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In rure alieno

Métaphores et termes nomades dans les langues de spécialité

de Micaela Rossi (Auteur)
©2015 Monographies XXVIII, 175 Pages

Résumé

Qu’entend-on lorsqu’on parle d’un corbeau ou d’une dent-de-loup dans le langage technique de la serrurerie ? Et quel est l’objet du discours quand notre médecin emploie le terme langue géographique ? Un vin maigre est-il plus prisé qu’un vin gras ? Ces questions révèlent l’omniprésence des termes métaphoriques dans les langages techniques et scientifiques.
Le rôle fondateur des métaphores dans les langues de spécialité est depuis quelques décennies un objet d'étude privilégié dans diverses disciplines, de la linguistique cognitive, à l’épistémologie, à la terminologie ; cet ouvrage se propose de conjuguer ces diverses approches méthodologiques afin de proposer un modèle pluriel de la métaphore, expliquant les dynamiques cognitives et textuelles à l'œuvre dans la création et la diffusion des métaphores terminologiques. Du langage de la couture à la terminologie de l’astrophysique, du vocabulaire de la dégustation du vin au langage de la finance, les apports de la linguistique de corpus sont mis au service de l’analyse synchronique (monolingue et multilingue), mais aussi de l’analyse diachronique des évolutions terminologiques dans les domaines socio-professionnels thématisés.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos de l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Préface
  • Sur les motivations de cet ouvrage: quelques prémisses
  • Avis au lecteur: remarques méthodologiques
  • Chapitre I: État des lieux de la recherche – la métaphore dans les terminologies
  • I.1 Études sur la métaphore dans les langues techniques et scientifiques: les raisons d’une reconnaissance tardive
  • I.1.1 La métaphore comme ornement dans la tradition rhétorique classique
  • I.1.2 La métaphore comme formulation ambiguë dans l’histoire de la pensée scientifique
  • I.1.3 La métaphore comme terminologie imparfaite
  • I.2 Études sur la métaphore dans les langues techniques et scientifiques: les raisons d’un succès interdisciplinaire
  • I.2.1 Les évolutions de la linguistique
  • I.2.2 Les évolutions de la philosophie et de la psychologie
  • I.2.3 Les évolutions de la terminologie
  • I.3 Études sur la métaphore dans les langues techniques et scientifiques: quelques éléments pour un aperçu (1979–2014)
  • Chapitre II: Pour un modèle pluriel de la métaphore terminologique
  • II.1 Les métaphores d’invention
  • II.1.1 Univers, cosmologie et métaphores: exemples de la fonction d’invention
  • II.1.2 L’astrophysique à table: métaphores gastronomiques de l’Univers
  • II.1.2.1 Entrée: la quark-gluon soup
  • II.1.2.2 Plat principal: la spaghettification
  • II.1.2.3 Dessert: la crêpe stellaire
  • II.2 Les réseaux métaphoriques cohérents
  • II.2.1 « Le vin est le miroir des hommes »
  • II.2.2 « Circulez, y a rien à voir ! »: du nomadisme des métaphores structurelles
  • II.2.3 Un cas emblématique de circulation des paradigmes: la découverte de l’ARN messager
  • II.3 Les catachrèses isolées sur base d’analogie formelle
  • II.3.1 Un domaine où la catachrèse est à la mode: la terminologie des tissus
  • II.3.2 Des catachrèses intraduisibles: la terminologie des pâtes italiennes
  • Chapitre III: Métaphores terminologiques, communication et figement
  • III.1 Frontières et transferts: pour un modèle dynamique des terminologies métaphoriques
  • III.1.1 « À dur âne, dur aiguillon » …La nature des métaphores dépend-elle du degré de dureté d’une terminologie ?
  • III.1.2 « Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait... »La nature des métaphores dépend-elle de l’âge d’une terminologie ?
  • III.1.3 Pour une discrimination des types de métaphores dans les terminologies: le poids des concepts convoqués dans l’interaction métaphorique
  • III.2 Implantation et diversification des métaphores dans les terminologies: les communautés de professionnels convoquées
  • III.2.1 Le parcours des métaphores terminologiques dans la communication spécialisée: quelques réflexions sur les discours autour du vin
  • III.2.2 Catégories des termes métaphoriques et communautés d’usage
  • III.3 Frontières et transferts: métaphores spécialisées et comparaison interlinguistique
  • III.3.1 « It’s the economy, stupid! »
  • III.3.2 Le poids de l’anglais dans la communication scientifique: bow-ties et papillons
  • Conclusions
  • Post-scriptum
  • Références bibliographiques
  • Titres de la collection

← x | xi → Préface

C’est du moins à partir de Quintilien (Institutio oratoria, VIII: 6. 5) que la métaphore est vue non seulement comme une figure mais aussi comme un instrument d’enrichissement du lexique des langues naturelles. Cependant, l’intérêt écrasant pour les figures vives qui peuplent les textes a confiné l’étude de la métaphore comme instrument d’extension lexicale dans un espace très restreint. Si nous excluons quelques auteurs isolés le long des siècles – notamment Dumarsais, Vico, Weinrich – la seule forme de métaphore envisagée comme valeur lexicale est la catachrèse, et donc une extension à la fois isolée et dépourvue d’épaisseur conceptuelle. Ce n’est qu’au moment du tournant cognitif, à partir de la publication de l’ouvrage séminal de Lakoff et Johnson (1980), que le rôle de la métaphore dans la pensée cohérente et partagée, et par conséquent dans l’extension lexicale, a reçu l’attention qu’il mérite.

Si la reconnaissance du rôle central de la métaphore dans l’organisation du lexique a requis bien des siècles, son traitement de la part des terminologues ne pouvait pas avoir lieu sans quelques difficultés supplémentaires, liées à la mise au point de certaines analogies et différences entre les terminologies de spécialité et les lexiques naturels.

D’une part, pour étudier les métaphores dans la création de terminologie, une condition préalable était la reconnaissance d’une continuité profonde entre les lexiques naturels et les terminologies de spécialité. Comme tout lexème, un terme est en premier lieu un signe, ce qui implique que le concept de spécialité, en tant que signifié indissolublement lié à un signifiant, naît et se développe dans des conditions qui ne sont pas très différentes de celles qui caractérisent les signes des lexiques naturels. En particulier, la polysémie – cette prolifération d’acceptions distinctes à partir d’un signifié d’origine dans laquelle l’extension métaphorique joue un rôle de premier ordre – est non seulement une propriété commune aux lexiques naturels et aux lexiques de spécialité, mais aussi, souvent, l’occasion de lancer des ponts entre les deux.

Cette analogie de fond, cependant, s’accompagne d’une différence tout aussi remarquable dans les mécanismes de création, et notamment ← xi | xii → d’extension lexicale. Si les mécanismes d’extension à l’œuvre dans les lexiques naturels sont le plus souvent anonymes, les extensions de signifié en terminologie se fondent typiquement sur des actes de création individuels. Personne ne sait, par exemple, comment le mot aile est passé du domaine de l’anatomie des oiseaux au domaine de la structure des bâtiments dans le lexique du français. En revanche, nous savons tous que l’extension du mot valeur d’une région du lexique français partagé entre l’économie et les emplois communs au lexique de la linguistique est la conséquence d’un acte de création dû à Saussure.

La réflexion sur le rôle des métaphores en terminologie, qui s’est développée à partir des années 90 du siècle dernier, a suivi pour l’essentiel le parcours de la lexicologie. Elle a reconnu d’abord le rôle de la catachrèse dans une dénomination proche du pur et simple étiquetage dépourvu d’épaisseur conceptuelle, une phase qui s’accomplit dans la synthèse d’Oliveira (2009). Dans l’entretemps, les terminologues se sont familiarisés avec les concepts métaphoriques partagés et cohérents de la tradition cognitive, un parcours documenté par l’œuvre de Temmerman (2000). L’approche cognitive est un premier pas vers la reconnaissance de la fonction heuristique de la métaphore non seulement dans l’étiquetage mais aussi, et surtout, dans la conceptualisation.

L’intérêt pour la métaphore créatrice dans l’élaboration des concepts de spécialité et dans la création de termes, témoigné en épistémologie depuis des décennies, n’est pas généralement partagé par les terminologues. Le mérite de la monographie de Micaela Rossi est d’avoir comblé cette lacune. En terminologie comme ailleurs, la métaphore n’est pas seulement une stratégie de création d’étiquettes dépourvues d’épaisseur conceptuelle, comme la catachrèse; elle ne se limite non plus à exploiter le substrat partagé de concepts métaphoriques cohérents et anonymes pour lancer de nouveaux termes; en plus, elle est capable de solliciter la pensée par des transferts qui, comme les conflits conceptuels qui alimentent les métaphores vives, mettent en question l’identité conceptuelle des objets et aident à la redessiner. Bien avant d’être au service de la création de termes, la métaphore crée les concepts qu’ils sont destinés à exprimer.

L’exploitation du potentiel créateur de la métaphore, cependant, ne saurait se réduire à une adjonction dépourvue de conséquences sur la charpente de l’édifice. Dans la monographie de Micaela Rossi, en effet, le rôle accordé à la métaphore créatrice finit par restructurer tout le domaine.

← xii | xiii → Dans la marche d’approche de la métaphore opérée par les terminologues, nous l’avons vu, les métaphores créatrices sont les dernières à être prises en compte. Dans cette monographie, en revanche, elles occupent le devant de la scène. Il ne s’agit pas, cependant, de rehausser l’une des facettes d’un phénomène complexe et polymorphe aux frais des autres, dessinant des hiérarchies nouvelles dans le périmètre d’une même logique réductrice. La recherche qui est présentée dans ce volume se donne pour but de rendre compte de la riche typologie des extensions métaphoriques documentées en terminologie, respectant les caractéristiques et les limites de chaque type. Sur ces prémisses, le projet de délimiter les contours du territoire de la métaphore dans toutes ses variétés n’empêche pas de valoriser les métaphores créatrices comme un observatoire privilégié qui permet de jeter sur les autres formes d’extension aussi bien que sur la totalité du domaine un regard nouveau.

La métaphore créatrice est l’instrument privilégié pour solliciter les routines de la pensée à la recherche de concepts novateurs. Le terme métaphorique n’est que le sceau de cet acte de création. Le concept de sélection naturelle, par exemple, naît de la projection sur la nature inanimée du modèle de l’éleveur intelligent qui sélectionne le bétail en vue d’un but. Cette combinaison est conflictuelle, car elle applique au monde inanimé l’action finalisée d’un être humain. De toute évidence, la source d’un tel acte de création de terminologie est la même qui alimente la création des métaphores vives en poésie: un concept est déplacé dans un milieu étranger, défie son identité conceptuelle reçue et projette sur lui des caractéristiques étrangères destinées à le remodeler. Comme les métaphores de la lumière liquide dans la poésie symboliste défient notre idée de la lumière en projetant sur elle l’univers conceptuel de l’eau – Un astre noir versant la lumière et le bonheur (Baudelaire) – l’idée de sélection bouleverse la conception de la nature héritée de la tradition scientifique. La différence est que le concept de lumière liquide reste confiné dans le jeu poétique, alors que le concept de sélection naturelle est entré de plein droit dans un patrimoine partagé par un groupe de spécialistes, prêt a migrer dans d’autres domaines grâce au même mécanisme de transfert et projection. Un acte de création individuelle a produit un bien commun.

Résumé des informations

Pages
XXVIII, 175
Année
2015
ISBN (PDF)
9783035108217
ISBN (ePUB)
9783035193671
ISBN (MOBI)
9783035193664
ISBN (Broché)
9783034316545
DOI
10.3726/978-3-0351-0821-7
Langue
français
Date de parution
2015 (Mai)
Mots clés
Langage technique Épistémologie Analyse synchronique Linguistique cognitive
Published
Bern, Berlin, Bruxelles, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2015. XXVIII, 175 p., 50 ill.

Notes biographiques

Micaela Rossi (Auteur)

Micaela Rossi enseigne la langue et la traduction françaises à l’Université de Gênes. Ses intérêts de recherche se concentrent en particulier sur la formation de nouvelles terminologies à base métaphorique dans les vocabulaires techniques et scientifiques, ainsi que sur les dynamiques textuelles et discursives qui déterminent leur figement au sein des communautés d’usage socio-professionnelles.

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