L’Âge d’argent de la littérature russe fut-il un âge d’or de la psychanalyse en Russie ?

  • Был ли Серебряный век русской литературы золотым веком психоанализа в России?
  • Was the Silver Age of Russian literature a golden age of psychoanalysis in Russia?

DOI : 10.35562/modernites-russes.343

Selon des chercheurs contemporains comme Aleksandr Ètkind, Valerij Lejbin ou Viktor Ovčarenko, l’Âge d’argent aurait été un âge d’or de la psychanalyse dans ses deux acceptions : comme méthode de cure clinique et comme pensée philosophique et anthropologique. Si la réception et la traduction des textes de Freud fut en effet précoce en Russie (dès le tout début du XXe siècle), la psychanalyse a-t-elle eu un impact réel sur les systèmes de pensée et de représentation des écrivains russes dans les premières décennies du XXe siècle ? Freud est-il vraiment soluble dans la culture russe de l’Âge d’argent ? Et quel sens peut-on donner au « déni de psychanalyse » chez des auteurs comme Andrej Belyj ?

По мнению современных исследователей, таких как Александр Эткинд, Валерий Лейбин и Виктор Овчаренко, Серебряный век был золотым веком психоанализа в двух его формах: как метод клинического лечения и как философская и антропологическая мысль. Если русские были одними из первых, кто перевел тексты Фрейда в самом начале XX века, оказал ли психоанализ реальное влияние на системы мышления и репрезентации русских писателей в первые десятилетия ХХ века? Действительно ли Фрейд растворим в русской культуре Серебряного века? Какое значение может иметь «отказ от психоанализа» у таких авторов, как Андрей Белый?

According to contemporary scholars such as Aleksandr Ètkind, Valerij Lejbin and Viktor Ovčarenko, the Russian Silver Age was supposedly a Golden age of psychoanalysis in both its forms: as a method of clinical treatment and as philosophical and anthropological thought. If the Russians were among the first to translate Freud’s texts at the very beginning of the 20th century, did psychoanalysis have a real impact on the systems of thought and representations of Russian writers in the first decades of the 20th century? Is Freud really soluble in Russian Silver Age culture? And what meaning can be given to the “denial of psychoanalysis” by authors such as Andrei Belyj?

Texte

Si l’histoire, comme l’affirmait Marc Bloch, est avant tout une interrogation du présent vers le passé, ou plutôt vers les passés eux-mêmes interrogés à différents moments, les noms d’époque ou chrononymes constituent les marques parmi les plus visibles de nos représentations et de nos imaginaires historiques [Bloch, 1993 ; Kalifa, 2020]. Le moment qui est entré dans les histoires de la littérature russe sous l’appellation d’Âge d’argent (Серебряный век), en référence à l’Âge d’or (Золотой век) au premier tiers du XIXe siècle, est lourd d’un imaginaire symbolique et mythologique dont je n’étudierai ici ni les origines, ni les implications pour les différentes époques qui en ont usé rétrospectivement selon un processus aboutissant à une sorte de « feuilleté temporel » relativement complexe. Je me conformerai ainsi à l’usage d’un chrononyme actuellement partagé par la plupart des historiens de la littérature russe et sacralisé par les institutions culturelles, sa capacité de circulation étant par ailleurs une indication suffisante de sa puissance évocatrice. Quant à l’expression âge d’or, je ne l’emploierai pas, à la différence d’Âge d’argent, comme le marqueur d’une époque identifiée comme une totalité culturelle spécifique, mais dans son sens commun, à savoir un moment caractérisé par une grande richesse et une expansion exceptionnelle de l’objet qu’il désigne — ici, la psychanalyse.

Se demander si l’Âge d’argent en Russie fut un âge d’or de la psychanalyse, c’est entrer de plain-pied dans une polémique culturelle vieille de plus d’un siècle, les théories de Freud ayant provoqué au pays de Lenin et de Dostoevskij autant d’engouements passionnés que de farouches dénégations. C’est ce que montrent chacun à leur manière les deux livres fondateurs dans ce domaine, à savoir Freud and the Bolsheviks de Martin Miller (1998), paru en français sous le titre Freud au pays des Soviets en 2001 (dans un hommage assez malvenu, si l’on y réfléchit bien, au père de Tintin, le héros sans doute le plus privé d’appareil psychique de toute l’histoire de la bande dessinée), et L’Éros de l’impossible (Эрос невозможного) d’Aleksandr Ètkind, publié en 1991, l’année même de la chute de l’Union soviétique. Dans un article pour le quotidien Libération, Elisabeth Roudinesco a fustigé ce dernier opus lors de sa publication en français en 1995 sous le titre Histoire de la psychanalyse en Russie ; elle en a dénoncé avec virulence l’approche « tendancieuse » et les imperfections tant herméneutiques que méthodologiques [Roudinesco, 1995]. Il n’en reste pas moins que cet Éros de l’impossible constitue la première somme rédigée dans une perspective diachronique en Russie, par un Russe, sur la psychanalyse russe, en s’appuyant, qui plus est, sur des archives restées longtemps inaccessibles. C’est également un ouvrage, et sans doute le plus complet à ce jour, qui envisage l’histoire de la psychanalyse en Russie dans ses liens avec la littérature et la critique littéraire.

Son auteur, Aleksandr Ètkind, fait partie, avec Valerij Lejbin ou Viktor Ovčarenko, de ces promoteurs de la « renaissance psychanalytique » de la fin du XXe siècle en Russie. Par un désir bien compréhensible de contrebalancer un demi-siècle durant lequel la psychanalyse avait été niée, vilipendée ou effacée en Russie soviétique, ils ont loué à l’envi un âge d’or freudien qui correspondrait aux trois premières décennies du XXe siècle. Leur entreprise a été largement relayée par les chercheurs occidentaux qui se sont penchés, depuis la fin de l’URSS, sur l’histoire de la psychanalyse russe ; Irina Manson, par exemple, considère les années 1920 comme « la plus belle époque de l’“aventure freudienne” qu’aura connue la Russie : les années d’enthousiasme, de larges débats, d’expériences nouvelles » [Manson, 1991 : 408]. C’est ainsi que reviennent comme un leitmotiv compensateur des faits censés prouver la réception exceptionnelle des théories freudiennes et leur implantation sur le sol russe dès le tout début du siècle — la fameuse « épidémie de psychanalyse » en Russie, pour reprendre les mots de Freud dans sa lettre à Carl Jung du 12 mars 1912 [Freud, 1975: 263], quand il ne s’agit pas de démontrer une antériorité qui ferait des écrivains russes de la seconde moitié du XIXe siècle les découvreurs de l’inconscient, voire de la psychanalyse en tant que telle (on pense bien sûr à Tolstoj ou Dostoevskij). C’est la thèse développée par nombre d’universitaires anglo-saxons, comme Meredith Skura dans The Literary use of the psychoanalytic process [Skura, 1981] ou Louis Breger dans Dostoevsky — the author as psychoanalyst [Breger, 1989]. En France, le slaviste Jacques Catteau a affirmé de façon quelque peu provocatrice que Freud avait sorti la psychanalyse déjà toute prête des romans de Dostoevskij [Catteau, 2008]. Quant à l’œuvre de Tolstoj, si elle s’est moins prêtée à l’analyse psychanalytique côté occidental, elle a dès 1911 attiré l’attention du psychiatre russe Nikolaj Osipov [Géry, 2012].

À la suite de Tolstoj et Dostoevskij, de leurs tentatives pour formaliser les conflits intrapsychiques dans l’écriture et leur trouver une structure narrative, de nombreux écrivains russes de la fin du XIXe siècle, comme Anton Čehov (dans La Crise (Припадок), 1888) ou Valerij Brjusov (Maintenant que je suis réveillé… Notes d’un psychopathe (Теперь, — когда я проснулсяЗаписки психопата), 1903), ont été fascinés par les domaines qui seront ceux de la psychanalyse : la sexualité, les rêves et la « psychologie des profondeurs », souvent bien avant que les travaux de Freud ne leur soient connus. La première étude publiée sur l’inconscient en Russie sous le titre De la conscience et des phénomènes inconscients de l’esprit date cependant de 1875 ; l’auteur, Apollon Smirnov, était un professeur de philosophie à l’université de Kazan qui s’inscrivait dans le courant anglais de psychologie empirique [Смирнов, 1875].

La psychanalyse a quant à elle bénéficié d’un début de reconnaissance dès 1897 à Moscou lors du XIIe congrès international de médecine, où les idées de Freud sur les représentations substitutives dans l’obsession ont été largement relayées par le neurologue bordelais Albert Pitres et le neuropsychiatre Emmanuel Régis [Pitres et Régis, 1897]. Fëdor Sologub avait-il eu accès à ce matériau lorsqu’il a rédigé son Démon mesquin (Мелкий бес) à la charnière des deux siècles ? Toujours est-il que dans ce roman, il parvient à fondre de façon extrêmement convaincante les observations les plus récentes de la psychiatrie dans le tissu intime du texte littéraire et expose la pathologie dont souffre son héros avec la précision digne d’un aliéniste qui pressentirait les avancées de cette science naissante qu’est la psychanalyse. Mieux encore : cette pathologie présente des symptômes très proches de ceux qui seront décrits par Freud en 1911 dans le « cas Schreber », à savoir une psychose paranoïaque [Freud, 1954 ; Schreber, 1975 ; Géry, 2007].

Mais au delà de ces concordances qui relèvent sans doute essentiellement du Zeitgeist, le climat intellectuel et culturel commun à toute l’époque, c’est la presque simultanéité des parutions des premières œuvres de Freud en allemand et de leurs traductions en russe qui ne manque pas de retenir l’attention de ceux qui voudraient voir dans la Russie de l’Âge d’argent la « seconde patrie de la psychanalyse ». En effet, la Russie s’enorgueillit d’être la première nation à avoir traduit Freud, en 1904 — quant au nom même de Freud, il apparaît pour la première fois en Russie en 1884, sous la plume de L. O. Darkševič, le fondateur de l’école neurologique de Kazan [Лейбин, 1994 : 5]. Il s’agit d’Über den Traum, un texte court que Freud avait publié en 1901, et qui paraîtra à Saint-Pétersbourg sous le titre Sur les rêves (O сновидениях) dans un supplément de la revue de l’encyclopédie Brokhaus et Efron, Le Messager de psychologie, d’anthropologie criminelle et d’hypnose (Вестник психологии, криминальной антропологии и гипнотизма, 1904). L’activité éditoriale sera très importante durant la période qualifiée par Viktor Ovčarenko, en ce qui concerne l’introduction de la psychanalyse freudienne en Russie, de civilisatrice (просветительский) puis d’adaptation (адаптационный) [Овчаренко, 2003]. Pas moins de vingt-six titres sont publiés entre 1904 et 1914, dont trois rééditions des Cinq leçons sur la psychanalyse initialement parues en russe en 1911 [Лейбин, 1994 : 373-374]. En 1909 est créée La Bibliothèque psychothérapeutique, une collection destinée à éditer les textes de Freud en russe, et l’année suivante, les deux principaux fondateurs de la psychanalyse russe, Nikolaj Osipov et Nikolaj Vyrubov, lancent la revue Psychothérapie où sont régulièrement publiées des traductions des travaux de Freud ou de ses adeptes russes et étrangers.

À côté du travail traductif, la constitution relativement rapide d’une « tradition psychanalytique russe » semble également témoigner d’un accueil très favorable des théories de Freud dans la Russie pré- et postrévolutionnaire. Cette tradition comprend la psychanalyse dans ses deux acceptions : comme méthode de cure clinique (elle perdurera de façon clandestine même durant les heures les plus sombres du stalinisme) et comme pensée philosophique et anthropologique (celle-ci évoluera en Russie soviétique vers une forme spécifique appelée freudisme, фрейдизм) qui sera néanmoins en grande partie interrompue au début des années 1930. Si elle n’a pas produit de grands théoriciens, cette « tradition russe » compte néanmoins avant ces années 1930 des travaux intéressants et novateurs, comme ceux de Sabina Spielrein [Spielrein, 1912 ; Cifali, 2001] ou Tat’jana Rozental’ [Розенталь, 2011], l’une des premières femmes à s’engager en Russie à la fois dans le freudisme, le marxisme et le féminisme ; en 1920, elle expérimente une maison d’accueil pour enfants et devient ainsi le précurseur de Vera Šmidt, autre pionnière de la psychanalyse en Russie.

Comme semble le prouver l’activité théorique ou pratique de Spielrein, Rozental’ ou Šmidt (qui représenteraient une sorte de variante féminine des débuts de l’implantation de la psychanalyse), la Russie a-t-elle été, comme l’affirmait Michel Aucouturier, « l’un des pays où la psychanalyse a été le plus rapidement introduite et a reçu le meilleur accueil » [Aucouturier, 2007 : 143] ? Doit-on s’enthousiasmer, avec Valerij Lejbin, de ce qu’« en France et aux États-Unis, qui sont aujourd’hui la Mecque du mouvement psychanalytique, la théorie et la pratique de la psychanalyse ont reçu une large diffusion bien plus tard qu’en Russie » [Лейбин, 1994 : 6] ? Et surtout, le travail volontariste et continu de traduction effectué par les psychiatres russes, qui a permis cette diffusion, a-t-il eu un impact réel sur les systèmes de pensée et de représentation dans les premières décennies du XXe siècle et les auteurs de l’Âge d’argent ?

Il est permis d’exprimer ici un « doute raisonnable » car, comme le rappellent justement Paul Katchalov et Hervé Benhamou dans leur article « Naissance et renaissance de la psychanalyse en Russie »,

...les Russes traduisaient alors tout ce qui provenait de l’Occident, surtout du « Germanentum », phare du progrès culturel et scientifique à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, comme c’est le cas actuellement du monde anglo-saxon. Mais la traduction est une chose, l’assimilation en est une autre. [Katchalov et Benhamou, 2012 : 175]

Freud l’avait bien compris, qui écrivait en 1914 :

En Russie, la psychanalyse a été très largement connue et diffusée : presque tous mes écrits, comme ceux d’autres adeptes de l’analyse, sont traduits en russe. Mais une compréhension tant soit peu approfondie des doctrines analytiques ne s’est pas encore produite en Russie. Les contributions de médecins russes à l’heure actuelle peuvent être qualifiées de négligeables. Seule Odessa possède en la personne de M. Wulff un analyste ayant une formation. [Freud, 1914 : 277]

Freud ne peut toutefois prétendre à une connaissance pleine et entière de la situation russe (bien qu’il s’y intéresse de près, il ne maîtrise pas la langue) ; d’autre part, il néglige parfois, volontairement ou non, les avancées et les apports des premiers psychanalystes russes. Ainsi, il ne fera nulle part allusion aux travaux de Sabina Spielrein, une patiente de Carl Jung devenue à son tour analyste, qui avait fréquenté les réunions de la Société psychanalytique de Vienne à partir de 1910. La dualité tragique des pulsions, formulée dès 1912 par Spielrein dans son essai rédigé en allemand La destruction comme cause du devenir (Die Destruktion als Ursache des Werdens), sera pourtant en partie à l’origine des thèses sur la pulsion de mort que Freud a développées dans Au-delà du principe de plaisir (1920). Quant à la relation complexe que Spielrein a entretenue avec Jung et dont Freud avait été le témoin indirect, on sait qu’elle a contribué à enrichir sa théorisation des phénomènes croisés du transfert et du contre-transfert. L’apport spécifique de Spielrein à Freud a été relevé par Elizabeth Roudinesco dans son article « Les premières femmes psychanalystes » [Roudinesco, 1998].

Outre les rectifications d’usage, l’idée même d’une Russie qui aurait été terre d’accueil privilégiée de la pensée psychanalytique n’a pas manqué de provoquer de violentes oppositions qui se sont exprimées avec beaucoup de force après la chute de l’URSS, entre autres lors de la parution de l’essai de Valerij Lejbin La Russité de Freud (Русскость Фрейда) en 1994. Dans un article intitulé « Lejbin, Freud et la Russie. La “non-russité” de la psychanalyse », mis en ligne sur le site de la revue La Nouvelle littérature, le pamphlétaire Oleg Akimov a réfuté avec la dernière énergie l’hypothèse avancée par Lejbin d’une interaction féconde entre les thèses de Freud et l’espace socioculturel russe pour conclure à la dangerosité universelle de la psychanalyse1.

Cet exemple quelque peu radical montre cependant que ce qui se joue là, c’est la question de la compatibilité de la psychanalyse et de « la pensée russe » ou de l’« idée russe » (русская идея), à savoir le discours identitaire et essentialiste produit par les intellectuels depuis le milieu du XIXe siècle sur la spécificité nationale et ses invariants culturels, philosophiques ou religieux. Dès son apparition sur le sol russe, la psychanalyse freudienne n’a pas tant été envisagée par les penseurs et les médecins comme une science que comme un nouveau système d’explication de l’homme et du monde qui aurait hérité des philosophies d’Empédocle, de Platon, de Nietzsche et de Schopenhauer2. Comme ça avait déjà été le cas à de multiples reprises dans la culture russe, une culture qui, rappelons-le, s’est constituée peut-être plus que toute autre sur les traductions et l’effacement de ces traductions, l’enjeu était des possibilités et des potentialités d’assimilation que présentait ce nouveau complexe de notions anthropologiques importées de l’Occident. Pour les uns, la psychanalyse n’offrira aucun obstacle majeur à participer du grand tout syncrétique qu’était la culture russe de l’Âge d’argent, en raison même de ses prémisses philosophiques et de sa « façon de penser l’homme dans sa totalité » [Dennes, 1992 : 63]. Pour d’autres, plus neo-slavophiles et surtout peu enclins à accepter la coprésence de la pensée et de la sexualité qui se trouve à la base de la théorie freudienne, la psychanalyse ne sera qu’une tentative de plus d’appliquer des schémas culturels aprioristes sur une réalité russe qui échapperait aux catégories européocentristes. Paul Katchalov et Hervé Benhamou rejoignent sur ce point les défenseurs de la spécificité russe : selon eux, le contexte spirituel, idéologique, socioculturel et scientifique russe, déterminé par l’intolérance religieuse, la présence de systèmes philosophiques et anthropologiques originaux, une vision du Sujet antioccidentale et enfin l’héritage de la patristique byzantine, rendait difficile, voire impossible l’adoption de la psychanalyse [Katchalov et Benhamou, 2012 : 177-178]. Dans « La psychanalyse en Russie dans les années 1920 et la notion de Sujet », Tatiana Zarubina donne à l’interdiction (non officielle mais effective) de la psychanalyse en Russie soviétique une raison similaire : l’« incompatibilité des représentations du Sujet en Russie et en Occident » [Zarubina, 2008 : 268].

Je me permettrai de nuancer ces propos, qui ne prennent selon moi pas assez suffisamment en compte une des qualités propre à la culture artistique russe de l’Âge d’argent, à savoir l’intense circulation des textes, des pratiques et des idées entre la Russie et le monde occidental, essentiellement francophone et germanophone. Contrairement à ce que semblent penser Paul Katchalov et Hervé Benhamou, ce phénomène n’était pas que conventionnel. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le terme de Renaissance est apparu à de nombreuses reprises pour caractériser l’Âge d’argent, ce moment de changement axiologique majeur qui voit l’effondrement des anciennes croyances et la révision des valeurs culturelles, la fin du positivisme et le triomphe du subjectivisme, l’épanouissement des sciences humaines appliquées et les tentatives de création d’une nouvelle anthropologie sur des bases à la fois russes et européennes.

Les milieux littéraires de l’Âge d’argent, surtout symbolistes, qui prétendaient à la synthèse et à l’universalité culturelles tout en manifestant un goût certain pour les phénomènes de la sphère langagière et une forme de « remythologisation » de la culture, ont présenté de toute évidence un terrain favorable à la transplantation des thèses de Freud ; et ceci même si ces thèses ont, en passant dans la sphère russe, perdu de leur cohérence et fini par constituer une sorte de « boîte à outils », comme ça avait été le cas quelques années auparavant pour un autre projet de libération et d’affirmation du moi, le nietzschéisme, avec lequel elles vont parfois entrer en concurrence [Лейбин, 1994 ; Эткинд, 1994]. Certaines des personnalités marquantes du mouvement symboliste, comme les poètes Aleksandr Blok et Sergej Solov’ëv, furent des patients des premiers psychanalystes russes, ce qui n’a pu manquer de se répercuter sur l’écriture de ceux qui prétendaient « fondre la vie et l’œuvre » [Ходасевич, 1990 : 181]. L’éditeur Èmil’ Metner, qui dirigeait les éditions du Musagète connues pour leurs liens avec les symbolistes (il publiera entre autres Andrej Belyj avant de rompre avec lui pour cause de « divergences idéologiques »), sera à la fin des années 1910 le patient de Jung, mais Aleksandr Ètkind estime qu’on peut risquer l’hypothèse d’une première analyse effectuée à Moscou avant 1914 [Etkind, 1995 : 83]. Le dramaturge Nikolaj Evreinov s’est inspiré de la psychanalyse freudienne pour élaborer son système d’« intimisation du théâtre » (le « théâtre pour soi » et le théâtre comme thérapie) et pour rédiger ses œuvres, comme en témoigne par exemple la pièce Dans les Coulisses de l’âme (В кулисах души) en 1912, qui mettait en scène le Moi rationnel, le Moi émotionnel et le Moi subconscient : au cours du Prologue, un certain professeur annonçait au public qu’il allait voir un spectacle en conformité avec théories les plus récentes de Freud, mais aussi des psychologues Wilhelm Wundt et Théodule Ribot [Зассе, 2006]. Pour le « psychologue paléontologue » Andrej Belyj, même s’il fut plus adepte de l’anthroposophie de Rudolph Steiner que de la psychanalyse de Sigmund Freud qu’il a pu vilipender avec une certaine virulence, le symbole était un outil permettant le passage entre l’inconscient et ce qu’il appelait le « sur-conscient » (préface inédite de 1928 à Kotik Letaev [Nivat, 1987 : 111]).

Si l’imprégnation précoce des milieux littéraires russes de l’Âge d’argent par la psychanalyse est attestée, peut-on affirmer pour autant que ceux-ci ont contribué à introduire Freud en Russie à part égale avec les milieux scientifiques ? Sur cette question, les avis divergent une fois de plus. La réponse est non pour Alexandre Mikhalevitch, qui écrit que si « la psychanalyse a été introduite en France par l’intermédiaire des milieux littéraires et artistiques », « en Russie, au contraire, la diffusion des théories de Freud fut réalisée par de jeunes médecins » pour la plupart formés à Munich et à Berlin [Mikhalevitch, 1991 : 399]. Comme le rappelle Mikhalevitch, la psychanalyse russe a été « hétérodoxe dès ses débuts, syncrétique jusqu’au paradoxe. Des fondateurs comme les psychiatres Osipov et Vyrubov ne concevaient la pratique de l’analyse que comme un moment surdéterminé du geste thérapeutique […] qu’il fallait limiter aux seuls cas de névrose obsessionnelle et d’hystérie ». Selon lui, ces mêmes médecins étaient parfois enclins au réductionnisme physiologique [Mikhalevitch, 1992 : 50].

En revanche, la réponse est oui pour Alexandre Etkind, qui explique les interactions nombreuses et variées qu’on peut relever entre les théories freudiennes et la philosophie, la littérature et d’autres formes d’art en Russie par une spécificité de la tradition scientifique et culturelle russe, qui serait restée étrangère aux processus de spécialisation professionnelle et de cloisonnement disciplinaire que l’Occident a connus au XIXe siècle [Etkind, 1995 : 5-6]. Cette affirmation doit néanmoins être nuancée à son tour, car bien peu furent les Occidentaux qui, à la même époque, ont pensé la psychanalyse en dehors de la littérature, à commencer par Freud.

Un facteur essentiel de la proximité entre littérature et psychanalyse en Russie est aussi la préscience, chez les écrivains de la génération symboliste, que l’homme est tout entier mû par des forces élémentaires dont il n’a pas conscience et qui le dépassent. Nombreux sont ceux qui s’appuient sur les découvertes de Freud pour décrire les « consciences obscures » de leurs héros, les forces instinctives, sombres et irrationnelles qui se trouvent à l’origine de leurs actes. Le poète Aleksandr Blok, qui entreprendra en 1917 une cure analytique de quelques mois, affirme dans une de ses poésies qu’« il y a en chacun de nous trop de forces que nous ignorons. […]. Pour le moment, nous vivons dans l’inconnu » [Blok, 1955 : 362].

Ces « forces inconnues » dont parle Blok, et qui renvoient dans le poème à l’angoisse suscitée par les abîmes insoupçonnés de l’âme, sont aussi de nature sexuelle. En effet, les écrivains de l’Âge d’argent brisent un tabou majeur de la culture russe savante en s’intéressant au domaine du sexe et à ses interdits. Je rappellerai ici l’érotisme à la fois orgiaque et mystique du poète Vjačeslav Ivanov, les expériences sexuelles auxquelles se livraient les intellectuels dans la fameuse « Tour » de la rue de Tauride à Pétersbourg ou la fascination de ces mêmes intellectuels pour les pratiques sectaires, dans lesquelles ils voyaient les manifestations d’un érotisme brutal : c’était le cas de la secte des Flagellants (хлысты) ou de celle des Castrats (скопцы) dont les membres pratiquaient la castration. Aleksej Remizov évoque par exemple les pratiques « érotiques » des Flagellants dans son récit Le Diablotin (Чертик, 1907), et Andrej Belyj dans son célèbre roman Le Pigeon d’argent (Серебряный голубь, 1909) qui peut d’ailleurs se lire en son entier comme une épopée érotico-mystique, barbare et païenne.

L’époque possède même son grand prêtre de la sexualité en la personne de Vasilij Rozanov, qui écrivait en 1911 dans Les Hommes de la clarté lunaire. Métaphysique du christianisme (Люди лунного света. Метафизика христианства) ces lignes qu’un analyste n’eut certes pas reniées :

Et même lorsque nous faisons, pensons, voulons ou projetons quelque chose prétendument hors la sexualité, « spirituellement », même lorsque nous entreprenons quelque chose d’antisexuel, c’est encore du sexuel, mais un sexuel si entortillé et transfiguré qu’on ne reconnaît plus son visage [Rozanov, 1913 : 73-74].

Force est donc de constater que si les médecins russes qui ont introduit la psychanalyse se sont souvent méfiés du pansexualisme freudien (les questions de la sexualité infantile ou de l’étiologie sexuelle des névroses ont ainsi suscité chez eux de très nettes réserves), ce dernier ne sera pas un obstacle pour les écrivains ou les philosophes, bien au contraire. L’exploration multiforme des territoires jusqu’alors tabous de la sexualité marque les œuvres de Fëdor Sologub, dont le Démon mesquin n’est pas seulement la mise en littérature magistrale d’une pathologie mentale, mais aussi un véritable traité des perversions sexuelles, de Leonid Andreev ou de Mihail Arcybašev ; moins connues des lecteurs actuels mais fort célèbres en leur temps furent aussi Anastasija Verbickaja dont Les Clefs du bonheur (Ключи счастья) firent sensation en 1909, Lidija Zinov’eva-Annibal avec ses Trente trois monstres (Тридцать три урода), roman lesbien qui subit les foudres de la censure lors de sa parution en 1907, Evdokija Nagrodskaja et son roman érotique La Colère de Dionysos (Гнев Диониса, 1910) ou encore Anna Mar, dont le roman sadomasochiste Femme en croix (Женщина на кресте), sorti en 1916, a provoqué un scandale assez retentissant ; le pseudonyme d’Anna Mar renvoie par ailleurs à une divinité maléfique du bouddhisme, l’esprit tentateur Mâra, qui eut trois filles incarnant les désirs et les pulsions sexuelles : elles avaient pour nom Luxure, Passion et Délice.

Le fait que cette littérature de l’émancipation sexuelle s’accompagne d’une entrée en force des femmes dans le monde des Lettres russes ne doit sans doute pas grand-chose au hasard. L’importance des femmes en Russie fut également sensible dans un autre domaine de la rencontre directe ou indirecte de la littérature et de la psychanalyse, à savoir la lecture psychanalytique des textes littéraires. Qu’on pense ici à Tat’jana Rozental’ et son essai Souffrance et création chez Dostoïevski : une étude psychologique qui, en 1920, annonce le célébrissime « Dostoïevski et le parricide de Freud » (1928)3.

La Russie possède ce qui constitue aujourd’hui une assez riche tradition de textes dans le domaine de la psychanalyse comme méthode herméneutique appliquée à la littérature avec, pour ce qui concerne les années 1910-1930 qui ont fait l’objet d’études importantes de Natal’ja Prohorova [Прохорова, 2001, 2010)4, les travaux de Tat’jana Rozental’ ou d’Anna Kašina-Evreinova sur Dostoevskij [Розенталь, 1920 ; Kaшинa-Евреинова, 1923], ceux de Nikolaj Osipov sur Tolstoj [Осипов, 1911 ; 1913 ; 2011], d’Ivan Ermakov sur Gogol’ et Puškin [Ермаков, 1999] ou de Vladislav Hodasevič sur Belyj [Ходасевич, 1939 ; 2004]. De l’essai composé par le poète symboliste Hodasevič dans l’émigration et paru sous le titre Les Ableuhov—Letaev—Korobkin, Alexandre Etkind a écrit qu’il avait été rédigé « sous l’influence directe de l’analyse de Dostoïevski par Freud », et ceci bien que le poète russe ne mentionne à aucun moment le psychanalyste viennois :

Les motivations principales de Biély, tout comme celles de Dostoïevski, sont un désir de tuer le père, la culpabilité qui s’ensuit et une pulsion de punition, le transfert de ces sentiments pénibles sur les autres, sur l’État et sur le monde entier. [Etkind, 1995 : 98]

Pour Hodasevič, à qui l’on doit la première intuition de la portée psychanalytique des romans d’Andrej Belyj, ceux-ci forment ce qu’il a appelé une « série œdipienne » et chacun des personnages qui peuplent ces romans sont une hypostase de l’auteur à diverses étapes de son développement psychique. On peut également penser que le poète russe avait lu, outre Dostoïevski et le parricide, l’essai de Iolan Nejfel’d intitulé Dostoïevski. Essai psychanalytique sous la rédaction du professeur Sigmund Freud paru en 1923, qui faisait entièrement découler l’œuvre et la personnalité de Dostoevskij du complexe d’Œdipe [Нейфельд, 1994 : 88].

Notons enfin qu’Andrej Belyj est, avec Kotik Letaev (1922), l’auteur du premier texte de la littérature russe à aborder le monde des sensations, des peurs et des fantasmes infantiles, un monde d’avant la verbalisation et le langage structuré ; avec ses représentations des prémisses de la conscience de soi sous la forme de paysages sauvages, peuplés de personnages métamorphosés en animaux et en figures mythiques, ce poème en prose n’est pas simplement un aboutissement formel de la poétique symboliste, c’est aussi une tentative de reconstruire une expérience pré-langagière qui partage avec la psychanalyse le même effacement de la chronologie, le même désir de retour aux origines du « moi » et à ses couches archaïques, la même méthode associative (correspondances par les sons ou les images), le même travail sur les rêves et les mécanismes de l’inconscient [Levina-Parker, 2002]. Et cela même si son auteur n’a jamais caché sa franche hostilité pour Freud ; selon le témoignage de Nina Berberova, Belyj avait entendu parler de Freud mais ne l’avait jamais lu. Pour Alexandre Etkind, « la psychanalyse fut une cause importante, même si elle était cachée, de la scission qui frappa le mouvement symboliste » entre adeptes de l’anthroposophie d’une part (Belyj) et adeptes de Freud d’autre part (Metner, Ilyne) [Etkind, 1995 : 92-93]. Mais chez Belyj, la dénégation de la psychanalyse s’accompagne d’une utilisation réitérée de ses procédés ; on retrouvera le même cas de figure (mais pour d’autres raisons) vingt ans plus tard dans l’autobiographie analytique de Mihail Zoščenko Avant le lever du soleil, un texte entièrement construit sur la tension entre rejet affirmé des théories de Freud et imprégnation du texte par ces mêmes théories [Géry, 2006].

La réception de Freud par les écrivains de cette « période-système » relativement instable et fortement diversifiée que fut l’Âge d’argent relève finalement plus de l’imprégnation (et d’une imprégnation souvent superficielle, quand elle n’était pas nettement conflictuelle) ou de l’accommodation que de l’appropriation et de l’assimilation. Même si on ne peut manquer de relever, entre le symbolisme russe et la psychanalyse freudienne, des préoccupations et des objets (voire des méthodes) communs, même si l’écrivain symboliste le plus ouvertement hostile à la psychanalyse est aussi l’auteur de l’œuvre la plus « freudienne » qui se puisse trouver en Russie, ce qui en soi ne manque pas de faire sens, toute une série de faits concrets viennent infirmer l’idée d’un âge d’or des relations entre la littérature russe et la psychanalyse au début du XXe siècle. Tout d’abord, à la notable exception de Vladislav Hodasevič, la psychanalyse a été considérée comme une herméneutique pour le texte littéraire par des médecins, très rarement par des critiques littéraires et jamais par des écrivains ; d’autre part, la psychanalyse est intégrée dans un complexe souvent assez confus de notions hétérogènes puisées çà et là chez divers auteurs occidentaux : c’est ainsi que des concepts empruntés à Freud peuvent en côtoyer d’autres issus de Nietzsche, Steiner ou Bergson. Enfin, et c’est sans doute le fait le plus marquant, les références directes à Freud sont presque inexistantes sous la plume des symbolistes russes ou de leurs successeurs de l’Âge d’argent sauf, comme c’est le cas pour Andrej Belyj, de façon négative. Le phénomène d’acculturation, qui ne fait pourtant aucun doute, s’est donc doublé d’un étrange phénomène de rejet, voire de déni, sur lequel nous n’avons pas fini de nous interroger. À l’aube des années 1930 se produira un autre rejet, beaucoup plus radical, et la psychanalyse disparaîtra presque totalement du paysage intellectuel, littéraire et médical de la Russie soviétique, annonçant pour cette discipline un véritable Âge de fer.

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Notes

1 Cet article apparaît en première position quand on tape en russe le nom de Lejbin et le titre de son ouvrage sur le moteur de recherche Google (http://old.newlit.ru/~akimov/001968.htm).

2 C’est aussi le cas à la fin du siècle de Valerij Lejbin, pour qui Freud aurait été un philosophe avant d’être un scientifique, qui aurait nié son inspiration philosophique car il voulait imposer l’image du fondateur d’une nouvelle science [Лейбин, 1988].

3 En 1906, alors que Rozental’ fait ses études de médecine à Zurich (comme avant elle Suslova, la première femme médecin de l’histoire russe), elle découvre L’Interprétation des rêves. Après l’obtention de son doctorat en psychiatrie en Suisse, elle se rend à Vienne où elle devient, en 1911, membre de l’Association viennoise de psychanalyse Wiener Psychoanalytische Vereinigung et participe aux célèbres réunions du mercredi de cette même association. En 1914, elle retourne à Saint-Pétersbourg et consacre toute son énergie à convaincre Vladimir Behterev, qui dirigeait l’Institut de psycho-neurologie, d’implanter et de développer la psychanalyse en Russie ; elle agira surtout dans le domaine de l’éducation et de la psychanalyse des enfants.

4 Natal’ja Prohorova a soutenu en 2003 à l’université Lomonosov une thèse hélas non publiée sous le titre L’influence de la psychanalyse sur la théorie et la critique littéraires russes des années 1920 (Влияние психоанализа на русское литературоведение и литературную критику 1920-х годов).

Citer cet article

Référence électronique

Catherine Géry, « L’Âge d’argent de la littérature russe fut-il un âge d’or de la psychanalyse en Russie ? », Modernités russes [En ligne], 19 | 2020, mis en ligne le 14 avril 2021, consulté le 19 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/modernites-russes/index.php?id=343

Auteur

Catherine Géry

Professeure de littérature et de cinéma russes à l’INALCO, directrice du Centre de recherches Europes-Eurasie (CREE, EA 4513), rédactrice en chef de la revue Slovo et co-directrice de publication de la collection Europe(s) aux Presses de l’INALCO

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