LA COMPOSITION DES DIALOGUES PYTHIQUES DE PLUT ARQUE ET LE PROBLÈME DE LEUR UNITÉ
Y a-t-il un lien étroit entre les trois œuvres que nous appelons Dialogues pythiques (Sur VE de Delphes, Sur les oracles de la Pythie, Sur la disparition des oracles) ? Cela paraît a priori plausible si l'on tient compte du fait que cette appellation vient directement du texte de Plutarque 1 . Mais tire-t-elle son origine de la seule localisation géographique des trois dialogues (Delphes), ou doit-on supposer également entre eux une parenté d'inspiration, comme pourrait le suggérer la dédicace à Sarapion, au début du De E delphico ? La question est inséparable de celle qui porte sur la composition et l'unité de ces œuvres : peut-on déterminer dans chacune un thème central, autour duquel s'organiserait l'ensemble, ou leur contenu a-t-il au contraire la variété et l'hétérogénéité des conversations qu'elles sont censées reproduire ? Le problème, qui s'est également posé pour d'autres œuvres de Plutarque2,
1. Cf. De E delphico, 384 E 5-6 (éd. Flacelière, comme dans toutes les citations qui suivront) : 'Eyw yoûv jzpòc, ah [Sarapion] xal Sià aoû toïç ocùtóOi. cpîXoiç twv FluOtxwv Xóycov svtouç wc~£p i.Tzxp~/_à.ç àrcoCTTéXXcav x.t.X. Si l'on peut déduire de la phrase qu'il a existé, au strict minimum, trois HuOlxoî Xóyoi — sinon, le premier envoi n'aurait pu en comporter déjà plusieurs, èvtouç... — elle ne garantit, en revanche, que la seule appartenance du De E au groupe d'écrits mentionnés. Mais, si l'on ne peut être sûr que le De Pyth. orac. et le De defectu aient fait partie de ce premier envoi, leur appartenance aux Iluoixoi Xóyoi est rendue quasi certaine par l'insistance de leurs prologues respectifs sur le cadre delphique (cf. 394 D 2, 395 A 9, 409 E 2, 410 A 4). Ajoutons que les rôles réservés, dans l'un, à Sarapion, dans l'autre, à Ammonios, permettent de les rapprocher l'un et l'autre du De E. Voir également ci-dessous, p. 193 avec note 22, et note 58. Sur les autres écrits qui peuvent avoir fait partie des IIu6txol Xóyot, voir K. ZiEGLER, Fiutar chos von Chair oneia, 2e éd., Stuttgart, 1964, 192, 24-58.
2. Voir le cas typique du De genio Socratis, dont j'ai tenté de montrer la composition unitaire, généralement méconnue, dans le Bulletin de l'Association G. Budé, 1984, 1, p. 51-76. Cette interprétation, acceptée par P. L. Donini (« Lo sceticismo academico, Aristotele e l'unità della tradizione platonica secondo Plutarco », dans Storiografia e dossografia, a cura di G. Cambiano, Torino, 1986, p. 214; cf. « Science and metaphysics. Platonism. Aristotelianism, and Stoicism in Plutarch's On the Face of the Moon », dans The Question of « Eclecticism ». Studies in Later Philosophy, ed. by J. M. Dillon and A. A. Long, Berkeley-Los Angeles- London, 1988, p. 140, avec note 24), a été critiquée par A. Barigazzi, « Una nuova interpreta- zione del De genio Socratis », Illinois Classical Studies, 13, 2, 1988, p. 409-425, avec des arguments qui ne m'ont pas paru convaincants, mais qui, en tout état de cause, ne remettent pas en question l'unité du dialogue.
