La place de l'agriculture dans l'économie

du Royaume-Uni

Au moment où s'engagent des négociations en vue de l'adhésion du Royaume-Uni à la Communauté économique européenne, le problème de l'agriculture britannique est, de l'avis général, parmi les plus ardus à résoudre; de nombreux experts craignent même qu'il ne rende tout accord impossible, à moins d'une refonte complète de certains articles du Traité de Rome. Un autre problème, celui des futurs échanges commerciaux entre un Royaume-Uni intégré à l'Europe et les trois plus anciens dominions séparés de la métropole par une haute barrière douanière vient compliquer le précédent, tant sont étroits les liens entre la politique agricole et la politique des importations de denrées alimentaires. En effet, par sa structure, sa contribution à l'économie nationale, par la sollicitude dont l'entoure le gouvernement, l'agriculture britannique ne ressemble en rien à celle des pays du Marché commun.

I. — Une agriculture industrialisée à hauts rendements

En dépit de l'omniprésence de l'industrie, de l'étalement des villes et de la forte densité des voies de communication, l'agriculture utilise encore, et de loin, la plus grande partie du territoire national : 50 % si l'on ne considère que les champs, prés, vergers, pépinières, etc.; 80 % si l'on y ajoute les landes et pacages de montagne.

Cet espace est partagé entre un nombre relativement faible d'exploitations, aux champs plus vastes et de formes moins tourmentées que sur le continent européen. Il n'est pas rare, aujourd'hui encore, qu'un seul propriétaire possède toute l'étendue d'une paroisse ou de plusieurs; il a tout intérêt à la diviser en quatre ou cinq fermes assez grandes, aux champs géométriques et contigus, bien adaptées au travail mécanisé. Le remembrement, si délicat et si lent sur le continent, a été opéré en Angleterre par la contrainte, du xvie au début du xixe siècle, quand les landlords ont regroupé et enclos les terres d'openfield. Les paysans évincés et les cadets de la noblesse ont dû chercher des emplois dans la marine, le commerce, l'industrie, ou aux colonies; l'allégement des densités rurales a permis d'éviter le morcellement des exploitations, et le droit d'aînesse a maintenu intacte la grande propriété. Les droits de succession, de plus en plus lourds après 1910 ont certes favorisé l'éclatement des plus grands domaines, mais s'ils le peuvent, les héritiers préfèrent sacrifier le château et garder la terre. D'ailleurs la régression de la grande propriété a eu peu d'influence sur la taille moyenne des exploitations, extraordinairement stable, en Angleterre tout au moins; mises en vente, elles sont souvent acquises en entier par le fermier exploitant; de là un léger progrès du faire-valoir direct. La surface moyenne de l'exploitation dépasse donc celle du continent : Galles 20 ha; Angleterre 28 ha; Ecosse orientale et méridionale 53 ha (1). Ce n'est pas démesuré : 650 exploitations seulement dans tout le Royaume-Uni ont plus de 400 ha, toutes en Angleterre et Ecosse. Mais que l'on compare avec les 15 ha de la France,, les 16 ha du Danemark, les 11,5 ha des Pays-Bas (exploitations horticoles exclues) ou les 6 ha