Histoire & Mesure, 1989, IV-3/4, 267-302
Micheline BAULANT
L'appréciation du niveau de vie. Un problème, une solution
Le dépouillement et l'analyse de centaines d'inventaires mobiliers sont propres à convaincre tout historien de la difficulté de synthétiser les multiples indications qu'ils contiennent et d'évaluer, à travers cette source, non pas la richesse des familles mais le degré de bien-être auquel elles pouvaient accéder. On s'est proposé, pour répondre à cette question, de construire un indice du niveau de vie permettant de dégager les principaux changements survenus au cours des XVIF et XVIII° siècles, de mesurer les contrastes ou les décalages possibles entre ville et campagne, et même de caractériser les comportements spécifiques de divers groupes humains (cette dernière expression est utilisée à dessein).
A cet effet, cinq listes d'objets ou de caractéristiques ont été dressées. Chaque liste constitue une Série à laquelle a été attribuée une note sur 20, proportionnelle au nombre de critères présents dans un inventaire donné. Le total des cinq notes constitue Y Indice de Niveau de Vie (évalué sur 100).
Deux de ces listes rassemblent des objets destinés à l'usage quotidien : sièges, tables, éclairage, cuisson des aliments, literie, et représentent l'essentiel de ce qui peut apparaître dans une demeure aux XVII° et XVIir siècles. Les autres séries consacrées au confort, au luxe et à la civilisation regroupent, à côté d'objets moins répandus, des indications touchant aux activités intellectuelles et artistiques, et constituent une sorte de superflu.
L'efficacité d'un tel indice comme outil d'analyse demandait à être éprouvée sur un échantillon suffisant d'inventaires. Pour cet essai, on a choisi la région de Meaux : ville et campagnes environnantes, et deux périodes : 1598-1650 et 1751-1790. A chaque période, on a rassemblé des inventaires d'habitants de Meaux, riches ou moins riches, et de campagnards des alentours, laboureurs ou simples paysans répartis en quatre groupes ; en tout 209 inventaires dans lesquelson a noté la présence ou l'absence des critères de chaque série. Les réponses positives obtenues pour chaque individu ont été comptabilisées par période et par groupe, et traduites en graphiques. A partir de ces tableaux et de ces graphiques, on a analysé la composition des groupes et comparé l'évolution de leur niveau de vie.
Sur la base des résultats moyens obtenus et des fourchettes constatées, on a pu étalonner une échelle utilisable pour situer une personne ou un groupe.
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