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A propos de la Révolution française. Réflexions sur l'événement exemplaire

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Page 183

MAURICE AGULHON

À PROPOS DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

RÉFLEXIONS SUR L'ÉVÉNEMENT EXEMPLAIRE

Le thème de ce Colloque nous fournit l'occasion de reprendre des réflexions nées de travaux plus anciens; nous nous proposons de parler de la sélection des dates mémorables dans le souvenir politique de la Révolution.

Par date mémorable on entendra celle d'événements, de faits qui émergent comme présumés les plus importants. Par souvenir politique, on entendra celui qui se perpétue par la propagande, la mémoire diffusée au travers des luttes et des controverses, ce qui peut s'opposer, ou en tous cas ne pas pleinement coïncider, avec celui des historiens de métier. Par Révolution enfin, la grande décennie 1789-1799, sans nous interdire quelques comparaisons avec d'autres séquences.

Mais restons d'abord pour un temps dans le problème général posé par les initiateurs du colloque. Qu'est-ce qui est événement? C'est évidemment d'abord ce qui se distingue de la trame normale les travaux et des jours. Par exemple une grève (quelconque) par rapport au travail quotidien s'il est habituellement calme; - ou bien une grève «dure», massive et tumultueuse, par rapport à un ensemble devenu usuel de grèves généralement bénignes.

Mais qu'est-ce qui fait l'importance de la distinction? est-ce l'importance matérielle de la chose elle-même (nombre de participants, etc.)? ou bien celle de ses conséquences? ces deux critères d'évaluation ne donnent pas forcément les mêmes résultats.

Comme événement brut, le mouvement étudiant de mai 1968 fait évidemment plus important (spectaculaire, insolite, extraordinaire) que le vote sur le référendum d'avril 1969 (opération institutionnelle paisible et même de routine). Cependant, comme conséquence, le résultat «NON» d'avril 69, en mettant un terme au rôle politique du général de Gaulle, a pesé plus lourd que mai 68, mouvement finalement rentré dans l'ordre, avec juste la loi Edgar Faure en plus. Ou alors il faudrait plaider que ce retour à l'ordre n'a été qu'apparence, que mai 68 a eu des effets indirects de long terme, et qu'il a même contribué à déterminer le résultat du vote d'avril 69. Mais ceci résulte de raisonnements, et non d'une évidence immédiate.

MEFRIM - 104 - 1992 - 1, p. 183-190.

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