L'Espace Géographique, n° 1, 1986, p. 17-23. Doin, 8, place de l'Odéon, Paris-VF.
LA RENTE OU LA VALEUR L'ECOLE ENTRE DEUX GEOGRAPHIES
Jacques LEVY
CNRS/Université Paris-X
FRANCE
GEOGR. (ENSEIGNEMENT) SCIENCES SOCIALES
FRANCE
GEOGR (TEACHING) SOCIAL SCIENCES
RESUME. — Bien des appréciations sur l'école oublient trop facilement de resituer les problèmes actuels dans l'histoire récente, marquée par une incontestable et massive élévation culturelle. Rejetant sans équivoque son ancien rôle, subordonné à celui de l'histoire, de diffuseur des grands mythes nationaux, la géographie peut réfléchir aux conditions d'une véritable correspondance entre recherche scientifique et matière enseignée; cela suppose que les géographes renoncent à d'encombrants « privilèges » et, assumant pleinement la démarche de la didactique, réfléchissent aux objectifs conceptuels qui leur sont spécifiques parmi les sciences sociales, ainsi qu'aux moyens d'en assurer l'appropriation par les élèves des différents niveaux.
ABSTRACT. — Rent or value : school in between two geographies. — In many statements on school one forgets too easily to set contemporary problems within the recent history which has been characterized by indisputable cultural mass progress. Turning undubiously away from its previous role in relation with history of heralding great national myths, geography can study the conditions of a true commitment between scientific research and educational process; it means for geographers to renounce their cumbersome « privilege » and that fully assuming the didactic approach they reflect on conceptual objectives specific to their own discipline among social sciences and how they can assure its appropriation by pupils at different stage of knowledge.
Lorsque, à un moment donné, le débat public s'empare d'une question, celle-ci bénéficie du même coup d'une importante valorisation sociale; elle risque aussi de voir certains de ses éléments enflés, déformés et finalement rendus méconnaissables. C'est particulièrement vrai pour l'enseignement de la géographie, entraînée avec l'histoire dans des discussions et des polémiques qui ne conservent pas toujours la sérénité nécessaire. Comment s'en étonner ? Derrière les « coups de sang » présidentiels sur l'enseignement de l'histoire, et les « leçons » de M. Chevènement sur l'école élémentaire il y a inévitablement toutes les passions qui entourent les débats sur l'école et l'éducation en général. Cententons-nous donc d'abord de rappeler quelques données qui seraient de simple bon sens, si ce dernier était aussi bien partagé qu'on a pu le dire.
1. Raison garder
Si l'on veut savoir de quoi l'on parle, il faut d'abord éviter de mythifier, dans un sens ou dans l'autre, le système éducatif. Lorsque l'on compare ce que, pour simplifier, on pourrait appeler « l'école de la Troisième République » et l'école actuelle, il faut se souvenir qu'un système d'éducation constitue la réponse à une demande sociale donnée : l'évaluation qu'on peut faire de ce système est nécessairement relative à un rapport offre/ demande bien situé dans l'histoire. Ainsi, si l'on parle aujourd'hui d'« échecs scolaires », c'est que l'école joue un rôle beaucoup plus important qu'autrefois dans la mise en place de la division du travail. Une partie de ce qui était exclusion s'est
Jacques LEVY
CNRS/Université Paris-X
