NOBLESSES EUROPÉENNES
LES NOBLESSES DU SAINT-EMPIRE DU MILIEU DU XVIe AU MILIEU DU XVIIIe SIÈCLE
L'étude des noblesses allemandes à l'époque moderne a de quoi dérouter. A l'image du Saint-Empire lui-même, elles offrent en effet un spectacle de diversité — pour ne pas dire de confusion — qui a souvent conduit les historiens à fixer leur regard, par une téléologie plus ou moins consciente, sur la seule aristocratie prussienne des Junker. Cette noblesse des marches de l'est n'a pourtant joué qu'assez tardivement un rôle majeur et, à l'instar de ses homologues d'autres régions, elle restait de toute façon profondément insérée dans les institutions de l'Empire. C'est ce cadre impérial qui doit inciter à conserver, malgré le foisonnement des cas particuliers, une vision globale des noblesses du Saint-Empire moderne. En effet, la dissémination des statuts et le cloisonnement des groupes ne sont pas les signes d'un échec de l'Empire. Ils révèlent plutôt la nouvelle forme qu'il prit alors, caractérisée par le souci de maintenir par le droit un équilibre entre l'Empire et l'Empereur, entre les unités territoriales (principautés et autres) et entre les forces internes à chaque territoire. La diversité et le contrepoids, véritables principes constitutionnels du Saint-Empire, ne sont pas un obstacle, mais bien une clef pour comprendre l'aristocratie allemande.
La noblesse demeurait en effet définie par l'Empire1. En droit, seul l'Empereur pouvait faire des nobles. En outre, la stratification des noblesses se calquait sur les institutions impériales, qui plaçaient au sommet de la hiérarchie la haute noblesse d'Empire, c'est-à-dire les princes (archiducs, ducs, princes d'Empire, landgraves, margraves, etc.) et les comtes d'Empire, disposant de la puissance territoriale et d'une voix dans le Collège des princes au sein de la Diète d'Empire2. Venaient ensuite les noblesses impériales mineures, qui comprenaient les princes ou comtes d'Empire à titre personnel mais sans puissance territoriale, les chevaliers d'Empire qui n'étaient vassaux
1 . Face à une bibliographie souvent lacunaire, mais foisonnante et morcelée, on ne citera dans les notes que ce qui semble être le minimum nécessaire pour tel exemple précis. La collection « Enzyklopàdie deutscher Geschichte » offre des synthèses rapides suivies de bibliographies très étendues. Trois titres concernent le sujet : avant tout Rudolf Endres, Adel in der frùhen Neuzeit, Munich, Oldenbourg, 1993, mais aussi Rainer A. Mûller, Der Furstenhof in der frùhen Neuzeit, Munich, Oldenbourg, 1995 et Helmut Neuhaus, Das Reich in der friihen Neuzeit, Munich, Oldenbourg, 1997.
2. Voix dite virile lorsqu'elle revenait à un seul prince, curiale lorsqu'une seule voix était attribuée à un groupe, comme c'était le cas par exemple pour les deux, puis quatre collèges des comtes d'Empire, ou pour les princes-prélats de Souabe.
Revue d'histoire moderne et contemporaine, 46-1, janvier-mars 1999.
