Lectures à « l'eau de rose »
Femmes, patriarcat et littérature populaire*
Janice A. RADWAY
Publié en 1984 aux Etats-Unis, l'ouvrage de Janice Radway, résultat d'une enquête sur les lectrices et lectures de romans « roses », est reçu par les chercheurs du courant britannique des Cultural Studies comme une importante contribution à cette tradition de recherche. Cette parenté, qui ne sera revendiquée par l'auteur que quelques années plus tard, est perceptible à un triple niveau. Reading the Romance partage d'abord avec nombre d'études culturelles un intérêt pour les pratiques culturelles peu légitimes, intérêt qui a suscité des travaux aujourd'hui classiques sur des programmes télévisés et leurs publics, et notamment leurs publics féminins1. Ensuite, J. Radway qui définit les pratiques de loisir comme un lieu où « l'opposition entre culture populaire et culture dominante est à la fois perpétuée et contestée2 », s'inscrit dans la perspective critique des Cultural Studies qui conçoivent la culture comme un espace de tension entre « domination » et « résistance3 ». Enfin, par le choix d'une méthode d'inspiration ethnographique, J. Radway assume sinon une rupture, du moins une distance avec la tradition littéraire ou sémiologique d'étude purement interne des « textes » (à l'instar de fondateurs du courant qui, tels S. Hall
* Ce texte est la traduction de la conclusion de Radway (J. A.), Reading the Romance. Women, Patriarchy and Popular Literature, Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 1991 (l'° édition 1984), p. 209-222.
1. Cf. notamment Hobson (D.), Crossroads : The Drama of a Soap Opera, Londres, Methuen, 1982 ; Ang (I.), Watching Dallas : Soap Opera and the Melodramatic Imagination, London, Methuen, 1985 ; Brown (M. E.), ed., Television and Women's Culture, Londres, Sage, 1990.
2. Radway (J. A.), « Reception Study : Ethnography and the Problems of Dispersed Audiences and Nomadic Subjects », Cultural Studies, 2 (3), 1988.
3. Cf. Mattelart (A.), Neveu (E.), « Cultural Studies Stories. La domestication d'une pensée sauvage ? », Réseaux, 80, 1996.
Politix. Volume 13 - n° 51/2000, pages 163 à 177