REGARDS ET REGARD DANS
AN ELECTION ENTERTAINMENT àe HOGARTH
(regards des personnages, regard du spectateur, regard du peintre-graveur)
Je voudrais commencer par une citation tirée du Pendule de Foucault d'Umberto Eco:
Chez Belbo cette façon de parler sans trop regarder l'interlocuteur dans les yeux, sans pour autant fuir le regard, trahissait le Piémontais. Le regard de Belbo n'éludait pas le dialogue. Se déplaçant simplement, fixant à l'improviste des convergences de parallèles à quoi vous n'aviez pas prêté attention, en un point précis de l'espace, il vous donnait la sensation que, jusqu'alors, vous avez fixé, obtus, l'unique point insignifiant.
Mais ce n'était pas rien que son regard. D'un geste, d'une seule interjection, Belbo avait le pouvoir de vous placer ailleurs.1
Bien entendu, de nombreux romans nous auraient fourni une citation de ce genre, et qui nous met au cœur du problème. Comment un peintre pourrait-il exprimer tout ce que l'écrivain met de significations dans un seul regard, et tout ce que, dans la vie, nous interprétons dans le regard des autres? Il n'a à sa disposition que les couleurs de sa palette ou les traits de son crayon, alors que les messages qu'échangent les regards viennent de choses ténues, un minuscule plissement des paupières, l'éclat d'un point de lumière, et d'autres signes encore plus mystérieux. Tout cela n'est pas représentable par la peinture ou le dessin.
Mais Umberto Eco nous donne la solution en indiquant que Belbo utilise aussi le geste. C'est ainsi que le peintre peut exprimer l'inexprimable dans le regard de ses personnages. Jonathan Richardson note cela dans son Essay on the Theory of Painting, qui date de 1715; il admire la manière dont un peintre italien a exprimé la douleur de la Vierge, en dissimulant son visage: «[He] has finely express'd the Excessive Grief [of] the Virgin by intimating 'twas otherwise Inexpressible: Her Attendants discover abundance of Passion and Sorrow in their Faces, but Hers is hid by Drapery held up by both her Hands.»2 La littérature sur l'expression des passions est abondante pendant toute la période baroque, mais c'est toujours de gestes ou d'expressions du visage qu'il s'agit; jamais, et pour cause, de regard. Si Hogarth était bien au courant de ces traités, sa conception l'éloignait beaucoup de la peinture baroque: c'est par le mouvement qu'il voulait montrer les sentiments de ses personnages, et non par le geste.5 Le geste baroque est arrêté et, dans de nombreux cas, figé; il donne souvent dans ce que Hogarth appelait «the grand stile of History,» une impression de grandiloquence; c'est le geste