Chronique : Politique et jurisprudence concurrentielles
Michel GLAIS
Professeur Université de Rennes I
LA JURISPRUDENCE RÉCENTE
(ARTICLES 85 ET 86)
DE LA COMMISSION EUROPÉENNE
DE LA CONCURRENCE À L'ÉPREUVE
DE LA THÉORIE ÉCONOMIQUE
Au cours de ces dernières années, la Commission Européenne de la Concurrence a continué, conformément à l'une de ses principales missions, à réprimer avec la plus grande sévérité les concertations ayant pour objectif (et effets) de créer des conditions artificielles de marché favorables à des hausses de prix (par exemple, affaires : Verre Plat Italie, JOCE L.33 4/2/89 ; PVC-PBED, JOCE L. 74 17/3/89 ; Treillis soudés, JOCE L. 260, 6/9/89 etc.). Sur le plan de l'analyse économique, il n'est pas sans intérêt de constater que nombre de ces accords ou pratiques concertées se sont manifestées sur des marchés présentant des caractéristiques structurelles particulières : produits intermédiaires à demandes dérivées pour lesquelles les élasticité-prix de la demande totale de marché sont faibles, indivisibilités techniques de production, coûts fixes élevés, fluctuations conjoncturelles ou baisses tendancielles des demandes... autant de caractéristiques qui réunies conjointement constituent de fortes incitations à l'adoption de comportements restrictifs de concurrence (M. Glais — Ph. Laurent 18).
Tout en étant consciente des difficultés subies par certaines des entreprises concernées (PEBD, par exemple) et tout en reconnaissant que certaines initiatives communes en matière de prix étaient uniquement prévues pour maintenir un alignement sur la hausse de prix des matières premières, la Commission s'en est tenue à sa jurisprudence selon laquelle de telles considérations n'enlèvent rien au fait que de tels accords poursuivent des objectifs visant à substituer au libre jeu des forces concurrentielles une collusion institutionnalisée et systématique entre les producteurs.
Conformément aux thèses soutenues par J. Stigler, il y a près de trente ans, l'analyse des différentes affaires soumises à l'appréciation des autorités concurrentielles communautaires démontre, une fois encore, la fragilité de telles ententes ainsi que la nécessité pour leurs promoteurs d'adopter des clauses contractuel-
REVUE D'ÉCONOMIE INDUSTRIELLE — n° 56, 2e trimestre 1991 101