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Asie du Sud-Est : émergence d'un modèle régional

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58 Matériaux pour l'histoire de notre temps, N° 45

Asie du Sud-Est : émergence d'un modèle régional

1 Association for South-East Asian Nations, également appelé en France ANSEA (Association des nations du Sud-Est asiatique) ou ANASE.

2 En 1995, l'Asie du Sud-Est regroupait 485 millions d'habitants, soit 100 de plus que l'Europe des Quinze.

3 Géographie Universelle, tome : Asie du Sud-Est Océanie, Paris, Belin-Reclus, 1995.

4 CON DOMINAS Georges, L 'espace social, à propos de l'Asie du Sud-Est, Paris, Flammarion, 1980.

5 Expression du géographe Elysée Reclus.

6 Les «familles» austroasiatique (ou môn- khmère), austronésienne (ou malayo-polynésienne), Thaï, Miao-Yao et sino-tibétaine.

7 LOMBARD Denys, Le carrefour javanais, essai d'histoire globale, Paris, EH ESS, 1990.

8 Géographie Universelle, op. cit.

La réussite de I 'ASEAN1, qui fête ses trente années d'existence en 1997, constitue l'un des faits marquants de l'histoire récente de l'Asie. Ressemblant au départ à un organisme de circonstance, elle a su à la fois imposer son existence et s'adapter à une conjoncture internationale on ne peut plus mouvante dans la région, et devenir une organisation régionale à part entière. Il ne s'agit certes pas d'une Union européenne bis plantée sur les bords du Pacifique : même si l'ASEAN représente une ensemble de même «volume» que l'Europe, en superficie et population2, même si elle est la seule organisation régionale de l'Asie orientale, elle n'en regroupe pas pour autant les principales puissances, Chine et Japon, et reste une organisation du «Sud». Mais elle fait déjà figure de modèle : d'abord en Asie du Sud-Est, dont elle regroupera à terme les dix États, après avoir été fondée par cinq d'entre eux seulement ; ensuite à l'échelle de l'Asie orientale, même si les problèmes s'y posent très différemment, parce qu'elle constitue pour tous le seul point de regroupement proprement asiatique ; enfin, peut-être, auprès d'autres régions du «tiers-monde», si cette expression a encore un sens, parce qu'elle sait faire taire les rivalités régionales et a réussi à s'imposer sur le plan international. Dans une région atypique, l'ASEAN s'en effet rassemblée sur la base de préoccupations stratégiques, même si elle tarde à se donner une certaine «épaisseur» économique.

Unité dans la diversité

S'il faut vraiment parler de modèle, le premier qui vient à l'esprit est celui de la diversité, qui ne milite pas en faveur d'un regroupement régional. Aucune autre région du monde, en effet, ne présente une aussi grande complexité, ne rassemble une gamme aussi large de langues, d'écritures, de religions, d'expériences historiques pour tout dire, et aussi aujourd'hui de niveaux de développement. Brassage des peuples, rencontre des grandes cultures, chinoise et indienne, musulmane et chrétienne, confrontation des empires coloniaux, qui s'y sont tous rencontrés, affrontement de «guerre froide» aussi, qui coupa la région en deux : tout cela est également constitutif de ce que l'on appelle aujourd'hui l'Asie du Sud-Est.

L'Asie du Sud-Est existe-t-elle autrement qu'à travers ces influences extérieures ? Les préhistoriens suggèrent une unité d'origine, pour avoir retrouvé dans presque tous les pays de la région les mêmes types d'objets en bronze, dont des tambours justement célèbres et de taille différente : ces «tambours de bronze» auraient été fabriqués au début de notre ère dans le nord de la région, à proximité de l'actuel Yunnan, riche en mines de cuivre et d'étain3. Les historiens rappellent aussi que, localement, de grands empires ont déjà rassemblé une partie au moins de ce que l'on appelle aujourd'hui l'Asie du Sud-Est : à l'époque de notre Moyen Âge, l'empire khmer s'étalait ainsi sur presque toute la péninsule indochinoise, des rivages du Pacifique à la basse-Birmanie. Mais l'entreprise ne fut pas durable et, finalement, aucune religion fédératrice, semblable au rôle qu'a pu jouer le christianisme en

Europe, aucun Napoléon non plus n'ont jamais tenté, ou réussi, d'unifier ces pays de «l'angle de l'Asie»4.

Georges Condominas parle néanmoins «d'une sorte d'unité dans la diversité qui caractérise cette région du monde»5. Les États, dans des proportions variables, sont tous polyethniques. Les majorités nationales (Birmans, Javanais, Viêts...) coexistent avec des minorités autochtones («montagnards») ou étrangères (Indiens, Chinois...). Partout, également, le peuplement des basses terres, occupées par les ethnies dominantes, s'oppose à celui des zones montagneuses. A l'arrière-plan de ce morcellement humain, la variété est extrême sur le plan linguistique. Regroupées en cinq grandes familles6, les langues se croisent et s'enchevêtrent à toutes les échelles. Les écritures elles-mêmes, au delà de la diversité des langues nationales, ne sont souvent pas les mêmes d'un État à l'autre : les langues malaises, comme celles des Philippines et du Vietnam, sont romanisées ; les écritures d'origine indienne dominent la péninsule indochinoise, sans être pour autant identiques les unes aux autres ; les idéogrammes chinois fleurissent partout et l'écriture arabe constitue un environnement familier dans les pays musulmans de la région. Il n'est pas étonnant que dans ces conditions l'ASEAN ait adopté l'anglais comme langue de fonctionnement.

Denys Lombard complète l'analyse de cette diversité en parlant de «strates»7, de couches de cultures plus ou moins anciennes, inégalement empilées les unes sur les autres et dont les affleurements, un peu comme sur une carte géologique, constituent la réalité actuelle. En tout état de cause, pour lui, c'est un véritable «défi que jette l'ASEAN : la possibilité d'une communauté où se trouveraient massivement représentées toutes les grandes cultures» de la planète8. Les grandes religions sont en effet pratiquement toutes présentes : christianisme aux Philippines, accessoirement au Vietnam ; bouddhismes («Grand» et «Petit Véhicule») dans la péninsule indochinoise ; islam en Malaisie et surtout en Indonésie, le plus grand pays musulman de la planète, touché lui aussi par le «renouveau islamique». L'islam a, aussi, longtemps nourri aux Philippines l'insurrection du sud contre le pouvoir central. Pour les mêmes raisons, si le calendrier occidental a fini par s'imposer, les repères traditionnels dans le temps ne sont pas partout identiques, selon que les sociétés se situent dans l'un ou l'autre des grands calendriers. La date des grandes fêtes, celle du Nouvel an traditionnel par exemple, varie elle-même en fonction de ces temps multiples. Chaque peuple a d'ailleurs appris à penser différemment, à la lecture des grands romans chinois pour les uns, au contact des grandes épopées indiennes, comme le Ramayana, pour les autres, sans parler des Évangiles, des œuvres de Victor Hugo ou de celles de Lénine.

Il est cependant un autre élément que tous ces sociétés semblent avoir en commun, sans quoi sans doute elles n'existeraient pas : leur faculté d'assimilation des apports étrangers. Il est sans doute significatif que le bouddhisme du «Petit Véhicule», considéré comme le plus proche de celui d'origine, précisément apparu en Inde, ait disparu

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