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L'Alsace en guerre

La guerre de positions en Alsace et dans les Hautes-Vosges

Trench war in Alsace and the Vosges - Going back over preconceived ideas
Der Stellungskrieg im Elsass und in den Vogesen - Eine Rückschau ohne Vorurteile
Florian Hensel
p. 33-54

Résumés

Alors qu’un siècle nous sépare bientôt des évènements de la Grande Guerre, il est temps de faire le point sur leur historiographie. Cet article est l’occasion d’un tour d’horizon des principaux sites alsaciens victimes des quatre années d’affrontements. S’appuyant à la fois sur des études pertinentes et des sources inédites, il présente non seulement les spécificités des combats dans les Hautes-Vosges, mais met également en lumière les combats de plaine, trop souvent oubliés. L’objectif est de mettre à mal un certain nombre d’idées préconçues, trop souvent rattachées aux fronts alsaciens et vosgiens.

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Texte intégral

  • 1 Pour la présente étude, la mention « Vosges » se rapportera essentiellement à la crête montagneuse (...)

1Alors qu’approche le centenaire des « évènements » alsaciens et vosgiens de la Grande Guerre, leur évocation est plus que jamais sujette à polémique. En effet, nombreux sont les historiens et les amateurs qui ont relevé le défi de les expliciter. Le cap que représentera l’année 2015 pour l’histoire des affrontements en Alsace et dans les Vosges1 doit également en être un pour l’historiographie de ces sites ! « Les Vosges sont un secteur de tout repos », « Seule l’année 1915 y a été marquée par des combats », « L’Alsace a été reconquise par les chasseurs alpins », « Les Américains ne s’y sont pas battus »… Les préjugés sont tenaces. Le moment semble opportun pour en lever quelques-uns et proposer un nouveau regard sur les évènements qui se sont déroulés entre septembre 1914 et novembre 1918 dans cette contrée si particulière.

Définition du sujet

2Les multiples sobriquets, généralement réducteurs, dont sont affublés les principaux lieux de combats du massif sont les premiers à en déformer l’histoire. « Mangeuse d’Hommes » pour le Hartmannswillerkopf, « Tombeau des Chasseurs » pour le Linge, et bien d’autres encore sont des titres accrocheurs, mais bien pauvres en sens. Certes les combats y ont été durs, mais la volonté frénétique de certains, qui souhaitent définir le nombre exact de victimes, l’a souvent emporté sur la vérité historique. En quoi la liste exhaustive des victimes du 30e bataillon alpin de chasseurs à pied à La Courtine le 20 juillet 1915 est-elle fondamentale pour comprendre l’intérêt stratégique de la bataille du Linge ? Probablement en rien ! Assurément, les victimes françaises des combats doivent avoir une place dans l’histoire de la Grande Guerre en Alsace, mais elles doivent l’être au même titre que les victimes allemandes, les survivants, les Américains, les Britanniques. Ce sont donc d’innombrables éléments qui, une fois étudiés de manière globale, permettront enfin de dresser un tableau un tant soit peu fidèle. Loin de prétendre à la vérité universelle, le présent article tentera de malmener un peu les idées reçues sur la guerre de positions en Alsace en mettant en avant des évènements occultés tout en revisitant les hauts-lieux de ce secteur du front.

3Considérer les seuls départements alsaciens serait incohérent pour cette étude. Les affrontements ne peuvent être expliqués sans prendre en compte leur aspect logistique. Pour cela, il est indispensable d’avancer un peu à travers le département des Vosges afin de pouvoir jeter un regard, surprenant à plus d’un titre, sur l’arrière. L’évocation des contreforts du massif est indispensable pour comprendre l’organisation des lignes, et notamment pour définir ce qu’a été la guerre de montagne. Toutefois, cela ne devra pas non plus occulter les combats de plaine, et plus particulièrement ceux qui ont eu lieu au sud de Mulhouse, dans le Sundgau.

  • 2 La citation est reprise du titre trompeur d’un ouvrage rédigé par un officier qui a connu de rudes (...)

4D’un point de vue chronologique enfin, il n’est pas facile d’arrêter le début de la guerre de positions au mois de septembre 1914. Certes l’offensive allemande est enrayée, mais il faut encore attendre un certain temps avant de pouvoir observer une véritable stabilisation du front. Dans certains secteurs, les combats de patrouilles se poursuivent jusqu’à la fin de l’hiver, avec notamment des affrontements autour du Linge, au mois de février 1915, et du Hilsenfirst, au mois de mars. On est bien loin du « secteur calme »2 constamment évoqué lorsqu’il est question de l’Alsace et des Hautes‑Vosges.

  • 3 Bruté de Remur, La défense des Vosges et la guerre de montagnes, Publication de la Revue du Cercle (...)

La connaissance du terrain, non seulement cette connaissance provenant d’un examen plus ou moins approfondi de la carte, mais celle résultant d’une étude attentive faite sur place, s’impose. […] Il ne suffit pas, d’ailleurs, que le commandant en chef possède cette initiation préalable, il faut que les officiers de son état-major, les chefs de corps sous ses ordres, les commandants d’unités, tous les officiers qui, à un moment donné, peuvent être appelés à agir isolément l’aient au même degré, chacun en ce qui concerne sa zone d’action. Quant aux qualités d’initiative, de décision, d’énergie, il est évident qu’elles sont plus nécessaires dans cette sorte de guerre que partout ailleurs ; car c’est là que les chefs de tous grades se trouvent livrés le plus souvent à eux-mêmes, qu’ils auront à assumer de plus lourdes responsabilités3.

5Ces propos tirés d’une étude rédigée par le capitaine Bruté de Rémur, un jeune officier qui s’illustra à la tête de la 152e brigade dans les Vosges pendant le premier conflit mondial, s’avèrent prémonitoires en ce qui concerne les combats sur ce front. Hélas, peu de ses préconisations furent entendues.

  • 4 Créée le 11 novembre 2009 à Pfetterhouse, cette association franco-helvétique s’est donné pour miss (...)
  • 5 Dès août 1914, le Sundgau est un secteur relativement animé. Si les combats à proximité de Mulhouse (...)

6D’un point de vue stratégique, l’intérêt des opérations militaires dans la région est double. Si la conquête des Hautes-Vosges, massif dominant la plaine d’Alsace, a largement été relayée par diverses publications, c’est au détriment de nombreuses autres opérations se déroulant en plaine. Ainsi, les recherches entreprises par l’association des Amis du Kilomètre Zéro4 depuis quelques années ont, par exemple, mis en évidence le rôle joué par l’extrémité orientale du front de l’Ouest, à la jonction des frontières française, allemande et suisse. Le Sundgau5 a, en effet, été le théâtre de divers affrontements, aujourd’hui oubliés. De plus, résumer le pan « humain » de la Grande Guerre dans ce secteur aux seuls chasseurs alpins, comme cela est souvent le cas, est plus que réducteur. Qui se souvient encore des charges de cavalerie dans la plaine mulhousienne ? des aménagements réalisés par les sections de chemin de fer de campagne ou par le génie ? des itinéraires d’évacuation sanitaires mis en place par le service de santé ? des incursions de l’aviation ? Pourtant les traces de leur passage ne sont pas rares, et méritent elles aussi d’être étudiées.

Une installation mouvementée dans la guerre des tranchées : la Tête-des-Faux

  • 6 La représentativité de ces deux sites, auxquels il faut également ajouter le massif du Linge, est é (...)

7À partir de septembre 1914, une fois les offensives françaises, dans la plaine du Rhin, et allemandes, par la trouée de Charmes, enrayées, la guerre de mouvement s’efface peu à peu du paysage alsacien. Ce n’est pas pour autant que les Hautes-Vosges deviennent un secteur calme. Contrairement aux idées reçues, les escarmouches et les coups de main sont très fréquents et il est possible de les y retrouver tout au long de la guerre. En effet, les positions de chaque camp ne sont encore définies que de manière lacunaire. De nombreux combats ont ainsi lieu pour gagner une hauteur, un bois ou un village offrant une meilleure position. La guerre de patrouilles bat alors son plein. Deux montagnes, plus tard considérées comme étant les plus représentatives des combats dans les Hautes-Vosges6 commencent toutefois à s’animer : la Tête des Faux et le Hartmannswillerkopf.

  • 7 Bibliographie indicative : Holtzmann (Albert), auteur de différents articles dans la revue Dialogue (...)
  • 8 Ce dernier est déjà stationné à Colmar à la veille de la guerre. Des combattants alsaciens se retro (...)
  • 9 L’unité n’étant arrivée dans le secteur que depuis peu de temps, l’absence d’informations précises (...)
  • 10 Ce dernier est le bataillon de réserve du 30e BCA engagé à la Tête-des-Faux.

8À la fin de 1914, la Tête-des-Faux7 (Buchenkopf) est le théâtre de rudes combats. Dominant le col du Bonhomme, lieu de passage capital, ce site est associé à l’une des histoires les plus tragiques de la Grande Guerre en Alsace : l’attaque allemande de la nuit de Noël 1914. Après une phase incertaine de prise et de perte de ce rocher, il tombe entre les mains des Français le 2 décembre 1914. Satisfaits de la position obtenue, les assaillants ne poursuivent toutefois pas leur avance et laissent les Allemands s’installer dans les contre-pentes. À la suite de plusieurs confrontations mineures, les troupes impériales, et plus particulièrement le 14e bataillon de chasseurs du Mecklembourg8, décident de reprendre pied sur le sommet. Après quelques jours d’aménagement des positions et de collecte de renseignements9, l’assaut est fixé pour la veille de Noël, à 22 h 30. Profitant de l’obscurité, mais également de la neige et du brouillard, les troupes allemandes tentent d’infiltrer les positions adverses. Toutefois, le temps finit par s’éclaircir, ce qui alerte les Français qui résistent farouchement. Leur feu, combiné à des positions favorisant la défense, causent de lourdes pertes aux Allemands et les contraignent au repli. François Tisserand, chasseur au 70e bataillon de chasseurs alpin10 (BCA) relate ces évènements :

  • 11 Tisserand (François), Le Linge, tombeau des Chasseurs, Colmar, Mémorial du Linge, 1983, p. 103-104.

La veille de Noël, les Fridolins ont bombardé toute la matinée avec des gros noirs et des torpilles ; l’après-midi ça n’a pas bougé, mais vers minuit, quelle bagarre ! Les Fritz sont arrivés en rangs serrés sur les poilus de la 6e compagnie, et quelques-uns sont parvenus jusque dans les tranchées ; il paraît que c’était un mélange de Français et d’Allemands qui s’entretuaient à coups de grenades. […] À 4 heures du matin, les Boches ont remis ça en braillant, il y avait les fifres et les tambours, ils se sont encore fait arroser copieusement et nos gars ont réussi à faire quelques prisonniers. C’étaient des chasseurs du 14e Mecklembourgeois, des vrais durs, paraît-il. Total : il y eut chez nous une cinquantaine de tués et de nombreux blessés. Un jour de Noël, vous vous rendez-compte !11

  • 12 Il faut toutefois préciser que ce ne sont pas les opérations militaires qui ont conduit au classeme (...)

9Malgré l’importance psychologique de ces combats, les positions des deux camps se trouvent inchangées. Ces évènements forgent cependant la légende de la Tête-des-Faux12.

Le Hartmannswillerkopf

  • 13 Bibliographie indicative : Ehret (Thierry), 1914-1918 Autour de l’Hartmannswillerkopf, Mulhouse, éd (...)
  • 14 Goes (Gustav) (Capitaine), Hartmannswillerkopf, Paris, Payot, 1934, 266 p.
  • 15 Gaede Hans Emil Alexander, général d’infanterie, commandant la XIVe région militaire pendant la Pre (...)

10Le second secteur qui commence alors à présenter de l’intérêt pour les deux principaux belligérants est le plus illustre aujourd’hui : le Hartmannswillerkopf13. Bien que dominant idéalement le sud de la plaine d’Alsace à quelques encablures de Mulhouse, ce site n’attise les convoitises qu’à la fin de l’année 191414. Vers le mois de décembre, les patrouilles françaises et allemandes prennent conscience de l’intérêt stratégique de cette crête culminant à 950 mètres. Les premiers combats d’envergure qui s’y déroulent à partir du 4 janvier 1915 s’achèvent le 22, par la prise du sommet par les troupes (allemandes) du général Gaede15. Le haut commandement français a toutefois bien perçu l’importance de ce piton et prépare patiemment sa reconquête. Du côté allemand, des infrastructures défensives commencent à être aménagées. En face, les positions d’attaque sont développées petit à petit. Après plusieurs semaines d’accalmie ponctuées de quelques combats localisés, les Français essayent sans succès de reprendre le sommet le 27 février. Le 5 mars, de nouvelles tentatives connaissent plus de réussite, mais les Allemands réagissent dès le lendemain. Une nouvelle opération d’envergure, menée en partie par le 152e régiment d’infanterie (RI), est déclenchée le 23 mars. Celle-ci, ainsi que les autres des jours suivants, conduisent à la reprise d’une grande partie des positions perdues à la fin de janvier.

11André Larue, chasseur au 27e BCA, décrit la violence du combat du 6 avril :

  • 16 Lettre d’André Larue datée du 29 avril 1915 retranscrite avec l’aimable autorisation de sa petite-f (...)

C’était pour aujourd’hui. L’artillerie devait bombarder à partir de 1 heure et l’assaut fut fixé à 4 heures. […] Bientôt tout gronda. Les obus, les bombes, les torpilles aériennes faisaient voler les arbres en l’air et les pierres aussi. Ce bombardement énergique nous donna du courage. 4 heures moins dix, en place ! Les obus boches pleuvaient sur nos tranchées. Des blessés font demi-tour, la figure pleine de sang. 4 heures. Attention. ‘‘En avant.’’ Ce cri retentit, formidable. On court à l’assaut. Les balles pleuvent. Ça ne fait rien, on nous a fait boire un demi quart d’eau de vie. Nous courons. Nous bravons tout. D’un seul bond le fortin est entouré. Il n’est plus qu’un amas fumant de pierre et de cadavres de Boches affreusement mutilés. Nous le franchissons. Les Boches fuient. Tout à coup je me retrouve nez à nez avec un sous-officier boche qui me braque son revolver. Froidement je lui enfonce ma baïonnette en pleine poitrine, craac ! J’y ai mis tant de force que le canon du fusil est entré aussi. Je ne sais plus la retenir. Vite je prends le fusil d’un mort et au galop. Nous poursuivons les Boches qui fuient éperdus. Certains fuient, certains sont encore dans les baraques. Dès qu’ils nous voient ce sont des cris et des pleurs. De tous côtés ‘‘Kamarades! Kamarades françous - Nix Kapout! Nix Kapout!’’ Nous faisons aussi deux cents prisonniers. En avant toujours, on est loin. On ne sait plus où l’on est. Nous descendons vers la plaine de Mulhouse.16

12Le succès change cependant de camp au cours des jours suivants. Grâce à l’arrivée de renforts, les Allemands progressent à nouveau vers le sommet et le réoccupent au soir du 25 avril. Toutefois dès le lendemain, une contre-attaque française les en repousse à nouveau.

13Ce secteur se stabilise ensuite jusqu’à la fin de l’été. Tous les belligérants profitent de ce répit pour densifier leurs réseaux défensifs et organiser au mieux leurs positions. Petit à petit, des abris, des postes de commandement, des postes de secours, des voies de chemin de fer, des téléphériques et de multiples autres infrastructures sortent de terre. Après de violents soubresauts en septembre et en octobre, l’état-major français décide de planifier une nouvelle offensive afin de consolider les positions. Reportée plusieurs fois, celle-ci est finalement déclenchée le 21 décembre 1915. Les foudres des deux artilleries bouleversent une fois de plus la montagne. L’avance est notoire mais les pertes sont lourdes du côté des Français. Dès le lendemain, menée par des troupes appelées en renfort à la hâte, la contre-attaque allemande repousse les assaillants dans leurs tranchées de départ. Les Français sont à nouveau bousculés à partir de la veille de Noël, mais ils tiennent bon. Des assauts alternés des deux adversaires s’en suivent jusqu’au 9 janvier 1916 mais, une fois le calme revenu, les positions se trouvent inchangées. Ce champ de bataille se stabilise à son tour, et n’est plus ponctué alors que par des bombardements quotidiens et de fréquents coups de main.

Position allemande de fusils lance-grenades dans les environs du Hartmannswillerkopf

Position allemande de fusils lance-grenades dans les environs du Hartmannswillerkopf

Diverses innovations techniques sont employées dans les Hautes-Vosges afin de palier aux difficultés liées au relief.

Collection de l’auteur

Le Lingekopf

  • 17 Bibliographie indicative : Hensel (Florian), Le Lingekopf de 1915 à nos jours, Colmar, Jérôme Do Be (...)
  • 18 Pouydraguin (Jean d’Armau de), La Bataille des Hautes-Vosges, Février-Octobre 1915, Paris, Payot, 1 (...)

14Les opérations d’envergure menées dans les Vosges au cours de la Première Guerre mondiale se concentrent indéniablement sur l’année 1915. Outre le Hartmannswillerkopf et la Tête-des-Faux, un troisième secteur a fait l’objet de furieux combats à cette période : le Lingekopf17. Son histoire, évocatrice à plus d’un titre, est elle aussi mettre au rang des grandes offensives de cette deuxième année de guerre. Alors que les opérations militaires françaises menées dans la vallée de la Fecht à la fin du printemps de 1915 sont couronnées de succès, il est décidé de ne pas les exploiter mais de privilégier une attaque surprise « par les hauts »18 en direction des massifs du Lingekopf et du Petit Ballon. Après des aménagements matériels complexes, ainsi qu’une préparation laborieuse du terrain, l’attaque n’est déclenchée qu’un mois et demi plus tard. Inutile de préciser que l’effet de surprise escompté est des plus réduits. Les premiers assauts français sont peu concluants. Plusieurs facteurs l’expliquent.

15La topographie du site est le premier d’entre eux. À la veille des combats, chaque camp occupe des hauteurs se faisant face – le Hurlin pour les Français et le massif Lingekopf-Schratzmaennele-Barrenkopf pour les Allemands –, séparées par la Courtine, un espace dénudé que les troupes d’assaut ont à franchir. En outre, les positions convoitées sont fortement boisées et très abruptes. La progression des fantassins y est donc complexe et les effets de l’artillerie des plus incertains en raison de l’absence d’observatoires directs.

16Le 20 juillet 1915, lorsque les troupes de la 129e division d’Infanterie (DI) sortent des parallèles de départ, les pertes sont lourdes. Bien que n’ayant pas encore leur densité et leur configuration actuelle, les positions allemandes sont très fortifiées et leur situation dominante les favorise. Les résultats des premières offensives sont mitigés. La progression vers les sommets est pénible. Bien que les Français réussissent à prendre pied sur la crête à la fin du mois de juillet, les contre-attaques allemandes ont rapidement raison de leurs gains et permettent de reprendre une partie du terrain perdu. Les 4 et 5 août voient par exemple un intense bombardement suivi de plusieurs tentatives de reprise de la crête. Ce pilonnage a marqué les esprits de ceux qui l’ont subi et apparaît comme l’un des plus importants de tout le front alsacien dans les témoignages des combattants. Par la suite, l’histoire de ces hauteurs est dense. En passant sur le détail des opérations, le Linge apparaît surtout comme un banc d’essai pour des matériels de toutes sortes. Comme dans bon nombre d’autres secteurs alsaciens et vosgiens, gaz de combat et liquides enflammés, mais également d’autres armes insolites comme par exemple des arbalètes ou des projectiles explosifs artisanaux, y sont employées. Peu à peu les choses se calment et les opérations sont de plus en plus espacées dans le temps. Finalement, ce point de friction s’apaise progressivement à la mi-octobre.

La guerre de positions après les combats de 1915 : l’exemple du Hilsenfirst

  • 19 Bien qu’étant estimé à quelques dizaines de milliers, il est impossible d’établir le nombre réel de (...)

17Au début de 1916 les vastes offensives sont désormais terminées dans les Hautes-Vosges, mais les pertes ont été lourdes19. Place désormais à une guerre de duels d’artillerie et de coups de main. Alors que les batailles majeures ont été largement exploitées dans la littérature, les autres épisodes sont tombés dans l’oubli, entretenant la légende du « secteur calme » constamment attachée aux fronts alsaciens et vosgiens. Ce n’est que depuis une dizaine d’années que cette période est revisitée par les historiens. Loin de prétendre à l’exhaustivité, les quelques opérations de ce type évoquées ci-après permettent de mettre en avant leur diversité, leur présence sur l’ensemble de ce secteur mais surtout l’intensité avec laquelle elles ont été menées.

  • 20 Surplombant les vallées de la Fecht et de Guebwiller, ce sommet culminant à 1 274 mètres est le plu (...)
  • 21 Rommel (Erwin), L’infanterie attaque, Enseignements et expérience vécue, Nancy, Le Polémarque, 2012 (...)
  • 22 Lemay (Benoît), Erwin Rommel, Paris, Perrin, 2009, 518 p.

18Le premier exemple est un coup de main entrepris au Hilsenfirst20. S’il attire l’attention de l’historien, c’est surtout en raison de l’officier qui le mène, un certain… Erwin Rommel ! L’homme qui forgera se légende un quart de siècle plus tard dans le désert d’Afrique du Nord n’est alors qu’un simple lieutenant dans les rangs du bataillon de montagne du Wurtemberg, mais il fait déjà preuve d’un remarquable art du combat, mis en valeur dans ses mémoires parues en 193721. Si les enjeux de l’action semblent mineurs, c’est surtout la manière dont elle est racontée qui est intéressante, témoignant de la recherche de gloire constante du militaire22. La narration se fonde malgré cela sur des éléments suffisamment objectifs pour nous donner un aperçu fidèle d’une opération comme il y en eut des centaines sur le front alsacien pendant la Première Guerre mondiale.

19De minutieuses reconnaissances du terrain à franchir et des organisations ennemies ont permis de cibler un point du dispositif français où il semble possible de capturer des prisonniers. L’opération est cependant complexe à mettre sur pied car le secteur est accidenté, boisé et surtout bouleversé par les combats antérieurs. Finalement, le 4 octobre 1916, un petit groupe de combat quitte la première ligne allemande. Le jeune officier en témoigne. « Trois heures avant minuit, par une nuit de tempête, noire et pluvieuse, je quitte nos positions avec mes trois détachements et nous nous approchons très lentement de la position ennemie en rampant. » Outre l’escouade chargée de l’opération, deux autres groupes ont, en effet, été sollicités pour assurer la sécurité des flancs et faciliter la retraite. L’avance doit être effectuée en silence, de manière à ne pas éveiller l’attention des sentinelles qui veillent à quelques dizaines de mètres de là. Une fois les trois réseaux de barbelé franchis, non sans difficulté, les Allemands arrivent à proximité de l’objectif :

L’un après l’autre, nous nous glissons dans la tranchée ennemie. Il s’est arrêté de pleuvoir, et il n’y a que le vent qui siffle sur le versant dénudé. Alors que les hommes pénètrent dans la tranchée, des morceaux de terre et de rochers se détachent de la paroi et roulent bruyamment sur les dalles, vers le bas. De nouvelles minutes d’angoisse passent. Finalement, la totalité du groupe d’assaut est dans la tranchée. […] Tout à coup, au-dessus sur la gauche, quelque chose vient claquer dans l’obstacle, puis immédiatement après, sur le parapet de la tranchée à droite ! Des grenades à main explosent. La tête du groupe d’assaut recule brusquement, et le reste du groupe vient buter vers l’avant, alors que nous recevons la salve de grenades suivante. Il faut attaquer immédiatement ou nous sommes perdus. ‘‘En avant !’’ Nous nous jetons sur l’ennemi et évitons ainsi la salve de grenades suivante. Stierle, mon palefrenier qui n’est venu avec nous que pour cette action, est saisi à la gorge par un Français, le sergent Nothacker abat l’homme au pistolet. Peu de temps après, deux hommes du poste de guet sont maitrisés. […] Puisque le coup a entièrement atteint son but, je donne l’ordre de repli. Nous devons quitter les lieux avant que les réserves françaises n’interviennent. Sans être gênés par l’ennemi, nous regagnons notre position avec onze prisonniers.

20Le déroulement de cette opération est instructif. En effet, la rapidité avec laquelle elle a été exécutée est due à une préparation de plusieurs semaines. Ce genre d’engagements, qu’ils soient destinés à la capture de prisonniers ou la collecte de renseignements, est très courant en Alsace et dans les Hautes-Vosges.

Les Alliés dans la bataille

  • 23 Sont notamment à citer ici les travaux de Jean Nouzille concernant les prisonniers roumains ainsi q (...)

21Les opérations militaires en Alsace ne se résument pas à un conflit franco-allemand. De nombreuses nationalités23 ont été employées, à différents titres, dans cette région pendant la Première Guerre mondiale. Tirailleurs indochinois et sénégalais, combattants tchécoslovaques, russes et polonais, prisonniers roumains, travailleurs italiens, malgaches et kabyles, aviateurs américains, ambulanciers britanniques et bien d’autres ont transité dans ce secteur, apportant leur contribution au dénouement du conflit. Plus ou moins connu, le rôle de ces nations est remarquable et témoigne de la dimension mondiale du conflit.

22Le cas des Tchécoslovaques est particulièrement intéressant. À la déclaration de guerre, une petite partie des mobilisables de cette minorité nationale de l’Empire austro-hongrois ne souhaite pas combattre dans l’armée impériale. De ce fait, certains gagnent les rangs de l’armée russe, mais également ceux de la Légion étrangère française. Au début de 1918 des formations tchécoslovaques autonomes sont finalement créées : les 21e et 22e régiments de chasseurs, qui combattent sous leur propre drapeau, mais incorporés à la 53e DI française. C’est en Haute-Alsace que cette unité connait son baptême du feu, le 20 août 1918, à l’occasion d’un coup de main mené en direction de l’église d’Aspach-le-Haut, dans le Sundgau. Cet épisode est notamment évoqué par le chasseur Skrabal :

  • 24 Mansuy (Éric), « Eté 1918 : des Tchécoslovaques en Alsace », Bulletin de la Société d’Histoire de l (...)

L’attaque eut lieu exactement comme elle avait été planifiée, sous le commandement du lieutenant Pan, qui avait eu à sélectionner soixante-dix hommes pour la mener à bien. […] L’assaut fut couronné de succès, les hommes revinrent avec des prisonniers, et plus encore, aucun des nôtres ne fut tué ou blessé. Nombre de nos frères furent décorés de la croix de guerre française pour leur action.24

23Cette opération de petite ampleur ne doit toutefois pas être mal interprétée. D’une part, elle met ces combattants tchécoslovaques à l’honneur au sein de l’armée française grâce à cette victoire locale. D’autre part, elle permet également de faire connaître aux Allemands la valeur de cette jeune armée.

  • 25 Mansuy (Éric), « Des Sammies en Alsace : les Américains autour de Munster en 1918 », Annuaire de la (...)

24Dans un registre proche, à une échelle bien plus importante cependant, il faut également mentionner le rôle joué par le corps expéditionnaire américain. Présent en Alsace et dans les Hautes-Vosges à partir de juin 1918, il y subit également ses premières confrontations avec l’ennemi. Les 5e, 6e et 35e DI US mènent une guerre de patrouilles, ponctuée par de multiples escarmouches et divers coups de mains, comme par exemple celui mené sur les hauteurs de Sondernach au mois de juillet25.

25Cependant, l’armée « officielle » ne doit pas non plus faire oublier le rôle joué par les Américains à partir de 1914. Dès le déclenchement du conflit, certains s’embarquent pour l’Europe afin de s’engager aux côtés des troupes de l’Entente. Si la majorité rejoint des unités non combattantes de l’armée française, comme par exemple les services médicaux et ambulanciers (dans lesquels se trouvent également bon nombre de Britanniques), certains prennent les armes pour défendre la France. C’est notamment le cas de l’illustre escadrille Lafayette. Créée le 18 avril 1916 à partir d’une large majorité de pilotes américains placés sous commandement français, cette flottille aérienne est basée à Luxeuil, en Haute-Saône. Les incursions dans la Haute-Alsace ne sont pas rares. Kiffin Rockwell y remporte la première victoire de l’unité :

  • 26 Thenault (Georges), L’escadrille Lafayette, Avril 1916- Janvier 1918, Paris, Hachette, 1939, p. 38.

Le 18 mai 1916, par une belle matinée, il croisait entre Mulhouse et l’Hartmansweilerkopf, quand il aperçut un biplan allemand qui essayait de franchir les lignes. C’était une grosse machine, avec deux hommes et deux mitrailleuses. Les aviateurs ennemis découvrirent Rockwell au même moment ; ils commencèrent le feu et atteignirent le Nieuport, mais Rockwell poursuivit sa route jusqu’à une trentaine de mètres de l’adversaire, et lâcha une rafale de cinq ou six cartouches. Le mitrailleur et le pilote allemands s’écroulèrent l’un sur l’autre ; l’avion bascula sur le flanc, puis piqua verticalement au sol, un panache de fumée jaillissant de l’arrière.26

26À cette participation américaine et tchécoslovaque vient s’ajouter celle de diverses autres nationalités, comme les Russes et les Polonais. Plus connues, et logiquement présentes, les troupes coloniales françaises sont également passées par les champs de bataille alsaciens. Différents bataillons de tirailleurs sénégalais et indochinois ont ainsi stationné dans le secteur. Ces derniers suscitent d’ailleurs souvent la curiosité des populations qui les croisent. Leur présence sur ce front, ajoutée à celle des autres nationalités, met décidément bien à mal l’image traditionnelle qui associe les combats des Vosges aux seuls chasseurs alpins.

  • 27 Bienfait (Valmyre), Comme ceux de quatre-vingt-douze, Mulhouse, Meininger, 1920, p. 167-168.

27Enfin, à côté des troupes combattantes, il ne faut pas non plus oublier les unités servant à l’arrière. Du côté des Allemands, c’est notamment le cas de prisonniers roumains. Acheminés depuis le front de l’Est, ils sont principalement employés pour des travaux d’aménagement des positions fortifiées dans les zones montagneuses, comme par exemple au Petit Ballon. Du côté français, on retrouve les Indochinois, mais également des Malgaches. Dans son récit, le commandant Valmyre Bienfait les mentionne en août 1917, occupés à construire des routes et des voies de chemin de fer en Haute-Alsace27. Au lendemain du conflit, ces ouvriers sont également employés dans les zones dévastées, participant au déblayement des ruines et au regroupement des sépultures isolées dans les nécropoles nationales nouvellement créées.

Dragons démontés de la 10e division de cavalerie à proximité de Carspach en mai 1916

Dragons démontés de la 10e division de cavalerie à proximité de Carspach en mai 1916

Loin de l’association mythique entre les chasseurs alpins et l’Alsace, il ne faut pas oublier que l’ensemble des armées françaises, et plus largement alliées, ont été engagées sur ce front.

Collection de l’auteur

Les spécificités du front des Vosges

  • 28 Ehret (Thierry), « Vosges 1915, la première bataille des skieurs », Tranchées, no12, 2013, p. 36‑47

28La vie, les faits d’armes et les souffrances des combattants des Vosges étant finalement identiques à ceux de toutes les autres régions du front, force est donc de constater que les images mythologiques des assauts de chasseurs alpins ou des combats épiques entre skieurs apparaissent quelque peu réductrices. Bien que ceux-ci ont réellement eu lieu28, ils ne sont que des épisodes ponctuels et localisés, tandis que les escarmouches, les coups de mains, les patrouilles aériennes ou terrestres et les différents travaux forment le quotidien du soldat sur ce front. Toutefois, il existe bien une spécificité des combats et des aménagements dans cette région. Etant donné la multitude des facettes de la guerre, seuls quelques aspects peuvent être abordés ici.

29Combattre en Alsace, et plus particulièrement dans les Hautes‑Vosges, n’a rien à voir avec les engagements sur le reste du front. En effet, le relief escarpé du massif frontalier nécessite des adaptations de la part des deux belligérants. Ces dernières prennent deux formes. D’une part, une évolution du matériel et des armements. D’autre part, des innovations techniques et structurelles au niveau de la logistique. La guerre de montagne présente donc des caractéristiques propres. Dans les secteurs concernés, les lignes des deux camps sont souvent très proches, situées à proximité d’un sommet ou d’une crête et protégées par de denses réseaux de fils de fer. Par ailleurs, en raison de l’accessibilité complexe de ces emplacements, les délais d’acheminement en matériel et d’évacuation des blessés se trouvent significativement allongés.

  • 29 Gambier (Pasteur), Un Soldat sans peur et sans reproche. Pages dédiées aux jeunes… en mémoire d’And (...)
  • 30 Martinez (Renaud), Comme des fleurs d’héroïsme, L’épopée du 253e RI de Perpignan pendant la Grande (...)

30Afin de faire face aux difficultés, les troupes bénéficient de formations et d’équipements adaptés. Du côté français, des unités à spécialité alpine sont fréquemment employées. Toutefois, malgré l’association couramment faite entre les chasseurs et l’Alsace, ceux-ci sont loin d’avoir été les seuls engagés dans ce secteur. Nombre de régiments classiques s’y retrouvent également. C’est par exemple le cas du 133e RI29, qui s’illustre particulièrement en juin 1915 autour de Metzeral, ou encore du 253e30, engagé sur différents champs de bataille alsaciens.

31De même, des armes telles que l’artillerie, largement utilisée pendant la Première Guerre mondiale, ont elles aussi nécessité quelques modifications. Le canon de 75 mm, arme emblématique des Français en 1914, n’est pas le plus adapté aux champs de bataille accidentés. Faisant feu à tir tendu, il lui est compliqué de mettre à mal les positions défilées. De ce fait, on emploie plutôt des pièces à tir courbe, et particulièrement l’artillerie de tranchée, qui connaît des avancées sans précédent tout au long du conflit. La diversité, mais aussi les limites de ces petites pièces utilisées par les Français sont présentées dans l’historique du 30e BCA :

  • 31 Anonyme, Historique du 30e Bataillon de Chasseurs alpins, Nancy-Paris-Strasbourg, Berger-Levrault, (...)

Nous avons pas mal d’engins, beaucoup nouveaux ; pas très parfaits, fort appréciés faute de mieux ; les grenades Feuillette, trop parcimonieusement distribuées ; les mortiers Aazen, qui tuent parfois leurs servants imprudents ; les robustes fusils Guidetti ; les mortiers Cellerier, dont le canon est fait d’un corps d’obus fusant de 77 ; on les aligne en série, un fil imbibé de pétrole relie toutes les mèches et l’on a de bruyantes salves ; les sauterelles, arbalètes qui lancent les grenades assez loin ; enfin le 58, servi par des chasseurs du bataillon.31

32D’autres armes plus classiques sont également utilisées comme pièces de campagne, qui trouvent place à proximité du front d’Alsace. Un artilleur allemand mentionne les difficultés de leur utilisation en montagne :

  • 32 Krafft von Dellmensingen (Général), Das Bayernbuch vom Weltkriege, 1914‑1918,  Stuttgart, Belser Ve (...)

Un rôle déterminant a été joué par la 3.Batterie Volkhard au cours des combats de 1915 pour la défense des sommets du Lingekopf, du Schratzmännele et du Barrenkopf. Sa position au Rain des Chênes, une crête avoisinant le Linge, était un emplacement idéal lorsqu’elle a dû s’avancer pour bénéficier d’un champ de tir optimal, à portée de l’ennemi. Le terrain derrière la batterie était en pente si escarpée que chaque coup ennemi qui allait trop loin de quelques mètres continuait sa course jusqu’au fond de la vallée, alors que ceux trop courts percutaient avant la crête, sans que les éclats n’atteignent la position. Ainsi, cette position qui se situait au sein d’un secteur fortifié pour l’infanterie fut occupée de 1914 à 1918 sans qu’elle puisse être anéantie par les Français.32

33L’artilleur poursuit son récit en évoquant l’emplacement d’une autre batterie dans le sanatorium de Haslach, sur les hauteurs de Munster :

  • 33 Il s’agit de la 6e batterie du 6e régiment d’artillerie de campagne de Landwehr bavarois.
  • 34 Krafft von Dellmensingen, op. cit., p. 254 (traduction de l’auteur).

Une autre position qui fut longtemps occupée par la 6. Batterie du bayer. Landw.-Feldart.-Rgt Nr 633 avait également des caractéristiques originales. Un sanatorium en construction dans la vallée de Munster, encore doté d’un échafaudage, lui servait d’abri face aux postes d’observation ennemis. Les locaux de la cave servaient au stockage des munitions, la batterie occupait le rez-de-chaussée et la salle des pas perdus, le premier étage (que l’on peut atteindre de plain-pied depuis l’un des versants) servait d’écurie pour les chevaux, le deuxième à l’hébergement de servants, et dans la tour se trouvait le poste d’observation. Le bâtiment prit quelques coups tout au long de l’année, mais pas assez pour le rendre inutilisable par les artilleurs.34

Un terrain marqué à jamais

34La fortification du front et le développement de positions protégées sont eux aussi des aspects importants de la guerre de montagne. Contrairement aux idées reçues, les Allemands sont loin d’être les seuls à aménager leur secteur. En effet, un processus de « bétonisation » peut être observé chez les deux adversaires. La position évoquée ci-dessus est un témoignage de l’esprit d’improvisation et d’ingéniosité dont font preuve les Allemands, mais des exemples similaires existent dans le camp d’en face. Si, dès la fin de 1914, le commandement français préconise l’aménagement de certains secteurs, comme par exemple le Sundgau, les nombreux abris maçonnés qui y sont encore visibles aujourd’hui ont été édifiés plus tardivement. En 1918 l’emploi de compagnies de cimentiers, unités spécialisées dans ces travaux particuliers, est ainsi attestée dans ce secteur. En outre, la morphologie de la région accroit l’importance de ces constructions. La proximité des lignes et la fréquence des coups de mains nécessitent des aménagements considérables, afin de les rendre inviolables en étant occupées par un minimum de troupes. Toutefois, il ne faut pas non plus imaginer que l’ensemble du front alsacien est bétonné à la fin de la guerre. Loin de là. Les constructions sommaires occupent une place bien plus importante dans le paysage.

  • 35 Situé à quelques encablures du col de Sainte-Marie-aux-Mines, la Tête du Violu est au départ un obs (...)

35Par ailleurs, le rapprochement des deux belligérants a également d’autres conséquences. Sur certains sites, seuls quelques mètres séparent les deux camps. Le voisinage entre les deux adversaires rend impossibles les bombardements massifs sur les premières lignes, le risque de toucher ses propres troupes étant trop important. Par endroit, afin de pallier cette situation, une véritable guerre des mines se développe. Dans ses lettres, Pierre Ribollet, sergent au 5e régiment du génie, décrit les travaux qu’il conduit dans la région du Violu35 en 1915 :

  • 36 Ribollet Pierre, Quatre Années de guerre (août 1914 - juillet 1918). Lettres et dessins, Lyon, BGA (...)

C’est dans ces tranchées, séparées de celles des Boches de huit à dix mètres, en certains endroits de quatre mètres (c’est à n’y pas croire !), que sont nos puits, d’où partent les rameaux s’étendant dans tous les sens et presque sous les ouvrages ennemis. Je suis descendu aujourd’hui dans ces étroites galeries qui frôlent presque celles des Boches. On les entend travailler, parler, éternuer dans leur terrier, comme si l’on était à cinquante centimètres. Un des rameaux a dû être abandonné aujourd’hui à cause de cette proximité trop grande ; un sapeur couché à plat ventre, aux écoutes, doit y rester, le mousqueton chargé, une partie de la nuit. […] Demain, nous placerons une charge et procèderons au bourrage… Les Boches seront enterrés vivants avant qu’ils fassent la même chose pour nous.36

36Ces combats souterrains, bien que ne causant pas de pertes massives dans les rangs adverses, ont des conséquences indéniables sur le moral des troupes. En effet, les bruits de terrassement, et plus encore leur absence, sont synonymes d’explosion imminente. C’est avec cette crainte permanente que les fantassins et les sapeurs tiennent les positions en proie à la guerre des mines.

37Durant les périodes d’accalmie, il n’est cependant pas rare que des accords tacites voire de véritables fraternisations aient lieu dans les secteurs où les lignes ennemies se frôlent. Les souvenirs que Gabriel Chevalier évoque du Violu en décembre 1916 sont significatifs :

  • 37 Chevallier (Gabriel), La Peur, Paris, PUF, 1951, p. 156-157.

Plus tard, je fais ma ronde. Ce ne sont partout que mamelons de terre molle. Tout le monde travaille à découvert. La tranchée, à peu près nivelée, est jalonnée par une ligne de terrassiers, qui ont posé à côté d’eux leur fusil. À vingt mètres de nous tintent d’autres pelles, et l’on distingue très bien des ombres penchées sur le sol. Les Allemands travaillent de leur côté, cette partie du front n’est qu’un chantier. Autant par curiosité que par bravade, avec un sergent nous dépassons nos travailleurs de plusieurs mètres. Une ombre allemande se met à tousser avec insistance, pour nous indiquer que nous trichons, que nous allons franchir les limites de la neutralité. Nous toussons aussi pour rassurer ce vigilant gardien, et nous revenons vers les nôtres. Ces ennemis qu’aucun retranchement ne sépare, auxquels il suffirait de bondir pour surprendre leurs adversaires, respectent la trêve. C’est loyauté ? N’est-ce pas plutôt égal désir, dans les deux camps, de ne pas tuer davantage ?37

38Cependant, il ne faut pas voir dans cet exemple une généralité. Les furieux combats qui se déroulèrent durant la veille de Noël 1914 à la Tête-des-Faux et le 24 décembre de l’année suivante au Hartmannswillerkopf, sont là pour le rappeler. En outre, la discipline militaire très rigoureuse n’incite pas non plus au rapprochement avec l’ennemi. Pendant la durée de la guerre, vingt-et-un combattants français ont ainsi été passés par les armes dans le Haut-Rhin pour des motifs divers.

Une logistique d’exception

  • 38 Service historique de la défense (SHD), 16N1308, Organisation défensive des crêtes vosgiennes, note (...)
  • 39 Id., 26N807.

39Dans le domaine du ravitaillement et de son transport, les deux armées ont également dû faire preuve d’ingéniosité. Cela est particulièrement visible dans les zones montagneuses où chaque déplacement est complexe. Les éléments emblématiques de cette thématique sont régulièrement cités. Toutefois, il serait erroné de croire que seuls les chiens de traîneau et les téléphériques ont permis de relier les premières lignes aux arrières. En effet, de nombreuses autres infrastructures ont été développées. Plusieurs axes routiers ont notamment été créés pendant le conflit, comme par exemple la Route des Crêtes. Comme son nom l’indique, cette dernière suit le tracé de l’ancienne frontière franco-allemande de 1871 entre Thann et Sainte-Marie-aux-Mines. Elle a été aménagée par les troupes françaises au début de l’été de 1915, sur instruction du général Dubail, commandant de la 7e armée38. Elle est ensuite entretenue par les groupes vosgiens, unités créées en octobre de la même année pour ces travaux spécifiques39, puis par des unités plus conventionnelles, après la suppression des premiers nommés le 16 mars 1916.

  • 40 Au cours des années 1915 et 1916, le 5e Régiment du Génie et le 11e Régiment d’Artillerie à pied en (...)

40Dans un registre similaire, il faut mentionner les liaisons mécaniques : les transports par voie ferrée et ceux par câble aérien. Deux témoins, un militaire et un civil, confrontés chacun à leur manière à ces installations, les évoquent avec précision. Pour ce qui est des aménagements ferroviaires, diverses voies, qui existaient ou non avant la guerre, sont employées afin d’amener à pied d’œuvre le matériel indispensable aux troupes engagées en première ligne. Joseph Bohler, un enfant d’Urbès, évoque son enfance sur les arrières du Hartmannswillerkopf. Situé au pied du col de Bussang, Urbès est un véritable catalogue des infrastructures logistiques utilisées pendant le conflit40. Le jeune témoin s’y confronté quotidiennement pendant plusieurs semaines et les décrit minutieusement. L’exemple ci-après, concernant les lignes à voie étroite, en est la parfaite illustration :

  • 41 Bohler (Joseph), Urbès, un village alsacien pendant la guerre 1914-1918, Guebwiller, Société d’Hist (...)

La rame de Decauville roulait sur une voie de 0,60 mètres d’écartement posée à même le sol des bas-côtés de la chaussée. La locomotive Decauville avait deux cheminées, l’une à l’avant et l’autre à l’arrière. La chaudière se trouvait au milieu de l’engin. Ce moyen de transport était assez puissant pour tirer ou pousser une dizaine de wagons plats ou des fourgons couverts chargés de marchandises. Le Decauville marchait au charbon-briquettes. Il était desservi par deux chauffeurs, un mécanicien et un chef de train, tous spécialistes de ce genre de transport et de ce moyen de traction assez moderne à l’époque.41

41Ces chemins de fer particuliers se montrent particulièrement efficaces. Discrets, peu encombrants et dotés d’une force de traction considérable, ces engins sont très efficaces pour amener le matériel au plus proche du front, et pour en évacuer les blessés.

42Très utiles eux aussi pour ravitailler les secteurs accidentés, les téléphériques et les câbles aériens sont très présents en Alsace. La plupart des champs de bataille vosgiens en sont équipés. Louis Bobier, chasseur au 11e BCA détaché aux abattoirs de Gérardmer en 1915, décrit par exemple la ligne reliant le Hohneck au village de Mittlach.

  • 42 Debeaud (Jacques), Il avait 20 ans en 1913. Louis Bobier, un poilu de Bourbon dans la Grande Tourme (...)

Les câbles étaient des plus pratiques : doubles sur toute la longueur du parcours et actionnés électriquement, ils montaient toujours en ligne droite la montagne, même la plus abrupte. Celui de Retournemer à Mittlach était en deux tronçons. La configuration du terrain et surtout la position des lignes n’avaient pas permis de le construire en ligne droite. Un relais était établi dans la partie souterraine du Hohneck et, le jour, les bennes y étaient rassemblées. Par deux fois, les Boches la coupèrent avec des obus, et ce ne fut pas un mince travail pour les muletiers que de transporter par les sentiers de montagne les milliers de kilos de ravitaillement conduits habituellement à destination par ce câble, en attendant sa réparation, opération malaisée. À l’arrivée d’une benne, celle-ci quittait le câble, qui tournait sans arrêt pendant les heures de fonctionnement, et se trouvait aiguillée sur une sorte de rail aérien fixe. Là, elle était arrêtée par un homme, préposé à ce service. Lors du fonctionnement, il y avait en permanence une dizaine de bennes à la gare de départ. Cinq étaient toujours prêtes à partir, chargées. Une pendule sonnant toutes les minutes annonçait le départ de chacune. Deux hommes la poussaient sur le câble mobile et automatiquement des griffes l’enserraient hermétiquement, pour ne se desserrer qu’à l’arrivée. Cent cinquante kilos étaient chargés en moyenne dans chacune d’elles.42

  • 43 Bohler, op. cit., p.8.

43À nouveau, un soin particulier est apporté à l’entretien de ces infrastructures techniques. Dans son témoignage, Joseph Bohler mentionne également le transporteur aérien d’Urbès, pour une utilisation personnelle bien peu orthodoxe : « Il arrivait lors des pauses ou de pannes électriques que des wagonnets s’arrêtaient juste sur le sommet d’un pylône. Il va de soi que cela ne nous échappait pas, et il y avait toujours parmi nous un volontaire pour aller inspecter le chargement de la benne et prélever notre ration lorsqu’il s’agissait de victuailles. »43 Comme le soulignent les deux exemples ci-dessus, ce genre d’installations n’est pas une exclusivité allemande. Alors qu’il est souvent affirmé que l’emploi de nouvelles technologies et de matériaux de construction sophistiqués est quasiment inconnu chez les troupes françaises, les faits prouvent le contraire. Les traces laissées par ces aménagements, nombreuses dans les archives et les anciennes lignes de combat, permettent de conforter cette affirmation.

  • 44 À ce sujet, le documentaire Nom de code : poilus d’Alaska de Marc Jampolski, diffusé par Arte en 20 (...)

44Enfin, il faut mentionner la traction animale qui a, elle aussi, été largement utilisée pendant la Grande Guerre. Si les chiens polaires nourrissent aujourd’hui encore l’imaginaire44, ils sont loin d’avoir été les seuls présents en Alsace. Mulets, chevaux, bœufs ont eux aussi joué un rôle considérable en permettant l’acheminement quotidien de tonnes de ravitaillement vers la ligne de front. Leur mission a été rendue d’autant plus complexe par le paysage montagneux et la rudesse du climat. Bien souvent, ces unités ne disposent que d’étroits sentiers pour approvisionner les premières lignes. En hiver, c’est parfois en traîneau que les distances sont parcourues. Les liaisons, toujours maintenues, parfois avec du retard il est vrai, ont permis aux unités de l’avant de tenir pendant les quatre longues années de guerre qui ont bouleversé la région.

Conclusion

45En définitive, force est de constater que le théâtre d’affrontement alsacien n’a rien d’un secteur calme. Les combats y ont été intenses et fréquents, et l’ensemble de la logistique complexe à mettre en œuvre. Il n’est pas simple de dresser un bilan définitif de ces évènements. Sur le plan humain, le nombre de victimes fluctue. Au regard des sources de première main, il semble toutefois que les chiffres communément cités soient largement surestimés dans les monographies évoquant l’un ou l’autre lieu de combat. D’un point de vue matériel, les dégâts sont considérables. La reconstruction des communes ruinées et la remise en état des sols bouleversés par les combats s’annonce longue et coûteuse. Ces travaux ne sont achevés qu’une vingtaine d’années plus tard.

46À l’heure actuelle, les traces laissées par ces évènements sont omniprésentes. Des vestiges multiformes en témoignent. Tranchées et abris, mais également monuments, stèles et nécropoles, nombreux sont les souvenirs hérités du conflit. La mémoire de la Grande Guerre est vivace en Alsace, comme le prouvent les diverses structures qui l’entretiennent au quotidien. Toutefois, le plus grand défi reste à venir. Si le centenaire est un élément moteur aujourd’hui, il est légitime de se demander si l’engouement renaissant pour la période perdurera ensuite. Ce n’est qu’a posteriori qu’il sera possible de déterminer si les projets actuels sont dictés par une réelle volonté de transmission historique ou par simple « effet de mode ».

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Notes

1 Pour la présente étude, la mention « Vosges » se rapportera essentiellement à la crête montagneuse matérialisant la frontière franco-allemande héritée du traité de Francfort de 1871.

2 La citation est reprise du titre trompeur d’un ouvrage rédigé par un officier qui a connu de rudes engagements dans les Vosges, et notamment du côté de la Chapelotte. Son récit illustre l’existence d’un décalage entre la réalité des combats et la manière dont ils sont présentés (Bruté de Remur, Histoire d’un Secteur calme, La 152e Brigade dans les Vosges, Paris, Éditions de la France Héroïque, 1929, 111 p.).

3 Bruté de Remur, La défense des Vosges et la guerre de montagnes, Publication de la Revue du Cercle militaire, Paris, librairie militaire Edmond Dubois, 1890, p. 28.

4 Créée le 11 novembre 2009 à Pfetterhouse, cette association franco-helvétique s’est donné pour mission de sauvegarder et de faire découvrir les vestiges de ce secteur particulier de la ligne de front.

5 Dès août 1914, le Sundgau est un secteur relativement animé. Si les combats à proximité de Mulhouse sont les plus connus, d’autres se sont déroulés bien plus au sud, à proximité de la frontière suisse. L’extrémité orientale du front de l’Ouest est ainsi marquée par de multiples offensives, d’innombrables coups de main et même par quelques diversions, comme par exemple celle qui s’y est déroulée en février 1916, à la veille de la bataille de Verdun.

6 La représentativité de ces deux sites, auxquels il faut également ajouter le massif du Linge, est établie en 1919 par Frédéric Robida, chargé de mission auprès du commissaire général de la République en Alsace-Lorraine. Son rapport conduit au classement de ces trois champs de bataille en tant que monuments historiques. Voir : Archives départementales du Haut‑Rhin (ADHR), Purg. 55568.

7 Bibliographie indicative : Holtzmann (Albert), auteur de différents articles dans la revue Dialogues Transvosgiens ; Bulliere (Vincent), La Tête-des-Faux, 1914-1918, Mémoire de Maîtrise, Strasbourg, Université Marc Bloch, 2000, 129 p.

8 Ce dernier est déjà stationné à Colmar à la veille de la guerre. Des combattants alsaciens se retrouvent dans ce bataillon d’élite.

9 L’unité n’étant arrivée dans le secteur que depuis peu de temps, l’absence d’informations précises sur l’adversaire lui fait grandement défaut au moment de l’attaque et est l’une des causes de son échec. Les conditions hivernales et l’état bouleversé du terrain en sont une autre.

10 Ce dernier est le bataillon de réserve du 30e BCA engagé à la Tête-des-Faux.

11 Tisserand (François), Le Linge, tombeau des Chasseurs, Colmar, Mémorial du Linge, 1983, p. 103-104.

12 Il faut toutefois préciser que ce ne sont pas les opérations militaires qui ont conduit au classement de ce site mais la densité des aménagements qui y ont été réalisés. « S’il avait été possible de conserver les organisations défensives dans leur état du 11 novembre 1918, les positions allemandes de la Tête-des-Faux auraient constitué un document unique, note Robida dans son rapport. Les Allemands avaient en effet réuni sur ce piton de 1219 m d’altitude tout ce que l’art du pionnier pouvait imaginer. » (ADHR, Purg. 55568).

13 Bibliographie indicative : Ehret (Thierry), 1914-1918 Autour de l’Hartmannswillerkopf, Mulhouse, éditions du Rhin, 1988, 206 p. ; Les Amis du Hartmannswillerkopf, Chroniques de l’Hartmann, 2 tomes, Uffholtz, 2004 et 2007, 96 p. chacun.

14 Goes (Gustav) (Capitaine), Hartmannswillerkopf, Paris, Payot, 1934, 266 p.

15 Gaede Hans Emil Alexander, général d’infanterie, commandant la XIVe région militaire pendant la Première Guerre mondiale. Il a notamment fait installer une barrière le long de la frontière suisse en février 1915. Le 10 septembre 1916, malade, il résigne son commandement. Décédé le 16 à Fribourg des suites d’une opération, il est remplacé par le général von Gündell.

16 Lettre d’André Larue datée du 29 avril 1915 retranscrite avec l’aimable autorisation de sa petite-fille. Qu’elle en soit ici remerciée.

17 Bibliographie indicative : Hensel (Florian), Le Lingekopf de 1915 à nos jours, Colmar, Jérôme Do Bentzinger éditeur, 2013, 274 p. ; Durlewanger (Armand), Le Drame du Linge, Colmar, S.A.E.P., 1987, 157 p.

18 Pouydraguin (Jean d’Armau de), La Bataille des Hautes-Vosges, Février-Octobre 1915, Paris, Payot, 1937, 196 p.

19 Bien qu’étant estimé à quelques dizaines de milliers, il est impossible d’établir le nombre réel des soldats tués sur le front d’Alsace au cours de l’année 1915. Toutefois, en observant notamment les chiffres des victimes de la 7e armée française pendant cette période, les estimations proposées dans les différentes monographies se rapportant à ces opérations semblent largement surestimées.

20 Surplombant les vallées de la Fecht et de Guebwiller, ce sommet culminant à 1 274 mètres est le plus élevé des champs de bataille français. Une première offensive allemande conduit à sa conquête le 13 février 1915. À partir du 14 juin les troupes françaises tentent sans succès de le reconquérir.

21 Rommel (Erwin), L’infanterie attaque, Enseignements et expérience vécue, Nancy, Le Polémarque, 2012, p. 137-147.

22 Lemay (Benoît), Erwin Rommel, Paris, Perrin, 2009, 518 p.

23 Sont notamment à citer ici les travaux de Jean Nouzille concernant les prisonniers roumains ainsi que ceux d’Éric Mansuy concernant les troupes tchécoslovaques, américaines ou indochinoises.

24 Mansuy (Éric), « Eté 1918 : des Tchécoslovaques en Alsace », Bulletin de la Société d’Histoire de la Vallée de Masevaux, Patrimoine Doller, no12, 2002, p. 82-93.

25 Mansuy (Éric), « Des Sammies en Alsace : les Américains autour de Munster en 1918 », Annuaire de la Société d’Histoire du Val et de la Ville de Munster, no61, 2007, p. 41‑68.

26 Thenault (Georges), L’escadrille Lafayette, Avril 1916- Janvier 1918, Paris, Hachette, 1939, p. 38.

27 Bienfait (Valmyre), Comme ceux de quatre-vingt-douze, Mulhouse, Meininger, 1920, p. 167-168.

28 Ehret (Thierry), « Vosges 1915, la première bataille des skieurs », Tranchées, no12, 2013, p. 36‑47.

29 Gambier (Pasteur), Un Soldat sans peur et sans reproche. Pages dédiées aux jeunes… en mémoire d’André Cornet-Auquier, Capitaine au 133e régiment d’infanterie, Société d’Édition de Toulouse, 1917, 71 p.

30 Martinez (Renaud), Comme des fleurs d’héroïsme, L’épopée du 253e RI de Perpignan pendant la Grande Guerre, Rivesaltes, Les Arènes, 2008, 192 p.

31 Anonyme, Historique du 30e Bataillon de Chasseurs alpins, Nancy-Paris-Strasbourg, Berger-Levrault, 1923, p. 39.

32 Krafft von Dellmensingen (Général), Das Bayernbuch vom Weltkriege, 1914‑1918,  Stuttgart, Belser Verlagsbuchhandlung, 1930, p. 254 (traduction de l’auteur).

33 Il s’agit de la 6e batterie du 6e régiment d’artillerie de campagne de Landwehr bavarois.

34 Krafft von Dellmensingen, op. cit., p. 254 (traduction de l’auteur).

35 Situé à quelques encablures du col de Sainte-Marie-aux-Mines, la Tête du Violu est au départ un observatoire naturel utilisé par les Allemands. Les Français la prennent le 31 octobre 1914, à la suite de leurs vaines tentatives de conquête du col voisin au mois d’août. À plusieurs reprises, les troupes impériales tentent de reprendre pied sur le sommet, expérimentant des approches nouvelles, à l’image de la guerre souterraine qui y est menée entre janvier 1915 et avril 1916. Bien que la ligne de front y soit stable jusqu’à la fin de la guerre, ce secteur est en permanence marqué par de nombreux coups de main et de violents bombardements, comme par exemple celui par gaz du 17 juin 1918, qui cause la mort de vingt-cinq soldats américains.

36 Ribollet Pierre, Quatre Années de guerre (août 1914 - juillet 1918). Lettres et dessins, Lyon, BGA Permezel, 2006, p. 46-47.

37 Chevallier (Gabriel), La Peur, Paris, PUF, 1951, p. 156-157.

38 Service historique de la défense (SHD), 16N1308, Organisation défensive des crêtes vosgiennes, note du 6 juin 1915.

39 Id., 26N807.

40 Au cours des années 1915 et 1916, le 5e Régiment du Génie et le 11e Régiment d’Artillerie à pied entreprennent notamment la construction de deux lignes ferroviaires à voie étroite et d’un transporteur aérien. Ces trois modes de ravitaillement représentent les trois modes de transport mécaniques les plus utilisés pendant la Grande Guerre.

41 Bohler (Joseph), Urbès, un village alsacien pendant la guerre 1914-1918, Guebwiller, Société d’Histoire et du Musée du Florival, 2010, p. 6.

42 Debeaud (Jacques), Il avait 20 ans en 1913. Louis Bobier, un poilu de Bourbon dans la Grande Tourmente, Bourbon-l’Archambault, L’Echoppe, 2003, p. 126-127.

43 Bohler, op. cit., p.8.

44 À ce sujet, le documentaire Nom de code : poilus d’Alaska de Marc Jampolski, diffusé par Arte en 2012, est riche en informations.

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Table des illustrations

Titre Position allemande de fusils lance-grenades dans les environs du Hartmannswillerkopf
Légende Diverses innovations techniques sont employées dans les Hautes-Vosges afin de palier aux difficultés liées au relief.
Crédits Collection de l’auteur
URL http://journals.openedition.org/alsace/docannexe/image/1922/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 320k
Titre Dragons démontés de la 10e division de cavalerie à proximité de Carspach en mai 1916
Légende Loin de l’association mythique entre les chasseurs alpins et l’Alsace, il ne faut pas oublier que l’ensemble des armées françaises, et plus largement alliées, ont été engagées sur ce front.
Crédits Collection de l’auteur
URL http://journals.openedition.org/alsace/docannexe/image/1922/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 529k
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Pour citer cet article

Référence papier

Florian Hensel, « La guerre de positions en Alsace et dans les Hautes-Vosges »Revue d’Alsace, 139 | 2013, 33-54.

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Florian Hensel, « La guerre de positions en Alsace et dans les Hautes-Vosges »Revue d’Alsace [En ligne], 139 | 2013, mis en ligne le 01 octobre 2016, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/alsace/1922 ; DOI : https://doi.org/10.4000/alsace.1922

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Auteur

Florian Hensel

Iconographe au Mémorial de Verdun. Titulaire d’un master 2 de l’Université de Strasbourg

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    Paru dans Revue d’Alsace, 144 | 2018
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