PALEORIENT, vol. 14/2 - 1988
LE PALÉOLITHIQUE MOYEN DU TAURUS
A. MINZON1-DÉROCHE
L'étude du Paléolithique Moyen en Turquie est rendue particulièrement difficile par la rareté des données dont on peut actuellement disposer, et d'un autre côté par l'absence de datations — qu'elles soient fournies par des méthodes géostratigraphi- ques ou physiques. Peu d'efforts ont donc été faits pour intégrer ces maigres données à l'intérieur du cadre plus vaste du Paléolithique moyen du Proche-Orient. Il nous a donc fallu commencer par reprendre l'intégralité de la bibliographie en langue turque afin de dresser un état des connaissances (1). Dans le texte qui suit, nous nous limiterons à une discussion des industries provenant des gisements du Taurus ou de son piémont; on trouvera cependant sur le Tableau 1 certaines dimensions caractéristiques de l'industrie de la grotte de Tikali (2) dans le Hatay (région d'Antakya), à fin de comparaison avec celles des autres gisements.
Au Proche-Orient, deux types d'industries semblent se distinguer de manière nette : celui du Levant d'une part et celui du Zagros de l'autre. L'étude des gisements du Levant a bénéficié de l'intérêt ininterrompu qui lui a été porté de longue date; il n'en a pas été de même pour le Zagros dont l'étude s'est poursuivie sur un petit nombre d'années. Les données dont nous disposons pour les sites de cette dernière région ne sont donc pas aussi complètes que pour le Levant.
L'étude récente de quelques collections en Turquie permet de reprendre certains aspects du problème des différences entre des deux traditions et d'avancer l'hypothèse selon laquelle la tradition du Zagros serait plus exactement celle de l'ensemble Zagros-Taurus.
Différents travaux ont été consacrés à l'étude détaillée des industries du Paléolithique moyen du Levant et nous prendrons comme base les données
(1) Le dépouillement de la bibliographie en turc a nécessité une révision complète de tous les articles consacrés au Paléolithique. Il arrive en effet souvent que l'attribution chronologique des industries ne soit pas exacte. Ainsi, l'industrie des couches supérieures de la grotte de Karain avait été attribuée au Paléolithique supérieur alors qu'elle appartient en fait au Moustérien. (2) L'industrie de ce gisement est la seule qui ait fait l'objet d'une publication relativement complète (ÇENYUREK, 1959). La grotte de Merdivenli qui se trouve à faible distance de Tikali, a également livré du matériel du Paléolithique moyen, mais l'étude qui a été publiée reste trop imprécise (BOSTANCI, 1968). Grâce à la courtoisie d'E. BOSTANCI, j'ai pu avoir accès à une partie de la collection et prendre quelques notes sur la typologie et sur les rapports L/l et 1/e des pièces. Cette industrie offre des similitudes avec celle de Tikah et il est permis de considérer qu'elle appartient elle aussi à la « tradition du Levant ».
fournies par L. Copeland et par A. Jelinek (3). Encore devons-nous souligner que, pour mieux dégager les caractéristiques communes aux deux traditions que nous avons évoquées et rendre les comparaisons entre l'une et l'autre plus faciles, nous avons dû simplifier les schémas internes établis pour les différents sites du Levant; en outre, comme la technique Levallois est très peu représentée dans les assemblages du Taurus et que, de ce fait, une discussion détaillée à ce propos n'apporterait rien, nous n'avons pas fait intervenir dans cet exposé les distinctions qui prévalent pour les industries levantines.
Nous avons donc retenu, en ce qui concerne le Levant, les caractéristiques suivantes : — technique levallois bien représentée, qu'il s'agisse de pointes ou d'éclats; — diversification typologique de l'outillage qui comporte des grattoirs, des racloirs et des burins parmi d'autres types; — nombre important de lames prismatiques et tendance, à la fin du Paléolithique moyen vers un rapport 1/e indiquant un débitage mince. Pour le Zagros (4), les caractéristiques retenues sont : — technique levallois peu ou pas représentée (5), abondance de pointes mousté- riennes et de racloirs; — nucleus d'exhaustion abondants; — faible proportion ou absence de grattoirs et de burins; — forte proportion de pièces à retouche continue (6).
Description des collections lithiques de Turquie
Nous ne disposons que de trois collections : celles de Karain et de Kocapinar, dans la province d'Anta- lya; celle de Çakmaktepe, dans la province de Nigde. Ces industries ont été publiées séparément (7), mais pour en dresser le bilan, il sera
(3) COPELAND, 1975 et 1981; JELINEK, 1981 (4) SOLECKI, 1955; SKINNER, 1965; HOLE et FLAN- NERY, 1967; DIBBLE, 1984; MINZONI-DEROCHE, sous presse (5) Nous avons tenu compte des études récentes sur le débitage levallois (BORDES, 1980; COPELAND, 1983); cette technique est peu ou pas représentée dans les assemblages provenant du Taurus ou de Khorramabad. Le matériel de la grotte de Bisitun qui présente des caractéristiques différentes de celles des autres industries du Zagros, correspond peut-être, comme le suggère H. DIBBLE (1984 : 32) à une activité spécialisée qui avait lieu dans ce site précis. (6) Cette retouche qui est semi-abrupte et courte, ne justifie pas de ranger ces pièces parmi les racloirs. (7) KÔKTEN, 1955 et 1964, MINZONI-DEROCHE et YAL- ÇINKAYA, 1985, MINZONI-DEROCHE, sous presse.
Colloque Préhistoire Levant II Maison de l'Orient-Lyon 30 mai-4 juin 1988 Editions du CNRS, Paris, 1989
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