Eugen WIRTH

ALEP ET LES COURANTS COMMERCIAUX ENTRE L'EUROPE ET L'ASIE DU XIIe AU XVIe SIÈCLES

Le rôle et l'importance des grandes métropoles commerciales du Proche-Orient islamique ont changé fortement du haut Moyen Age jusqu'à la fin du Moyen Âge. A cet égard ils sont bien comparables aux grands centres du commerce de la Méditerranée Européenne. En principe, c'est le même trafic intercontinental et le même commerce mondial médiéval qui relient Venise et Gênes, Barcelone et Marseille, Florence et Livourne du monde occidental chrétien avec Salonique et Brousse, Alep et Damas, Alexandrie et Tripoli/Libye du monde oriental islamique. L'échange des marchandises et le contact personnel des marchands ont entraîné des développements économiques et sociaux comparables.

Dans les périodes florissantes de commerce avec l'Orient, l'importance économique de Damas et d'Alep par exemple peut très bien être comparée à celle de Venise et de Gênes : à l'instar des villes portuaires du nord de l'Italie — qui d'un côté achetaient et fabriquaient des marchandises et de l'autre les transportaient au-delà des mers afin de les revendre — les marchands de Damas et d'Alep ne se bornaient pas seulement à acheter et revendre des marchandises; ils dirigeaient une vaste industrie, et ils organisèrent en plus un système très étendu de transports par terre. Celui-ci était même beaucoup plus difficile et dangereux que le trajet en Méditerranée; il traversait les déserts et les steppes du Proche-Orient et atteignait la Mecque, Bagdad, l'Anatolie orientale et l'Iran, ou les côtes du Golfe Per- sique où les marchandises étaient embarquées à destination de l'Inde et de l'Extrême- Orient. Le commerce par caravanes à travers les déserts du Proche-Orient rapportait en conséquence à peu près la même chose que le trafic maritime en Méditerranée.

Leur situation géographique et leur fonction ont fait d'Alep et de Damas pour

RE.M.M.M. 55-56, 1990/1-2