FINIR AVEC LES
ANDRE MICOUD
"Les termes d'animaux nuisibles ou malfaisants ne répondent plus à la sensibilité et aux connaissances biologiques actuelles/' ]
ette phrase, dans toute sa concision, résume exactement l'état de la situation, sinon consensuelle, du moins fortement dominante, sur ce qu'il convient de penser aujourd'hui quant au problème des animaux dits "nuisibles". L'expérience que nous avons pu acquérir au cours de la recherche à laquelle s'adosse cet article vient confirmer, s'il en était besoin, le caractère très pregnant de cette nouvelle représentation2. Combien de fois en effet, présentant notre travail comme une analyse de l'évolution de la notion d'animal nuisible, ne nous a-t-il pas été promptement objecté qu'il ne fallait plus dire "animal nuisible" ! Nous fûmes alors dans l'obligation d'expliquer à chaque fois que c'était bien précisément sur les raisons de cet interdit que portait notre recherche. La répétition systématique de ces situations - qui n'étaient donc plus anecdotiques - devait nous éclairer peu à peu sur les conditions mêmes de démarrage de ce travail. Il faut pour cela faire un petit rappel.
Le titre initial de notre proposition de recherche au ministère de l'Environnement comportait le mot nuisible : "Recherche sur l'évolution de la notion d'animal nuisible". Or, il nous a fallu le remplacer par une expression que nous avons alors
découverte, celle d'"animal localement et momentanément proliférant". Notre première proposition avait circulé dans les bureaux du ministère et, de l'un d'eux, était revenue cette injonction à laquelle nous nous sommes rendus. Le souci d'éradication du terme "nuisible", que nous allions rencontrer tout au long de ce travail, y était en fait présent dès le début !
En finir avec l'emploi d'un mot
C'est donc ce fait, celui de l'impossibilité de pouvoir employer un mot hier encore habituel, l'animal nuisible, que nous avons choisi comme point de départ. Fait de langage donc, mais pour autant bel et bien réel, et par lequel s'atteste le passage en cours d'une représentation à une autre. Les protecteurs de la nature, quant à eux, se battent depuis longtemps pour que ce terme n'apparaisse plus dans les textes officiels. Dans une lettre adressée au préfet du Rhône, plusieurs associations "qui regroupent de nombreux scientifiques, naturalistes ou simples amis de la Nature" demandaient en 1979 "que la notion de nuisible soit supprimée des textes et arrêtés préfectoraux réglementant la chasse au niveau départemental"3. À la même époque, dans Le Chasseur français et sous le titre "Les animaux dits nuisibles", M. Henriot écrivait : "Cette appellation est encore
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/. Rapport de M. Georges Colin, député de la Marne, sur la modernisation du droit de la chasse et de la faune sauvage, remis à Mme Huguette Bouchardeau, ministre de l'Environnement, le 16 septembre 1985 : 122.
2. Production et diffusion des normes de régulation de la faune sauvage en France : le cas du piégeage ", PIREN/CNRS, rapport de synthèse, juillet 1990.
3. In Rhône-Alpes Nature, bulletin interne du COSYLO (FRAPNA), n° 3, mars 1979.
Études rurales, janvier-juin 1993, 129-130 : 83-94
