LUDOMILIS

La conversion en profondeur : un processus sans fin

La conversion géographique

Le christianisme est caractérisé par son prosélytisme. Pour s'insérer dans les structures sociales et dans les institutions d'une civilisation donnée il doit agir sur deux plans : — vaincre ou anéantir la religion ; — imposer ses propres valeurs. En partant de l'idée de sa supériorité, les fins légitiment les moyens : on convainc si on peut, on force si on doit.

Si on projette ces considérations sur la réalité historique de la fin de l'Antiquité et du début du Moyen Age dans nos régions, on retient l'image suivante. Une première vague de christianisation a eu lieu au quatrième siècle comme un témoin de la romanisation : par exemple la mention de saint Servais comme évêque de Tongres. Elle indique la direction sud-nord de l'influence, déterminée par le Rhin et les autres fleuves parallèles et par le réseau routier. Or la question se pose dans quelle mesure ces premières communautés chrétiennes ont survécu aux invasions germaniques. La réponse semble plus positive qu'on ne l'a cru longtemps. Les fouilles ont permis de porter à la surface des objets à caractère chrétien. D'autre part il y a quelque minces indices écrits, qui confirmeraient la mention (tardive) de la Vie de saint Eleuthère, d'une communauté chrétienne à Tournai à la fin du cinquième siècle1. Une seconde christianisation a pourtant dû avoir lieu. Elle se situe au sixième et au septième siècles. Son implantation fortement rurale correspond avec le déclin de la vie urbaine. On trouve certainement des noms d'évê- ques au sixième siècle (comme saint Géry à Cambrai), mais ce n'est

REVUE DU NORD - TOME LXVIII - N°269 - AVRIL-JUIN 1986 - PP. 487 À 498