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L'INVENTION DU PUBLIC DES ARCHIVES D'ENTREPRISES

C'est un rôle d'avant-garde, et à tout le moins inédit, que l'on donne aux archives d'entreprises en leur prêtant la faculté d'avoir, ces dernières années, inventé, c'est-à-dire créé, leur public. L'invention suppose une démarche active de prospection, idée qui est apparemment étrangère aux archives publiques ; en effet, lors d'une enquête menée en 1980 *, l'Association des archivistes français (AAF), toutes sections confondues, constatait et regrettait l'impossibilité de mener des actions de prospection auprès du public ; une des raisons invoquées à l'époque pour cette impuissance étant le manque de moyens, on peut penser que la situation n'a pas beaucoup évolué depuis, malgré l'embellie budgétaire des années 1980 et même si quelques percées ont été réalisées auprès des scolaires et des nouveaux publics. Voilà donc les archives d'entreprises promues au rang de défricheurs de publics. Nous nous proposons d'examiner la réalité de cette assertion, en éclairant tout d'abord la toile de fond sur laquelle évoluent les archives, en vérifiant ensuite la spécificité de l'approche du public par les entreprises et en terminant par les limites du phénomène et les perspectives d'évolution.

Les archives d'entreprises à la rencontre de leur public : un phénomène récent et encore limité

Un phénomène récent

Il est devenu classique de dater de la création du service des archives de Saint-Gobain en 1974 l'entrée des archives d'entreprises dans l'archivistique moderne — état supposant la nomination de professionnels et l'ouverture organi¬ sée vers l'extérieur. En 1980, au moment où l'AAF lançait son enquête sur les publics des archives, seule la Chambre de commerce de Marseille, rompue à l'accueil de chercheurs depuis longtemps, avait fourni une réponse pour le compte des entreprises. Depuis, la cohorte s'est renforcée, comme en témoigne l'accrois¬ sement continu de la section «archives économiques et d'entreprises » de l'AAF qui compte aujourd'hui plus de 150 adhérents. Toutefois, la conservation des archives dans ce secteur n'est pas structurée par des dispositions législatives et réglementai¬ res fortes, ce qui entraîne une très forte disparité d'organisation, de statuts, de rattachements.

L'essor des archives d'entreprises est indissociable de l'essor de l'histoire d'entreprise dans les années 1980, chacun alimentant désormais un cercle vertueux