Plan

Chargement...
Couverture fascicule

Créole, créoles français et théories de la créolisation

[article]

Année 2000 85 pp. 33-38
doc-ctrl/global/pdfdoc-ctrl/global/pdf
doc-ctrl/global/textdoc-ctrl/global/textdoc-ctrl/global/imagedoc-ctrl/global/imagedoc-ctrl/global/zoom-indoc-ctrl/global/zoom-indoc-ctrl/global/zoom-outdoc-ctrl/global/zoom-outdoc-ctrl/global/bookmarkdoc-ctrl/global/bookmarkdoc-ctrl/global/resetdoc-ctrl/global/reset
doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw
Page 33

CREOLE, CRÉOLES FRANÇAIS ET THÉORIES DE LA CREOLISATION

Daniel VERONIQUE

Le terme « créole », dont l'emprunt à l'espagnol et au portugais est consacré par le Dictionnaire de Richelet de 1680, semble attesté en français dès 1 649 (Hazaël-Massieux 1 996 : 16) et courant à partir de 1670 (Vintila-Radulescu 1975 : 56). Il a d'abord désigné les habitants des territoires coloniaux, nés aux îles, sans doute initialement métis, et a été employé dans cette acception comme substantif et comme adjectif. Il s'est appliqué par la suite aux façons de parler particulières des colonies. Les premières mentions de tels parlers dans les colonies insulaires françaises les désignent sous les appellations de « baragouin », de «jargon » de «langage nègre» ou encore de «patois nègre». Il faudra attendre la fin du dix-huitième siècle pour voir apparaître « langage créole », « patois créole » et enfin « créole » (cf. Prudent 1993, Hazaël-Massieux 1996). Les premières désignations signalées supra ont plutôt eu cours dans les colonies atlantiques alors que les dernières sont usitées dans les deux zones creolophones. D'ethnonyme colonial, « créole » est donc devenu glossonyme pour aboutir enfin dans le vocabulaire technique linguistique, à la fin du siècle dernier. Comme le rappelle Vintila-Radulescu 1975 : 58, le cheminement de « créole » vers son emploi en linguistique a été plus complexe que ne l'indique l'esquisse qui précède.

Les langues créoles, sources de dénigrement et d'émerveillement, objet de disputes entre locuteurs, et entre linguistes, s'inscrivent de façon polémique dans la linguistique émergente de la fin du dix-neuvième. Elles interrogent les théories génétiques dominantes et alimentent des discussions sur la « mixité » des langues, sur le rôle du substrat et sur la simplification, (Baggioni 1986 : 372 et suiv.), discussions toujours aussi âpres de nos jours, et dont on retrouve les traces dans ce dossier.

Il est difficile d'évoquer l'émergence et le développement socio-historique des créoles et leurs éventuelles spécificités sans prendre parti par la même occasion en faveur de l'une ou l'autre des théories de la créolisation. Dans ce qui suit, nous nous efforcerons de fournir quelques indications sur la genèse des créoles français, de caractériser les langues dites créoles, et d'esquisser les grandes lignes de quelques théories de la créolisation, sans viser à l'exhaus- tivité.

1. Les conditions sociales d'émergence des langues créoles : l'exemple des « créoles français »

Lors de l'expansion coloniale européenne, des situations asymétriques de contact s'instaurent entre commerçants et colons européens d'une part, et population non européenne d'autre part, autour des postes commerciaux en Afrique et dans les exploitations agricoles du Nouveau Monde à partir du quinzième siècle, ou à bord des navires qui sillonnent le Pacifique au dix-huitième et au dix-neuvième siècles (Bickerton 1 986a). Ces situations endogènes - les locuteurs creolophones (ou en passe de le devenir), qui sont en relation avec le groupe colonial, sont en minorité par rapport à la masse alloglotte ; c'est la situation des comptoirs africains - et exogènes - les groupes humains en contact ont été déplacés de leurs lieux d'origine, et les creolophones y sont devenus ou sont en train d'y devenir majoritaires ; ce sont les situations insulaires - (Chaudenson 1979) présentent une grande diversité sociolinguistique. Des «jargons », des premiers états de langues créoles, y apparaissent. Ces variétés linguistiques sont souvent diffusées d'un lieu de colonisation à l'autre (Arends ed. 1995, Mufwene 1996).

La naissance des créoles français est liée à la création des premiers établissements coloniaux français. Voici une liste non exhaustive de colonies devenues sites de créoles français, et leur date d'installation : St Christophe/St Kitts (1 627), Guadeloupe et Martinique (1635), Louisiane (1672-1763), St Domingue/Haïti (1659-1804), Bourbon/Réunion (1665), île de France/Maurice (1721-1814), Seychelles (1770-1814). Selon Bollée et Neumann-Holzschuh 1993, les différents créoles français manifestent les mêmes tendances évolutives. De plus, elles partagent une certaine parenté lexicale et grammaticale Cependant ces langues ne sont ni intercompréhensibles ni linguistiquement identiques.

Identifiant plusieurs aires dans le domaine des créoles français, Valdman (1978) oppose des créoles conservateurs, proches du modèle français - ceux de l'océan Indien par exemple - et des créoles innovateurs, comme le haïtien ou les créoles des Petites Antilles. Valdman distingue au moins deux zones linguistiques : la zone américano-caribéenne avec une subdivision entre Louisianais et Haïtien et créoles des Petites Antilles (Guadeloupe et Martinique) d'une part, (le créole de Guyane semble constituer une variété intermédiaire entre les créoles précités), et la zone de l'océan

L'Information grammaticale n° 85, mars 2000

33

doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw
doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw
doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw
doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw
doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw