Revue Européenne des Migrations Internationales, 1997(13) 1 pp. 125-147 125
Les Indonésiens en Arabie Saoudite pour la foi et le travail
Laurence HUSSON'
En 1991, puis en 1993, lors de mon étude sur les migrations des Madurais vers l'est de Java1, j'avais recueilli les récits de vie d'une dizaine de Madurais ayant, outre leur séjour à Java, eu une expérience personnelle de travail et de vie en Arabie Saoudite, et rencontré une dizaine d'autres personnes bénéficiant de l'aide financière d'un parent « sous contrat » dans la péninsule arabique2. Migrants et parents de migrants avaient tous mis en avant deux motivations majeures à cette expatriation temporaire : l'intérêt financier et surtout la possibilité d'effectuer le had].
Il faut d'emblée préciser que même si l'Indonésie est statistiquement parlant, le premier pays musulman du monde3, l'islamologie classique a longtemps qualifié l'islam indonésien de « périphérique ». Or, ainsi que le souligne l'orientaliste D. Lombard :
* Géographe, 9, rue Pinel, 93200 Saint-Denis, France.
1 Husson (L.), La Migration maduraise vers l'est de Java, L'Harmattan, Paris, 1995. Dans cet ouvrage, j'ai étudié la migration du troisième groupe ethnique indonésien (15 millions d'individus, dont seulement 2,5 millions sur l'île d'origine) sur le temps long, du XIIIe siècle à nos jours.
2 D'une façon générale, je m'étais rendu compte que ces personnes possédaient des biens matériels — des signes extérieurs de richesse — que leurs voisins n'avaient pas : télévision, vidéo, équipement hi-fi, motos, tableaux de La Mecque et que bien souvent ils étaient leur propre patron. Ces migrants avaient travaillé sous contrat (un, deux, ou trois ans), soit comme chauffeur ou employé du bâtiment pour les hommes, soit comme domestique pour les femmes. Ce séjour dans les pays du Golfe leur avait permis d'effectuer le pèlerinage à La Mecque. De plus, ils avaient tous également été en mesure d'aider financièrement des parents restés sur place.
3 Quelque 87 % des 190 millions d'Indonésiens se déclarent musulmans et le pays compte une mosquée pour 554 habitants contre une pour 2 280 habitants en Algérie (A. Feillard, « L'Islam indonésien », Perspectives indonésiennes, Paris, 1995 : 46).
