Cahiers du Centre d’Études Chypriotes 45, 2015
MULTICULTURALITÉ À CHYPRE :
RÉALITÉ HISTORIQUE OU BESOIN POLITIQUE
Yiannis IOANNOU
Le terme de «multiculturalité » a été inventé pour rendre compte d’une notion qui constituait et constitue une réalité sociopolitique de plus en plus tangible. Une des critiques actuelles souvent violentes contre la multiculturalité vise à discréditer le concept même, sous prétexte qu’il ne serait qu’une invention des puissances qui dominent le monde actuel afin d’affaiblir une identité nationale moniste des peuples et ainsi de légitimer et entretenir leur suprématie sur le globe. Les adversaires de la multiculturalité, le plus souvent des héritiers de la tradition de l’État Nation, produisent des arguments qui relèvent de cette tradition afin de prouver la légitimité de leur prétentions essentialistes. Si, dans la diachronie, les concepts juridiques et politiques n’avaient pas pris soin de couvrir cette réalité, les sociétés actuelles ne peuvent plus se permettre d’ignorer que le contact, les influences et les relations entre les peuples et les cultures ne se limitent pas à des tangences ou des croisements de culture, étudiés comme contacts de l’extérieur, du style «telle civilisation a influencé telle autre » , mais va beaucoup plus loin, jusqu’au point de façonner les sociétés mêmes. Les approches analytiques du problème chypriote sont jusqu’à ce jour multiples. Je donne ici quelques expressions qui sont d’ailleurs, devenues des clichés : «Chypre au carrefour des civilisations » , «Chypre entre Orient et Occident » , «Chypre plaque tournante » , «la position stratégique de l’île » , «les intérêts géostratégiques dans la Méditerranée de l’est » , «la guerre froide » , sont quelques-uns des angles de vue adoptés pour jeter de la lumière sur le ou les conflits chypriotes et en approcher des aspects particuliers. Il reste toutefois vrai que le fait de chercher les causes d’un problème