I hommes & migrations n°

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Revue de presse

La littérature -une certaine littérature -serait-elle supérieure à toute autre discipline pour dire les transformations à l'œuvre dans le quotidien de nos contemporains et accessoirement rappeler l'humanité à quelques évidences ontologiques ?

Michel Le Bris, ci-devant "Mao Spontex" (difficile de résister à ce parfum d'un autre âge), instigateur de La Cause du peuple et à l'origine, avec d'autres, de Libération, est surtout connu aujourd'hui comme écrivain et comme le créateur et l'animateur du festival des Étonnants voyageurs de Saint-Malo, dont la 19e édition célébrait cette année le thème de la "migration". Michel Le Bris donc, à propos de l'idée de "littérature-monde", d '"une littérature soucieuse de dire le monde ", confiait justement que "ce qu'elle dit aujourd'hui, cette littérature du monde, me paraît toujours beaucoup plus fort que ce que peuvent en dire les essayistes, les économistes, les politiciens. . . Ce sont les artistes qui donnent à voir le monde nouveau. {. . .] Le roman est la forme qui rend le mieux compte de la réalité du monde d'aujourd'hui, qui est une réalité d'identités, à la fois brisées, recomposées, multiples. Jamais, dans l'histoire de l'humanité, l'humanité n 'a connu de migrations aussi fortes. Il y a des télescopages invraisemblables de cultures, c'est comme dans un grand cratère où tout se trouverait mêlé, des identités se détruisent, d'autres se recomposent. .. Et le roman est capable de rendre

compte de ça. Chaque personne, se retrouvant en fait à vivre en même temps des identités différentes, superposées fragmentaires, doit inventer le récit qui va articuler tout ça en une forme cohérente qui sera sa manière d'habiter le monde là où il est.'"

Dire le monde nouveau

Ainsi Aimé Césaire se rebiffa-t-il pour "ramasser le mot nègre et le porter en étendard'*1. Plus que pour défendre sa liberté, ce fut justement "pour réaffirmer son humanité'*' qu'il renvoya à la gueule des racistes -des "cons", disait le poète -le mot de "négritude". Le poète -qui s'est éteint le 1 7 avril dernier -, en réaffirmant son humanité, révélait aussi à ses contemporains une part de ce "monde nouveau" dont parle Michel Le Bris.

"C'est ne rien savoir de l'œuvre de Césaire que de la penser soucieuse d'être défendue, célébrée, avivée. Elle est là. Elle irrigue non seulement notre esprit, mais aussi notre rapport au monde, mais les combats que nous menons et dans lesquels nous recherchons encore la plus juste posture. "4 . Aimé Césaire fut honoré. our son ultime voyage, et après Victor Hugo, Paul Valéry et Colette, le poète martiniquais eut droit à des obsèques nationales.

Tous s'y pressèrent. Personne, à l'exception du vieil ami Pierre Aliker, ne fut autorisé à prononcer de discours.