Claude Muller Université de Haute-Bretagne (Rennes 2)"
L'ASSOCIATION NÉGATIVE
Le français écrit (et oral à l'exception du registre familier) utilise une négation à deux termes dont on va décrire la syntaxe dans le cadre (nécessairement restreint) de cet article. Nous nous intéresserons surtout aux propriétés des phrases négatives combinant ne à un autre terme que pas, dans un rapport complexe de corrélation (« l'association négative »). On essaiera de montrer que la même relation (ou plus exactement une relation inverse) s'établit dans les constructions à ne « explétif ».
Le cadre de cette analyse est la théorie transformationnelle (non chomskyenne) brièvement (et très grossièrement) résumée ci-dessous (cf. les références du § 1.1). Notre perspective est synchronique, mais certains usages dialectaux ou disparus (à cet égard, la diachronie introduit à d'autres dialectes) sont mentionnés au fil du texte.
1. Le cadre syntaxique
1.1. Généralités
Cette analyse s'inscrit dans un cadre inspiré par la grammaire transformationnelle de Harris (1970, 1976), dont une présentation a été donnée récemment dans cette revue par A. Daladier (1980). Cette théorie est moins élaborée que la théorie chomskyenne, mais présente (à mon avis) une solution plus homogène et plus linguistique des relations entre la syntaxe des phrases et la fonction predicative de la langue (cf. Langages, n" 63 (1981), notamment l'article de M.Gross (1981)); la syntaxe profonde est vue ici non comme un donné inexplicable, mais comme le produit d'une projection du niveau prédicatif dans la séquence ordonnée, linéaire, de l'énoncé en langue. Ce niveau prédicatif n'est pas une repré-
* Je remercie pour leurs critiques et suggestions sur une première version de ce texte : Maurice Gross, ainsi que Benoît de Cornulier, Richie Kayne et Nicolas Ruwet.
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