UN BROUILLON DU XII« S. : L'AUTOGRAPHE DE GEOFFROY D'AUXERRE
Le cinquième livre de la Vita prima sancti Bernardi Claraevallensis est aussi la dernière partie authentique de ce texte hagiographique, dans l'histoire duquel lui revient une importance particulière. Du vivant de S. Bernard, Guillaume de Saint-Thierry (f 1148) écrivit le 1er livre. Le second fut rédigé par Ernaud de Bonneval, peu après la mort de l'abbé de Clairvaux, donc après 1153. Ensuite on demanda au cistercien Geoffroy d'Auxerre, jadis secrétaire de S. Bernard, d'achever cette Vie. En 1155 celui-ci rédigea les 3e, 4e et 5e livres. Approuvés par une commission d'évêques et d'abbés, ces cinq livres formèrent la première version (recension A) de la Vita prima.
Il est probable que Geoffroy fut invité à composer la suite des deux premiers livres, parce que, déjà, il avait raconté les derniers mois et la mort de Bernard dans un opuscule envoyé, avec une lettre-dédicace, à Eskil, de Lund en Suède. On comprend ainsi qu'il ait ensuite retravaillé ce récit pour en faire le 5e livre de la Vita (1).
Il est aisé de suivre ce travail de transformation du récit adressé à Eskil, car nous avons conservé le ms. du premier état de ce travail. Connu comme « l'autographe de Geoffroy d'Auxerre » (2), il est conservé à Paris dans le ms. B.N., lat. 7561, p. 65-87 (p. 66 double; format 188 x 138 mm) (3). Ces pages ne portent aucune indication de provenance, mais tout prouve sont sorties du scriptorium de Clairvaux.
Ce texte est un brouillon uniquement destiné à permettre de remanier le récit envoyé à Eskil : pour cette raison, on l'a entouré d'une large marge et de grands espaces blancs au-dessus et au-dessous du texte; la p. 78 fut même laissée blanche en grande partie en vue des additions ultérieures qu'elle devait recevoir. Aussi ce document constitue-t-il un cas privilégié, peut-
(1) Ce livre est édité dans P. L., 185, 351-368. L'enquête dont une partie des résultats est présentée ici a été entreprise grâce à un subside octroyé par l'Organisation néerlandaise pour le de la recherche scientifique (Z.W.O.).
(2) II fut désigné comme tel par G. Hùffer, Der heilige Bernard von Clairvaux, Munster 1886, et par E. Vacandard, L'histoire de S. Bernard, Critique des sources, dans Revue des Questions XLIII (1888), 337-389 ; le même auteur résuma ce dernier exposé dans sa Vie de S. Bernard, Paris, 1903, I3, p. XIX-IXL. Nous préparons une étude d'ensemble sur l'histoire du texte de la Vita prima.
(3) Ce ms avait déjà été connu de G. Waitz, qui publia dans les Mon. Germ. Hist, Scriptores, XXVI, (1882), 93, une édition partielle de la Vita prima. Hùffer et Vacandard ont cru à tort et, semble-t-il, à la suite de Waitz (cf. infra, n. 9) que le texte et les corrections étaient de la même main ; J. Leclergq, dans Etudes sur S. Bernard et le texte de ses écrits, (Analecta S. O. Cist. IX, t. II, 1953, 81-83), souligna l'intérêt et l'importance de ce ms et indiqua qu'il comportait des corrections de la main de Geoffroy. Le cas est relativement rare, et dans Recherches sur les sur les Cantiques de S. Bernard, Y, dans Rev. bénéd., LXVI (1956), 83, J. Leclercq montre qu'en réalité on voit, dans ce ms et ses corrections, « le travail de tout un milieu ». La présente étude a été entreprise à l'instigation et avec l'aide de D. Jean Leclercq ; qu'il en soit ici remercié.
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