RAP - n° spécial 22 - 2005, Bernard Lambot, La tombe à char d'Évergnicourt (Aisne) "Le Tournant du Chêne'
LA TOMBE A CHAR D'EVERGNICOURT (AISNE) "LE TOURNANT DU CHÊNE"
Bernard LAMBOT * avec la collaboration de Patrice MÉNIEL **
Présentation de la tombe
Le site du "Tournant du Chêne"
La sépulture d'Évergnicourt (Aisne), lieudit "Le Tournant du Chêne", a été découverte au début du mois de juillet 1994 lors d'une prospection aérienne, dans un champ de pois protéagineux. Une grande fosse quadrangulaire se distinguait nettement en jaune sur le fond vert des légumineuses, au centre d'un enclos circulaire d'une vingtaine de mètres de diamètre (1). L'étroitesse du fossé et la remarquable visibilité de la tombe sont typiques, sur ces plateaux calcaires de Champagne, d'une forte érosion (2) et généralement d'un pillage plus ou moins récent (cf. note 3 et fig. 1).
Quelques jours après sa découverte, le relevé précis de son emplacement révélait une position aberrante pour la période de La Tène ancienne, datation retenue habituellement pour ce type de sépultures. Un plateau étroit domine le cours de l'Aisne à son extrémité sud. À son point culminant, 106 m au lieudit "Le Grand Caillou", plusieurs structures ont été photographiées, témoignages d'une probable nécropole du début du second âge du Fer, installée canoniquement sur le flanc est des reliefs (4). C'est à 500 m environ de ce lieu, à l'ouest, en bas du versant, que se trouve la tombe du
* Membre associé UMR 8546, CNRS, ENS, Paris CRAVO, 21 rue des Cordeliers, F - 60200 COMPIÈGNE
** CNRS - UMR 5594, Bibracte La grilletière F-89540ESCAMPS
"Tournant du Chêne". Cette position est d'autant plus anachronique qu'elle se trouve à quelques dizaines de mètres d'une vallée sèche encaissée "La Petite Vallée". En face, le plateau calcaire "Les Belles Vues" est entaillé par une autre vallée sèche dans le sens ouest-est, "Le Fond d'Orgeval", qui vient aboutir dans "La Petite Vallée", au lieudit "Les Pertes", pratiquement devant la sépulture (fig. 2). Cette position particulière, aberrante si l'on se réfère à la majorité des emplacements des tombes à char de Champagne, conduisait à envisager une datation plus récente, de La Tène finale, en référence à plusieurs cas connus régionalement. Marqueur territorial évident, quelle que soit sa datation, cette sépulture méritait un examen.
(1) - Les pois sont de remarquables révélateurs des structures archéologiques fossoyées lorsque la saison n'est pas trop humide. Il est facile, par la netteté des tracés, d'estimer les dimensions des structures en se reportant à l'écartement des roues des tracteurs et à l'écartement de leurs passages, très réguliers.
(2) - Cette eradication continue a été de nouveau constatée sur la nécropole de Thugny-Trugny (Ardennes) où, en une quinzaine d'années, la majorité des tombes a été totalement détruite (fouilles de 2002, B. Lambot).
(3) - Moins d'une dizaine de tombes à char de La Tène ancienne, fouillées dans la plaine crayeuse champenoise, ont été découvertes intactes. Toutes les autres, soit 200 environ (pour celles dont quelques informations nous sont parvenues) ont été pillées soit à la Protohistoire, soit à des périodes postérieures et jusqu'aux années 1960.
(4) - Pour ce que nous en connaissons, toutes les nécropoles de La Tène ancienne de Champagne, avec ou sans tombe à char, hormis celles installées en vallée, occupent les sommets des croupes calcaires ou le versant est ou sud- est des plateaux mais jamais le bas du versant ouest.
Fig. 2 - Évergnicourt (Aisne), situation topographique de la tombe à char.
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