Version classiqueVersion mobile

Arriver en ville

 | 
Cédric Quertier
, 
Roxane Chilà
, 
Nicolas Pluchot

Première partie. Identifier les migrants

Migrations et mouvements de population autour des mers du Nord (viie-xie siècle)

L’exemple des sites portuaires

Arnaud Lestremau et Lucie Malbos

Résumé

L’arrivée en ville au haut Moyen Âge pose de vrais problèmes, d’un point de vue spatial et conceptuel, notamment dans le nord de l’Europe, et soulève des questions sur la méthodologie et les sources. En effet, les concepts-clés, « ville » et « altérité », ont suscité des débats dans la communauté scientifique : les sources disponibles sont peu nombreuses et variées, pauvres et difficilement conciliables. Dès lors, s’il est certain qu’il y a eu des déplacements de populations et des migrations, il est difficile de saisir le moment de l’arrivée et l’identité de ces individus. L’exemple des emporia permet toutefois d’apporter certains éléments au débat, en soulignant notamment le rôle du pouvoir dans l’organisation de l’espace et l’accueil des étrangers. Dans ces sites de passage, comment l’autre est-il perçu et accueilli ? Comment s’adapte-t-il et cherche-t-il vraiment à s’intégrer ? Nous tenterons de mettre en perspective ces questions et d’apporter quelques hypothèses d’interprétation.

Texte intégral

Les auteurs remercient Régine Le Jan et Laurent Feller pour leur soutien et leurs précieux conseils. Les parties relatives aux emporia et à l’archéologie ont été rédigées par Lucie Malbos, celles sur l’antroponymie et l’Angleterre anglo-saxonne par Arnaud Lestremau.

  • 2 Pour la définition institutionnelle, voir B. Chevalier, « Ville », dans Dictionnaire du Moyen Âge, (...)
  • 3 D. Hill, « Unity and diversity », dans The Rebirth of Towns in the West, R. Hodges, B. Hobley (dir. (...)
  • 4 Pour ce nouveau paradigme, voir : W. Pohl, « Telling the differences : signs of ethnic identity », (...)
  • 5 Voir pour la pluralité de ces formes : R. Le Jan, « Remarques sur l’étranger au haut Moyen Âge », d (...)

1Poser la question de l’arrivée en ville à un spécialiste du nord de l’Europe au haut Moyen Âge revient à lui faire affronter deux notions problématiques, tout en exigeant de lui un effort d’imagination pour saisir la fugacité d’un moment que les sources laissent rarement entrevoir. Avec une définition stricte de la ville2 on aboutit à une aporie : en Angleterre, en Scandinavie, à cette époque, il n’existe aucune ville3. Par ailleurs, la migration qui est au cœur d’une telle étude pose incidemment la question de l’altérité et l’identité. Or, grâce aux travaux de l’École de Vienne, les notions d’identité renvoient désormais à des formes souples, susceptibles de s’adapter aux situations, de tolérer une marge importante d’accommodation4, ce qui démultiplie les formes de l’extranéité5. Cette perspective a contribué à déconstruire l’image antique de l’étranger, fondée sur la perception de signes extérieurs, c’est-à-dire des principaux moyens d’identification des étrangers. Enfin, le temps de l’arrivée, la cause du déplacement et les bienfaits qu’en attendait l’individu nous sont généralement masqués : les chroniques et annales adoptent une vision trop générale pour saisir ce moment spécifique dans la vie d’un individu, tandis que les hagiographies et les chartes ignorent ou donnent une description convenue du monde urbain, tout en taisant les stratégies. De la sorte, nous avons été en quelque sorte privés de villes et dépourvus d’étrangers, tandis que le moment de l’arrivée était tu par nos sources.

  • 6 S. Reynolds, Introduction to the History of English Medieval Towns, Oxford, Oxford University Press (...)
  • 7 W. Pohl, « Telling the differences », op. cit., p. 61.

2Toutefois, la définition institutionnelle de la ville est apparue comme limitative, puisqu’elle excluait des formes d’organisations socio-spatiales qui s’apparentent au fait urbain6. De la même manière, nous savons que des populations se déplacent, et sans doute aussi vers ces sites. En somme, notre objet nous a contraints d’adopter une définition pragmatique de la ville – comme lieu doté de fonctions urbaines ou que les sources identifient comme ville (port, wic, burh, indiquent, en vieil anglais, l’importance du commerce et/ou de fortifications), en réduisant l’étude aux seuls sites portuaires (qui ont le mérite de vérifier une partie des définitions sans grande difficulté du fait de leur situation topographique – et de l’étranger, en utilisant avec souplesse la terminologie médiévale et les critères de l’ethnologie traditionnelle (qui, pour être imprécis, ne laissent pas d’identifier même vaguement quelqu’un venu de loin)7. En ce sens, les sources et les exemples mobilisés serviront d’indices plutôt que de preuves, puisque les réalités décrites ne peuvent se couler dans des cadres conceptuels d’une rigueur absolue.

  • 8 Les bornes chronologiques traditionnellement retenues correspondent au premier raid viking connu en (...)
  • 9 K. Randsborg, « Kings’Jelling. Gorm and Thyra’s palace – Harald’s monument and grave – Svend’s cath (...)
  • 10 M. McCormick, Origins of the European economy : communications and commerce AD 300-900, Cambridge, (...)

3La période considérée, correspondant en grande partie à ce que l’on a coutume de désigner par l’expression « époque viking8 », voit à la fois l’émergence de pouvoirs qui se renforcent et l’essor d’identités politiques de plus en plus affirmées : le règne d’Offa (roi de Mercie de 757 à 796) marque une première forme d’hégémonie sur le sud de l’Angleterre, tandis que sur le continent les Carolingiens font de la culture chrétienne la pierre angulaire de leur dynastie et de leur identité. En Scandinavie enfin, l’implantation au xe siècle d’une puissante dynastie danoise autour de Jelling, dans la péninsule du Jutland, marque une étape importante dans la constitution d’un pouvoir en cours de centralisation9. Dans le même temps, l’accroissement des échanges autour des mers du Nord à partir du VIIIe siècle et le développement des missions vers le nord encore païen renforcent les contacts autour des espaces maritimes septentrionaux10.

4Or, tous ces phénomènes se font précisément dans et à partir de lieux urbains, parmi lesquels on peut ranger les emporia, nœuds pour le commerce à longue-distance, suite à leur important développement démographique et économique.

  • 11 D’importants complexes de débarcadères en bois ont été mis au jour dans les ports d’Hedeby et Dores (...)
  • 12 J. Dhondt, « Les problèmes de Quentovic », dans Studi in onore di Amintore Fanfani, I, Milan, Giuff (...)
  • 13 Ohthere’s Voyages, cité par J. Bately, « The Source », dans Ohthere’s Voyages. A late 9th century a (...)
  • 14 H. Steuer, « Principles of trade and exchange : trade goods and merchants », dans Wulfstan’s Voyage (...)

5Ces sites portuaires, de Birka en Suède, à Hamwic en Angleterre, en passant par Kaupang en Norvège, Ribe au Danemark, Hedeby en Allemagne, ou encore Dorestad aux Pays-Bas et Quentovic dans le nord de la France, apparaissent sur les rives des mers du Nord aux viie et viiie siècles et bénéficient de situations stratégiques pour les échanges (en fond d’estuaire ou de fjord, à la rencontre de plusieurs voies d’eau navigables ou sur un delta). Ils offrent en outre des facilités d’amarrage, de débarquement, voire de stockage, indispensables au commerce à longue distance qui se développe alors. Ces points de rupture de charge pourvus d’infrastructures portuaires11 sont des sites d’abord ouverts, qu’aucune fortification n’entoure (du moins, pas avant la seconde moitié du ixe siècle pour certains d’entre eux, comme Ribe et Hedeby), ce qui contribue à y faciliter l’accueil d’étrangers, et notamment de marchands. L’arrivée d’étrangers constitue même la raison d’être de ces « villes-champignons12 ». Hedeby, au sud de la péninsule danoise du Jutland, est ainsi un point de rencontre, véritable nœud pour les échanges entre l’ouest (Francs, Frisons, Anglo-Saxons) et l’est (Russie et Califat). Situé « entre les Wendes, les Saxons et les Angles », nous dit Ohthere dans son récit de voyage13, Hedeby, comme les autres sites considérés, est également marqué par une indéniable hétérogénéité ethnique, ce que l’archéologie a largement confirmé : la grande diversité ethnique du groupe des marchands aux ixe et xe siècles transparaît bien dans leurs pratiques funéraires et même parfois à travers des types spécifiques de maisons ou des éléments traditionnels de leur costume14.

Emporia d’Europe du nord-ouest (viie-xie siècle) cités dans le texte.

De la difficulté de percevoir la présence des étrangers

6On peut appréhender la présence d’étrangers dans les sites urbains des mers du Nord, mais on se heurte à une difficulté de taille quand on cherche à percevoir l’arrivée de l’étranger elle-même. Les sources à notre disposition sur ce sujet révèlent deux approches bien distinctes, portant chacune trace de formes d’échanges, mais sous des angles différents, quoique toujours centrés sur les sites urbains.

7La mise au jour d’objets d’origine étrangère dans les emporia par les archéologues permet d’attester l’existence d’échanges, notamment avec la Frise et la région rhénane (d’où proviennent de nombreuses céramiques, pierres de meule en basalte volcanique, etc.), mais il reste à savoir comment l’artefact en question est arrivé jusque-là : par où est-il passé ? Qui l’a transporté ? Par quels moyens et dans quel but ? Autant de questions auxquelles l’archéologue a en général bien du mal à répondre. Toutefois, une chose est certaine : la présence d’un objet étranger ne suffit pas à prouver l’installation d’étrangers sur le lieu où il a été retrouvé. Il a très bien pu être ramené par un marchand scandinave suite à un de ses voyages.

  • 15 Rimbert, Vita Anskarii, dans G. Waitz, MGH, Scriptores rerum Germanicarum, vol. 55, Hanovre, 1884.
  • 16 Au chapitre XIX : […] vicum Birca, quod ibi multi essent negotiatores divites et abundantia totius (...)
  • 17 Toujours au chapitre XIX : christianis qui ibi aderant.
  • 18 Ohthere’s Voyages, cité par J. Bately, op. cit. ; J. Bately, « Wulfstan’s voyage and his descriptio (...)

8Le second type de source pose d’autres problèmes : au travers des textes (historiographiques, hagiographiques ou récits de voyage), l’historien n’a aucun doute sur le fait que certains hommes du haut Moyen Âge voyageaient, parfois sur de très longues distances, avec bien souvent comme point de départ et d’arrivée des villes. Mais quelle représentativité accorder à ces quelques parcours individuels ? La Vita Anskarii15 nous raconte ainsi l’arrivée du missionnaire Ansgar à Birka, en Suède, vers 829. Ce texte, écrit entre 865 et 876 par le moine Rimbert, disciple d’Ansgar, confirme l’existence de liens entre ce qu’il nous présente comme une cité prospère16, où sont implantés des marchands chrétiens17, et l’Occident chrétien. Les récits de Wulfstan et Ohthere, insérés dans la traduction en vieil anglais des Historiae d’Orose18, contiennent également des informations précieuses pour l’historien : Ohthere, probablement un marchand norvégien, pour se rendre en Angleterre auprès du roi Alfred de Wessex dans les années 880, afin d’y vendre des produits issus des échanges avec les Lapons ou des taxes prélevées sur ces derniers, part de Kaupang et passe par Hedeby. Malheureusement pour nous, ce récit comporte plus d’informations sur le trajet lui-même (temps de parcours, côtes longées, etc.) que sur les villes par lesquelles le marchand est passé. Quant à Wulfstan, qui semble être un Anglo-Saxon ayant beaucoup voyagé dans la Baltique, il part lui d’Hedeby pour Truso, à l’embouchure de la Vistule, mais ce récit non plus ne nous donne pas beaucoup de détails sur ces sites précis.

9En résumé, quand les sources textuelles nous dévoilent un processus, au travers d’individus voyageant d’un point à un autre et avec plus ou moins de précisions sur les conditions de leur voyage, l’archéologie nous livre le résultat d’un processus qui nous échappe largement, la présence d’un objet ne nous apprenant en général rien sur les conditions précises de son arrivée. Il est ainsi difficile de relier les deux types de sources, loin d’être complémentaires.

  • 19 Pour Goffman, le nom est un des stigmates, une des marques signalétiques susceptibles de définir un (...)
  • 20 C. P. Lewis, « The French in England before the Norman Conquest », dans Anglo-Norman Studies, Proce (...)
  • 21 P. H. Sawyer, The Age of the Vikings, Londres, Palgrave Macmillan, 1971 (2nde édition), pour l’argu (...)
  • 22 G. Fellows-Jensen, Scandinavian personal names in Lincolnshire and Yorkshire, Copenhague, Akademisk (...)

10Au cœur des sources textuelles ou entre les vestiges archéologiques, les noms de personnes constituent une méta-source tout aussi problématique, qui permet toutefois au chercheur une étude parfois très fine géographiquement. Il n’est pas question de considérer qu’ils désignent systématiquement l’origine de leurs porteurs : ils peuvent être échangés, adoptés, transformés, incorporés dans un nouveau système linguistique, notamment lorsque celui-ci est très proche de la langue d’origine. En tant qu’éléments de la langue (un des critères de la tradition ethnologique antique pour identifier l’étranger), ils nécessitent qu’on les considère comme de potentiels marqueurs d’extranéité et, plus prudemment encore, d’identité19. Comme l’indique cependant Chris Lewis, il est difficile d’imaginer que ces noms se sont déplacés d’un espace à un autre sans que ce processus ne se soit fondé sur un quelconque déplacement de populations20. Certes, le prestige d’une nouvelle élite scandinave a sans doute eu un effet d’entraînement sur les pratiques anthroponymiques anglo-saxonnes21, mais l’ampleur du phénomène invite à une conception plus optimiste22. Ainsi donc, la place globale d’un groupe onomastique exogène dans un espace donné témoigne ou bien d’une présence étrangère réelle, ou bien de l’influence des pratiques anthroponymiques étrangères dans cet espace. Ceci étant posé, il nous est possible d’interroger la concentration plus ou moins forte de ces stocks de noms, afin de voir si les variations sont ou non significatives et si elles pointent vers une localisation préférentiellement urbaine de ces noms.

  • 23 A. Williams, G. H. Martin, Domesday Book : a Complete Translation, Londres, Penguin Books, 2003. La (...)
  • 24 C. P. Lewis, « Joining the dots : a methodology for identifying the English », dans Family Trees an (...)
  • 25 En considérant que deux noms identiques, pour peu qu’ils répondent à deux des critères suivants (in (...)
  • 26 Définis ici, de façon rigoureuse, par la présence de burgesses, c’est-à-dire de tenures urbaines, à (...)
  • 27 À propos de la place des anthroponymes, voir : G. Fellows-Jensen, Scandinavian personal names, op. (...)

11Deux documents peuvent être mobilisés. À l’échelle du royaume entier, le Domesday Book constitue une source à la fois riche et périlleuse23. Dans cette source où les noms simples créent un véritable problème d’homonymie entre des dizaines de personnes différentes et où les dénominations pour une même personne peuvent varier d’un folio à l’autre, l’identification des individus n’est pas chose aisée24. Après avoir, toutefois, adopté une grille méthodologique systématique dans le traitement des données25, nous parvenons à distinguer 8 038 individus. À l’échelle du royaume, 2 400 individus portent des noms dont l’origine n’est pas endogène (vieux norrois, langues celtiques ou langues continentales), soient environ 30 %. Ces noms ne sont pas répartis de façon homogène : un gradient décroissant du nord-est au sud-ouest est clairement perceptible. Dans le Yorkshire, près de 69 % des individus portent un nom étranger, contre 13 % dans le Devon, à l’autre extrémité du royaume. Si l’on tente de plier cet outil à l’étude des villes26 et de leur population, nous obtenons un résultat intéressant à première vue, mais méthodologiquement très problématique. Malgré l’identification de burgesses dans presque deux cents sites et après avoir gommé de l’étude les membres de l’élite aristocratique, qui détiennent des tenures dans plusieurs boroughs et sont donc susceptibles d’être comptabilisés plusieurs dizaines de fois, seuls 331 lords de tenures urbaines sont identifiés. Parmi eux, seuls 23 % sont caractérisés par une anthroponymie exogène. Il semble donc que la part de ce témoin onomastique soit moins marquée en ville qu’ailleurs. À York, seuls 17 % des 23 individus identifiés à York portent un nom exogène – presque aussi peu que dans le Devon et quatre fois moins que dans le Yorkshire – alors que la ville est marquée par la culture scandinave27. C’est que les renseignements du Domesday Book sur les villes ne mentionnent que des lords, sans réellement laisser de place à d’autres groupes sociaux. Ces enseignements ne sont donc pas très satisfaisants.

  • 28 Certains ateliers très temporaires sont installés dans de gros bourgs. Ainsi, Bedwyn, dans le Wilts (...)
  • 29 28 % des 236 noms disponibles dans 44 sites.
  • 30 25 % des 182 noms disponibles dans 22 sites. Dans ces trois cas, on a une marge de variation de plu (...)

12À l’échelle de sites ponctuels, les sources numismatiques permettent l’étude des noms des monétaires. Il s’agit là, faute d’une méthode défendable, de compter les noms des monétaires. À retenir les 4 282 monnaies retrouvées d’Edward le Confesseur, on obtient quelques 27 % de noms exogènes, sur un total de 259. Ce chiffre est légèrement moins élevé que ce que le Domesday Book indiquait pour la totalité du royaume, mais légèrement plus élevé que ce qu’il révélait sur le profil onomastique des seuls lords urbains. Si, pour préciser les critères d’urbanité28, nous limitons la liste des ateliers à ceux des sites qui sont aussi répertoriés comme des boroughs dans le Domesday Book, le chiffre reste très stable29. Si l’on retient seulement ceux de ces sites qui sont fortifiés et dépassent une superficie de 30 acres, le chiffre diminue très légèrement30.

13D’une manière générale, si le critère anthroponymique nous renseigne un tant soit peu sur l’impact linguistique d’une présence étrangère, il est probable qu’un lieu de forte concentration anthroponymique exogène soit aussi un lieu qui a accueilli une population étrangère importante. De ce point de vue, plusieurs conclusions s’imposent. Tout d’abord, la part de porteurs de noms étrangers dans les sources numismatiques est globalement la même que dans le Domesday Book, quel que soit le groupe social considéré (lords urbains ou monétaires). Par ailleurs, à comparer les espaces urbains aux espaces ruraux qui les entourent, il ne semble pas que la ville soit un lieu particulièrement attractif pour les porteurs de noms étrangers. En particulier, leur part ne varie pas de manière significative, si l’on « durcit » les critères de définition de la ville. En revanche, contrairement à ce que l’on pouvait observer avec les lords urbains, la part de l’anthroponymie exogène des monétaires est directement corrélée à l’environnement rural des sites : la part de l’extranéité onomastique est élevée dans le nord et l’est (76 % à York, 37,5 % à Chester) et basse dans le sud et l’ouest (10 % à Canterbury, 7 % à Exeter, 1 % à Londres). Ainsi, ni la présence en ville, ni l’appartenance professionnelle au groupe des monétaires, ne semblent réellement déterminer une variation significative de l’anthroponymie.

Conditions et conséquences de l’arrivée en ville

  • 31 R. Fleming, « Rural Elites and Urban Communities in Late-Saxon England », Past & Present, 141, 1993 (...)
  • 32 Historia de Sancto Cuthberto, T. J. South (éd.), Cambridge, Brewer, 2002, § 14.
  • 33 Une armée danoise s’installe en Mercie en 878 : voir The Anglo-Saxon Chronicle : A Collaborative Ed (...)
  • 34 J. Haslam, Early Medieval Towns in Britain c. 700 to 1140, Princes Risborough, Shire Publications, (...)
  • 35 H. Clarke, B. Ambrosiani (dir.), Towns in the Viking Age, New York, Saint Martin’s Press, 1991. Cet (...)
  • 36 The Chronicle of John of Worcester : The Annals from 450-1066, R. P. Darlington, P. McGurk (éd.), O (...)
  • 37 Voir The Anglo-Saxon Chronicle : A Collaborative Edition, Vol. 6 : MS. D, G. P. Cubbin (éd.), Woodb (...)
  • 38 D. Stocker, « Monuments and Merchants : Irregularities in the Distributions of Stone Sculpture in L (...)
  • 39 J. D. Richards, « Identifying Anglo-Scandinavian settlements », dans Cultures in Contact, op. cit.,(...)
  • 40 J. D. Richards, « The case of the missing Vikings : Scandinavian burial in the Danelaw », dans S. L (...)
  • 41 D. M. Hadley, The Viking in England, op. cit.

14Les sources, essentiellement narratives, qui permettent d’étudier l’arrivée en ville de migrants ont tendance à se concentrer sur les aspects militaires du déplacement. Il s’agit de scènes de siège ou de pillage des villes. Cet aspect permet de soulever un point fondamental : c’est en ville que les événements politiques majeurs se déroulent, malgré leur importance économique et démographique limitée31. Lieu d’exercice du pouvoir (au moins dans les mondes franc et anglo-saxon), lieux d’échanges et de production artisanale (notamment les wiks), mais aussi points nodaux pour la collecte de certains impôts, ces villes jouent un rôle croissant dans le maillage et la défense des territoires, ce qui en fait des sites attractifs. Selon l’Historia de Sancto Cuthberto, une partie de l’armée danoise fait la conquête d’York, reconstruit la ville et s’y installe32. Dans d’autres cas, les chroniqueurs nous indiquent que les armées scandinaves colonisent le pays, campagnes comme villes33. De son côté, Jeremy Haslam défend l’hypothèse, en Mercie, d’une reprise en main par les Vikings des sites urbains dès le viiie siècle. Dès le siècle suivant, ces sites se développent et deviennent des centres économiques34, comme les Cinq Bourgs. Cette colonisation urbaine a d’ailleurs été considérée par certains auteurs comme une des causes possibles de la croissance des villes de l’Europe du Nord-Ouest au cours du Viking Age35. Cette installation a entraîné des formes d’acculturation réciproque, dont les villes ont été les témoins. La chronique de Florence de Worcester, écrite au xiie siècle, indique que le corps du roi Harald Ier, fils de Cnut, fut enterré dans un cimetière « que les Danois possédaient à Londres36 ». De même, l’earl Siward de Northumbrie – originaire de Norvège, selon toute vraisemblance – avait fondé à York une église dédiée à saint Olaf37. Enfin, les corpus de pierres sculptées du Danelaw témoignent également de pratiques influencées par les modes et les techniques scandinaves, mais aussi par les motifs et emplois chrétiens, notamment à partir du second xe siècle38. Ceci permet de tirer quelques conclusions : les migrants ne se désintéressèrent pas du fait urbain et contribuèrent même peut-être à son essor. Ce faisant, ils modelèrent une partie du paysage urbain selon leurs besoins, en y transposant certains éléments culturels, tout en s’adaptant globalement aux formes de l’habitat39, aux pratiques funéraires40, à la religion et aux formes d’exercice et de légitimation du pouvoir en vigueur en Angleterre41.

  • 42 En résumé, ce débat va des partisans de la fondation royale (Wilhelm Holmqvist pour Birka, Stig Jen (...)

15Mais le recours à la force et à la violence n’est pas le seul moyen d’arriver en ville : les motivations économiques et commerciales jouent aussi un grand rôle, toujours en lien plus ou moins étroit avec le pouvoir. Ainsi, dans le cas des emporia, outre leur situation stratégique et leurs infrastructures, le statut qui y est offert au marchand par le pouvoir en place renforce encore davantage leur attractivité, contribuant à en faire des points de rencontre incontournables pour les voyageurs en tous genres. La question des liens avec le pouvoir a suscité un débat historiographique complexe42, encore loin d’être tranché aujourd’hui. Malgré tout, l’intervention d’un pouvoir organisateur dans l’histoire de ces sites semble difficile à contester, en particulier lorsque l’on considère leur découpage en parcelles régulières, quadrillées par un système de rues (parallèle ou perpendiculaire au rivage) à l’évidence totalement réfléchi, signe évident d’une intervention de l’autorité sur l’espace ; mais jusqu’à quel point ? Et de quelle forme d’autorité s’agissait-il ? Cet interventionnisme a-t-il pu aller jusqu’à imposer la définition de secteurs par types d’activités ou de population à partir du schéma en parcelles ? Et, en dépit d’une éventuelle forme de contrôle dans les débuts d’un site, n’y avait-il pas un risque important de voir la situation échapper au pouvoir à mesure que le site se développait ? Autant de questions auxquelles il est encore assez malaisé de répondre.

  • 43 L’expression est inspirée de Sirpa Aalto : « Commercial Travel and Hospitality in the Kings’ Sagas  (...)
  • 44 Usque ad extremum terrae, dans Rimbert, Vita Anskarii, op. cit., chap. XXV.
  • 45 English Historical Documents, D. Whitelock (éd.), vol. 1 (c. 500-1042), Londres, Eyre & Spottiswood (...)

16En revanche, il ne semble pas faire de doute que les emporia constituaient des points de contrôle essentiels pour le pouvoir, des « instruments fiscaux » clés. La sécurité et la paix assurées par le pouvoir sur ces sites commerciaux avait en effet un prix pour les marchands de tous horizons, qui devaient s’acquitter de divers taxes et tonlieux. Les emporia devenaient ainsi de véritables « refuges juridiques43 » pour les étrangers, et plus particulièrement les marchands, qui n’avaient sans cela aucun statut, aucune garantie : avec cette entrée en jeu du pouvoir, ils se voyaient au contraire accorder des lois destinées à protéger à la fois leur personne et leurs biens, facilitant ainsi leurs activités et leur permettant de pouvoir échanger sans crainte, raison qui les a menés « jusqu’au bout de la terre44 », dans ces sites lointains. Dans le monde anglo-saxon, les lois du roi Athelstan (924-939) précisent par exemple clairement que « nul ne fasse d’échanges en-dehors de l’emporium45 » : la ville où les échanges doivent se tenir délimite la zone de protection offerte au marchand, mais surtout, la libre circulation des marchands dans l’arrière-pays de l’emporium, loin des yeux de l’officier royal chargé de prélever les taxes, serait une perte de revenus importante pour le pouvoir royal, ce dont ce dernier a parfaitement conscience.

  • 46 C’est le reeve ou l’exactor regis, c’est-à-dire le « bailli » ou « intendant ». On en connaît huit (...)
  • 47 English Historical Documents, op. cit., p. 65.
  • 48 Ibid., p. 166 (année 789) ; The Chronicle of Æthelweard, op. cit., III, 1.

17De telles lois se retrouvent encore au xie siècle sous le roi Cnut (1016-1035). Des fonctionnaires royaux sont chargés de les faire appliquer, ainsi que de lever les taxes exigées des marchands : en Angleterre, ce contrôle est assuré par les gerefa46, chargés des biens et domaines royaux au sens large. Dans une ville, il s’agit essentiellement pour eux de surveiller le commerce, de collecter les tonlieux et d’être témoins des achats, sans oublier de surveiller la frappe de la monnaie si le site en question comporte un atelier monétaire ; dans les ports, ils examinent également les documents accréditant les navires entrant auprès des autorités locales47, comme nous le rappelle un épisode de la Chronique Anglo-Saxonne et de la Chronique d’Æthelweard : lors de la première attaque sur le Wessex en 787 ou 789, en apprenant que trois navires étrangers arrivent, l’intendant de Dorchester, dans le Dorset, ignorant l’identité des nouveaux arrivants et pensant qu’il s’agit là de marchands, veut les mener à la résidence royale qui se trouve à proximité pour effectuer les vérifications préliminaires (contrôler leurs pièces justificatives et lever d’éventuelles taxes) ; mais en fait de marchands étrangers, il se retrouve face à des pirates venus du nord et est alors massacré48. Au travers de cet épisode tragique, c’est toute l’attention que les autorités portaient à l’accueil des étrangers dans leurs villes qui transparaît. Mais cette question est beaucoup plus vaste, dépassant largement les seules considérations juridiques et fiscales : une fois leur lieu de destination atteint, comment étaient accueillis et perçus ces nouveaux arrivants par les populations locales ?

La perception des étrangers et les questions identitaires

18Nous connaissons mieux l’accueil des étrangers dans les mondes chrétiens : les sources y sont plus nombreuses et, dans ces zones, qui sont des plaques tournantes du commerce (pays rhénan) ou des zones prospères (Angleterre), il était aussi plus probable de trouver un étranger de passage.

  • 49 L. Napran, E. Van Houts (dir.), Exile in the Middle Ages, Turnhout, Brepols, 2004. Ce thème revient (...)
  • 50 Dt 10:19-20 ; Mt 25:35-36.
  • 51 The Anglo-Saxon Version of the Holy Gospels, B. Thorpe (éd.), Londres, 1842, p. 59 : Ic wæs cuma, a (...)
  • 52 The Old English Heptateuch and Aelfric’s Libellus de Veteri Testamento et Novo, R. Marsden (éd.), O (...)
  • 53 On retrouve cette citation a minima dans les sermons catholiques d’Ælfric (Godden, Malcolm, Ælfric’ (...)
  • 54 Ibid., Homélie no 9, l. 55 (ælþeodig). Sermones Catholici d’Ælfric, Second Series, no 10, p. 136 (c (...)

19Dans ce contexte, il convient de rappeler que l’accueil des étrangers est valorisé par le modèle évangélique. L’homme se définit comme un exilé par rapport à Dieu49. Dès lors, chacun est un peu étranger, ce qui induit, dans la Bible, l’exigence d’une bienveillance fondamentale50. Ces deux passages apparaissent dans la traduction anglo-saxonne des Évangiles51 et de l’Heptateuque52, et il n’est pas rare de retrouver le premier cité dans le riche corpus homilétique du xe siècle53. Par suite, dans le matériel narratif, le saint montre son mérite, en faisant acte de charité envers un étranger, comme dans la Vie de Lucie ou celle de Cuthbert54.

  • 55 The Ancient Laws and Institutes of England, B. Thorpe (éd.), 1840, p. 282.
  • 56 Ibid., ch. xxiv, xxv et xxxi, p. 422.
  • 57 VI Æthelred 48, cf. The Laws of the Kings of England from Edmund to Henry I, A. J. Robertson (éd.), (...)
  • 58 P. Wormald, The Making of English Law : King Alfred to the Twelfth Century, I, Legislation and its (...)
  • 59 II Cnut 40, sur le modèle de VIII Æthelred 33, cf. The Laws of the Kings of England, op. cit., p. 1 (...)

20Le droit corrobore cette approche narrative. En tant que souverains chrétiens, les rois anglo-saxons légifèrent pour que les étrangers soient accueillis de façon favorable. La répétition de ces injonctions invite toutefois à poser la question de leur effectivité réelle. Sur le modèle de Matthieu 25 :35, un canon pénitentiel, daté de 963, invitait au soutien des pauvres, des veuves, des orphelins et des étrangers55. Dans le capitulaire de Théodulfe, traduit en vieil anglais par Ælfric en 99456, le principe de protection des étrangers en monde chrétien est réaffirmé : l’accueil des étrangers doit être le fait de la charité et non d’une volonté de s’enrichir à leurs dépens. Le statut de l’étranger comme figure christique, que l’on doit protéger, n’est pas confiné au monde monastique. En effet, dans un code ecclésiastique du roi Æthelred II57, marqué par l’influence de l’archevêque Wulfstan d’York, lui aussi homéliste58, le soin de ne pas opprimer les étrangers est également exprimé. Enfin, dans le second code de Cnut59, écrit lui aussi sous l’influence de Wulfstan, l’étranger est tout simplement mis sous la protection directe du roi : en cas de litige ce dernier joue alors pour lui le rôle que jouerait sa famille.

  • 60 Ibid., chap. XXIV : Quod ille [Horicus] benignissimo concessit affectu et in portu quodam regni sui (...)
  • 61 Un siècle avant Ansgar, vers 725, Willibrord, à la tête de la première mission chrétienne en Scandi (...)
  • 62 H. Arbman, Schweden und das karolingische Reich : Studien zu den Handelsverbindungen des 9. Jahrhun (...)

21On peut toutefois se demander comment était perçue l’extranéité par la population locale et comment était accueilli l’étranger dans des sites caractérisés précisément par l’hétérogénéité culturelle. Même si ces questions de perception par les contemporains sont difficiles à cerner pour l’historien du haut Moyen Âge, certains textes nous en donnent parfois un rapide aperçu, comme la Vita Anskarii qui, au chapitre xi, nous permet de suivre l’arrivée d’un étranger à Birka. Cette vision est certes déformée puisqu’il s’agit de celle du missionnaire occidental : pour avoir une approche moins partiale, il nous aurait également fallu la vision de la population locale. On assiste dans ce passage à l’arrivée du missionnaire dans la ville suédoise, où il est reçu « avec bienveillance » par le roi des Suédois, Björn, qui lui accorde l’autorisation de prêcher et laisse ses sujets libres de suivre cet enseignement s’ils le désirent. Selon Rimbert, le préfet de la ville, également conseiller du roi, Herigar, fait alors partie des premiers à se convertir, avant de faire construire une église. Cette présentation de la situation est très biaisée, l’objectif du texte restant en premier lieu d’insister sur la sainteté d’Ansgar et sur ses actions, mais pour autant ce passage laisse entendre, pour que le roi Björn consente à tant de choses, que le christianisme et les missionnaires qui l’apportaient dans les contrées éloignées du nord n’étaient pas totalement inconnus à Birka, avant même l’arrivée d’Ansgar. Bien avant la conversion de la population locale, il y avait en effet dans cette ville de nombreux marchands (francs et frisons en particulier) qui étaient précisément chrétiens. Les emporia sont des lieux de brassage des populations et donc également des religions. Rimbert précise en effet, alors qu’il évoque l’autorisation accordée en 849 par le roi danois Horik II à Ansgar de bâtir une église à Hedeby, qu’il y a alors déjà plusieurs chrétiens, baptisés à Dorestad ou Hambourg, et que ces derniers ont choisi cette ville danoise pour s’installer précisément en raison de son orientation commerciale60. Le monde occidental est donc loin d’être totalement inconnu aux Scandinaves et la symbolique chrétienne commence à pénétrer le monde des Vikings bien avant la conversion effective du nord (aux environs de l’an mil), comme en attestent certains objets aux fortes connotations chrétiennes, comme les pichets de type Tating (céramiques couvertes d’un vernis noir et décorées d’incrustations de feuilles d’étain souvent en forme de croix), qui ont pu arriver en Scandinavie dans les bagages de marchands chrétiens ou de missionnaires, bien avant la venue d’Ansgar61 : quelle qu’ait pu être la fonction de ces pichets (récipients liturgiques, cadeaux…), ils contribuent, comme les petites croix retrouvées dans des tombes à Birka62, à dessiner le tableau d’un nord largement ouvert aux influences occidentales. Les échanges en tous genres jouent ainsi un grand rôle dans la diffusion de cette nouvelle vision du monde, de la symbolique chrétienne et de toutes les représentations qui peuvent l’accompagner.

  • 63 Pour Stéphane Lebecq, il est très probable que Frideburg était d’origine frisonne, cf. S. Lebecq, M (...)

22On trouve dans la Vita Anskarii un autre exemple de la présence d’une communauté chrétienne à Birka avec la mention au chapitre xx de la riche veuve Frideburg et de sa fille Catla, vers 845. Le contexte est alors beaucoup moins favorable aux chrétiens présents dans la ville suédoise : suite à l’expulsion de la mission de Gauzbert, successeur d’Ansgar en Suède, la petite communauté chrétienne se retrouve livrée à elle-même, ce qui peut expliquer, au moins en partie, qu’à la mort de sa mère et suivant sa dernière volonté, Catla choisisse de (re)prendre le chemin de Dorestad, en Frise. Cet attachement au lieu d’origine participe ainsi pleinement de l’identité de cette jeune femme : que cette ville frisonne soit le lieu de naissance de Frideburg ou simplement celui de son baptême63, elle incarne à l’évidence pour ces deux femmes le fondement-même de leur identité chrétienne. Cet épisode met également en lumière la grande précarité du statut des migrants, tout particulièrement des chrétiens, dans ces villes commerciales scandinaves en terre alors encore très largement païenne. Ce statut ne tient en effet pas à grand chose : avec la mort de la vieille Frideburg et le départ de Catla pour la Frise, le réseau chrétien achève de s’effondrer à Birka. Il faut ensuite un nouvel effort missionnaire pour le redresser, ce qui nous rappelle l’importance du contexte pour appréhender la perception plus au moins favorable des missionnaires par les populations locales. En effet, dans la majorité des missions, on ne peut faire abstraction de la situation politique qui les a vues naître et se développer, expliquant en grande partie leur succès ou leur échec : en Scandinavie, elles suivent notamment les échanges entre dirigeants danois et suédois et rois carolingiens. C’est déjà le cas en 829, quand Ansgar arrive à Birka : sa mission fait précisément suite à une délégation danoise à la cour de Louis le Pieux. Au contraire, les échanges deviennent plus difficiles au milieu du ixe siècle, lorsque la guerre civile au Danemark interrompt le mouvement missionnaire vers le nord : il faut ensuite attendre le retour à l’ordre après 854 avec le nouveau roi danois, Horik II, pour que débute une nouvelle collaboration avec les missionnaires. Horik autorise alors la fondation d’une église à Ribe et Hedeby. L’accueil des chrétiens (missionnaires mais aussi, par voie de conséquence, marchands) par les populations païennes locales dépend ainsi très largement de la situation politique qui prévaut alors.

  • 64 Pour cette question nous renvoyons à A. Gautier, « Hospitality in pre-viking Anglo-Saxon England »,(...)
  • 65 S. Lebecq, A. Gautier, « Routeways between England and the Continent », dans England and the Contin (...)
  • 66 The Anglo-Saxon Chronicle : A Collaborative Edition, Vol. 7 : MS. E, S. Irvine (éd.), Woodbridge, B (...)

23Malgré l’importance de la notion d’hospitalité64, les infrastructures susceptibles de recevoir ces migrants restent en grande partie énigmatiques. En dépit de la prolifération des termes (inn : « auberge » ; hus : « maison » ; bur : « chambre ») que le vieil anglais peut combiner avec des mots renvoyant à l’extranéité (cuma, gist), il s’avère que l’accueil concret d’étrangers peut poser de réels problèmes. Lors du passage à Douvres d’Eustache de Boulogne, en 1048, celui-ci ne trouve pas à se loger, alors que la ville est un port important pour joindre le continent65. La conclusion est sans appel : il n’y avait pas d’hôtellerie disponible et les habitants refusent de l’accueillir, de telle sorte qu’une rixe s’ensuit, entraînant une véritable bataille au cours de laquelle quelques quarante hommes sont tués66.

  • 67 II Cnut 55 dans The Laws of the Kings of England, op. cit., p. 202. Voir aussi un texte d’Edward le (...)
  • 68 Liber Eliensis, E. O. Blake (éd.), Londres, Royal Historical Society, 1962, livre ii, ch. 32.
  • 69 Ibid., Livre II, ch. 25. La terre appartenait quatre générations plus tôt, aux dires du plaignant, (...)
  • 70 The Anglo-Saxon Chronicle : A Collaborative Edition, Vol. 7 : MS. E, op. cit., année 1002.
  • 71 S 909, http://www.esawyer.org.uk/charter/909.html (dernière consultation le 14/09/2011).
  • 72 L. Sloan, « Experts reveal brutal Viking massacre », The Oxford Times, 5/11/2010 (accessible en lig (...)
  • 73 The Chronicle of John of Worcester, op. cit., p. 532-535.

24L’accueil des étrangers, matériellement et psychologiquement, n’était donc pas chose aisée. Par ailleurs, le statut favorable qu’on leur accordait juridiquement avait un corollaire particulièrement négatif. Selon une loi du second code de Cnut, en 1018, les étrangers qui n’ont pas régularisé leur union maritale étaient susceptibles d’être expulsés du territoire67. Au niveau local, la situation des étrangers n’était guère plus confortable. Volés par un prêtre, des marchands irlandais de passage à Cambridge demandent réparation devant un tribunal : les habitants, peu favorables au prêtre, font cependant corps derrière lui, afin qu’il échappe à une sanction trop dure68. Installés dans la moitié nord-est de l’Angleterre depuis plusieurs générations, des Scandinaves sont parfois spoliés de leurs terres, par une forme de violence légale qui tourne systématiquement à leur désavantage69. En somme, l’extranéité des migrants du début du xe siècle les a suivis comme une macule et a eu une incidence directe sur le sort de leurs héritiers. Cette inscription dans la durée du statut d’étranger mériterait naturellement d’être interrogée plus précisément. Lors du massacre de la Saint-Brice, le 13 novembre 1002, le roi Æthelred II ordonna la mise à mort des Danois présents dans son royaume70. Selon la charte de 1004, dans laquelle Æthelred confirme les possessions de St Frideswide’s, à Oxford71, nous apprenons que les Danois de la ville ont été tués après s’être réfugiés dans l’église, à laquelle les habitants ont mis le feu. Des fouilles réalisées en 2008 à St John’s College ont mis au jour entre 34 et 38 corps, brûlés en partie, dont certains portaient des traces de blessure et dont l’un avait été décollé. Le taux de collagène dans les os et la taille de leurs squelettes laissaient à entendre que tous étaient des hommes, originaires du nord-ouest de l’Europe, ce que Sean Wallis (responsable du projet) n’hésite pas à analyser comme une forme de « nettoyage ethnique72 ». De tels éléments semblent confirmer que les étrangers étaient repérés comme tels par les autochtones et susceptibles d’être attaqués. C’est d’ailleurs ce que confirment les sources narratives. La Chronique de Florence de Worcester indique en 1041 que deux huscarls danois du roi Harthacnut ont été massacrés à Worcester73

  • 74 Egils saga Skalla-Grímssonar, ch. 60 et suiv., cf. Egil’s Saga, H. Palsson, P. Edwards (éd.), Londr (...)
  • 75 P. Bauduin (dir.), Les fondations scandinaves en Occident et les débuts du duché de Normandie, Caen (...)

25En guise de conclusion, il semble probable que les villes, y compris au haut Moyen Âge et dans le nord de l’Europe, attiraient les étrangers, comme points de chute, comme lieux de commerce et de profit. Bien entendu, la migration est difficile à cerner, mais on peut la postuler : les textes du temps ne sont pas réellement intéressés par l’arrivée pacifique d’étrangers, qui semblent à même de s’intégrer très rapidement dans leur nouvel environnement, aussi bien d’un point de vue politique que d’un point de vue religieux. Cela ne représentait ni un événement ni une menace susceptibles de polariser l’attention d’un chroniqueur. Les traces archéologiques, textuelles et anthroponymiques confirment que la ville a joué un rôle dans ces déplacements de population, mais indiquent aussi que ce rôle ne fut pas exclusif. Lieux de passage, elles ne sont pas forcément le seul lieu d’installation. Cependant, il semble que la ville puisse parfois apparaître fortement marquée par cette présence étrangère, comme une sorte de zone de contact et d’interface. Sous nombre d’aspects, par exemple, York, aux yeux de la tradition scandinave ultérieure, était une véritable ville norvégienne en marge du monde anglo-saxon74. Il semble que la présence de marchands issus d’espaces parfois très différents donnait cette même image aux autres sites commerciaux du nord de l’Europe, en particulier les comptoirs irlandais et russes, dont la fondation et l’occupation revinrent pendant plusieurs décennies à des étrangers75. En définitive, par leur relatif silence (en-dehors de quelques épisodes de violence), nos sources indiquent, e silentio, que la présence étrangère était aussi courante que la capacité d’adaptation des populations autochtones.

Notes

2 Pour la définition institutionnelle, voir B. Chevalier, « Ville », dans Dictionnaire du Moyen Âge, C. Gauvard, A. De Libera, M. Zink (dir.), Paris, Presses Universitaires de France, 2002, p. 1451. Dans le domaine anglo-saxon, voir les études classiques sur le borough : F. Maitland, Township and Borough, Cambridge, Cambridge University Press, 1898. J. Tait, Medieval English Borough, Manchester, University Press, 1936.

3 D. Hill, « Unity and diversity », dans The Rebirth of Towns in the West, R. Hodges, B. Hobley (dir.), Londres, Council for British Archaeology, 1988, p. 8.

4 Pour ce nouveau paradigme, voir : W. Pohl, « Telling the differences : signs of ethnic identity », dans Strategies of Distinction : The Construction of Ethnic Communities, 300-800, W. Pohl, H. Reimitz (dir.), Leyde, Brill, 1998, p. 17-70 ; P. Geary, « Ethnic Identity as a Situational Construct in the Early Middle Ages », Mitteilungen der Anthropologischen Gesellschaft in Wien, 113, 1983, p. 15-26 ; V. Gazeau, P. Bauduin, Y. Moderan (dir.), Identité et ethnicité : concepts, débats historiographiques, exemples : (iiie-xiie siècle), Caen, Publications du CRAHAM, 2008.

5 Voir pour la pluralité de ces formes : R. Le Jan, « Remarques sur l’étranger au haut Moyen Âge », dans L’image de l’autre dans l’Europe du Nord-Ouest, J.-P. Jessenne (dir.), Lille, Centre de recherche sur l’histoire de l’Europe du Nord-Ouest, 1996, p. 23-32. Pour le principe d’accommodation, voir : D. M. Hadley, The Viking in England. Settlement, Society and Culture, Manchester, Manchester University Press, 2006.

6 S. Reynolds, Introduction to the History of English Medieval Towns, Oxford, Oxford University Press, 1977.

7 W. Pohl, « Telling the differences », op. cit., p. 61.

8 Les bornes chronologiques traditionnellement retenues correspondent au premier raid viking connu en Occident, sur le monastère de Lindisfarne (en Northumbrie) en 793, et à la bataille de Hastings en 1066.

9 K. Randsborg, « Kings’Jelling. Gorm and Thyra’s palace – Harald’s monument and grave – Svend’s cathedral », Acta archaeologica, 79, 2008, p. 1-23.

10 M. McCormick, Origins of the European economy : communications and commerce AD 300-900, Cambridge, Cambridge University Press, 2001 (voir notamment « The northern arc », p. 562-564 et p. 606-613).

11 D’importants complexes de débarcadères en bois ont été mis au jour dans les ports d’Hedeby et Dorestad. On pourra ici se référer à : W. A. Van Es, W. J. H. Verwers, Excavations at Dorestad 1. The Harbour : Hoogstraat I, 2 vol., Amersfoort, Rijksdienst voor het Oudheidkundig Bodemonderzoek, 1980 ; S. Kalmring, Der Hafen von Haithabu, Neumünster, Wachholtz, 2010.

12 J. Dhondt, « Les problèmes de Quentovic », dans Studi in onore di Amintore Fanfani, I, Milan, Giuffrè, 1962, p. 181-248.

13 Ohthere’s Voyages, cité par J. Bately, « The Source », dans Ohthere’s Voyages. A late 9th century account of voyages along the coasts of Norway and Denmark and its cultural context, Roskilde, Viking Ship Museum, 2007, vol. 1, p. 9-58.

14 H. Steuer, « Principles of trade and exchange : trade goods and merchants », dans Wulfstan’s Voyage, The Baltic Sea region in the early Viking Age as seen from shipboard, A. Englert, A. Trakadas (dir.), Roskilde, Viking Ship Museum, 2009, p. 294-308.

15 Rimbert, Vita Anskarii, dans G. Waitz, MGH, Scriptores rerum Germanicarum, vol. 55, Hanovre, 1884.

16 Au chapitre XIX : […] vicum Birca, quod ibi multi essent negotiatores divites et abundantia totius boni atque pecunia thesaurorum multa (« l’emporium de Birka, où se trouvaient beaucoup de riches marchands, ainsi que des marchandises en abondance et de l’argent en quantité »).

17 Toujours au chapitre XIX : christianis qui ibi aderant.

18 Ohthere’s Voyages, cité par J. Bately, op. cit. ; J. Bately, « Wulfstan’s voyage and his description of Estland : the text and the language of the text », dans A. Englert, A. Trakadas (dir.), op. cit., p. 14-28.

19 Pour Goffman, le nom est un des stigmates, une des marques signalétiques susceptibles de définir un individu. Voir E. Goffman, Stigmate. Les usages sociaux des handicaps, Paris, Minuit, 1963. Notons, cependant, à la suite de Yuri Bromley qu’il n’est pas question d’en faire un « indice essentiel d’ethno-différentiation », cf. Y. Bromley, Theoretical ethnography, New York, Random House, 1986, p. 16.

20 C. P. Lewis, « The French in England before the Norman Conquest », dans Anglo-Norman Studies, Proceedings of the Battle Conference, 1994, C. Harper-Bill (dir.), Woodbridge, Boydell, 1995, p. 123-144, p. 133.

21 P. H. Sawyer, The Age of the Vikings, Londres, Palgrave Macmillan, 1971 (2nde édition), pour l’argument d’une migration d’élite, entraînant une acculturation. J. D. Richards, Viking Age England, Stroud, Tempus, 2000 (2nde édition), p. 48, pour l’argumentation menée à bien sur les anthroponymes. D. M. Hadley, The Northern Danelaw : Its Social Structure, c. 800-1100, Londres, Leicester University Press, 2000, p. 21, pour une argumentation similaire sur les toponymes.

22 G. Fellows-Jensen, Scandinavian personal names in Lincolnshire and Yorkshire, Copenhague, Akademisk Forlag, 1968, p. 23.

23 A. Williams, G. H. Martin, Domesday Book : a Complete Translation, Londres, Penguin Books, 2003. La bibliographie sur le sujet excède le cadre de la communication. À titre d’études ponctuelles sur la fiabilité des jurors, voir : A. Cooper, « Protestations of ignorance in the Domesday Book », dans The Experience of Power in Medieval Europe, 950-1350, R. F. Berkhofer, A. Cooper, A. J. Kosto (dir.), Aldershot, Ashgate, 2005, p. 169-181.

24 C. P. Lewis, « Joining the dots : a methodology for identifying the English », dans Family Trees and the Roots of Politics, K. S. B. Keats-Rohan (dir.), Woodbridge, Boydell, 1997, p. 68-87.

25 En considérant que deux noms identiques, pour peu qu’ils répondent à deux des critères suivants (insertion dans le même hundred, être remplacé par le même lord normand et être inscrit dans la même sous-section du texte), renvoient à la même personne.

26 Définis ici, de façon rigoureuse, par la présence de burgesses, c’est-à-dire de tenures urbaines, à la suite de Geoffrey Martin, cf. G. H. Martin, « Domesday Book and the boroughs », dans Domesday Book : a reassessment, P. H. Sawyer (dir.), Londres, Edward Arnold, 1985, p. 143-163.

27 À propos de la place des anthroponymes, voir : G. Fellows-Jensen, Scandinavian personal names, op. cit. À propos des toponymes, voir : Id., Scandinavian settlement names in Yorkshire, Copenhague, Akademisk Forlag, 1972. À propos de l’archéologie, voir R. Hall, Viking Age York, Londres, Batsford, 1994 et Id., Aspects of Anglo-Scandinavian York, York, York Archaeological Trust, 2004.

28 Certains ateliers très temporaires sont installés dans de gros bourgs. Ainsi, Bedwyn, dans le Wiltshire, modeste village d’un millier d’âmes en 2001, a accueilli un atelier pendant le règne d’Edward. En vingt ans de frappe, seules six monnaies nous sont parvenues. De nombreux autres ateliers, dans le Wiltshire et le Somerset, en particulier, s’inscrivent dans une même logique, frappe de monnaies et urbanité n’étant vraiment pas corrélées.

29 28 % des 236 noms disponibles dans 44 sites.

30 25 % des 182 noms disponibles dans 22 sites. Dans ces trois cas, on a une marge de variation de plus ou moins 2 points, puisque certaines formes sont trop ambiguës pour que l’on puisse trancher avec certitude leur origine linguistique.

31 R. Fleming, « Rural Elites and Urban Communities in Late-Saxon England », Past & Present, 141, 1993, p. 3-37, ici p. 4-5.

32 Historia de Sancto Cuthberto, T. J. South (éd.), Cambridge, Brewer, 2002, § 14.

33 Une armée danoise s’installe en Mercie en 878 : voir The Anglo-Saxon Chronicle : A Collaborative Edition. Vol. 5 : MSC, K. O’Brien O’Keeffe (éd.), Oxford, Brewer, 2000. Mais Æthelweard, à la fin du xe siècle, précise, dans sa chronique, pour la même année, qu’ils s’installèrent à demeure dans Gloucester : voir The Chronicle of Æthelweard, A. Campbell (éd.), Londres, Th. Nelson, 1962, livre iii, année 877-878.

34 J. Haslam, Early Medieval Towns in Britain c. 700 to 1140, Princes Risborough, Shire Publications, 1985.

35 H. Clarke, B. Ambrosiani (dir.), Towns in the Viking Age, New York, Saint Martin’s Press, 1991. Cette thèse a cependant été discutée : D. Hill, « Unity and diversity », op. cit., p. 8-15.

36 The Chronicle of John of Worcester : The Annals from 450-1066, R. P. Darlington, P. McGurk (éd.), Oxford, Oxford University Press, 1995, p. 528-529. Il s’agit du cimetière de Saint Clement-Danes, situé à deux pas du Strand.

37 Voir The Anglo-Saxon Chronicle : A Collaborative Edition, Vol. 6 : MS. D, G. P. Cubbin (éd.), Woodbridge, Brewer, 1996, année 1055. Il s’agit de l’actuelle église Saint Olaves, au nord-ouest du centre-ville.

38 D. Stocker, « Monuments and Merchants : Irregularities in the Distributions of Stone Sculpture in Lincolnshire and Yorkshire in the Tenth Century », dans Cultures in Contact : Scandinavian Settlement in England in the Ninth and Tenth Centuries, D. M. Hadley, J. D. Richards (dir.), Turnhout, Brepols, 2000, p. 179-212.

39 J. D. Richards, « Identifying Anglo-Scandinavian settlements », dans Cultures in Contact, op. cit., p. 295-310.

40 J. D. Richards, « The case of the missing Vikings : Scandinavian burial in the Danelaw », dans S. Lucy, A. Reynolds (dir.), Burial in Early Medieval England and Wales, Leeds, Maney, 2002, p. 156-170.

41 D. M. Hadley, The Viking in England, op. cit.

42 En résumé, ce débat va des partisans de la fondation royale (Wilhelm Holmqvist pour Birka, Stig Jensen pour Ribe, Charlotte Blindheim pour Kaupang) à ceux qui préfèrent parler de « profiteurs passifs » plutôt que d’initiateurs à propos des élites locales, cf. J. Callmer, « Urbanisation in Northern and Eastern Europe, ca. AD 700-1100 », dans Post-Roman towns, trade and settlement in Europe and Byzantium, J. Henning (dir.), vol. 1, 2007, p. 240.

43 L’expression est inspirée de Sirpa Aalto : « Commercial Travel and Hospitality in the Kings’ Sagas », Mirator, 10-1, 2009, p. 31-42, qui parle de juridical havens p. 41.

44 Usque ad extremum terrae, dans Rimbert, Vita Anskarii, op. cit., chap. XXV.

45 English Historical Documents, D. Whitelock (éd.), vol. 1 (c. 500-1042), Londres, Eyre & Spottiswoode, 1955, p. 384, § 13.1. Le terme employé en vieil anglais, port, désigne d’abord le port, avant d’être employé pour une ville dotée de droits propres à un marché ou d’un port, et enfin d’être utilisé pour une ville en général : on peut donc ici envisager la traduction par emporium.

46 C’est le reeve ou l’exactor regis, c’est-à-dire le « bailli » ou « intendant ». On en connaît huit pour les xe et xie siècles.

47 English Historical Documents, op. cit., p. 65.

48 Ibid., p. 166 (année 789) ; The Chronicle of Æthelweard, op. cit., III, 1.

49 L. Napran, E. Van Houts (dir.), Exile in the Middle Ages, Turnhout, Brepols, 2004. Ce thème revient dans les sermons catholiques d’Ælfric (Ælfric’s Catholic Homilies : The First Series Text, P. Clemoes, London, Oxford University Press, Early English Text Society, 1997, no 7, 10, 18 et 34), dans les Vercelli Homilies (The Vercelli Homilies, D. Scragg (éd.), Oxford, OUP, 1992, no 14) et dans les Blickling Homilies (The Blickling Homilies, R. Morris [éd.], 1880, no 2), sur le modèle des Epîtres (surtout 2 Corinthiens 5:6).

50 Dt 10:19-20 ; Mt 25:35-36.

51 The Anglo-Saxon Version of the Holy Gospels, B. Thorpe (éd.), Londres, 1842, p. 59 : Ic wæs cuma, and ge me in-læþedon.

52 The Old English Heptateuch and Aelfric’s Libellus de Veteri Testamento et Novo, R. Marsden (éd.), Oxford, Oxford University Press, 2008, p. 172 : Lufiað fordrifene, for þam þe ge sylfe wæron fordrifene and utancymene on Egipta lande.

53 On retrouve cette citation a minima dans les sermons catholiques d’Ælfric (Godden, Malcolm, Ælfric’s Catholic Homilies : The Second Series Text, London, Oxford University Press, Early English Text Society, 1979, no 7 et 16). On retrouve une incitation voisine dans les Vercelli Homilies (homélie no 21).

54 Ibid., Homélie no 9, l. 55 (ælþeodig). Sermones Catholici d’Ælfric, Second Series, no 10, p. 136 (cuma).

55 The Ancient Laws and Institutes of England, B. Thorpe (éd.), 1840, p. 282.

56 Ibid., ch. xxiv, xxv et xxxi, p. 422.

57 VI Æthelred 48, cf. The Laws of the Kings of England from Edmund to Henry I, A. J. Robertson (éd.), Cambridge, Cambridge University Press, 2009, p. 104.

58 P. Wormald, The Making of English Law : King Alfred to the Twelfth Century, I, Legislation and its Limits, Oxford, Blackwell, 1999, p. 330 et suiv.

59 II Cnut 40, sur le modèle de VIII Æthelred 33, cf. The Laws of the Kings of England, op. cit., p. 196.

60 Ibid., chap. XXIV : Quod ille [Horicus] benignissimo concessit affectu et in portu quodam regni sui ad hoc aptissimo et huic regioni proximo Sliaswich [c’est-à-dire Hedeby] vocato, ubi ex omni parte conventus fiebat negotiatorum, ecclesiam illi fabricare permisit, tribuens locum in quo presbiter maneret […] Multi namque ibi antea erant christiani, qui vel in Dorstado vel in Hammaburg baptizati fuerant […] Negotiatores tam hinc quam ex Dorstado locum ipsum libere expeterent, et hac occasione facultas totius boni inibi exuberaret…

61 Un siècle avant Ansgar, vers 725, Willibrord, à la tête de la première mission chrétienne en Scandinavie, avait déjà tenté de convertir les populations locales en se rendant au Danemark.

62 H. Arbman, Schweden und das karolingische Reich : Studien zu den Handelsverbindungen des 9. Jahrhunderts, Stockholm, Wahlström & Widstrand, 1937, p. 204.

63 Pour Stéphane Lebecq, il est très probable que Frideburg était d’origine frisonne, cf. S. Lebecq, Marchands et navigateurs frisons du haut Moyen-Âge, Lille, 1983, p. 31-32 ; tandis que selon Anne-Sofie Gräslund, Frideburg est une femme d’origine nordique, récemment convertie au christianisme, cf. A.-S. Gräslund, « The Christianization of Central Sweden from a Female Perspective », dans Rom und Byzanz im Norden. Mission und Glaubenswechsel im Ostseeraum während des 8.-14. Jahrhunderts, M. Müller-Wille (dir.), vol. 1, Stuttgart, F. Steiner, 1997, p. 313-329. Nordique ou frisonne, quoi qu’il en soit, il est très vraisemblable que Frideburg a été baptisée à Dorestad : si elle n’en est pas originaire, elle y serait ainsi de toute façon passée. Ce lieu est alors pour elle celui de sa re-naissance : il n’y a donc rien de surprenant à ce qu’elle veuille y consacrer sa fortune.

64 Pour cette question nous renvoyons à A. Gautier, « Hospitality in pre-viking Anglo-Saxon England », Early Medieval Europe, 17-1, 2009, p. 23-44.

65 S. Lebecq, A. Gautier, « Routeways between England and the Continent », dans England and the Continent in the Tenth Century, D. Rollason, C. Leyser, H. Williams (dir.), Turnhout, Brepols, 2010, p. 17-34, p. 27.

66 The Anglo-Saxon Chronicle : A Collaborative Edition, Vol. 7 : MS. E, S. Irvine (éd.), Woodbridge, Boydell & Brewer, 2004, année 1048.

67 II Cnut 55 dans The Laws of the Kings of England, op. cit., p. 202. Voir aussi un texte d’Edward le Confesseur sur le statut des Juifs, Concilia, decreta, leges, constitutiones in re ecclesiarum orbis Britannici, H. Spelman (éd.), 1639, p. 623.

68 Liber Eliensis, E. O. Blake (éd.), Londres, Royal Historical Society, 1962, livre ii, ch. 32.

69 Ibid., Livre II, ch. 25. La terre appartenait quatre générations plus tôt, aux dires du plaignant, Boga d’Hemingford, à son arrière-grand-mère. Elle fut confisquée au nom du roi Edward l’Aîné. Le roi l’a ensuite offerte à Ely. Pour le plaignant, la terre aurait dû revenir à son oncle, Tole. Après jugement, Boga est débouté par les membres de la cour du comté. La période d’installation de cette famille, ainsi que le nom norrois de l’oncle maternel, plaident pour une origine scandinave de ce dernier, cf. O. Von Feilitzen, Pre-Conquest Personal Names in Domesday Book, Uppsala, Almqvist & Wiksell, 1937, p. 386.

70 The Anglo-Saxon Chronicle : A Collaborative Edition, Vol. 7 : MS. E, op. cit., année 1002.

71 S 909, http://www.esawyer.org.uk/charter/909.html (dernière consultation le 14/09/2011).

72 L. Sloan, « Experts reveal brutal Viking massacre », The Oxford Times, 5/11/2010 (accessible en ligne).

73 The Chronicle of John of Worcester, op. cit., p. 532-535.

74 Egils saga Skalla-Grímssonar, ch. 60 et suiv., cf. Egil’s Saga, H. Palsson, P. Edwards (éd.), Londres, Penguin, 1976. Egalement disponible en ligne, en texte original : http://www.sagadb.org/egils_saga.

75 P. Bauduin (dir.), Les fondations scandinaves en Occident et les débuts du duché de Normandie, Caen, Publications du CRAHM, 2005.

Table des illustrations

Légende Emporia d’Europe du nord-ouest (viie-xie siècle) cités dans le texte.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/26663/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 89k

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search