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Crépuscule des nations occidentales, aube d'une Afrique nouvelle ?

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Fait partie d'un numéro thématique : Colonisations en Afrique 
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Crépuscule des nations occidentales aube d'une Afrique nouvelle ?

1. A.N.S.O.M., Aff. Pol., 634, dos. 8 mission Bour- geois-Gavardin.

2. A.N. Papiers Boisson, 367 mi/6, pièce 961 , déclaration du Gouv. Cayla du 4/5/1946.

3. A.N.S.O.M., Aff. Pol., 889, dos. 2 et 4 ; A.N. Papiers Boisson, 367 mi/6, pièce 968, témoin à décharge.

4. A.N. (microfilm Arch, du Sénégal) 200 mi/229, fonds moderne A.O.F. serie

G, 17G/14, le S.O.L.

5. A.N.S.O.M., Aff. Pol., 2286, dos. 14, pièce 12.

6. Il y eut 19 249 condamnations en 1 941 , 26 567 en 1942, 23 247 en 1943. L'arrivée des gaullistes se traduisit par une décrue des sentences : 19 146 en 1944 et 17 492 en 1945 (annuaire statistique de l'A.O.F.).

Après la Première Guerre mondiale, le trait dominant de la vie politique en A.O.F. consistait dans une demande d'égalité formulée par une élite africaine, scolarisée, numériquement restreinte et concentrée principalement au Sénégal, au Dahomey et dans quelques villes des autres colonies. A cette revendication croissante dans l'entre-deux-guerres, le Front populaire apporta quelques réponses qui ne mirent pas en danger la pérennité de l'œuvre coloniale.

La Seconde Guerre mondiale modifia définitivement les conditions de la vie politique en ce sens qu'une quadruple redistribution eut lieu : d'abord au sein de la communauté française d'Afrique, puis, entre la France et les pays anglo-saxons, ensuite, entre le colonisateur et les colonisés, et enfin, à l'intérieur même des forces politiques africaines. Face à ces transformations, les coloniaux eurent le sentiment que le socle supportant un édifice colonial déjà centenaire allait s'écrouler. Privée d'Empire, la métropole perdait à tout jamais la possibilité de retrouver son rang de grande puissance. Dans ces vacillements, quel avenir pouvait se dessiner pour l'Afrique ?

L'état de choc

La défaite plongea les Français d'A.O.F. dans un désarroi profond : l'effondrement militaire avait eu lieu avant qu'ils aient été mobilisés. La première réaction fut d'abord de refuser cette démission et dans plusieurs colonies, en Côte d'Ivoire, en Guinée, au Togo et au Niger des comités regroupèrent civils et militaires, Français et Africains, pour poursuivre la guerre1. L'Angleterre et la British West Africa (B.W.A.), avec lesquelles la France entretenait de bonnes relations depuis 1936, pouvaient soutenir l'effort de guerre des colonies françaises ; le gouverneur général L. Cayla avait pris contact avec le consul britannique à Dakar pour obtenir du matériel et un soutien financier2 et tous les espoirs étaient encore permis. L'échec de la constitution d'un «bloc africain» regroupant les différentes possessions françaises d'Afrique et l'arrivée de Pierre Boisson mirent un point final à ces espérances. Le gouverneur Boisson aligna sa position sur celle de Noguès, gouverneur de l'Algérie, et choisit de maintenir l'A.O.F. dans le camp du maréchal Pétain. Cette décision ne suscita pas l'enthousiasme et, dès juin 1940, les départs individuels ou collectifs de coloniaux vers la B.W.A. commencèrent. Beaucoup hésitaient. Les bombardements sur Mers-el-Kébir et Dakar, le

liement de l'A.E.F. au général de Gaulle et l'échec des opérations de reconquête du Gabon constituèrent une série de chocs qui déterminèrent les choix politiques individuels : dans leur grande majorité, les Français d'A.O.F. se résignèrent et acceptèrent la situation créée par la défaite.

La décision du gouvernement général de Dakar, isola l'A.O.F. désormais prise en tenaille entre l'Afrique britannique et l'A.E.F. «dissidente». Il se développa parmi les militaires une véritable psychose de l'agression et un sentiment permanent d'insécurité. Parallèlement, le gouvernement de Vichy, qui ne cessait dans les discours de rappeler sa souveraineté sur l'Empire, n'exerçait qu'un contrôle relatif sur ces territoires du fait de la rareté des communications. Malgré la mise en place d'un arsenal de mesures répressives, il ne put empêcher le développement de résistances contre l'idéologie ou les méthodes qu'il déploya.

Vichysme et Résistance en A.O.F

Cette distanciation avec la métropole permit à Pierre Boisson de disposer d'une certaine autonomie. Il refusa la politique de collaboration avec l'Allemagne que le gouvernement de Vichy lui proposait, puis tenta de lui imposer à partir d'avril 1942. L'application des lois contre les Juifs et les francs-maçons s'effectua avec modération : le recensement des Israélites promulgué en A.O.F. le 8 novembre 1 940 n'aboutit à la production de statistiques qu'en janvier 1 942 ; ceux qui occupaient des fonctions interdites à partir de 1 941 furent placés à des postes moins voyants ou soustraits à l'application de la loi3. Cette modération suivait une logique politique : ni les Juifs, ni les francs-maçons ne constituaient une menace pour la cohésion de la fédération, principal souci du gouvernement général.

La formation des groupements pétai- nistes et la propagande, visaient les mêmes buts et trouvèrent des adeptes. Tracts, affiches et photographies du vainqueurde Verdun inondèrent l'A.O.F.. Radio-Dakar et le journal Paris-Dakar rediffusaient des nouvelles de Paris ou d'Alger. Le scoutisme se développa comme instrument d'encadrement de la jeunesse ; le mouvement légionnaire fut destiné, dans un premier temps, à rassembler la communauté française autour du chef de l'Etat et, dans un second temps, à lui inculquer l'esprit de la Révolution nationale. L'administration

ragea ces mouvements auxquels elle assigna d'abord une fonction sociale de solidarité : ils organisaient les collectes en faveur des prisonniers, des veuves de guerre, des orphelins ou encore soutenaient l'action d'œuvres d'assistance comme le Secours national et la Croix rouge. Possédant généralement une famille en France, les coloniaux étaient très préoccupés par les dures conditions de vie des métropolitains, notamment de la zone occupée, et ils participèrent généreusement à ces opérations de solidarité. Avec le retour au pouvoir de Laval, en avril 1942, la Légion changea de nature. Triés parmi les légionnaires, les S.O.L. (Service d'ordre légionnaire) remplirent un rôle semblable à celui de la milice en France. Ils envoyèrent à Vichy des listes de dénonciations de fonctionnaires jugés politiquement incertains, de Juifs, de gaullistes ou d'étrangers «suspects». Au moment du débarquement anglo-américain en Afrique du Nord, les S.O.L. du Dahomey et du Sénégal, se déclaraient prêts à combattre tout débarquement en A.O.F. et les autorités locales leur distribuèrent des armes4. Cette fascisation resta un fait très minoritaire, provoquant la démission d'une partie des membres de la Légion dont celle du gouverneur général, qui en était le président. La Légion devenait désormais un facteur de polarisation de la communauté française entre Vichy et la Résistance au lieu d'être un élément de sa cohésion.

Il est difficile, faute de source, d'estimer le nombre de «vichystes» en A.O.F., qu'ils soient partisans actifs de la Révolution nationale et membres des S.O.L. ou simplement favorables à un régime d'ordre. Le régime de Vichy put compter sur le soutien des militaires scandalisés par les «agressions» britanniques, et d'une grande part des colons encore hantés par le souvenir du Front Populaire. Le clergé aussi prêchait la fidélité au Maréchal et dans nombre d'écoles, son œil bleu veillait sur le travail de milliers d'élèves5.

S'inscrivant dans la même logique de cohésion politique, la répression exercée contre les gaullistes et les résistants fut très sévère : il fallait empêcher de provoquer la «dissidence» partielle ou totale de l'A.O.F.. Le pouvoir politique se dota de redoutables moyens législatifs de cœrcition et créa, à Dakar, des tribunaux militaires pour juger les «traîtres», infligeant des sentences d'emprisonnement, d'internement dans des camps et d'exil hors d'A.O.F.6.

Les Africains, soumis à un effort de guerre intensif, subirent une pression économique plus forte qui alimenta une

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