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UNE STATUE ANTIQUE DE SILVAIN-SUCELLUS À JAVOLS
(LOZÈRE)
Jean-Claude BEAL, Pierre PEYRE
Le village de Javols, à 29 km au nord-ouest de Mende, recouvre partiellement une ville antique beaucoup plus importante, capitale du peuple des Gabales, sur un plateau granitique entre les Monts d'Aubrac et la Haute-Margeride. Les fouilles s'y succèdent depuis plus de deux siècles, et récemment encore, de 1969 à 1978, plusieurs campagnes de fouilles ont permis à l'un d'entre nous (P.P.) de mettre au jour un quartier d'habitat au nord-ouest du site antique, entre l'église et le cimetière actuels (1).
La statue qui nous occupe ici a été découverte en 1969, brisée, dans un niveau archéologique de la seconde moitié du ne s. de notre ère, dans l'ensemble I, à proximité de son mur septentrional (voir les fig. 2-3). Elle avait d'abord été considérée comme une statue de Bacchus (2).
Matériau et état
La statue est en grès rouge, traversé d'une veine blanche d'épaisseur irrégulière. Il paraît s'agir d'un grès du Rouget, lieu-dit sur la commune de Saint-Alban-de-Limagnole (Lozère), à une dizaine de kilomètres de Javols. Ce grès rouge a été largement employé aux époques médiévale et moderne ; nous n'en connaissons pas d'autre exemple antique en Lozère ; le grès est en revanche employé dans la statuaire gallo-romaine et préromaine du Rouergue voisin (3).
(1) Sur les fouilles et le site de Javols, voir P. Peyre, Les fouilles de Javols, Revue du Gévaudan, des Causses et des Cévennes, 1969, p. 33-62 (avec bibliogr. antérieure); G. Barruol, Informations Archéologiques, Circonscription de Languedoc-Roussillon, Gallia, XXIX, 2, 1971, p. 402-404, puis XXXI, 2, 1973, p. 513-4, XXXIII, 2, 1975, p. 527-8, XXXVI, 2, 1978, p. 458-9, XXXVIII, 2, 1979, p. 549-50; P. Peyre, Les eaux de Javols, Revue du Gévaudan, des Causses et des Cévennes, 1982, 4, p. 23-39.
(2) Aussi est-elle mentionnée comme telle dans les publications antérieures à celle-ci. Voir en dernier lieu D. Fabrié, Lieux de culte et divinités gallo-romaines en Lozère, 110e congrès national des Sociétés savantes, Montpellier, 1985, p. 264; l'auteur parle de la parenté iconographique entre certaines représentations de Sucellus et celle du « Bacchus de Javols », et, sans renoncer à cette dernière identification, évoque une possible « contamination entre le dieu italique et la divinité celtique », celui-là ayant pu être « honoré sous des traits proches d'une divinité locale ».
(3) Voir par exemple Espérandieu, Recueil... II, n° 1636 et 1639 (grès rouge, d'une autre provenance bien sûr); d'autres grès sont employés en Rouergue : Ibid., n° 1632-3, 1635, 1638, 1646, etc.; le grès est aussi travaillé chez d'autres voisins des Gabales, les Arvernes, par exemple {Ibid., II, n° 1603, 1606, 1619, 1625), qui travaillent en outre l'arkose {Ibid., II, n° 1609, 1622), ou les Vellaves {Ibid., II, n° 1649 et suivants : utilisation intensive de la « pierre de Blavozy » dans la région du Puy-en-Velay). En Lozère même, certaines des statues trouvées à Ron de Gleiso (commune de La Canourgue) sont en grès : voir G. Barruol, Informations archéologiques, Circonscription de Languedoc-Roussillon, Gallia, 1969, XXVII, p. 413.
Revue Archéologique de Narbonnaise, 20, 1987, p. 349-368.
