Cahiers Glotz, XVII, 2006, p. 81-104 LAURENT LAMOINE
LA PRATIQUE DU VERGOBRET : LE TÉMOIGNAGE DE CÉSAR CONFRONTÉ AUX INSCRIPTIONS
1 D. Paunier dir., Celtes et Gaulois. L’archéologie face à l’histoire. La romanisation et la question de l’héritage celtique. Actes de la table ronde de Lausanne, 17-18 juin 2005, Glux-en-Glenne, 2006 (Bibracte, 12/ 5). On aurait pu penser que J. Harmand, «Une composante scientifique du Corpus Caesarianum: le portrait de la Gaule dans le Bello Gallico I-VII», dans ANRW, I, 3, Berlin-New York, 1973, p. 523-595 (part. à partir de la p. 558), et S. Lewuillon, «Histoire, société et lutte des classes en Gaule: une féodalité à la fin de la République et au début de l’Empire», dans ANRW, II, 4, Berlin-NewYork, 1975, p. 425-583, avaient épuisé le sujet.
2 M. Rambaud, L’art de la déformation historique dans les Commentaires de César, Paris, 1966.
3 La notice de P.-M. Duval, La Gaule jusqu’au milieu du Ve siècle, I, Paris, 1971, n° 72, p. 269-280, est encore utile; tout récemment, J.-L. Brunaux, Les druides, Paris, 2006, p. 199-223, revient sur la dette de César envers Poseidonios d’Apamée (première moitié du Ier siècle av. J.-C.), luimême tributaire d’auteurs plus anciens (du IIIe siècle), pour la rédaction de l’excursus ethnographique du livre VI.
L’objectif de cette étude peut se résumer aux deux questions suivantes. Avonsnous une connaissance de la pratique de gestion du chef local avant et pendant la romanisation de la Gaule ? Si la réponse est affirmative, pouvons-nous mesurer les changements opérés à l’époque romaine entre cette pratique et celle du magistrat municipal de type romain qui deviendrait alors la norme ? Ces questions sont encore actuelles, j’en veux pour preuve le choix du thème «romanisation et héritage celtique » pour la table ronde de Lausanne «Celtes et Gaulois » du printemps 2005 dont les actes ont été publiés en 20061. Je ne sous-estime pas la difficulté d’une telle recherche dont les écueils sont l’étroitesse et l’univocité du corpus documentaire, et l’écran que peut représenter la perception romaine des faits gaulois. En outre, depuis l’étude que Michel Rambaud a consacrée à «l’art de la déformation historique dans les
Commentaires de César » , il est de bon ton de se méfier du témoignage de César 2. Pourtant, cette méfiance extrême est stérile et stérilise la recherche. Rappelons-nous que la Guerre des Gaules n’est pas un bloc monolithique car, s’il est vrai que le livre VI, où l’on trouve rassemblées les considérations d’ordre général sur la Gaule et les Gaulois, reste fortement tributaire des lectures grecques, anciennes et déformantes parce que dépassées, du grand conquérant, les autres livres ont laissé une place plus grande à une information contemporaine plus directe 3.
