Les signes et le visage. Étude sur les représentations de Louis II de la Trémoille *
par Laurent Vissière
Quand j’ay tout painct et tout ymaginé, La mort terrible a brouillé mes couleurs 1.
Longtemps décrié en France, le genre biographique s’est profondément renouvelé durant ces dernières années. Même si l’on commence aussi à prêter quelque attention aux portraits qui peuvent subsister de personnages anciens, ils ne sont le plus souvent mentionnés dans une biographie qu’à titre anecdotique, ou, au sens premier, illustratif 2. À quoi peut bien servir un portrait d’ailleurs ? Il donne à voir le physique d’un personnage, à condition, cela dit, qu’il représente bien un individu et non un statut ou une fonction. Il donne à voir aussi un caractère ¢ c’est du moins ce qu’ont affirmé à la Renaissance les premiers grands collectionneurs de portraits, tels Paolo Giovio, Giorgio Vasari et André Thevet 3 ¢, thèse ensuite reprise comme un leitmotiv 4. Défini de cette manière, le portrait ressemblant revêt donc un aspect purement anecdotique d’un côté, et de l’autre, un aspect physiognomonique auquel on ne croit plus.
* Cet article reprend et corrige la partie iconographique de la thèse de doctorat, que j’ai soutenue en décembre 2001, sous la direction du professeur Philippe Contamine, Louis II de La Trémoille (1460-1525), ou le dernier Moyen Âge, 3 vol. Ce travail a été publié ensuite aux Éditions Honoré Champion (‘ Sans poinct sortir hors de l’orniere’. Louis II de La Trémoille (1460-1525), Paris, 2008), mais sans la partie iconographique. Je tiens à remercier ici Philippe Contamine, qui m’a suivi tout au long de mes recherches et m’a ouvert les pages du Journal des Savants.
1. Jean Molinet, «Épitaphe de Simon Marmion, paintre » , dans Les Faictz et dictz, éd. N. Dupire, Paris,
1936-1937, 3 vol., t. II, p. 824. 2. Sur la question de la biographie, Fr. Dosse, Le pari biographique. Écrire une vie, Paris, 2005. 3. P. Eichel-Lojkine, Le siècle des grands hommes : les recueils de vies d’hommes illustres avec portraits du
XVI e siècle, Louvain-la-Neuve, Paris, 2001 ; Fr. Lestringant, André Thevet, cosmographe des derniers Valois,
Genève, 1991. 4. Cf. J. Pope-Hennessy, The Portrait in the Renaissance, Princeton, 1989, 2e éd. L’idée d’un «portrait caractère » présente plusieurs inconvénients : exprimée tardivement, au cours de la Renaissance, elle ne peut rendre compte des premiers portraits médiévaux, mais elle n’explique pas non plus l’extraordinaire vogue des portraits au xvie siècle (cf. D. Olariu, «Réflexions sur l’avènement du portrait avant le xve siècle » , dans Le portrait individuel : réflexions autour d’une forme de représentation du XIII e au XV e siècle, dir. D. Olariu, Berne,
2009, p. 83-103).
