LA BAIE DE FRÉJUS : 2 000 ANS D’ÉVOLUTION DU RIVAGE
Olivier Cohen * M
1/ 1997
Voltaire fut un grand écrivain et un brillant philosophe. Il n’aurait, hélas, peut-être pas fait un bon géographe. En effet, la citation mise en exergue nous montre qu’il partageait une idée erronée, pourtant communément admise par le grand public et reprise par certains scientifiques peu attentifs à la réalité des choses : depuis 2 000 ans, le port romain de Fréjus (fondée en 49 av. J.-C.) aurait été isolé de la mer par une avancée du rivage de plus d’un kilomètre (et même de deux lieues, soit 8 kilomètres pour Voltaire !) Cet article se propose de corriger cette idée fausse par le biais notamment d’une lecture géomorphologique de cartes anciennes, rendant possible la mise en place d’une cinématique de l’histoire du rivage de la baie. Celle-ci est basée sur des documents archéologiques, cartographiques et géomorphologiques. Elle permet d’estimer l’évolution de la position du rivage, d’obtenir quelques indications sur la dynamique sédimentaire passée et de déterminer la nature des nombreuses zones humides de ce littoral.
Présentation du site
La baie de Fréjus se situe dans l’Est varois (fig. 2), au débouché de la plaine alluviale de l’Argens. L’altitude moyenne de celle-ci est de 2 m entre le site de l’ancien port et le rivage actuel. La lanterne d’Auguste (un amer, vestige le plus remarquable de l’ensemble) est distant de 1 100 m de la côte (fig. 1). Au fond de cette baie s’étend un cordon sableux de 6 km, délimité par les pointements rocheux des Maures et de l’Estérel. Ce cordon est interrompu en son milieu par l’embouchure commune de l’Argens et du Reyran. De nombreuses zones humides se situent directement en arrière du cordon dans les espaces encore non urbanisés; la plus remarquable est le complexe des Étangs de Villepey.
O. Cohen 6 Mappemonde 1/ 97 APPE ONDE
* Université du Littoral -Département de Géographie, 2 Chaussée des Darses -59140 Dunkerque. Tél. 03 28 23 74 80, Fax 03 28 66 15 69
«La mer, en cinq cents années de temps, s’est retirée d’Aigues-Mortes, de Fréjus, de Ravenne, qui étaient de grands ports, et a laissé environ deux lieues de terrain à sec. » Voltaire,
Dictionnaire Philosophique, article «inondation » .