LA PERCEPTION DE L'ESPACE URBAIN :

DE L'ENFANT A L'HOMME

Les villes sont trop vastes pour que le citadin y trouve un espace à sa dimension : en général, il n'entretient d'étroits rapports qu'avec une fraction de la masse urbaine, qu'il appelle communément son quartier. C'est là son « environnement », son milieu de vie, auquel il s'assimile ou refuse de s'intégrer; un paysage et une ambiance qui lui plaisent ou lui déplaisent; un espace plus ou moins vaste, qu'il connaît assez bien, par opposition à ce qui s'étend au-delà, qu'il ne fréquente guère et connaît donc mal .

Notre recherche a pour but de préciser les caractères socio-géographiques de ces quartiers, conçus non comme des unités administratives mais comme des espaces urbains vécus et appropriés, découpés au sein des villes par chaque individu en fonction de ses occupations ou de son tempérament. Déjà, tant en France que dans les pays anglo-saxons, cette notion a suscité bon nombre d'études de sociologues ou d'urbanistes, d'économistes et, dans une moindre mesure, de géographes, chacun s'appliquant à cerner au plus près, avec les ressources et les méthodes propres à sa science, une réalité difficile à saisir, faite de nuances et de diversité. L'originalité de notre approche réside dans le champ et. les méthodes d'enquête, la mise au point de procédés de traduction quantitative et de représentation cartographique de ces espaces de vie propres à chaque citadin.

Nous avons concentré notre enquête sur les enfants et les adolescents pour plusieurs raisons. Tout d'abord, représentant pourtant une large part de la population urbaine, les jeunes, au pouvoir d'achat aux moyens et d'expression réduits, n'ont jusqu'à présent guère préoccupé les chercheurs. Nos premiers résultats montrent cependant que, chez les jeunes, la

tion de l'espace urbain s'émancipe très tôt du cadre de pensée familial, s'organisant en fonction de motivations qui leur sont propres et qu'on ne saurait négliger. Par ailleurs, nous avons postulé qu'étudier la perception de l'espace urbain en fonction de l'évolution même de l'enfant à l'adolescent puis à l'adulte, nous conduirait sans doute à mieux appréhender cette notion de quartier chez l'adulte, qu'une précédente analyse à Boulogne-Billancourt (1) avait révélée infiniment complexe, en raison d'un éventail plus large des facteurs structurants : ressources familiales, niveau culturel, types d'activités professionnelles, éloignement des lieux de résidence et de travail, etc.

A ce domaine de recherche particulier qu'est l'enfance, il a fallu adapter nos méthodes d'investigation; nous avons, avec l'aide d'enseignants, établi un questionnaire à base de rédactions et de dessins, du type : « décrivez votre quartier », « dessinez votre quartier », convenant à tous les niveaux scolaires et permettant aux sujets de s'exprimer librement. D'autres questions précises, concernant les caractéristiques des sujets, nous ont fourni les renseignements indispensables aux fins de corrélation. Du cours moyen aux classes terminales, nous avons ainsi réuni près de 1 700 enquêtes provenant d'établissements primaires et secondaires de Paris ou de divers types de communes de banlieue.

Nous procédons aujourd'hui à l'analyse de cette masse documentaire. Notre approche géographique