Couverture fascicule

Iconographie du Temps : l’horloge de la cathédrale de Strasbourg

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Année 2011 169-4 p. 354
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Des questions restent cependant ouvertes quant à cette oeuvre sans équivalent connu, car on ne peut être certain de l’emplacement exact du tympan (embrasure ou niche) et l’on ne sait en quoi consistait la prophétie d’Apollon (y avait-il une image dans une niche, comme à Stavelot ?). Faut-il se contenter de l’allusion au «Christ-Porte » du Salut, manifestement au coeur de la réflexion ? Le double message de renoncement aux honneurs et de triomphe du Christ, exprimé par des images vigoureuses et des allusions savantes, conviendrait assurément très bien au décor d’une école et les auteurs forment l’hypothèse que ce beau tympan ait pu appartenir à la porte d’un bâtiment destiné à l’enseignement, où les élèves s’initiaient aux maîtres latins, comme à l’apologétique chrétienne. – Isabelle Tassignon, B. Van Den Bossche, «Le tympan roman de la " prophétie d’Apollon " (Liège, musée Curtius). Antiquité et christianisme » ,

Cahiers de Civilisation médiévale, 54e année, janvier-mars 2011, p. 49-71. Pierre Garrigou Grandchamp ICONOGRAPHIE DU TEMPS : L’HORLOGE DE LA CATHÉDRALE DE STRASBOURG. – Avec sa curiosité habituelle d’esprit, Liliane Châtelet-Lange vient de scruter l’horloge de la cathédrale de Strasbourg, conçue par le mathématicien Conrad Dasypodius et réalisée entre 1571 et 1574, sous la conduite de l’architecte Hans Thoman Uhlberger, maître d’oeuvre de la cathédrale. Une description détaillée de cette horloge spectaculaire, placée dans le transept sud de la cathédrale, contre le mur oriental, présente tout d’abord ses éléments constitutifs : un soubassement abritant une petite salle voûtée, un grand corps central de 18 m de hauteur qui contient les rouages, encadré de la tourelle des poids à gauche et d’un escalier en vis, un peu en retrait, à droite. Sans aborder l’aspect mécanique, déjà étudié, l’auteur s’intéresse, en premier lieu, à la chronologie des travaux de la première horloge du XVIe siècle. En effet, l’horloge en bois de Dasypodius a succédé à une première horloge en pierre (elle-même destinée à remplacer une horloge médiévale à figures automates, dite «des trois rois » ). On avait coutume de dater de 1547 ce premier projet, élaboré par le médecin Michael Herr, et les deux mathématiciens Christian Herlin et Nicolaus Prugner, exécuté par Bernhard Nonnenmacher, maître d’oeuvre de la cathédrale. Grâce à une étude minutieuse, qui s’appuie sur les textes et sur l’archéologie, Liliane Châtelet-Lange démontre que la première horloge a été commencée dès le début des années 1530, sans doute par le cadran situé à l’extérieur du transept. Après une interruption de quelques années, les travaux ont repris en 1547 (d’où la confusion précédente), et se sont arrêtés avant leur achèvement. La seconde horloge s’est greffée sur la première, dont elle a conservé un certain nombre d’éléments. Une analyse très fine du décor (chapiteaux, colonnes, clef de voûte, sculpture en bas-relief ), permet à l’auteur de déterminer ce qui appartient à chaque campagne de travaux. Liliane Châtelet-Lange s’intéresse ensuite à l’aspect iconographique et étudie un bas-relief sculpté sur le linteau de la porte de l’escalier, datant de la première période de travaux, qui représente un enfant couché, la main gauche sur un crâne, la tête appuyée contre un sablier, entouré d’inscriptions en hébreu, grec et latin. Après un long développement sur ce thème iconographique né en Italie, elle met en évidence le caractère précoce de l’exemple de Strasbourg, au commencement d’une nouvelle tradition qui se diffusera en Allemagne dans la seconde moitié du XVIe siècle et au XVIIe siècle. Les inscriptions qui l’accompagnent se rapportent toutes à l’idée de la fragilité et de la futilité de la vie (Eccl. 3, 1-2 pour l’hébreu, extrait d’une ode de Pindare pour le grec, et inscription latine Homo Bulla,

qui renvoie à Épicure). Leur étude lui permet d’avancer l’hypothèse du rôle important joué, dans la conception de la première horloge, par Nicolaus Prugner, seul des trois humanistes qui en ont élaboré le programme à connaître l’hébreu et qui a pu s’inspirer d’Érasme pour le passage de Pindare et l’image de l’Homo Bulla.

Cette hypothèse est confortée par la lenteur des travaux qui pourrait s’expliquer par l’absence de Prugner durant une dizaine d’années (de 1537 à 1546), et par son départ définitif de Strasbourg en 1553. Après avoir analysé au plus près tous les détails des deux horloges, L. Châtelet-Lange propose une synthèse convaincante, sur le sens de ces deux monuments voués au Temps, chacun dans une acception différente. Le premier projet, élaboré par Herr, Herlin et Prugner, était conçu comme une métaphore de la mort. L’iconographie de la seconde horloge renvoie aux théories de Dasypodius, et à ses préoccupations sur le rang des arts, nées d’une curieuse symbiose entre le système des arts libéraux et les écrits de Vitruve. Pour lui, l’horlogerie était un art supérieur, faisant partie de l’architecture, «le premier et la reine de tous les arts » . Ce point éclaire les diverses évocations de l’architecte dans l’horloge. En effet, les armes de l’architecte Hans Thoman Uhlberger sont figurées au deuxième étage du corps central, et, de manière insolite, la statuette qui couronne l’édifice représente le même architecte, identifiable par un écu qui porte son signe lapidaire. Enfin, une représentation allégorique, peinte sur la tourelle des poids, sous la forme d’un trophée des arts, place au plus haut l’architecture. Ce trophée s’appuie sur deux putti qui renouvellent le thème de l’aveugle portant le paralytique, image que L. Châtelet-Lange interprète comme la personnification des arts spirituels et manuels oeuvrant ensemble, le «putto voyant » se rapportant à l’art de l’architecte qui inclue l’horlogerie. Le Temps ici, n’est plus celui qui passe et mène à la mort, mais celui de la durée de la mémoire et de la Renommée, apport humaniste à l’iconographie du Temps. – Liliane Châtelet-Lange, «Un monument auTemps. Architecture et humanisme à l’horloge astronomique de la cathédrale de Strasbourg » , Bulletin de la cathédrale de Strasbourg, 2010, t. XXIX, p. 9-28. Évelyne Thomas

Centre André Chastel (ERHAM)

De pictura ad architecturam

JAN VAN EYCK ÉTAIT-IL ARCHITECTE ? À

PROPOS DE LA REPRÉSENTATION D’UNE CATHÉ-DRALE DANS «LA VIERGE DANS L’ÉGLISE » . – En 2008, un colloque tenu à Berne était consacré à Charles le Téméraire et à ses relations avec la Confédération helvétique. Les actes de ce colloque, parus depuis peu, dont les contributions furent rédigées en grande majorité par des historiens de renom, sont consacrés à la personne du dernier des grands ducs, à ses activités politiques, à la mise en scène de son gouvernement au moyen du cérémonial et de la création artistique ainsi qu’à sa fortune dans l’historiographie. La contribution de Peter Kurmann sur l’architecture religieuse au temps de Charles le Téméraire et de ses prédécesseurs dans les anciens Pays-Bas et son reflet dans la représentation d’une «cathédrale » dans le célèbre tableau de Jan van Eyck conservé Berlin nous retiendra plus particulièrement. Dans la première partie, l’auteur résume sous des aspects nouveaux l’histoire de l’architecture des grandes églises construites aux XIVe et

XVe siècles en Flandre, dans le Brabant et le Hainaut. Il souligne à juste titre le caractère conservateur des grandes paroissiales et collégiales de ces régions, car elles adoptent généralement le type des cathédrales françaises du

XIIIe siècle avec choeur à déambulatoire et chapelles rayonnantes et construites selon une élévation tripartite du vaisseau central avec grandes arcades, triforium et fenêtres hautes. Ceci est d’autant plus remarquable qu’au Moyen Âge aucune de ces églises ne reçut le siège d’un 354 Chronique