CONTESTATAIRES ET COMPAGNONS LES FORMES DE L'ENGAGEMENT
GAULLISTE
Bernard Lachaise
La voie royale de l'engagement gaulliste a longtemps été cette forme de serment féodo-vassalique dont on a fait l'emblème du mouvement. Bernard Lachaise, sans rejeter la figure du fameux compagnonnage, développe et affine ici l'analyse. Le compagnonnage n'était pas un tout unanime ; il eut ses degrés, ses ratés, ses discordances.
Le gaullisme ne constitue ni une doctrine, ni une organisation, mais simplement une expérience vécue, expérience personnelle du Général d'abord, expérience vécue des relations du général de Gaulle avec ses fidèles ensuite : au centre de tout, on trouve la notion de fidélité, lien féodal de nature mystique et mythique. Le gaullisme est d'abord un compagnonnage». C'est ainsi que le journaliste Pierre Viansson-Ponté analyse, au début de la Cinquième République, l'engagement gaulliste 1. Fondée sur les premières années du gaullisme, cette approche convient-elle toujours plus d'un demi- siècle après l'apparition du gaullisme en 1940 ? La notion de compagnonnage est mise en avant par les gaullistes eux-mêmes et reconnue par les historiens. Plus discutable est le rôle de la fidélité comme facteur
1. Pierre Viansson-Ponté, Les gaullistes. Rituel et annuaire, Paris, Le Seuil, 1963, p. 7.
central de l'engagement gaulliste : comment l'admettre pour les premiers compagnons, ceux de la France Libre, qui ne connaissaient pas de Gaulle lorsqu'ils franchirent le pas ? Insuffisante est la définition de la nature du compagnonnage présenté comme un «lien féodal» entre de Gaulle et les siens : comment le gaullisme aurait-il alors survécu à la disparition du Général ?
De telles questions illustrent l'impossibilité de réfléchir sur l'engagement gaulliste si l'on ne tient pas compte de la chronologie. La périodisation utilisée traditionnellement dans l'histoire du gaullisme ne paraît pas la plus opportune pour analyser l'engagement et il est nécessaire d'en proposer une autre, plus adaptée. Trois dates fondamentales apparaissent. Elles distinguent quatre temps différents pour l'engagement gaulliste : 1942 marque le passage du gaullisme «militaire» au gaullisme politique ; 1947 voit la naissance d'une organisation politique gaulliste, à l'initiative du général de Gaulle ; 1970 conduit les gaullistes à s'interroger sur la nature de leur engagement après de Gaulle.
En gardant en mémoire la diversité du contexte et de 1'« offre» correspondant à chacune des époques ainsi délimitées, il faut mener l'étude du compagnonnage
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