarchie militaire, avec le risque évident de dérives factieuses »62.

  • 63 Marcel Bigeard, Pour une parcelle de gloire, op. cit.
  • 64 Marcel Bigeard, Pour une parcelle de gloire, op. cit.

77Bigeard, après un court retour en France, est de nouveau affecté en Algérie (janvier 1959), dans un secteur qu’il qualifie lui-même de « pourri », à Saïda63. Toujours cette même rhétorique : avant moi, c’était le désastre, mais attention, j’arrive… À Saïda, justement, il a une visite de marque, le 27 août 1959 : le général de Gaulle en personne. Dans ses mémoires, il consacre à cette visite plusieurs pages. Avec, comme formule introductive : « Que d’honneur ! de Gaulle chez Bigeard ! »64. Une façon de plus, sous des dehors plaisants, de se hisser un peu…

  • 65 Nommé par de Gaulle, Paul Delouvrier fut le Délégué général du gouvernement en Algérie de décembre (...)
  • 66 Gérard Périot, Deuxième classe en Algérie, 1954-1962, Paris, Flammarion, 1962, cité par Pierre Vida (...)

78Mais il y a un détail dont il ne parle pas dans ses mémoires : « Lorsque le général de Gaulle vint à Saïda le 27 août 1959, il prit à part le colonel Bigeard et, en présence de M. Delouvrier, lui enjoignit de mettre fin à la pratique des tortures65. Quand Bigeard quitta le commandement du secteur opérationnel de Saïda, il réunit le 29 octobre 1959 tous les officiers du secteur en un déjeuner à l’issue duquel il leur déclara (je cite textuellement ses paroles) : “Lorsque le général de Gaulle et M. Delouvrier sont venus à Saïda, ils m’ont dit : plus de tortures. Alors moi, messieurs, je vous dis : plus de tortures, mais torturez quand même” »66.

79Faut-il plus de témoignages encore ?

80Non, la cause nous paraît entendue.

81Lorsque le général Marcel Bigeard rendit l’âme, le 18 juin 2010, dans son domicile de Toul, il y eut un concert de louanges, à commencer par ceux émanant de la présidence de la République (un « très grand soldat charismatique »). Un hommage officiel lui fut rendu aux Invalides.

82Ceux qui – et pas seulement à gauche – ne participaient pas à cette émotion, car ils savaient, eux, que Bigeard n’avait pas été seulement un baroudeur, un soldat sans peur au service de sa France, observèrent un silence poli, par respect dû à tout mort. Ça passera, pensèrent-ils. Il valait mieux ne pas porter la polémique, en cette période de recueillement des siens et de ses amis.

83Et ça n’a pas passé. Un an plus tard (pourquoi maintenant ?), le gouvernement de la France a pris l’initiative de transférer les cendres du général aux Invalides. Que le maître d’œuvre de cette manipulation se nomme Gérard Longuet, un ancien activiste du très fasciste mouvement Occident, n’est, après tout, qu’anecdotique. Mais emblématique : la droite classique française est désormais ouvertement phagocytée par l’idéologie de sa frange extrême, la réhabilitation des grandes figures de l’épopée coloniale est aujourd’hui une arme de guerre contre la mémoire.

84Après l’hommage de juin 2010, nous pûmes dire : Hélas… Après le projet de transfert, nous sommes quelques-uns à dire : Holà !

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Notes

1 Etienne de Montety, Le Figaro, 18 juin 2010.

2 Marcel Bigeard, Aucune bête au monde, Paris, éd. de la Pensée moderne, 1959 ; id., Pour une parcelle de gloire, Paris, Plon, 1975 ; id., De la brousse à la jungle, Paris, Hachette Livres Carrère, 1994 ; id., Ma guerre d’Indochine, Paris, Hachette Livres Carrère, 1994 ; id., Ma guerre d’Algérie, Paris, Hachette Livres Carrère, 1995 ; id., Crier ma vérité, Paris, éd. du Rocher, 2002 ; id., Ma vie pour la France, Paris, éd. du Rocher, 2010.

3 La bataille d’Alger a opposé une division de parachutistes puissamment armés, des gendarmes, des CRS, des miliciens, prêts à tout, à quelques centaines de militants traqués dans la Casbah.

4 Marcel Bigeard, Crier ma vérité, op. cit.

5 Marcel Bigeard, De la brousse à la jungle, op. cit.

6 Marcel Bigeard, Ma vie pour la France, op. cit.

7 Gilles Perrault, Les parachutistes, Paris, éd. du Seuil, 1961.

8 Il avait défilé à la tête de ses troupes sur les Champs-Élysées, le 14 juillet 1956, puis avait été décoré par la président Coty. Repris dans Marcel Bigeard, Pour une parcelle de gloire, op. cit.

9 Marcel Bigeard, De la brousse à la jungle, op. cit.

10 Les Français avaient divisé un pays historiquement uni, le Viêt Nam, en trois zones, Tonkin au nord, Annam au centre, Cochinchine au sud.

11 Durant la guerre, puis bien au-delà, les militaires disaient les Viets, sorte d’ethnie inventée, le nom noble de Vietnamiens étant réservé aux baodaïstes collaborateurs.

12 Marcel Bigeard, De la brousse à la jungle, op. cit. On remarque que Bigeard n’évoque même pas le général de Castries, pourtant commandant en chef du camps retranché. Lui-même était commandant au moment du parachutage ; il fut promu lieutenant-colonel durant la bataille.

13 C’est une contre-vérité puisque Giap n’est jamais venu en France. Par contre, il a fréquenté l’Université de Hanoï. Propos tenus dans une interview accordée à Mireille Parailloux, dans Le Parisien, 19 février 1984.

14 Interview dans Libération, 7 mai 1984.

15 Marcel Bigeard, Pour une parcelle de gloire, op. cit.

16 Robert Lacoste, le ministre résidant, et “non résident”. Par cette dénomination, les politiques avaient voulu souligner que Robert Lacoste resterait en permanence en Algérie pendant son mandat.

17 Marcel Bigeard, De la brousse à la jungle, op. cit.

18 Fémina Illustration, n° 26, juin 1956.

19 Jour de France, 22 septembre 1956.

20 Jean Lartéguy, Les centurions, Paris, Presses de la Cité, 1960.

21 Le Monde, 4 mars 2011.

22 Erwan Bergot, Les paras, Paris, Balland, 1971 ; id., Bataillon Bigeard, Indochine 1952-1954, Algérie 1955-1957, Paris, Presses de la Cité, 1976 ; id., Commandos de choc en Indochine. Les héros oubliés, Paris, Grasset, 1979 ; id., Convoi 42, la marche à la mort des prisonniers de Dien Bien Phu, Paris, Presses de la Cité, 1986 ; id., Bigeard, Paris, Librairie Académique Perrin, 1988 ; id., Un para Bigeard, Paris, Presses de la Cité, 1992.

23 Jean-Jacques Servan-Schreiber, Lieutenant en Algérie, Paris, René Julliard, 1957.

24 Général de la Bollardière, Lettre à Jean-Jacques Schreiber, 27 mars 1957, dans l’Express, 29 mars 1957.

25 Jean-Jacques Servan-Schreiber, Passions, Paris, éditions Fixot, 1991.

26 « Dans le Viet Minh, il y a des individus qui se battent pour une mauvaise cause », Général Jean de Lattre de Tassigny, Appel à la jeunesse vietnamienne, 11 juillet 1951, brochure, Saïgon, Imprimerie française d’Extrême-Orient, 1951.

27 Pour la guerre d’Indochine, voir Alain Ruscio, « Interrogations sur certaines pratiques de l’armée française en Indochine, 1945-1954 », dans Claude Liauzu (dir.), Violence et colonisation. Pour en finir avec les guerres de mémoire, Paris, éditions Syllepse, 2003 ; pour la guerre d’Algérie, voir Raphaëlle Branche, La torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie, 1954-1962, Paris, Gallimard, 2001.

28 Général Paul Aussaresses, Services spéciaux. Algérie, 1955-1957, Paris, Librairie académique Perrin, 2001.

29 Général Massu, propos recueillis par Florence Beaugé, Le Monde, 22 juin 2000.

30 Louisette Ighilhariz, Algérienne. Entretiens avec Anne Nivat, Paris, Fayard, 2001.

31 Propos recueillis par Florence Beaugé, Le Monde, 21 juin 2000.

32 Interview donnée à Minute, 20 décembre 2000.

33 En 1957, il était colonel.

34 Agnès Varanian et Annie Cazeaux, France 2, Journal de 20 heures, Site internet INA.fr

35 Pierre Didier, Fr3, Journal 19-20, 6 mai 2001, Site internet INA.fr

36 Marcel Bigeard, Contre-guérilla, Manuel édité à Alger, chez Baconnier, 1957.

37 « Bigeard raconte sa bataille d’Alger », Interview accordée à La Liberté, quotidien suisse, Canton de Fribourg, 9 décembre 2006.

38 Interview accordée à Minute, 20 décembre 2000.

39 Série La Guerre d’Algérie, vingt-cinq ans après, 4e émission, 15 août, 1996, site internet fabriquedessens

40 Le Monde, 22 juin 2000.

41 Marcel Bigeard, Pour une parcelle de gloire, op. cit.

42 Marcel Bigeard, De la brousse à la jungle, op. cit.

43 Note, mars 1957, citée par Raphaëlle Branche, « La commission de sauvegarde pendant la guerre d’Algérie : chronique d’un échec annoncé », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, n° 61, 1999.

44 Note, mars 1957, citée par Raphaëlle Branche, ibidem.

45 « Torture : le témoignage inédit de Jacques Duquesne », L’Express, 30 novembre 2000.

46 Raphaëlle Branche, La Torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie, 1954-1962, Paris, Gallimard, 2001.

47 Jacques Massu, La vraie bataille d’Alger, Paris, Plon, 1971.

48 Pierre Didier, Fr 3, Journal 19-20, 6 mai 2001, Site INA.fr (curieusement, Bigeard prononce « Ben H’Maïdi », à l’anglaise).

49 Cette version est contredite par Aussaresses : « Bigeard avait été prévenu que je prenais en charge son prisonnier. Il s’était arrangé pour s’absenter », Général Paul Aussaresses, Services spéciaux. Algérie, 1955-1957, Paris, Librairie académique Perrin, 2001. C’est le capitaine Allaire qui remit Ben H’Midi à Aussaresses.

50 Marcel Bigeard, Pour une parcelle de gloire, op. cit.

51 Marcel Bigeard, De la brousse à la jungle, op. cit.

52 Marcel Bigeard, Crier ma vérité, op. cit.

53 Cité par Alain Peyrefitte, le 5 mars 1959 dans Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, vol. I, La France redevient la France, Paris, éditions de Fallois/Fayard, 1994.

54 émission de télévision « Témoignages sur la “bataille d’Alger” et la torture », 30 septembre, site INA.fr (la langue parlée de l’interview a été respectée dans la transcription).

55 Marcel Bigeard, Pour une parcelle de gloire, op. cit.

56 Marcel Bigeard, Contre-guérilla, Manuel édité à Alger, chez Baconnier, 1957.

57 Jacques Chaban-Delmas, Mémoires pour demain, Paris, Flammarion, cité par Marie-Monique Robin, Escadrons de la mort, l’école française, Paris, La Découverte, 2004.

58 Le Monde, 12 mai 1958.

59 Marcel Bigeard, Pour une parcelle de gloire, op. cit.

60 Témoignage Chrétien, 16 décembre 1959, cité par Pierre Vidal-Naquet dans Pierre Vidal-Naquet, Les crimes de l’armée française, Algérie, 1954-1962, Paris, La Découverte/poche collection Essais, 2001 (1er édition Maspero, 1975).

61 Marie-Monique Robin, Escadrons de la mort, l’école française, Paris, La Découverte, 2004. Le fac-similé du général Chabanne figure en page 5 de l’encart photo.

62 Paul et Marie-Catherine Villatoux, La République et son armée face au péril “subversif”. Guerre et action psychologique, 1945-1960, Paris, Les Indes Savantes, 2005.

63 Marcel Bigeard, Pour une parcelle de gloire, op. cit.

64 Marcel Bigeard, Pour une parcelle de gloire, op. cit.

65 Nommé par de Gaulle, Paul Delouvrier fut le Délégué général du gouvernement en Algérie de décembre 1958 à novembre 1960.

66 Gérard Périot, Deuxième classe en Algérie, 1954-1962, Paris, Flammarion, 1962, cité par Pierre Vidal-Naquet, dans Pierre Vidal-Naquet, Les crimes de l’armée française, Algérie, 1954-1962, op. cit.

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Pour citer cet article

Référence papier

Alain Ruscio, « Deux ou trois choses que nous savons du général Bigeard »Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 118 | 2012, 145-163.

Référence électronique

Alain Ruscio, « Deux ou trois choses que nous savons du général Bigeard »Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique [En ligne], 118 | 2012, mis en ligne le 01 janvier 2014, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/chrhc/2647 ; DOI : https://doi.org/10.4000/chrhc.2647

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Auteur

Alain Ruscio

Historien, membre du collectif Non à Bigeard aux Invalides

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