LES MINISTÈRES DE LOUIS-PHILIPPE

La Restauration n'avait pas constitué, n'avait pas même conçu en dehors de Benjamin Constant, le pouvoir ministériel ; dans un régime de souveraineté royale, dans lequel la Charte avait défini limitativement les pouvoirs concédés à la nation, les ministres ne pouvaient être que les instruments par lesquels le monarque exerçait le gouvernement. Si la paresse de Louis XVIII et le rôle d'orienteur de la politique générale et d'arbitre suprême entre les hommes et les situations, auquel il bornait la fonction royale, avaient abandonné, quelques années, avec le pouvoir administratif l'essentiel du pouvoir politique aux mains des ministres, Charles X avait progressivement repris la direction, joué le rôle de président du Conseil dont le titre avait disparu depuis Villèle (sauf qu'on le fit théoriquement revivre en novembre 1829 pour éliminer La Bourdonnaie), travaillé directement avec le ministre spécial aux affaires de son département, pris au besoin (comme pour l'expédition d'Algérie) des décisions en dehors du Conseil ou malgré lui. Par une évolution régressive, on était plus loin que jamais en 1830 du ministère organe d'action collectif et solidaire, indépendant du sou¬ verain, à plus forte raison recevant son impulsion des Chambres. La composition des ministères reflétait cette conception : toujours ils avaient compris, parfois aux postes essentiels, des hommes extérieurs à la politique, étrangers aux Assemblées ; sur $4 personnes qui avaient dans les quinze ans tenu un portefeuille, 15 seulement avaient été des députés et dans le ministère Polignac 4 — et encore peut-on appeler Polignac un homme politique ? — étaient des politiques sur les 12 qu'il avait contenus ; les autres étaient des fonctionnaires. Le ministre ne pouvait naître que lorsque la Révolution de Juillet aurait éliminé tout principe de souveraineté personnelle.

Le régime renversé laissait pourtant derrière lui quelques faits et quelques usages. Le cadre s'était fixé à 7 portefeuilles — car le titre de ministre des Travaux publics qu'on avait donné au baron Capelle en mai 1830 ne doit pas faire illusion, il ne correspondait pas à un département et n'avait de raison que d'introduire en vue des élections