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Dissertatio

Le « Parentat » Lusignan (xe-xive siècle) : structures, parenté vécue, solidarités et pouvoir d’un lignage arborescent

Thèse de doctorat en histoire médiévale, sous la direction de John Tolan et de Martin Aurell, université de Nantes, soutenue le 10 décembre 2018
Clément de Vasselot de Régné

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îles britanniques, France
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Texte intégral

  • 1  K. Schmid, « Zur Problematik von Familie, Sippe und Geschlecht, Haus und Dynastie beim mittelalter (...)
  • 2  José Enrique Ruiz Doménec a substitué à la notion généalogique de « branche cadette » le concept d (...)
  • 3  Voir, notamment, E. L. Cox, The Eagles of Savoy, The House of Savoy in Thirteeth Century Europe, P (...)
  • 4  Arnold de Lübeck, Chronica slavorum, éd. J. M. Lappenberg, Monumenta Germaniae Historica, Scriptor (...)

1Dans la seconde moitié du xxe siècle, les médiévistes ont identifié une modification profonde ayant affecté les structures de parenté de l’aristocratie dans le courant du xie siècle. La Sippe, cognatique, large et indifférenciée, laisse la place au lignage patrilinéaire, caractérisé par un resserrement vertical des liens de parenté, des pratiques successorales favorisant la primogéniture masculine et un enracinement identitaire autour d’un castrum1. Ce schéma, désormais classique, doit être nuancé en raison de la faible attention portée jusqu’ici au développement de sous-lignages et au comportement des collatéraux2. Nombre de familles médiévales, les Savoie, les Capétiens, les Dreux et les Dreux-Bretagne, les Montfort, les Brienne, les Blois-Champagne, les Lacy, les Briouze, les Luxembourg et les Habsbourg forment un groupe réticulaire de cousins, titulaires de diverses principautés et seigneuries, souvent transrégionales, dispersées à l’échelle locale ou supra-locale, partageant une même identité, soudés par une intense coopération, créant un réseau qui les rendait d’autant plus propres à exercer pouvoir, domination et influence politique3. Chez les historiens, les paradigmes de l’État puis de la principauté ont fait écran à ces ensembles politiques familiaux, mouvants au gré des alliances matrimoniales et des successions qui n’ont jamais réellement été appréhendés en tant que tels. L’élaboration d’un nouveau concept s’imposait. Nous avons adopté le vocable « parentat », francisation de parentatus, terme latin peu courant désignant la parenté, employé par Arnold de Lübeck4. Nous proposons de définir un parentat comme « la puissance politique et territoriale formée par la cohésion récurrente et structurelle de plusieurs individus unis par des liens de parenté, polarisés autour d’un groupe partageant une identité et des repères familiaux communs dans le but de défendre ses intérêts politiques et patrimoniaux ou ceux de l’un de ses membres ».

  • 5  La principale étude, réalisée par Prosper Boissonnade, dans les années 1930, portait sur le sous-l (...)
  • 6  M. Aurell, « Introduction, modernité de la monographie familiale », in Id (dir.), Le médiéviste et (...)
  • 7  Sur les Lusignan qui règnent à Chypre jusqu’à la fin du xve siècle, consulter L. de Mas-Latrie, Hi (...)

2La famille de Lusignan est un cas d’école de ce phénomène. Or, elle n’avait jamais fait l’objet d’une étude générale qui prenne en compte l’ensemble de ses sous-lignages et sa dimension transrégionale5. Réaliser une monographie familiale nous a permis de collecter une très grande diversité d’informations pour éclairer l’environnement social, religieux, culturel et économique du groupe familial, ses dynamiques internes et ses interactions avec d’autres groupes sociaux, politiques ou lignagers6. Analyser l’ascension des Lusignan, les mécanismes de leur dispersion, le fonctionnement des solidarités internes et l’évolution de ces processus sur le temps long imposait d’appréhender la totalité de la famille, depuis ses origines jusqu’à son extinction, au début du xive siècle, dans la mesure où ses membres continuent à avoir des relations et ont conscience d’appartenir au même ensemble. Au total, nous avons étudié deux cent trente-quatre individus, membres de dix sous-lignages, dont les trajectoires se répartissent sur la période comprise entre 904 et 1324. Mais, nous n’avons pas traité le sous-lignage implanté à Chypre après la mort de Guy de Lusignan, car l’entretien de liens avec sa parenté d’Occident n’est pas avéré7.

  • 8  Le « Conventum » (vers 1030) : un précurseur aquitain des premières épopées, éd. G. Beech, Y. Chau (...)

3Environ cent soixante chroniques et annales ont été consultées, dont deux textes consacrés spécifiquement à un membre de la famille8. Près de cinq mille documents concernant les Lusignan ont été compilés, dont nous avons retenu mille deux cent soixante-seize actes émis par les Lusignan ou leur étant directement adressés pour former un catalogue que nous avons présenté en annexe (fig. 1).

Fig. 1 – Répartition chronologique des actes du catalogue

Fig. 1 – Répartition chronologique des actes du catalogue

C. de Vasselot

4À cette base, sont venus s’ajouter des fragments de comptabilité, des enquêtes, des chansons et des inscriptions. Afin de diversifier les approches et de croiser les informations, nous avons aussi constitué deux catalogues recensant cent vingt modèles de sceaux (fig. 2) et vingt-neuf types monétaires.

Fig. 2 – Sceau de Geoffroy Ier de Lusignan, seigneur de Jarnac

Fig. 2 – Sceau de Geoffroy Ier de Lusignan, seigneur de Jarnac

AN, J//192, n° 15
Cl. C. de Vasselot

5Les armoiries de l’un des membres de la famille ont été retrouvées dans vingt-quatre armoriaux, sur quinze artefacts muséographiques et dans deux cycles de peinture murale. Nous avons enfin effectué des visites et des campagnes photographiques là où subsistaient des tombeaux, des châteaux ou des bâtiments religieux attribuables, en tout ou en partie, à la famille de Lusignan.

La propagation arborescente d’un lignage : le parentat Lusignan à l’échelle de la chrétienté

  • 9  R. Hajdu, A History of the nobility of Poitou (1150-1270), Princeton, 1972, p. 45-47 ; G. Damon, « (...)
  • 10  Guy de Lusignan a été réévalué par Raymond Smail et Peter Edbury : R. C. Smail, « The Predicaments (...)

6Les nombreux points obscurs de l’histoire de la famille nous ont amenés à réaliser un exposé chronologique dans la première partie de notre travail. La famille est issue de l’aristocratie carolingienne de l’Aunis et de la vallée de la Sèvre et profite de relations privilégiées avec le comte et l’évêque de Poitiers pour structurer son contrôle sur les voies d’acheminement du sel vers la capitale comtale. Les revenus et l’assise territoriale qui en découlent amènent les seigneurs de Lusignan à occuper un rang prééminent au sein de l’aristocratie poitevine, leur donnant la capacité de défier ouvertement le comte de Poitiers au début du xiie siècle, puis de contester l’autorité des Plantagenêt lorsque l’Aquitaine intègre leur patrimoine9. La dispersion familiale résulte de cette position : Guy de Lusignan et ses frères sont bannis d’Aquitaine pour avoir assassiné un représentant royal. Grâce à l’aura des trois générations de croisés qui l’ont précédé et à son mariage avec Sybille de Jérusalem (fig. 3), Guy parvient à coiffer la couronne de Jérusalem10.

Fig. 3 – L’insertion des Lusignan dans le réseau de l’Orient latin, 1168-1186

Fig. 3 – L’insertion des Lusignan dans le réseau de l’Orient latin, 1168-1186

C. de Vasselot

7Et pour se concilier les turbulents châtelains poitevins, Richard Cœur de Lion soutient Guy, dont l’autorité est contestée après le désastre d’Hattin, allant jusqu’à lui abandonner Chypre. Mais il organise aussi les fiançailles de son neveu, Hugues IX de Lusignan, avec l’héritière du comté d’Angoulême et le mariage de son frère cadet, Raoul Ier d’Exoudun, avec celle du comté d’Eu (fig. 4) et des honneurs de Hastings (fig. 5) et de Tickhill (fig. 6) en Angleterre.

Fig. 4 – Le comté d’Eu, années 1200

Fig. 4 – Le comté d’Eu, années 1200

C. de Vasselot

Fig. 5 – L’honneur de Hastings, v. 1214

Fig. 5 – L’honneur de Hastings, v. 1214

C. de Vasselot

Fig. 6 – L’honneur de Tickhill, v. 1218

Fig. 6 – L’honneur de Tickhill, v. 1218

C. de Vasselot

  • 11  M. Aurell, « La bataille de la Roche-aux-Moines : Jean sans Terre et la prétendue traîtrise des Po (...)

8À la mort de Richard, le trio formé par Geoffroy Ier et ses neveux, Hugues IX et Raoul Ier, assisté de leurs parents des sous-lignages mineurs (fig. 7), met à profit la crise successorale puis l’effondrement des domaines des Plantagenêt au nord de la Loire pour étendre son autorité sur le Poitou et le comté de La Marche11.

Fig. 7 – Le groupe familial dans les années 1200

Fig. 7 – Le groupe familial dans les années 1200

C. de Vasselot

9La génération suivante augmente le contrôle familial sur le nord de l’Aquitaine quand Hugues X épouse la comtesse d’Angoulême et Geoffroy II la vicomtesse de Châtellerault (fig. 8).

Fig. 8 – Le parentat Lusignan à son apogée, années 1230

Fig. 8 – Le parentat Lusignan à son apogée, années 1230

C. de Vasselot

  • 12  Voir par exemple C. Andrault-Schmitt, « L’abbaye de Valence et le style gothique des cisterciens » (...)
  • 13  Sur Alphonse de Poitiers, l’établissement de sa domination en Poitou et la gestion de son domaine, (...)

10Hugues X entreprend alors, en mettant son alliance aux enchères entre le roi de France et le roi d’Angleterre et en s’appuyant sur la puissance des autres membres de son lignage, d’échafauder un nouvel espace politique à cheval sur le Poitou, la Marche, la Saintonge et l’Angoumois, ainsi que de rayonner vers la Gascogne. Les sommes d’argent qu’il perçoit des deux souverains financent une politique de construction militaire et religieuse qui tient autant de la protection et de la religiosité que de l’affirmation de son prestige12. Si chaque affrontement entre un membre de la famille et un souverain français ou anglais tourne au désastre pour le premier, le reste du groupe se mobilise toujours en sa faveur, fait pression sur le vainqueur, limite les dégâts et obtient des accords de paix très avantageux pour toute la famille. Le contrôle du centre-ouest de la France finit par faire l’objet, en 1242, d’un conflit frontal entre le parentat Lusignan – Hugues X, Geoffroy II, Raoul II et Guillaume II de Lezay, soutenus par Henri III d’Angleterre parce qu’il est le beau-fils d’Hugues X – et le parentat capétien – Louis IX et Alphonse de Poitiers. À la faveur de cette guerre, Alphonse de Poitiers triple son domaine au détriment des Lusignan13. La famille royale arrache ainsi la domination sur le Poitou au groupe familial Lusignan.

11En dépit de ces échecs, les Lusignan demeurent un enjeu de pouvoir entre le Plantagenêt et le Capétien. Malgré leurs difficultés face à Alphonse de Poitiers, deux mariages bretons amènent les comtes de La Marche à entrer en possession du comté de Penthièvre, échangé ensuite contre de riches domaines en Île-de-France, ainsi que des seigneuries de Fougères et de Porhoët (fig. 9).

Fig. 9 – Les Lusignan en Bretagne, seconde moitié du xiiie siècle

Fig. 9 – Les Lusignan en Bretagne, seconde moitié du xiiie siècle

C. de Vasselot

  • 14  Pour un bilan historiographique sur la réforme baronniale, voir C. Tilley, « Modern Historians and (...)

12Henri III d’Angleterre, conscient de l’importance de ses frères utérins Lusignan pour la conservation de ses domaines continentaux, les invite en Angleterre, procure généreusement terres et pensions à l’ensemble de la famille et facilite l’installation définitive de Guillaume de Valence en Angleterre et son intégration à la haute aristocratie anglaise. La compétition pour la faveur royale entre les trois familles liées, proches du souverain, les Lusignan, les Savoie et les Montfort (fig. 10), finit par fracturer l’aristocratie anglaise, débouchant sur la réforme baronniale et la seconde guerre des barons14.

Fig. 10 – Les trois parentats de l’entourage d’Henri III d’Angleterre

Fig. 10 – Les trois parentats de l’entourage d’Henri III d’Angleterre

C. de Vasselot

  • 15  Sur le sous-lignage de Valence, voir, notamment, J. R. S. Phillips, Aymer de Valence earl of Pembr (...)

13Mais les Lusignan implantés en Angleterre sortent vainqueurs de ces oppositions, parvenant même à structurer davantage leur présence Outre-Manche grâce à la solidité de leurs soutiens familiaux sur le continent. Pourvu de terres dans une vingtaine de comtés anglais (fig. 11), au Pays de Galles, en Écosse et en Irlande, le sous-lignage de Valence demeure prééminent au sein du milieu baronnial et de l’entourage royal jusqu’à la fin du premier quart du xive siècle15.

Fig. 11 – Les domaines des Lusignan en Angleterre, 1275-1296

Fig. 11 – Les domaines des Lusignan en Angleterre, 1275-1296

C. de Vasselot

14Mais, au fur et à mesure que se renforce l’idéologie royale, en France comme en Angleterre, les différents membres de la famille sont polarisés par leur souverain et entrent dans une dépendance de plus en plus étroite envers lui. La famille, qui s’était illustrée par ses nombreux retournements d’alliance, se distingue désormais par son engagement militaire et diplomatique au service du roi. Au début du xive siècle, peu avant l’extinction biologique de la famille des deux côtés de la Manche, une tentative du dernier comte de La Marche, Guy de Lusignan, de pactiser avec le roi d’Angleterre pour contrebalancer le pouvoir du Capétien, entraîne la confiscation complète de ses terres.

Structures familiales et parenté vécue16

  • 16  Sur le concept de « parenté vécue », voir F. Weber, Le sang, le nom, le quotidien. Une sociologie (...)
  • 17  G. Duby, « Lignage, noblesse… », op. cit., p. 805-807 ; M. Aurell, « La parenté en l’an mil… », op (...)

15Dans une deuxième partie, nous nous sommes intéressés aux structures et aux mécanismes qui faisaient perdurer, au sein de la parenté agnatique, la conscience d’appartenance à un groupe singulier. Le groupe se segmente au fur et à mesure des générations en plusieurs lignées, qui se cristallisent rapidement autour d’un castrum dont elles prennent le nom, conformément au modèle du passage de la Sippe au lignage bien mis en valeur par l’historiographie17. Toutefois, la dénomination systématique de l’aîné par le prénom Hugues ne concerne pas seulement la principale lignée châtelaine, mais caractérise l’ensemble du groupe et participe à l’entretien d’une conscience identitaire horizontale plutôt qu’à la verticalisation du lignage (fig. 12).

Fig. 12 – L’anthroponymie des Lusignan, xe-seconde moitié du xiie siècle

Fig. 12 – L’anthroponymie des Lusignan, xe-seconde moitié du xiie siècle

C. de Vasselot

16Une inversion anthroponymique est observable dans le courant du xiie siècle, qui transforme le mode d’expression de la communauté. Si le prénom caractéristique perdure dans la branche aînée, il est délaissé par les cadets, qui, en revanche, gardent tous désormais le nom de famille « de Lusignan » (fig. 13).

Fig. 13 – L’anthroponymie des Lusignan, seconde moitié du xiie-xive siècle

Fig. 13 – L’anthroponymie des Lusignan, seconde moitié du xiie-xive siècle

C. de Vasselot

  • 18  Sur l’usage des armoiries comme marqueurs d’identité, voir notamment J.-C. Loutsch, « Emprunts d’a (...)

17Les armoiries, adoptées à la même époque, viennent compléter le système identitaire familial18. Non seulement elles matérialisent la parenté entre les membres du groupe, mais elles hiérarchisent ce dernier grâce à un système flexible de brisures (fig. 14).

Fig. 14 – Les brisures héraldiques des Lusignan

Fig. 14 – Les brisures héraldiques des Lusignan

C. de Vasselot

  • 19  Jack Goody avait souligné, au sein du lignage médiéval, la coexistence de la parenté bilatérale co (...)

18Néanmoins, les éléments identitaires matrilinéaires ne sont pas négligeables et comprennent, par exemple, une bonne partie de l’anthroponymie parfois nécessaire pour assurer une continuité dans une seigneurie apportée par la mère. L’individu évolue au sein d’une structure familiale polarisée autour de deux réseaux. L’un est variable, composé des parents de la mère et de l’épouse et l’autre est stable, formé des cousins éloignés descendant du même individu par les hommes. La parenté vécue est plutôt cognatique alors que les structures identitaires sont agnatiques19. Chaque membre du groupe a un devoir envers sa parentèle, dicté par « l’amour naturel », qui se concrétise dans les manifestations de cohésion et de solidarité familiale. Il caractérise aussi bien la parenté bilatérale immédiate de chaque personnage que ses relations avec ses collatéraux plus éloignés en ligne agnatique. Mais, alors que la logique de solidarité disparaît entre les cognats, elle persiste chez les agnats.

  • 20  Voir, en particulier, M. Lauwers, La mémoire des ancêtres. Le souci des morts. Morts, rites et soc (...)
  • 21  Voir, par exemple, le tombeau de Yolande de Bretagne, épouse d’Hugues XI de Lusignan, reproduit da (...)
  • 22  Pour une mise en perspective, voir L. Hablot, « L’héraldisation du sacré aux xiie-xiiie siècles, u (...)

19L’identité familiale est aussi construite par l’inscription de la famille dans l’espace religieux à travers un processus de construction de la mémoire20. La forme et la décoration des sépultures en font de véritables mémoriaux qui exposent la supériorité sociale, l’étendue du pouvoir familial et la nature des alliances des défunts21. L’héraldique et les épitaphes permettent au tout-venant d’identifier le défunt et de le mettre en relation avec sa descendance22. Le tombeau ressuscite la puissance d’un individu en tant que membre de son lignage, rappelle ses vertus et incite à prier pour l’âme du défunt. Localisé dans le cœur symbolique d’une principauté ou d’une seigneurie, voire d’un royaume, il conforte et légitime la domination du lignage. La fondation d’anniversaires et de chapellenies balise aussi l’espace en instituant dans de multiples lieux le rappel quotidien ou annuel de la mémoire d’un mort. En dépit des variations des établissements religieux bénéficiaires des dévotions familiales et les changements de nécropole familiale, explicable par l’expansion territoriale du lignage au xiiie siècle, certains comportements relevant du religieux participent à la structuration de l’identité familiale. Ainsi, la dévotion à la Vierge Marie, attestée notamment par les fondations religieuses de la famille, toutes placées sous son patronage, est observable sur dix générations. L’engagement en faveur de la croisade est, lui aussi, constant et souvent douloureux, puisque seize membres de la famille y prennent part sur huit générations et que neuf y laissent la vie.

Le pouvoir d’un groupe familial

  • 23  Les médiévistes ont déjà largement abordé les principautés sous l’angle de la gouvernementalité, v (...)
  • 24  Pour une synthèse à l’échelle européenne de la manière dont la domination seigneuriale s’inscrit d (...)
  • 25  Voir, à ce sujet, G. Chenard, L’administration d’Alphonse de Poitiers…, op. cit., p. 526 ; G. E. M (...)

20Dans une troisième partie, nous nous sommes interrogés sur les structures de pouvoir et les pratiques de gouvernementalité employés par les Lusignan face à la grande diversité de principautés et de seigneuries parfois voisines, parfois très dispersées, dans lesquelles ils ont été amenés à exercer une autorité23. Si chaque espace est régi par ses propres coutumes, sa gestion est impactée par son appartenance au tout hétéroclite dépendant d’un seul individu, mais aussi, à plus petite échelle, par l’union de toutes les principautés détenues par un membre de la famille au sein du groupe. Si le pouvoir des Lusignan s’apparente à celui des autres puissants, ils s’individualisent par des méthodes et des pratiques similaires dans tous les territoires qu’ils maîtrisent. Ils limitent l’autonomie urbaine et favorisent la présence des juifs. Ils manifestent la domination spatiale du groupe par des constructions castrales identiques, utilisant d’abord la tour à éperon puis la tour polygonale24. Ils recrutent les membres de leurs entourages dans les mêmes familles, partageant parfois leurs administrateurs. Certains sont employés de manière simultanée par plusieurs frères ou cousins. Le pouvoir individuel de chaque membre du groupe s’appuie ainsi sur les ressources humaines et idéologiques spécifiques à la famille tout entière. Si la réalité de son emprise est assez mal connue en raison de multiples pertes documentaires, elle semble, loin des clichés traditionnels sur les gouvernements féodaux, avoir employé des méthodes similaires à celles des princes capétiens, étageant les compétences et institutionnalisant les fonctions, permettant un encadrement efficace des populations25.

  • 26  Sur la conflictualité et la violence seigneuriale, voir S. D. White, « “Pactumlegem vincit et am (...)
  • 27  F. Mazel, « Justice, société et pouvoir à l’époque féodale : nouvelles perspectives. À propos de d (...)

21Détenteurs d’une puissance sociale sur les hommes et les territoires, les Lusignan se sont heurtés, dans leurs tentatives de l’étendre ou de la consolider, à des dominations concurrentes, dont les mieux connues sont les seigneuries ecclésiastiques qui s’autonomisent aux xie et xiie siècles aux dépens des pouvoirs laïcs. Il en résulte une conflictualité latente, où la violence, calibrée en fonction de la situation litigieuse, contribue à l’affirmation de l’autorité seigneuriale sur les espaces contestés26. Et si le rétablissement de la concorde passe par une redéfinition des relations de pouvoir au sein de la société, les procédures judiciaires comme les compositions à l’amiable se fondent sur la recherche de la vérité. La résolution des conflits n’est pas uniquement consensuelle, elle participe d’un « régime de vérité », dans lequel la répartition du juste et du tort sont nécessaires pour pouvoir élaborer des compositions ou des sentences aptes à rétablir la paix27.

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  • 28  Sur le mythe de Mélusine, voir, notamment, J. Le Goff et E. Le Roy-Ladurie, « Mélusine maternelle (...)

22Au terme de ce travail et, en guise d’ouverture, nous avons rappelé combien la montée en puissance de la famille de Lusignan, l’hégémonie du parentat en Aquitaine, son déploiement des deux côtés de la Manche, son formidable réseau de forteresses, sa dispersion à l’échelle de la chrétienté ont rapidement amené les contemporains à rechercher la force surhumaine à l’œuvre derrière cette destinée incroyable. Ainsi, une trentaine d’années après la mort des derniers Lusignan d’Occident circulait déjà en Poitou une œuvre poétique cristallisant autour d’eux le mythe de la fée-serpent, reprise par Jean d’Arras et par Couldrette dans leurs récits respectifs, le Roman de Mélusine ou la noble histoire de Lusignan et le Roman de Mélusine28.

Reçu : 3 mars 2019 – Accepté : 9 mai 2019

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Notes

1  K. Schmid, « Zur Problematik von Familie, Sippe und Geschlecht, Haus und Dynastie beim mittelalterlichen Adel. Vorfragen zum Thema : “Adel und Herrschaft im Mittelalter” », Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, 105 (1955), p. 1-62 ; G. Duby, « Lignage, noblesse et chevalerie au xiie siècle dans la région mâconnaise : une révision », Annales. Économies, sociétés, civilisations, 27 (1972), p. 803-823 ; G. Duby et J. Le Goff, Famille et parenté dans l’Occident médiéval, Rome, 1977 ; R. Le Jan, Famille et pouvoir dans le monde franc (viie-xe siècle), essai d’anthropologie sociale, Paris, 1995 ; M. Aurell, « La parenté en l’an mil », in Regards croisés sur l’an Mil, éd. Cahiers de civilisation médiévale, 2000, p. 125-142.

2  José Enrique Ruiz Doménec a substitué à la notion généalogique de « branche cadette » le concept de sous-lignage, notant que les membres du lignage principal encadraient ceux des sous-lignages qui étaient toujours prêts à combattre à leur service : J. E. Ruiz Doménec, « Système de parenté et théorie de l’alliance dans la société catalane (environ 1000-environ 1240) », Revue historique, 262 (1979), p. 305-326. Si, en Pays de Vaud, Guido Castelnuovo situe la transformation lignagère à la fin du xie siècle, il observe aussi au xiiie siècle, la multiplication des ramifications lignagères doublées de la mise en place d’une hiérarchie interne aux groupes familiaux : G. Castelnuovo, Seigneurs et lignages dans le Pays de Vaud, du royaume de Bourgogne à l’arrivée des Savoie, Lausanne, 1994 (Cahiers lausannois d’histoire médiévale, 11). En étudiant le Languedoc, Claudie Duhamel-Amado a proposé de distinguer deux phases dans la structuration lignagère et a théorisé le concept de lignage arborescent, associant verticalité et horizontalité jusqu’aux alentours de l’an 1100 : C. Duhamel-Amado, Genèse des lignages méridionaux, l’aristocratie languedocienne du xe au xiie siècle, Paris, 2001 ; Ead., Genèse des lignages méridionaux, portraits de familles, Paris, 2007. La monographie de Fabrice Lachaud, consacrée aux Craon, met en lumière « une entité complexe, combinant verticalité et horizontalité, au moins jusqu’au xiiie siècle », avec des solidarités horizontales perdurant entre des branches cadettes, qui partagent une identité commune, manifestée par l’utilisation d’armoiries brisées et un enchevêtrement d’alliances matrimoniales destinées à maintenir entre-elles des liens étroits : F. Lachaud, Le lignage en question. Femmes, alliances et filiations chez les Craon, Bordeaux, 2017, p. 419-420 et 432-433.

3  Voir, notamment, E. L. Cox, The Eagles of Savoy, The House of Savoy in Thirteeth Century Europe, Princeton, 1974 ; D. Crouch, The Beaumont Twins : The Roots and Branches of Power in the Twelfth Century, Cambridge, 1986 ; R. Bartlett, The making of Europe : conquest, colonization and cultural change, 950-1350, Princeton, 1993, p. 57 ; Ch. H. Johnson, D. W. Sabean, S. Teuscher et F. Trivellato (éd.), Transregional and Transnational Families in Europe and Beyond : Experiences since the Middle Ages, New York/Oxford, 2011 ; J.-P. Zuñiga (dir.), Pratiques du transnational. Terrains, preuves, limites, Paris, 2011 ; C. Veach, Lordship in four realms. The Lacy family, 1166-1241, Manchester, 2014 ; A. Rigollet, Mobilités du lignage anglo-normand de Briouze (mi xie siècle-1326), thèse de doctorat sous la direction de M. Aurell et D. Power, université de Poitiers, 2017 ; G. Perry, The Brienne : The Rise and Fall of a Champenois Dynasty in the Age of the Crusades, c. 950-1356, Cambridge, 2018.

4  Arnold de Lübeck, Chronica slavorum, éd. J. M. Lappenberg, Monumenta Germaniae Historica, Scriptores, t. 21, Hanovre, 1869, p. 212 et p. 233.

5  La principale étude, réalisée par Prosper Boissonnade, dans les années 1930, portait sur le sous-lignage aîné des Lusignan, à partir de son accession au rang comtal, dans la continuité des Taillefer d’Angoulême et selon un paradigme à la fois étatique et régional, qui amenait l’auteur à s’interroger sur les raisons de l’échec d’une construction étatique similaire à celle qui pouvait être observée, à la même époque, autour des Capétiens ou des Plantagenêt : P. Boissonnade, « L’ascension, le déclin et la chute d’un grand État féodal du centre-ouest : les Taillefer et les Lusignan comtes de la Marche et d’Angoulême », Bulletin et mémoires de la Société historique et archéologique de la Charente, 1935, p. 4-258 et 1943, p. 1-194. Par la suite, les rares travaux concernant spécifiquement les Lusignan s’étaient cantonnés à une approche régionale : H. S. Snellgrove, The Lusignans in England, 1247-1258, University of New Mexico, 1950 ; S. Painter, « The House of Lusignan and Châtellerault, 1150-1250 », Speculum, 30/3 (1955) ; Id, « The Lords of Lusignan in the Eleventh and Twelfth centuries », Speculum, 32/1 (1957), p. 27-47 ; R. Watson, The counts of Angoulême from the 9th to the mid-13th century, unpublished PhD, University of East-Anglia, 1979 ; R. Cintré, « Les Lusignan seigneurs de Fougères (1256-1314) », Le pays de Fougères, 27 (1980), p. 6-8 et 28 (1980), p. 14-15 ; T. Palosfalvi, Recherches sur la famille des Lusignan et ses relations aux xie et xiie siècles, mémoire de DEA sous la direction de M. Aurell, université de Poitiers, 1995 ; R. Favreau (dir.), Isabelle d’Angoulême, comtesse et reine et son temps (1186-1246), Poitiers, 1999 ; F. Morvan, « Les seigneurs de Fougères, du milieu du xiie siècle au milieu du xive siècle », Bulletin et mémoires de la société d’histoire et d’archéologie du Pays de Fougères, 41 (2003), p. 1-51 ; G. Damon, Naissance d’une tétrarchie nobiliaire en Poitou : les vicomtes de Thouars et les seigneurs de Lusignan, Parthenay et Mauléon, mémoire de DEA sous la direction de M. Aurell, université de Poitiers, 2004.

6  M. Aurell, « Introduction, modernité de la monographie familiale », in Id (dir.), Le médiéviste et la monographie familiale : sources, méthodes et problématiques, Turnhout, 2004, p. 19.

7  Sur les Lusignan qui règnent à Chypre jusqu’à la fin du xve siècle, consulter L. de Mas-Latrie, Histoire de l’île de Chypre sous le règne des princes de la maison de Lusignan, Paris, 3 vol., 1852-1861 ; W. H. Rudt de Collenberg, Les Lusignan de Chypre, Leukōsia, 1980 ; P. W. Edbury, The Kingdom of Cyprus and the Crusades, 1191-1374, Cambridge, 1991 ; G. Grivaud, « Les Lusignan et leur gouvernance du royaume de Chypre (xiie-xive siècle) », in M. Pauly (dir.), Europäische Governance im Spätmittelalter, Heinrich VII. Von Luxemburg und die großen Dynastien Europas, Luxembourg, 2010, p. 351-374.

8  Le « Conventum » (vers 1030) : un précurseur aquitain des premières épopées, éd. G. Beech, Y. Chauvin et G. Pon, Genève, 1995 ; G. Pon, « La dévastation de l’abbaye de Maillezais (v. 1225-1232) par Geoffroy de Lusignan, dit Geoffroy à la Grand’Dent », Bulletin de la Société des antiquaires de l’Ouest, 12/3-4 (1998), p. 223-271.

9  R. Hajdu, A History of the nobility of Poitou (1150-1270), Princeton, 1972, p. 45-47 ; G. Damon, « Stratégies nobiliaires et politiques familiales dans le Poitou médiéval : l’ascension des vicomtes de Thouars, des seigneurs de Lusignan, de Parthenay et de Mauléon (ixe-milieu du xiiie siècle) », Revue historique du Centre-Ouest, 5 (2006,) p. 7-29 ; Id., « Jeux seigneuriaux en Poitou au temps des Plantagenêts. L’exemple des vicomtes de Thouars, des Lusignan, des Parthenay-Larchevêque et des Mauléon », in M. Aurell et F. Boutoulle (dir.), Les seigneuries dans l’espace Plantagenêt (c.1150-c. 1250), Bordeaux, 2009, p. 285-308. Sur l’autorité des Plantagenêt et l’opposition aristocratique qu’ils rencontrent, voir M. Aurell, L’empire des Plantagenêt, 1154-1224, Paris, 2003 ; F. Madeline, Les Plantagenêts et leur empire, construire un territoire politique, Rennes, 2014 ; M. Cosson, Richard Cœur de Lion, comte de Poitou, duc d’Aquitaine (1157-1199), La Roche-sur-Yon, 2017.

10  Guy de Lusignan a été réévalué par Raymond Smail et Peter Edbury : R. C. Smail, « The Predicaments of Guy of Lusignan, 1183-1187 », in B. Z. Kedar, H. E. Mayer et R. C. Smail (éd.), Outremer, studies in the history of the crusading kingdom of Jerusalem, Jérusalem, 1982, p. 159-176 ; P. W. Edbury, « Propaganda and faction in the Kingdom of Jerusalem : The background to Hattin », in Id (éd.), Kingdoms of the Crusaders : from Jerusalem to Cyprus, Aldershot, 1999, I, p. 173-189. Voir aussi B. Hamilton, The Leper King and his Heirs : Baldwin IV and the Crusader Kingdom of Jerusalem, Cambridge, 2005. Nous nous situons dans la continuité de leurs analyses.

11  M. Aurell, « La bataille de la Roche-aux-Moines : Jean sans Terre et la prétendue traîtrise des Poitevins », Comptes rendus des séances de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, janvier-mars 2017, p. 459-489 ; F. Lachaud, Jean sans Terre, Paris, 2018, p. 101-116.

12  Voir par exemple C. Andrault-Schmitt, « L’abbaye de Valence et le style gothique des cisterciens », in R. Favreau (dir.), Isabelle d’Angoulême, comtesse et reine et son temps (1186-1246), Poitiers, 1999, p. 97-110.

13  Sur Alphonse de Poitiers, l’établissement de sa domination en Poitou et la gestion de son domaine, voir G. Chenard, L’administration d’Alphonse de Poitiers (1241-1271), Paris, 2017.

14  Pour un bilan historiographique sur la réforme baronniale, voir C. Tilley, « Modern Historians and the Period of Reform and Rebellion, 1258-1265 », in A. Jobson (dir.), Baronial Reform and Revolution in England, 1258-1267, Woodbridge, 2016, p. 13-29.

15  Sur le sous-lignage de Valence, voir, notamment, J. R. S. Phillips, Aymer de Valence earl of Pembroke, 1307-1324 : baronial politics in the reign of Edward II, Oxford, 1972 ; L. E. Mitchell, Joan de Valence, The Life and Influence of a Thirteenth-century noblewoman, Basingstroke, 2016.

16  Sur le concept de « parenté vécue », voir F. Weber, Le sang, le nom, le quotidien. Une sociologie de la parenté pratique, La Courneuve, 2005, p. 9.

17  G. Duby, « Lignage, noblesse… », op. cit., p. 805-807 ; M. Aurell, « La parenté en l’an mil… », op. cit., p. 134-135. Sur l’onomastique, voir également K.-F. Werner, « Liens de parenté et noms de personnes. Un problème historique et méthodologique », in G. Duby et J. Le Goff, Famille et parenté dans l’Occident médiéval, Rome, 1977, p. 13-18 et 25-34 ; R. Le Jan, « Structures familiales et politiques au ixe siècle : un groupe familial de l’aristocratie franque », Revue historique, 265/538 (1981), p. 289-333 ; L. Pérouas et J.-L. Biget, « L’évolution des noms de baptême en Languedoc au Moyen Âge, ixe-xive siècle », Cahiers de Fanjeaux, 17 (1982), p. 297-341 ; G. Beech, « Les noms de personnes poitevins du ixe au xiie siècle », Revue internationale d’onomastique, 26 (1974), p. 81-101 ; Id., « La dévolution des noms et la structure de la famille, l’exemple poitevin », in M. Bourin, J.-M. Martin et F. Menant (dir.), L’anthroponymie, document de l’histoire sociale des mondes méditerranéens médiévaux, Paris, 1996, p. 401-411 ; voir aussi les volumes des sept rencontres d’Azay-le-Ferron, Genèse médiévale de l’anthroponymie moderne.

18  Sur l’usage des armoiries comme marqueurs d’identité, voir notamment J.-C. Loutsch, « Emprunts d’armoiries entre parents et alliés au début du xiiie siècle », in Les origines des armoiries, IIe colloque international d’héraldique, Paris, 1983, p. 81-95 ; M. Nassiet, « Signes de parenté, signes de seigneurie : un système idéologique », MSHAB, 67 (1991), p. 175-232 ; Id., « Alliance et filiation dans l’héraldique des xive et xve siècles », Revue française d’héraldique et de sigillographie, 64 (1994), p. 9-30 ; Id., « Nom et blason. Un discours de la filiation et de l’alliance (xive-xviiie siècle) », L’homme, 34/129 (1994), p. 5-30 ; L. Hablot, « Le lignage brisé : les armoiries comme signes de conflits familiaux au Moyen Âge », in M. Aurell (dir.), La parenté déchirée : les luttes intrafamiliales au Moyen Âge, Turnhout, 2010, p. 401-410 ; J.-L. Chassel, « Le nom et les armes : la matrilinéarité dans la parenté aristocratique du second Moyen Âge », Droit et cultures, 64 (2012), p. 117-148 ; C. Girbea, L. Hablot et R. Radulescu, « Rapport introductif : identité, héraldique et parenté », Ead. (dir.), Marqueurs d’identité dans la littérature médiévale : mettre en signe l’individu et la famille (xiie-xve siècle), Turnhout, 2014, p. 17.

19  Jack Goody avait souligné, au sein du lignage médiéval, la coexistence de la parenté bilatérale cognatique et la filiation unilinéaire agnatique : J. Goody, L’évolution de la famille et du mariage en Europe, Paris, 1985. Voir aussi A. Guerreau-Jalabert, R. Le Jan et J. Morsel, « De l’histoire de la famille à l’anthropologie de la parenté », in J.-C. Schmitt et O. G. Oexle (dir.), Les tendances actuelles de l’histoire du Moyen Âge en France et en Allemagne, Paris, 2002, p. 437.

20  Voir, en particulier, M. Lauwers, La mémoire des ancêtres. Le souci des morts. Morts, rites et société au Moyen-Âge (diocèse de Liège, xie-xiiie siècle), Paris, 1997 ; J. Morsel, « La noblesse dans la mort, sociogenèse funéraire du groupe nobiliaire en Franconie xive-xvie siècle », in O. Dumoulin et F. Thelamon (éd.), Autour des morts : mémoire et identité, actes du ve colloque international sur la sociabilité, Rouen, 2001, p. 387-408 ; F. Mazel, La noblesse et l’Église en Provence, fin xe-début xive siècle, Paris, 2002 ; L. To Figueras, « Fondations monastiques et mémoire familiale en Catalogne (ixe-xie siècle) », in F. Bougard, C. La Rocca et R. Le Jan (dir.), Sauver son âme et se perpétuer. Transmission du patrimoine et mémoire au haut Moyen Âge, Rome, 2005, p. 293-329 ; C. Andrault-Schmitt, « Un mémorial aristocratique : le monastère de Grandmont au comté de la Marche (1177-1307) », Cahiers de civilisation médiévale, 59 (2016), p. 113-141.

21  Voir, par exemple, le tombeau de Yolande de Bretagne, épouse d’Hugues XI de Lusignan, reproduit dans une aquarelle de la collection Gaignières : Paris, Bibliothèque nationale de France, Estampes, Pe 11 c, fol. 78 et 79 ou celui de Guillaume Ier de Valence, encore actuellement à l’abbaye de Westminster, à Londres.

22  Pour une mise en perspective, voir L. Hablot, « L’héraldisation du sacré aux xiie-xiiie siècles, une mise en scène de la religion chevaleresque ? », in M. Aurell (dir.), Chevalerie et christianisme aux xiie et xiiie siècles, Rennes, 2011, p. 211-233.

23  Les médiévistes ont déjà largement abordé les principautés sous l’angle de la gouvernementalité, voir par exemple M.-T. Allemand-Gay, Le pouvoir des comtes de Bourgogne au xiiie siècle, Paris, 1988 ; B. Demotz, Le comté de Savoie du xie au xve siècle : pouvoir, château et État au Moyen Âge, Genève, 2000 ; J.-F. Nieus, Un pouvoir comtal entre Flandre et France : Saint-Pol, 1000-1300, Bruxelles, 2005 ; F. Boutoulle, Le duc et la société, pouvoirs et groupes sociaux dans la Gascogne bordelaise au xiie siècle, Bordeaux, 2007 ; S. Morin, Trégor, Goëlo, Penthièvre, le pouvoir des comtes de Bretagne du xie au xiiie siècle, Rennes, 2010 ; C. Balouzat-Loubet, Le gouvernement de la comtesse Mahaut en Artois (1302-1329), Turnhout, 2014 ; G. Chenard, L’administration d’Alphonse de Poitiers…, op. cit. Sur cette notion, voir M. Foucault, Sécurité, territoire, population, Paris, 2004, p. 111-112.

24  Pour une synthèse à l’échelle européenne de la manière dont la domination seigneuriale s’inscrit dans l’espace, voir M. Hansson, Aristocratic Landscape : The Spatial Ideology of the Medieval Aristocracy, Stockholm, 2006.

25  Voir, à ce sujet, G. Chenard, L’administration d’Alphonse de Poitiers…, op. cit., p. 526 ; G. E. M. Lippiatt, Simon V of Montfort and Baronial Government, 1195-1218, Oxford, 2017, p. 206-207.

26  Sur la conflictualité et la violence seigneuriale, voir S. D. White, « “Pactumlegem vincit et amor judicium” : the Settlement of Disputes by Compromise in eleventh Century Western France », American Journal of Legal History, 22 (1978), p. 281-295 ; Id., « Feuding and Peace-Making in the Touraine around the Year 1100 », Traditio, 47 (1986), p. 195-263 ; Id., « Proposing the ordeal and avoiding it : Strategy and power in Western France litigation, 1050-1110 », in T. Bisson (dir.), Cultures of power, Lordship, Status, and Process in Twelfth-Century Europe, Philadelphie, 1995, p. 89-123 ; S. Weinberger, « Les conflits entre clercs et laïcs dans la Provence du xie siècle », Annales du Midi, 92 (1980), p. 269-279 ; Id., « Cours judiciaires, justice et responsabilité sociale dans la Provence médiévale, ixe-xie siècle », Revue historique, 257 (1982), p. 273-288 ; P. J. Geary, « Vivre en conflit dans une France sans État : typologie des mécanismes de règlement de conflits (1050-1200) », Annales. Économies, sociétés, civilisations, 1986, p. 1107-1133 ; D. Barthélemy, La société dans le comté de Vendôme, de l’an Mil au xive siècle, Paris, 1994, p. 660-680 ; Le règlement des conflits au Moyen Âge, XXXIe congrès de la SHMESP, Paris, 2001 ; W. C. Brown et P. Gorecki (éd.), Conflict in Medieval Europe. Changing Perspectives on Society and Culture, Burlington, 2003 ; H. Couderc-Barraud, La violence, l’ordre et la paix. Résoudre les conflits en Gascogne du xie au début du xiiie siècle, Toulouse, 2008 ; B. Lemesle, Conflits et justice au Moyen Âge, Paris, 2008 ; L. Viaut, Les mécanismes de gestion des conflits dans l’espace aquitain au haut Moyen Âge (viiie-xiie siècle), thèse de doctorat sous la direction de J. Péricard, université de Limoges, 2018.

27  F. Mazel, « Justice, société et pouvoir à l’époque féodale : nouvelles perspectives. À propos de deux ouvrages récents », Revue historique, 662 (2012), p. 477-491. Sur la notion de régime de vérité, voir M. Foucault, Du gouvernement des vivants. Cours au Collège de France, 1979-1980, Paris, 2012, p. 98-99.

28  Sur le mythe de Mélusine, voir, notamment, J. Le Goff et E. Le Roy-Ladurie, « Mélusine maternelle et défricheuse », Annales. Économies, sociétés et civilisations, 26/3-4 (1971), p. 587-622 ; P. Courroux, « Mélusine et les Larchevêque. Légende et historiographie dans le Poitou du xive siècle », CRMH, 26 (2014), p. 309-325 ; J. Pavlevski-Malingre, Melusigne, Merlusine, Melusina : fortunes politiques d’une figure mythique du Moyen Âge au xxie siècle, thèse de doctorat sous la direction de C. Ferlampin-Acher, université de Rennes 2, 2017.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 – Répartition chronologique des actes du catalogue
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Titre Fig. 2 – Sceau de Geoffroy Ier de Lusignan, seigneur de Jarnac
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Titre Fig. 3 – L’insertion des Lusignan dans le réseau de l’Orient latin, 1168-1186
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Titre Fig. 4 – Le comté d’Eu, années 1200
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Titre Fig. 5 – L’honneur de Hastings, v. 1214
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Titre Fig. 6 – L’honneur de Tickhill, v. 1218
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Titre Fig. 7 – Le groupe familial dans les années 1200
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Titre Fig. 8 – Le parentat Lusignan à son apogée, années 1230
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Titre Fig. 9 – Les Lusignan en Bretagne, seconde moitié du xiiie siècle
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Titre Fig. 10 – Les trois parentats de l’entourage d’Henri III d’Angleterre
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Titre Fig. 11 – Les domaines des Lusignan en Angleterre, 1275-1296
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Titre Fig. 12 – L’anthroponymie des Lusignan, xe-seconde moitié du xiie siècle
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Titre Fig. 13 – L’anthroponymie des Lusignan, seconde moitié du xiie-xive siècle
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Titre Fig. 14 – Les brisures héraldiques des Lusignan
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Pour citer cet article

Référence électronique

Clément de Vasselot de Régné, « Le « Parentat » Lusignan (xe-xive siècle) : structures, parenté vécue, solidarités et pouvoir d’un lignage arborescent »Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre | BUCEMA [En ligne], 23.1 | 2019, mis en ligne le 01 septembre 2019, consulté le 18 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/cem/16581 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cem.16581

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Auteur

Clément de Vasselot de Régné

Université de Poitiers, CESCM

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